Savoir se relever [Ft - Saphira] (Terminé)

Le réveil était difficile. Plongé dans son lit, dans sa petite chambre à l'étage de la clinique depuis plusieurs jours maintenant, Émilia commençait à sérieusement tourner en rond...

Ses petites habitudes d'entraînement physiques lui manquaient finalement et elle avait d'autant plus peur de perdre le peu qu'elle avait réussi à gagner ses dernières semaines. Son bras couvrant son visage, aujourd'hui, ce fut le jour de trop.

Défiant les conseilles d'Elim lui intimant de garder le lit ainsi que ceux de l'autre folle qui l'inondait de conseils et recommandations concernant son nouveau bras, notre amie se décida à sortir de sa prison.

Un débardeur sur les épaules, son bras droit couvert de cicatrice et sa prothèse de métal remplaçant son bras gauche pouvaient enfin prendre un peu le soleil.

Dans la cours de la clinique, elle poussa un long soupir en étirant ses membres endoloris par l'inaction. C'était bizarre pour la belle de ne plus sentir le picotement du vent et du soleil sur la peau de son bras disparu, mais celui-ci répondait bien aux ordres et agissait comme elle voulait.

Levant la prothèse d'acier sombre vers l'astre du matin, Émilia regardait les finitions et le travail d'orfèvre que l'œuvre avait demandé... "Une merveille de technologie" Nathalia lui avait dit, elle ne pouvait pas vraiment lui donner tort.

Attachant ses cheveux en une queue-de-cheval simple, callant son haut dans son short afin qu'il ne bouge plus, elle prit une profonde respiration avant de faire le poirier, mettant sa main de métal dans son dos, elle entreprit une série de 25 pompes dans cette position. Le début était facile, il fallait juste qu'elle garde l'équilibre, mais les cinq dernières...

Émilia suait à grosses goûtes, callant ses expirations sur ses mouvements pour se donner de la force et elle parvint ainsi à faire ses 5 séries de plus que l'autre fois ! Un sourire se dessina sur son visage alors qu'elle se préparait à changer de main en se propulsant.

La prothèse tremblait sous le poids de sa porteuse, cela rendait le maintien de l'équilibre plus difficile. La belle croisait les jambes, prenant une profonde respiration avant de commencer.

Une.
Deux.
Troooo...

Son bras tremblait de plus en plus, un filé de sang sortait de la jointure entre le métal et sa chaire et une violente douleur dans son épaule lui arracha un cri. Les mille conseillent de la folle lui revenait en mémoire "ce n'est qu'un prototype, ne fait pas de folie !", "la greffe vas prendre du temps à prendre, soit patiente !", "tu me doit 14 500 gils, je te mes ça sur ta note !"...

Émilia se laissa tomber sur le dos dans l'herbe fraîche, un soupir de déception sur les lèvres alors qu'elle levait son nouveau bras encore tremblant vers le ciel azuré, laissant son sang couler le long de la peau en acier.

Allongée dans l'herbe en étoile, la demoiselle profita de petite brise matinal qui venait lui chatouiller le nez en gardant les yeux clos. Bien que trop cours, le petit entraînement qu'elle venait de faire lui avait décoincé les muscles et avait dérouillé ses articulations endolories à force de rester en off.

Prenant une bouffée d'air des Quartiers nord, les mélanges de parfum de fleur, d'herbe et les relents de médicament venant de la clinique la rendaient nostalgique. Quelque part, sa petite vie tranquille avec tout le monde lui manquait et elle voulait y revenir... Mais elle ne pouvait plus baisser les bras maintenant, si Émilia voulait bâtir le monde où le havre de paix du petit loup puisse exister sans avoir peur d'une tempête de merde venant de nulle part, elle n'avait plus le choix, elle avait devoir se retrousser les manches pour nettoyer ce monde, son territoire de Prédatrice, de tout ce qui polluait son air et ses habitants et pour ça, elle devait devenir meilleure, plus grande, plus forte.

Le nez lui chatouilla de plus belle et une petite voix vint accompagner la sensation qui fit secouer le petit nez d'Émilia. Ouvrant un œil, la jeune femme vit le visage inquiet d'une inconnue qu'elle n'avait pas senti arriver. Surprise, Émilia rougie en faisant une petite roulade sur le côté en se retenant d'éternuer à cause de la chevelure blanche de l'inconnue. Ce réceptionnant comme une endive tombé du panier, notre amie regardait la demoiselle de haut en bas. Son aura était faible, expliquant que son instinct n'avait pas pris la peine de la sortir de sa torpeur lorsqu'elle s'était approchée. Son allure fine, ses yeux clairs comme deux célestines et son teint très blanc lui aurait presque donné un air angélique si ses petites cornes et les quelques écailles qui étaient visible ici et là sur sa peau ne trahissaient pas une appartenance plus sauvage à la lignée de la demoiselle.

Perdant les traits de chat surpris qui ridait son visage, Émilia pencha légèrement le visage sur le côté en voyant l'inquiétude qui transpirait par les yeux de la nouvelle venue. Lui adressant finalement un sourire détendu, Émilia sentit vite qu'il y avait méprise sur son identité.

-Mon mari... ? Ahah épargnez moi cet enfer ! Ma blessure est cependant bien due à un garde débi... Malhabile, mais n'allez pas embêter Elim. Mon bras est encore tout neuf, ce n'est rien de méchant, j'ai connu bien pire.

Tapotant l'épaulière d'acier qui faisant la jonction entre la prothèse et sa chaire, elle se voulait rassurante malgré la douleur qui la lançait toujours. Elle entendait presque déjà l'autre folle l'incendier pour son manque de prudence... Mais ça c'était un souci dont elle pourra s'inquiéter plus tard. Pour l'instant, Émilia faisait le lien entre l'odeur de la nouvelle et celle qu'elle ne connaissait pas qui régnait pourtant entre les murs de la clinique. passant une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, elle scrutait le visage de la demi-humaine aux traits réptiliens en reprenant sur le ton de la conversation, bien qu'une pointe de curiosité et de d'appréhension naissait dans son petit coeur.

-Et vous êtes... ? Je ne crois pas vous avoir croisé avant que je ne quitte la clinique pour mon entraînement.

Maintenant elle le savait, la Guilde était aussi corrompue que l'Église était un ramassis de feuilles mortes. Et maintenant qu'elle c'était partiellement lié avec le dégénéré de paragoi, Émilia ne pouvait s'empêcher de craindre pour la sécurité de sa maison et de sa petite famille qui y vivait... Si cette inconnue était un danger, elle allait devoir salir son petit ensemble d'entraînement au style de pyjama. Elle s'y était préparée, elle savait que ça finirait par arriver... Même si ça l'embêterait de faire ça à une jolie demoiselle à écailles et aux cheveux aussi blanc que les siens. La couleur de cheveux, ça créait des liens !

Émilia était une jeune femme de nature méfiante, et ceux depuis son plus jeune âge. Insulté, renié, manipulé, abusé, elle avait rapidement dû comprendre la dure réalité de la vie et savoir voir à travers les lignes du scripte du destin. Ceci restait néanmoins un exercice compliqué, demandant une attention et une vigilance constante ainsi que d'un certain instinct et de notion en psychologie.

À cet instant, face à l'inconnu à la peau écailleuse, le regard de notre protagoniste trahissait cette méfiance naturelle malgré sa voix et son corps qui se voulait être détendu. La demoiselle était sur le territoire de la Prédatrice, entre les murs de sa maison... Elle pouvait être un espion à la solde des Souls, une créature du chaos déguisé en petite chose fragile ou un espion de l'Ordre ou de la Guilde. L'apparition du Prof était un signe que les puissants commençaient à avoir conscience de l'existence de la clinique du loup d'argent, Émilia se devait d'être plus prudente qu'avant. Son entraînement était aussi là pour ça.

Elle l'écouta, elle entendait sa voix trembloter et hésiter de dire certains mots. Un manque de préparation ? Non, ce n'était que de la timidité et un manque de confiance en soi, la petite rang bronze se trahissait d'elle-même ou elle était une manipulatrice et une menteuse incroyable. Après cette introspection, Émilia se détendait enfin en accordant un petit rire détendu à l'apprentie docteur avant de lui répondre.

-Je m'appelle Émilia, je suis la première personne à avoir été recueillie par Elim, il a presque un an de cela. J'étais son infirmière "en chef" jusqu'à ce que je recroise la route d'un grand bonhomme de muscle désagréable qui m'a fait prendre conscience que... Enfin bref, je suis partie m'entraîner pour être plus à même de protéger ma maison et ceux en qui je tiens.

Ce coupant elle-même alors qu'elle commençait à partir dans des détails qui n'intéresseraient sûrement pas Saphira, notre amie se rapprocha de quelques bonds de fesse lorsqu'elle lui proposa de lui montrer ses talents. Un peu trop curieuse de voir cette magie qui lui était inconnue, comme ça avait été le cas avec Morrigan ou sa curiosité finissait par prendre le pas sur sa méfiance naturel une fois les premières barrières baissées, Émilia la laissa faire en observant la demoiselle du coin de l'œil.

A la différence d'Elim, la jeune femme utilisa de l'eau pour appliquer son don. Sentant sa plaie picoter, l'infirmière grimaça quelques secondes, le temps que la magie fasse effet. La blessure était loin d'être grave, la jonction cicatricé entre le métal du bras et l'épaule avait été tiré à cause de l'effort, provoquant le saignement, mais la cicatrisation restait en bonne forme. Surprise par l'efficacité de sa nouvelle amie, Émilia leva le bras et fit plusieurs mouvements avant de se relever d'un saut, testant la douleur en tirant le membre d'acier sous plusieurs angles, un air surpris et ravis sur le visage.

-Vous avez un talent fou ! Je ne sens plus rien, merci !

Une chose était sûre, c'est que la jeune femme ne semblait pas avoir un mauvais fond. Elle avait l'air un peu perdue, elle devait être à Portalia depuis peu au vu de l'essence qu'Émilia ressentait en elle. Elle s'était méfiée pour pas-grand-chose au final. Souriant à Saphira, elle lui tendit sa main normale pour l'aider à se relever après l'effort qu'elle venait d'avoir la gentillesse d'avoir. Posant sa main de métal sur sa hanche et inclinant la tête sur le côté, Émilia remarquais la queue blanche qui brassait l'air derrière la jeune femme. Loin d'être similaire à celle touffu du petit loup, elle était intriguée, mais préféra garder ses interrogations indiscrètes pour elle pour le moment. Blue aussi avait une queue qui laissait des écailles de partout après tout, la clinique n'était plus à ça près...

-Je suis heureuse de voir que ma maison est entre de bonnes mains en tout cas. La ville à besoin de médecin avec votre potentiel et votre gentillesse et vous avez le meilleur professeur pour ça. Prenez soin de lui et de tout le monde pour moi.

Gardant la main de la belle dans la sienne après l'avoir aidé à se relever, Émilia vint déposer celle de métal par-dessus pour appuyer ses dernières paroles, un sourire doux sur les lèvres et ses yeux océan plongé dans ceux de cristal de Saphira.

Libérant la jeune femme de son emprise, Émilia apprenait au passage qu'elle était donc un membre de la Guilde. Évidemment... L'organisation était l'une des plus grandes et importantes de la citée forteresse, elle ne louperait aucune occasion de se mettre les petits nouveaux sous sa coupe. Notre amie avait eu la chance de tomber sur Hex à son arrivé qui l'avait rapidement isolé de la propagande des deux têtes de Portalia pour la laisser libre de suivre sa propre route, mais tous n'avaient pas cette chance.

La jeune femme était néanmoins bien douce et pure, la corruption que lui avait révélé Hypanatoi sur les grosses têtes de la Guilde n'avait pas encore eut l'occasion de salir l'apprentie médecin et notre protagoniste espérait que cela resterait comme ça... Ça lui serrerait le cœur de devoir arracher celui de Saphira si elle venait à sombrer du mauvais côté.



Laissant ses prévisions pessimistes de côté, Émilia haussa un sourcil lorsque la demoiselle qui lui faisait face fit entendre qu'elle suivait également un entraînement en ce moment. Élément qui réveilla rapidement son coté compétitif...

Vu son niveau, il était aisé de deviner que celui-ci devait, avant tout, se concentrer sur la maîtrise de ses pouvoirs. Émilia souris en croisant les bras, une lueur taquine de défi dans le regard. Les souvenirs de Kamélia ou Hex lui tendant la main pour l'aider à s'améliorer lui revenant en mémoire, l'idée de pouvoir en faire de même avec la petite demoiselle l'enthousiasma étrangement.

-Vous vous entraînez vous aussi ? Que diriez-vous d'allier nos intérêts alors !? Quelques passes entre filles, histoire de voir comment je pourrais vous aider !

La belle hésita à aller chercher son épée, mais elle se résigna rapidement. La pauvre Saphira semblait être encore plus perdu et inoffensive qu'elle lors de son arrivée, ce ne serait pas très juste de creuser l'écart d'avantage. L'idée ici n'était pas de la décourager, pas comme l'autre dégénéré d'Hypanatoi pouvait le faire, mais de l'aider à avancer dans la bonne direction. Et pour ça, il fallait déjà que la Prédatrice se face une idée de ce que la jeune femme était capable. Un sourire amusé sur les lèvres, preuve que l'influence de Kamélia commençait à déteindre sur son élève, elle recula de quelques mètres avant de se mettre en garde, à mains nues. Paumes ouvertes, devant elle, sa queue-de-cheval flottant au grès du vent, on voyait facilement dans son regard qu'elle s'amusait déjà de cette rencontre au lieu de la prendre au sérieux.

-Commençons par le commencement ! Approchez et montrez moi ce que vous savez faire, avec vos pouvoirs ou non. Vous semblez pouvoir contrôler l'eau et vous avez une queue impressionnante... Montrez-moi !

La posture d'Émilia était celle qu'elle était en train de travailler avec le compagnon dragueur et désagréable de sa professeure. Cette position n'était pas agressive, mais défensive, basée sur l'esquive et la parade douce des attaques dans l'optique de les dévier et de retourner la force de l'adversaire contre lui. Peu avant son accident de passage de rang, Émilia n'arrivait toujours pas à faire plier Mathias, mais elle sentait qu'elle était sur la bonne voie. Ce petit exercice matinal l'aidera aussi à voir si sa technique pourrait lui être utile contre des gens d'un gabarit plus proches du sien... Ce serait pas mal d'ailleurs. Au pire, ça dérouillerait son squelette endormi par le repos.

Émilia n'était pas comme son Reflet, elle n'était pas une stratège ou une entraîneuse expérimenté. Elle est une jeune femme égoïste et solitaire, pensant avant tout à sa propre survie et celle de ses proches dans un second temps. Ce qu'elle considère comme sa famille est une priorité, le reste est dérisoire. Pourquoi avoir rejoint le petit loup dans sa clinique alors ? La promesse d'un toit, de repas facile et d'un joli rêve d'un monde plus simple.

Malheureusement, le Titan Fou qu'était Hypanatoi avait fini par lui montrer la triste réalité que son monde lui avait pourtant appris dès son plus jeune âge : En restant statique, à se satisfaire d'une vie sans remous, on ne peut réaliser ses objectifs. On ne fait qu'attendre que les autres le fasse à notre place... En prenant un très gros risque que personne ne bouge le petit doigt pour ça... Car au final, tout le monde est égoïste.

La belle aux cheveux d'ivoire avait donc commencer à prendre les armes, à relever la tête, afin de s'assurer que le havre de paix dont elle rêvait, qu'Elim lui avait fait entrevoir, puisse naître des centres et du sang de la cité forteresse. Lui, il était trop pur et noble pour envisager cette voie... Saphira semblait être faite du même bois. C'était bien... Quand tous ceci sera terminé, il faudra des personnes comme eux pour reconstruire, pour élever un nouvel idéal en ses terres. C'est en ça que croyait Émilia aujourd'hui.

En garde, elle observa la demoiselle projeter vers elle une attaque d'eau avant de s'effondrer... Surprise, la belle quitta sa garde, gardant sa main d'acier en avant pour "encaisser" l'attaque qui ne la fit même pas bouger. Elle ne put retenir un petit fou rire qui fit perler une larme aux coins de ses yeux alors qu'elle s'approchait de l'apprentie doc pour l'aider à se relever de nouveau, tendant ses mains vers elle en essayant de reprendre son souffle.

-Je suis désolé ! Je n'ai pas l'habitude de donner des leçons, je m'y prends comme un manche. On va essayer autre chose, toujours sans armes, inutile de prendre le risque de nous blesser.

Récupérant enfin de son fou rire, l'infirmière essuyait la larme qui coulait le long de sa joue après avoir remise sur pied la demoiselle cornue, commençant alors à tourner autour d'elle comme un oiseau de mauvais augure, l'observant sur tous les angles.

-Il est évident que votre magie est votre point fort, mais là c'est Elim qui pourra vous aider. Mais ne sous-estimez pas vos adversaires, surtout avec votre endurance actuelle. Économisez vos forces, car vous tomberez souvent face à des ennemis qui voudront cueillir directement les soigneurs comme vous en face à face... Que ce soit une montagne de muscle en armure avec la réflexion d'un sanglier enragé. Elle pensait là à Hypanatoi ou Mathias, bien évidemment... Des colosses se contentant de taper fort. Ou pire encore : des assassins.

Elle dit ses derniers mots avec froideur, ce prenant elle-même comme exemple en posant sa main sur l'épaule de Saphira lorsqu'elle se trouvait dans son dos, prenant bien soin de laisser alors planer une envie de meurtre et de sang palpable dans l'air afin que son élève improvisé s'imprègne de cette sensation. Reprenant ensuite sa course, notre amie retrouva son sourire lorsqu'elle revint face à la soigneuse, posant sa main de métal sur sa hanche avant de reprendre.

-Vous devez savoir vous défendre face à ce genre d'adversaire et sur ce point, je peux vous aider. De là d'où je viens, nous avons deux divinités draconiques qui, selon la légende, auraient créés un art martial unique utilisant tous les membres de leurs corps afin de s'assurer une efficacité optimal. Les moines qui disent enseigner cette forme de combat l'ont appelé : la Danse des Six Crocs. Cornes, crocs, griffes, jambes, ailes et queue. En ce moment je m'inspire de ça pour créer une variante personnelle de cette "danse". Vous, vous pouvez facilement me transcender dans ce petit jeu !

Elle appuya ses mots en montrant les cornes et l'épaisse queue écailleuse de la demoiselle avec son index. Joyeuse, notre amie, qui venait d'improviser totalement cette petite session d'entraînement, commença à faire une démonstration en faisant quelques mouvements dans les airs, imaginant devant-elle un ennemi invisible. Quelques coups de poings, puis de pied avant de bondir en arrière pour se réceptionner sur les mains et enchaîner de larges coups de savates en restant en poirier avant de revenir en position initial et terminer par une violente droite de métal qui siffla dans l'air, profitant de la prise de vitesse offerte par les mouvements précédents.

-Précis et rapide comme la pointe d'une flèche, imprévisible comme une danse, mais inarrêtable tel le courant d'une rivière !

Prenant une inspiration, elle se retourna vers Saphira en faisant des moulinés avec l'articulation de l'épaule de son nouveau bras, sentant un petit décalage entre l'ordre de ses mouvements et leurs applications... Elle devra faire remonter ça à l'autre folle quand elle la reverra et cette perspective l'enthousiasmait déjà (c'est faux).

-Vous voulez que je vous montre quelques mouvements simples ?

Un sourire sur les lèvres, Émilia observe la jeune femme tenter de l'imiter comme un oisillon essayant de suivre l'exemple de sa mère. Cette façon de voir les choses l'amusait grandement et elle se demandait si Kamélia la voyait un peu de la même façon.

Quelque part, tel un Ouroboros, l'élève prenait ici le rôle du maître en tendant, à son tour, une main vers quelqu'un qui semblait être perdue dans ce monde immense et dangereux. Saphira était pure et innocente, la crasse des dieux jumeaux et la noirceur des Hommes ne l'avaient pas encore souillé et comme dirait l'autre dégénéré, ceci "était bon". Il y avait du travail, mais la dragonne y mettait du cœur et se positionnant derrière elle, Émilia glissa l'un de ses pieds entre ceux de la jeune femme afin de réajuster sa posture et l'aider à avoir les bons gestes.

-Ahah vous vous doutez bien que les moines dont je vous ai parlé n'ont ni queue, ni griffes, ni crocs... Mais tout le monde à des dents, voss poings sont comme des griffes. Et ne sous-estimez pas votre queue !

Attrapant le prolongement de la demoiselle, Emilia laissa glisser sa main le long de des écailles azuré de celle-ci, un sourire taquin sur le visage. Elle s'en doutait déjà d'expérience, mais sa vision actuelle lui permettait de valider ses théories concernant ce cadeau de la nature.

-Votre queue est le pilier de votre équilibre. C'est un concentré de muscle et de nerf, ce sera votre allié le plus imprévisible et le plus fidèle que vous n'aurez jamais. Prennez en grand soin !

Oui, notre amie était jalouse du don de la nature que possédait Saphira. Juste en l'observant, elle voyait toutes les possibilités que pouvaient offrir un organe pareil bien utilisé... Vint alors une interrogation qui fit lever un sourcil à Émilia qui croisa les bras après avoir réajusté, une nouvelle fois, la posture de la demoiselle.

-Taper contre un arbre va durcir ta peau et surtout te blesser, je ne pense pas que ce soit le plus optimal... T'imaginer un adversaire et faire comme je viens de te montrer, c'est pas mal suffisant, mais c'est bien d'avoir un regard extérieur de temps en temps pour corriger les erreurs. Nous ne sommes pas des combattantes usant de force, mais de vitesse et de dextérité. S'entraîner avec des gens normaux et beaucoup plus bénéfiques pour nous...

Une main sur son menton, les yeux océan de notre protagoniste observa longuement l'apprentie soigneuse devant elle. La jeune femme avait un potentiel certains, Émilia pouvait le sentir, mais elle refusait que du sang ne salisse ses mains...

-Je vais rester encore quelques semaines, ça ne me dérange pas qu'on s'entraîne ensemble si tu veux ! Et puis, comme je viens de te le dire, c'est bien plus efficace d'avoir quelqu'un avec soit que de rester asocial dans mon coin...

Sans même sans rendre compte, sûrement emporté par la légèreté du moment et l'échange de savoir qui c'était mis en place, Émilia avait abandonné son vouvoiement habituel. Elle n'y avait pas fait attention sur l'instant, comme si elle parlait avec l'une de ses petites sœurs comme elle aurait aimé le faire plus souvent à l'époque, en leur montrant et apprenant ce qu'elle savait pour les aider dans leur vie à venir.

C'était peut-être ça qui la réjouissait autant, sans même qu'elle ne le fasse exprès, une petite part d'elle-même venait de se réveiller. Cette grande sœur qu'elle aurait souhaité être et que le colosse avait commencé à raviver il y a bien des mois de cela.

Saphira accepta avec enthousiasme la proposition de la jeune femme au bras de métal qui sentit le rouge lui monter aux pommettes lorsqu'elle lui demanda si elle pouvait être plus familière avec elle également. Gênée, mais ravie, elle accepta d'un simple hochement de tête, un sourire béat sur le visage qu'elle peinait à dissimuler derrière sa main.

Une nouvelle question vint cependant dissiper le vent de légèreté qui c'était mis à souffler entre les deux demoiselles. Se défendre contre les créatures du chaos et les humains... C'était vrai que pour notre amie, cela était du pareil au même dans son esprit. Ses années à ce faire persécuter dans son village avait finit par lui faire voir ses semblables de la même façon que le reste de faunes de Vesteria... Et sa Corruption avait accentué la chose. Bien qu'elle le cachait aux yeux des autres, la population qu'elle croisait n'était guère plus que des bouts de viande en sursis à ses yeux à présent.

-J'ai bien l'intention de te former à te défendre contre tout ce qui pourrait te sauter dessus ! Mais tu sais...

Croisant les bras, ses paroles, concernant l'arme avec laquelle elle serait à l'aise, firent de nouveau naître un sourire sur les lèvres de la jeune femme qui la laissa finir son monologue avant de s'approcher d'elle de nouveau pour rectifier une nouvelle fois sa posture, en essayant de placer la queue de la demoiselle correctement... Ou du moins, comment elle elle la voyait placée correctement, bien qu'une hésitation et un doute se sentait dans ses mouvements.

-Il n'y a pas de bien et de mal. Il n'y pas d'un côté l'Ordre et les humains et de l'autre le Chaos et ses monstres. Ce ne sont que les deux faces d'une même pièce... Nous avons tous une part d'ombre et une de lumière. Ce que tu appelles les "créatures du chaos" ne sont pas si différent de nous, tu sais : eux aussi ne souhaitent que vivre tranquillement dans leurs villages, élever leurs enfants, les voir grandir.

Évidemment, Emilia parlait là du village de créature du marais qu'elle avait rasé en compagnie d'Hypanatoi il y a des mois de cela. Elle se souvenait encore du cri de la femelle qui c'était jeté sur elle pour protéger les enfants dont elle semblait avoir la garde. Notre amie se voulait rassurante, mais elle ne voulait pas mentir à Saphira pour autant. Alors, c'est en posant une main sur l'épaule de la dragonne qu'elle reprit.

-Apprends à connaître tes proches, tes amis, tes alliés. Prends le temps avant d'accorder ta confiance, mais garde toujours à l'esprit que nous portons tous un masque. Passé tragique, envie de sang, amour secret, hypocrisie, faux semblant... Tu ne pourras jamais tout savoir, mais suis ton instinct et reste prête à tous. Toujours. Tout le temps.

Plongeant ses yeux océan dans ceux de la demoiselle qu'elle venait de prendre sous son aile, Émilia se demanda subitement si elle était très claire dans ses propos... Elle qui ne voulait surtout pas parler comme un certain monolithe incompréhensible avait subitement l'impression de faire exactement comme lui et reculant d'un pas, elle passa sa main dans sa chevelure d'ivoire en riant, gênée.

-Désolé, je ne suis pas très douée en explication... N'hésite pas si je ne suis pas très clair... Ahah...

Erreur après erreur, échec après échec, gamelle après gamelle... Saphira se relèvera toujours un peu plus forte de ses petits balbutiements de son existence. Derrière son sourire, elle restait dure avec elle-même et ses capacités alors qu'Émilia voyait déjà la jeune femme se tenir plus droite dans ses mouvements, moins hésitante, plus stable avant de tomber de nouveau.

Mais ce n'était pas grave. Cela était bon, comme dirait l'autre dégénéré d'Hypanatoi ! À chaque fois que la dragonne tombait, elle se relevait plus forte. L'important était là au final : Ce relevé, encore et toujours. Aujourd'hui, elle faisait face à une amie qui lui tendait la main et essayait de l'aiguiller. Demain, ce serait peut-être un assassin ou un pervers qui lui enverrai un coup de pied dans les côtés pour qu'elle reste à terre.

- Relève-toi toujours. N'abandonne jamais. La seule personne sur laquelle tu pourras toujours compter, c'est toi-même.

Émilia attrapait le bras de son élève et la releva avec douceur avant de regarder qu'elle ne s'était pas blessé plus que nécessaire. Non décidément elle avait trouvé une petite pépite dans cette cours. Un joyau brut ne demandant qu'à être poli pour briller.

-Tu réfléchis trop ! Ta queue te soutient déjà d'elle-même, mais tu n'y prêtes pas attention. Comme tu ne réfléchis pas à comment tu respires, c'est naturel. Commence par mémoriser tes mouvements, ta façon de te tenir, d'enchaîner. Vois les mouvements qui te font mal et corrige les, ton corps s'adaptera tout seul. Ensuite tu rajouteras ta queue à ton arsenal de mouvement ! Chaque chose en son temps !

En-tout-cas, la jeune dragonne semblait avoir une idée bien pacifiste sur l'avenir de Portal et de la lutte contre le Chaos. Chose qui amusa Émilia, car le lancier paragoi ne serait sûrement pas très enclin à entendre ce genre de discours pro paix, lui qui orgasmait en tuant à tour de bras des êtres du Chaos. Un sourire un peu amer sur les lèvres, notre amie corrigea les mouvements de son apprentie en lui répondant finalement.

-Je ne sais pas si une paix est envisageable... La lutte qui déchire ce monde n'est pas qu'une querelle entre clans opposés, c'est bien plus... Viscéral et profond que ça. L'Ordre invoque à tour de bras des inconnus dans l'espoir de faire pencher la balance de son côté, tandis que le Chaos envoi ses hordes s'écraser contre les remparts de la ville. J'ai peur que seul la destruction d'un camp ou de l'autre, ne puisse résoudre cette guerre.

La demoiselle aux écailles de dragon à de bonnes réflexions. Elle n'est pas dans le manichéisme aveugle de l'Église, ni dans la haine sans borgne d'Hypanatoi ou l'utopie d'Elim. Elle sait sa vision changeante en fonction des aléas de la vie et cela est une excellente chose. Émilia souris à son élève, la laissant sur sa réflexion neutre de la chose sans en rajouter davantage. Il faut que Saphira se forge sa propre opinion de tout ça, c'était ce qu'Émilia souhaitait en tout cas.

-L'Ordre et le Chaos... Deux faces d'une même pièce, chacun a son propre avis sur la question et c'est à toi de trouver la tienne.

Les bras croisés, la Prédatrice regarde sa nouvelle élève poursuivre ses mouvements avec plus ou moins de facilité. C'était encore très décousu, mais il y avait du mieux. Chaque tentative était plus précise, plus souple, plus efficace. Un sourire naissait sur les lèvres d'Émilia, silencieuse, jusqu'à ce que la demoiselle parvienne à effectuer un enchaînement plus naturel que les autres.

Se rendant compte de sa propre performance, un large sourire naquit sur le visage de notre amie. Elle était fière de sa petite protégée ! Et il y avait à présent un choix qui s'offrait à elle : devait-elle réagir comme un professeur aimant et chaleureux couvrant ses apprentis de compliment ou être une brute sans compassion recherchant une perfection absolu et illusoire ? Le choix fut vite fait.

Conservant son sourire fier, Émilia s'approcha de Saphira et réajusta sa position une énième fois, passant sa main dans le creux de son dos pour que la dragonne ce tienne plus droit et évite la scoliose.

-Tu es fière d'un résultat réussi par hasard ?! Voyons, plusieurs semaines nous attendent encore et n'espère pas avoir un traitement de faveur ! Je vais t'entraîner et tester mes enchaînements sur toi, ça ne va pas être de tout repos tous les jours !

Conclut-elle en finissant de tourner autour de la dragonne. Un air de défi dans le regard, elle se baissa jusqu'à être à sa hauteur, lui offrant un clin d'œil complice.

-Prête pour une autre danse ?