Je ne sais pas où me mettre, j’ai la sensation que le moindre de mes gestes est déplacé. J’ai besoin d’air, et de m’habiller, surtout. Harmonie a raison, ce n’est ni l’endroit, ni le moment pour penser à parfaire ma garde robe.
Tu… tu penses vraiment que… que le rose pastel m’irait ?
Je n’attends même pas de réponse, mais me perds dans un imaginaire. Je ne me suis jamais vue porter une couleur, pas même pastel, et si j’avais eu à en choisir une, j’aurais probablement opté pour le bleu qui est celle du tatouage de l’Arauchrone que j’ai au front. Je ne laisse pas le temps à ma réflexion de se développer : Harmonie met de côté un haut pour moi, avant de me poser des questions sur Gus et d’écouter mes explications. J’ai un peu honte de ce que j’avoue, après tout, Harmonie a une réputation d’érudite, il est probable qu’elle me démasque sans même que je n’aie à prononcer un mot.
Oh, eh, ça va hein, c’est pas comme si t’avais tué son père. Et d’ailleurs, bon courage pour ça, si un jour l’envie t’en prends.
Je chasse mes pensées parasites stupides. Harmonie ne change pas de façon d’être avec moi, et ne réagit pas différemment : c’est bien la preuve qu’elle n’a pas compris ce que… je ressens pour elle, ou en tout cas, le trouble dans lequel elle me plonge.
Son envie d’en apprendre plus sur Gustave me fait sourire timidement. La présence de Gustave suscite beaucoup de questions auprès de tout le monde… ce qui ne m’a jamais vraiment dérangée, mais de savoir que c’est Harmonie qui est curieuse me réchauffe un peu le cœur. Je pourrais même presque aller jusqu’à dire qu’il s’emballe dans ma poitrine.
Mais Harmonie elle-même coupe court à la conversation pour rejoindre Ryuusei dans le couloir et le laisser un peu d’intimité pour que je puisse me changer. Les battements erratiques de mon cœur ne s’apaisent pas, mais cette fois, c’est de dépit et de déception. Entre la façon dont Ryu parle d’elle et ses étoiles dans les yeux à elle, il ne fait aucun doute qu’ils sont faits pour être ensemble. Et sincèrement, j’en suis heureuse pour eux. Alors pourquoi ne puis-je m’empêcher de ressentir une certaine amertume ?
Lorsque la porte se referme derrière elle, me laissant seule dans la petite chambre, je m’assois par terre, dépitée, fatiguée, et laisse aller quelques larmes. C’est vraiment n’importe quoi, les hormones… pourquoi dois-je subir ça ?
Après quelques secondes à sangloter, Gustave parvient enfin à me calmer en posant sa tête contre ma nuque. J’en profite alors pour enlever la serviette et attraper le débardeur qui est posé à côté du placard. En faisant ça, je dévoile un vieux miroir rouillé, et celui-ci me renvoie mon physique disgracieux.
Trop grande, trop mince, trop blanche, trop frêle, trop plate.
Rien ne va dans ce reflet, et chaque parcelle de mon torse me révulse. J’ai envie de hurler. Je n’ai décidément rien pour moi, c’était évident que quelqu’un comme Harmonie ne puisse pas s’intéresser à moi. Sérieusement, qui pourrait bien…
Eh, Yva, arrête tes jérémiades deux minutes, ça va bien, là. Et en plus, je suis sure qu’un certain loup en a rien a faire de ta taille, ton poids, ou ton absence de poitrine.
Il n’y a rien à faire : je ne parviens pas à me calmer. Afin de ne plus être incommodée par la vue de mon propre corps, j’enfile à la hâte le haut, puis me passe une main sur le visage.
Je suis encore trop rouge d’avoir pleuré, je ne peux pas sortir comme ça.
Alors, je prends encore quelques minutes pour me calmer, m’aider à me sentir un peu mieux. Ce n’est pas très efficace, et ce moment de répit seule me fait du bien : je me rends compte que c’est très difficile de faire semblant face à eux deux, dehors.
Je ne peux pourtant pas m’éterniser, je ne voudrais pas les inquiéter. Je ferme les yeux, prends une grande inspiration, et, aidée par mon Mougni, abaisse la poignée pour sortir, la serviette sous le bras.
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