Un bon plan de carrière [PV: Emilia] (Terminé)

Une nouvelle journée commençait pour notre Corrompue préféré. Maintenant habitué à sa nouvelle vie à Portalia, Émilia commençait à avoir sa petite routine : le matin, petit tour de son territoire, voir les nouveautés et les nouvelles têtes. Boire une petite boisson chaude à l'ombre d'un arbre avant de changer de quartier, être toujours en mouvement, c'était sa façon de vivre depuis son arrivé.

Prudente, elle avait fait en sorte de ne laisser que peu de cadavre sur son chemin, mais elle se devait de rester alerte à ses besoins si elle ne voulait pas complètement déraper et avoir des problèmes bien plus graves, mais elle savait que ce petit jeu de piste n'allait pas pouvoir durer indéfiniment... Portalia, bien que grande, restait une seule et même ville et elle allait finir par en faire le tour...

-Que faire...

Marchant nonchalamment dans les rues du quartier nord de la citée, Émilia avait littéralement le nez dans les nuages, évitant facilement les personnes arrivant en face d'elle, mais manquant de trébucher plusieurs fois à cause de pavé fatigué ou de banc mal placé. L'esprit ailleurs, perdu dans ses pensées, la jeune femme se promenait au hasard dans ses quartiers pauvres et mal famé. Elle aimait bien cet endroit, c'était bien plus calme que la place des portails, les gens ne posaient pas de question et ceux qui avaient la mauvaise idée de venir la chercher de trop près, risquaient de s'en souvenir. Le seul gros souci par ici, c'était l'absence de boulot et de lieu potable pour passer la nuit. Poussant finalement un soupir, une douce et mielleuse odeur arrivait subitement pour chatouiller la curiosité de la Corrompue.

Prenant à gauche, puis à droite, Émilia avait l'impression qu'un groupe de blessés étaient passés par là récemment, bien que cela lui paraisse étrange vu que l'hôpital n'était pas du tout situé par ici... De plus en plus intrigué, la bouche pâteuse, elle traversait les ruines avant d'arriver face à un petit bâtiment en mauvais état, mais d'où une forte odeur de sang se dégageait. Une étrange créature mi-humaine était assise à l'entrée et il finit par remarquer sa présence, la saluant d'un geste de la main amical.

Hésitante dans un premier temps, Émilia finit par reprendre sa route, se rapprochant de cet étrange garde mangé, les mains jointes dans le dos et un regard curieux au-dessus du museau.

- Bonjour... Qu'est-ce qui se passe ici ? Vous tenez une boucherie ?

Ce tortillant comme un ver attaché au bout d'un hameçon, Émilia essayait de voir ce qu'il se passait à l'intérieur et elle finit par distinguer des hommes et des femmes blessés et d'autres couvert de bandages. Tout ce beau monde semblait avoir supporté un affrontement assez violent... Pas de la part des gangs locaux, ceux-ci n'avaient pas la férocité nécessaire pour infliger de tels dégâts... Des aventuriers peut-être ? Penchant sa tête sur le côté, le regard de la jeune femme ce reportait sur l'étrange créature canine assise à l'entrée. D'un ton détaché, mais amical, elle reprit à son attention.

-Vous essayez d'aider ces gens ? Vous avez besoin d'un coup de main... ? Je ne sais pas faire grand-chose, mais j'ai souvent appliqué les premiers soins à mes frères et sœurs... À l'époque...

Pure gentillesse ? Non, Émilia avait une autre idée en tête en faisant cette proposition... La petite lueur cramoisit qui brillait au fond de ses yeux océan en était la preuve.

Un médecin donc... Émilia n'aurait pas pu le deviner toute seule sur ce coup-là. Un homme loup aux services de blessé sans défense, elle avait une nouvelle preuve qu'elle se trouvait dans un autre monde, si jamais elle en doutait encore. Le dénommé Elim était donc le gérant de ce petit hospice perdu au milieu des bidonvilles et il avait l'agréable surprise d'être affrété pour apporter les premiers soins à une troupe d'aventuriers un peu trop effrontés.

Débordé, Elim ne crachait pas son plaisir d'avoir une inconnue qui lui proposait son aide et il se hâtait de lui donner un tablier, un poil trop petit, pour son assistante sortie de nulle part. Pénétrant dans le lieu, la Corrompue balayée les patients du regard, beaucoup était faible, mais aucun ne l'était suffisamment pour qu'elle puisse s'éclipser avec sans attirer l'attention... Elle allait devoir prendre son mal en patience et fouiller un peu plus en profondeur. Bien trop gentil pour son propre bien, le loup allait même à proposer un salaire à Émilia à sa grande surprise. Fixant la petite créature aux oreilles frétillantes de bonté, elle finit par lui adresser un sourire chaleureux avant de répondre en posant doucement sa main sur son épaule.

-Vous avez bon cœur Docteur, je tacherais de ne pas vous décevoir. Je m'appelle Reisalin Émilia, mais Émilia suffira très bien.

Ainsi dont, notre duo fraîchement formé s'en allait pour se séparer, chacun allant à sa tache et celle de notre amie la conduisait au sous-sol. Ici, était entreposé plusieurs blessés et même des caisses de membres coupés qui attirait l'attention de la prédatrice dans un premier temps, mais elle déchantait aussi vite, il lui fallait de la viande fraîche, sinon elle risquait de tomber malade... Étouffant un soupire, elle ce tournait donc vers les rescapés. Rien de bien méchant à première vu, elle prit le temps de faire le tour des malades, changeant quelques bandages et constatant qu'il n'y avait rien de bien intéressant à ce mettre sous la dent, elle entreprit d'aller vider ses réservoirs à maladie que pouvait être ses caisses de chair coupé.

En revenant, ce fut le hurlement d'un patient qui lui fit accélérer le pas. L'un des aventuriers avait essayé de ce lever, aller savoir pourquoi, et c'était écroulé au sol lourdement, sa jambe n'étant pas en mesure de le maintenir debout. Essuyant la bave qui coulait le long de son menton, Émilia dut faire usage de la force pour maîtriser et maintenir allongé l'homme qui se débattait en hurlant de douleur. Elle qui n'avait fait que géré ses deux petites sœurs pour des bobos jusqu'à maintenant était en train de perdre patience face à cet humain, simple morceau de viande juteux et savoureux, qui refusait de ce calmer. Surtout que la panique et la peur avaient la fâcheuse tendance à être communicative et c'est rapidement tout le sous-sol qui se mettait à devenir instable... Les yeux rougissant, elle finit par plaquer sa proie en le tenant par le cou en lui sommant de se taire lorsque le bruit d'un objet roulant sur le sol attirait son attention. C'était une petite flute de bois qui avait du tomber de la sacoche de l'aventurier, une petite flute qui raviva un souvenir lointain...




-Grande sœur, grand frère ! Ana c'est fait vraiment mal, dépêchez vous !

Traversant le village en quatrième vitesse, Émilia et Adel, agé respectivement de 21 et 20 ans, arrivaient à la lisière des bois ou hurlait à la mort une petite fille de 5 ans tenant dans ses mains son genoux qui ce trouvait être dans une position non naturel, certainement sortit de sa rotule à cause d'une chute malencontreuse.

La petite était intenable et bien que l'opération pour la soulager était en sommes très simple, ça l'était beaucoup moins avec deux enfants paniqués dans les pattes. Adel adressait alors un sourire à sa sœur et sortit deux flutes de sa sacoche et il lui en tendit une qu'il avait taillé spécialement pour l'anniversaire d'Emilia. Émues, les deux jeunes portaient ses instruments à leurs lèvres et se livrait à la mélodie du renouveau qui se transmettait au village depuis des siècles.





Machinalement, Émilia avait attrapé une chaise et elle portait la flute à sa bouche, commençant alors à jouer quelques notes qui se mirent à résonner entre les murs de brique. Lentement, mais sûrement, les cris finirent par disparaitre et le calme revint dans la pièce. Émilia, les yeux clos et une larme coulant le long de sa joue, écho d'une autre vie, alors qu'elle ce revoyait assise dans l'herbe verte au pied des arbres immenses de chez elle, dos à dos avec son frère, avec leurs sœurs assoupis sur leurs genoux après qu'ils aient pus remettre le genou de la petite dans sa position initiale.

Ouvrant de nouveau les yeux, la jeune femme regardait la flutte avec nostalgie avant de ce relever, essuyant sa larme d'un revers de manche avant d'aller rendre l'objet à son propriétaire et lui remettant son attelle en place pour soulager sa douleur.

Finissant ses soins calmement, l'esprit un peu dans le vague avec ses souvenirs qui venaient de lui revenir, Elimia ne remarquait même pas l'arrivé du bon médecin qui semblait être très satisfait des bons soins que son assistante venait de prodiguer. Un sourire gêné par le compliment, surtout en sachant que toute cette histoire n'était pas passée loin du bain de sang, la jeune femme laissait le semi-loup reprendre sa place et elle s'écartait quelque peu, prenant ainsi la pause proposée par son employeur du jour.

Attentive, elle regardait le médecin user de magie curative pour remettre les blessés sur pied avec une efficacité qui l'étonnait quelque peu. Elle avait jamais eu l'occasion de voir ce type de magie à l'œuvre auparavant, elle demandait un bon niveau de maîtrise et beaucoup de connaissance pour être utilisé sans provoquer de déformations morbides ou sans provoquer plus de problèmes que de solution... En tout cas, c'était ce que pensait la Corrompue. Évidemment, les autres patients n'eurent pas la patience d'attendre leur tour et rapidement, un nouveau brouhaha venait de naître. Poussant un soupir, ne pouvant rester les bras croisés, Elimia allait aider son nouvel ami qui essayait de calmer la foule avec quelques mots sensés et calme, la demoiselle, elle, allait créer une file ordonnée en fonction de la priorité des soins.

Le duo fonctionnait bien et la moitié des patients finirent par prendre leurs envols avant que le médecin ne décrète une pause. Malgré le râle de quelques récalcitrants, la situation fut globalement acceptée et la demoiselle put souffler un bon coup en se laissant tomber sur une chaise, détachant son tablier. Arrivant près d'elle, Elim en profitait pour complimenter la jeune femme sur sa petite musique et il allait même jusqu'à l'inviter au restaurant pour la remercier pour le service accordé. Trop de compliments et de gentillesse d'un coup, Émilia rougit et baissa la tête, gênée, une première depuis son arrivé à Portalia.

Un repas n'était pas de refus, mais il y avait peu de chance que le loup l'emmène dans un endroit où elle pourrait ce sustenté vraiment... Elle pouvait manger « normalement », la viande animale la soulageait même légèrement, mais tout ça avait un goût fade sur son palais... Cependant... Elle relevait le visage en affichant un large sourire, et elle répondit enfin à la demande de l'homme animal.

-Oui, avec plaisir ! Mais je vous laisse choisir l'adresse ! Et ma musique n'as rien de spécial, c'est un hymne rituel par chez moi, un truc que tous les enfants apprennent très jeune et je suis loin d'être doué...

Ce relevant de sa chaise, laissant son tablier derrière elle, Émilia tapotait légèrement son haut de soie blanc qui avait miraculeusement survécu à cette journée, d'où l'utilité d'un tablier, et elle retirait également les saletés accumulées sur son long pantalon beige. Un coup de main dans les cheveux pour les remettre en place et elle était prête à décoller, attendant son prince en joignant les mains dans son dos, un sourire ravi sur les lèvres, le tout comme si elle s'apprêtait à un rencard. Des sentiments naissants ? Non... Pas de son point de vu. Elle était juste contente d'avoir pus être utile et d'avoir été félicité pour ça.

Un sourire illuminant son pâle visage d'ange, Émilia regarda le petit médecin se précipiter à l'étage pour se vêtir convenablement, laissant la demoiselle seule quelques instants... Enfin, « seule »... Il restait toujours plusieurs malades qui la dévisageaient, un sourire amusé et taquin sur le visage, et y allant sur quelques sous-entendu un peu gras ciblant les deux médecins du jour. Ce contentant de les toiser du regard, elle s'éclipsait vers l'entrée de l'hospice histoire d'être un peu tranquille, levant les yeux à travers une fenêtre vers le ciel afin d'en d'admirer les étoiles qu'elle ne connaissait pas et profitant de la brise nocturne.

Pensive, la mélodie jouée plus tôt et le drôle de petit semi-loup lui rappeler sa sœur cadette Ana, elle aussi avait toujours été trop gentille pour son propre bien, aidant tout le monde, à tout moment de la journée et faisait passer ses désirs en dernier en toute circonstance... Émilia eut un peu peur, sur l'instant, qu'un drame finisse par briser le petit loup un jour, comme elle avait pus le vivre elle-même. En bon gentleman, Elim ne mit pas très longtemps à rejoindre sa convive et ils purent prendre la route après qu'il se soit excusé de sa tenue, mais promettant un repas digne de ce nom malgré le fait qu'ils allaient rester dans les quartiers pauvre de la ville.

-Oh ne vous en faites pas, je ne suis pas une grande mangeuse ! Menta-t-elle. Quelque chose de simple et sympathique ira très bien ! Je viens de la campagne, juste le fait d'aller dans un restaurant plutôt que dans une taverne est déjà synonyme de luxe pour moi, haha !

Lâchant un rire sincère, mais s'en rendant vite compte, Émilia baissa la tête à son tour, comme honteuse de se laisser aller. Poursuivant leur route sous le ciel scintillant, le médecin y allait de ses petites questions introductives histoire de faire un peu connaissance. Il y fit même une référence à l'odeur de la belle qui la fit légèrement sursauter. En effet, le sang ça sent... Et ça tient bien en plus ! Ainsi elle devait prendre pas mal de temps tous les jours pour se décrasser convenablement et elle ne lésinait pas sur les parfums pour essayer de cacher ses petits vices. Le fait qu'Elim en parle la stressait sur l'instant, craignant qu'il ait détecté quelque chose avec ses sens canins, mais finalement, il semblerait que pas du tout... Gêné et craignant avoir froissé la demoiselle, il finissait même par se démoraliser tout seul.

Ne comprenant pas tout de suite pourquoi il réagissait ainsi, il lui fallut plusieurs secondes pour percuter... En effet, elle aussi, maintenant que ses sens étaient bien plus aiguisé que ceux des humains normaux, elle commençait à reconnaître et à détecter les gens et les choses par l'odorat et le son plus que par la simple vue, plus limité dans l'espace. Comprenant cela, elle étouffait un petit rire, rougissant, avant de poser une main amicale sur la tête du petit loup.

-Ne vous inquiétez pas, je comprends tout à fait ce que vous dites, moi au... Bourda-t-elle. Enfin, je veux dire que j'ai compris ce que vous essayez de dire ! En fait, je suis arrivée dans le quartier il y a quelques jours seulement. Enchainait-elle en essayant de noyer sa bêtise précédente, en parlant subitement plus vite. Je travaillais en tant que serveuse dans les tavernes de la périphérie, mais les gens sont aigries et agressifs, j'ai fini par me lasser...

Reprenant son souffle, elle rejoignit ses mains dans son dos avant de poursuivre, de manière plus calme.

-Et vous, pourquoi avoir choisi d'ouvrir un hospice dans les bas quartiers ? Votre travail, qui est extraordinaire au passage, serait bien mieux valorisé et payé vers le centre-ville, non ? Et où allons nous manger ?

Aaaah la clientèle des cavernes... Un sujet de conversation sans fin ! Entre le fils de bourge qui l'avait agressé, il y a à peine quelques jours et Émilia elle-même avait été une cliente épouvantable lors de son premier jour à Portalia, le décolleté de la pauvre petite serveuse qui avait dû encaisser une perte de contrôle de la Corrompue... Notre amie c'était promis d'aller s'excuser lors de son prochain passage et la date fatidique s'approchait d'ailleurs rapidement... Mais ce soir-là, elle avait d'autres projets !

Ainsi dont, le jeune loup était définitivement trop gentil, en allant même à vouloir proposer un poste à la jeune femme, si il y en avait les moyens. Un poste d'aide-soignante... L'idée ne déplaisait pas à la Corrompue et même que quelque part, ça pourrait même être une bonne planque. Perdu au milieu des quartiers les plus pauvres de la ville, les proies qui viennent d'elles même se jeter entre ses griffes et le tout lui offrant une couverture bienveillante aux yeux de la population de la plus instable de la ville... Tout ceci méritait d'être réfléchi sérieusement.

Dans tous les cas, cette petite office avait été installée ici-bas pour essayer d'offrir un meilleur cadre de vie aux habitants de cette zone fantôme ou maladie et truanderie se disputait pour savoir lequel des deux seraient celui qui ferait le plus de mort. L'hybride y alla même à parler de spectre hantant la zone, une vision terrifiante pour la mangeuse de chaire dont les poils se dressaient immédiatement à l'entente de ce mot maudit.

-Des... Des... Des spectres ?! Sérieusement ?!? En vrai ? Partout ?!

Sursautant en arrière, les mains jointes sur son cœur, Émilia se mit à regarder autour d'elle nerveusement, cherchant d'un œil aiguisé toute trace d'activité paranormale qui la ferait fuir immédiatement à l'autre bout de la citée, mais rien... Et oui, la superstition des gens simple de campagne était particulièrement ancrée, surtout lorsqu'elle était utilisée pour que les enfants n'aillent pas jouer dans les bois une fois la nuit tombée.

La taverne où se dirigeait notre duo était un endroit très simple, rustique et rappelait à la demoiselle son petit village natal. Qui aurait cru que ce genre d'endroit pouvait tenir debout au milieu de ses ruines dont les origines inconnues commençaient d'ailleurs à titiller la curiosité de notre amie. Accueillis comme un roi par le propriétaire des lieux, le petit couple fut installé sur une table un peu à l'écart, près d'une fenêtre donnant sur la rue. Scrutant la carte d'un air peu emballé, Émilia ne savait pas trop sur quoi partir pour ne paraître trop bizarre, surtout au vu de l'enthousiasme peu dissimulable d'Elim qui l'amusait beaucoup. Affichant toujours un large sourire, elle finit par passer commande d'un plat du jour et surtout d'une grande chope de liqueur d'hydromel ! Les coudes sur la table, elle posait alors son menton sur ses mains jointes, fixant son nouvel ami de ses yeux océan.

-Cette soirée est déjà bien suffisante pour me remercier, ne vous en faite pas ! Passer une soirée autour de la table plutôt qu'avec des plateaux dans les mains, c'est déjà une joie en sois ! Dites-moi, mis à part les... Spectres... Pourquoi ce coin de la ville est autant abandonné par notre amie la sainte Église ?

Voyant la détresse dans le regard de la jeune femme, le petit loup se hâtait d'éclaircir ses paroles, prenant soin de préciser que tous ça n'était qu'une formulation de phrase qui se voulait être très métaphorique.

En effet, il n'était pas la aucunement question d'entité fantomatique, hantant des lieux désolés et emplie de sentiment négatif et puissant, et cela rassurait grandement notre amie, qui préféré aller taper sur un monstre de chaire et de sang plutôt que de se risquer à confronter ce genre de chose.

Cependant, il y avait bien une bête -en plus d'Emilia- qui traînait dans ce quartier et qui avait même causé tout le chaos que notre duo pouvait admirer à travers la fenêtre qu'ils avaient juste à côté d'eux. Un lieu qui se voulait être bien sûr complétement laissé à l'abandon pour les autorités religieuses, aux grandes joies de la miss.

Quoi de mieux pour une bête avide de sang qu'un endroit ou se regroupe, d'eux même, les rejetés de Portalia, les amis, sans familles... Ceux que personne n'irait chercher s'il venait à disparaître... Le seul gros souci du coin, c'était la créature qui avait tout saccagé ceci dis...

-Et cette créature qui c'est déchaînés, ils ont réussis à lui faire la peau ou elle rode toujours dans les parages?

Un peu inquiète et se demandant toujours si elle allait rester dans le coin, ou retourner à sa petite ronde, Émilia en venait à se demander si Hex ne l'avait pas envoyé au casse-pipe avec son conseil. Pensive, Elim parvint à la faire revenir à elle lorsqu'il la questionnait sur sa présence en ses terres inhospitalières.

Esquissant un sourire à son compagnon, la Corrompue accueillit les plats qui venaient d'arriver en remerciant le serveur d'un signe de la tête avant de goûter sa commande. Une grande assiette bien garnie de pomme de terre sautée baignent dans une sauce humant les épices avec un petit carré de viande tendre et juteux. Rien de bien rechercher, ni de bien cher. Rien de croquant, craquant. Mais le visuel donnait l'eau à la bouche ! Mais bien évidemment, le goût était celui d'un morceau de pain sec dans la bouche d'Emilia, dont l'âme lâchait une larme intérieure de déception.

-Une... Belle demoiselle?! Ne dites pas de bêtise ! Je ne suis qu'une jeune fille du peuple, seul les fils de bûcheron ou, à la limite, le fils d'un chef de village n'accepterait de poser les yeux sur moi ! Mon père n'as eu que des demandes de mariage à ses noms-là en tout cas... Répondait dans un premier temps Émilia, les joues rougis par le compliment, en fouillant dans ses souvenirs. Il se trouve que moi suis, je ne porte pas les religieux dans mon cœur, et réciproquement. On m'as conseillé de venir ici de histoire d'être tranquille avec ces gens-là, avant qu'un drame ne se produise.

Conclut-elle avec un sourire de façade sur le visage. Elle avait beau faire des efforts, à chaque fois qu'elle croisait les armoiries de l'ordre, des envies de meurtre résonnaient dans son esprit et elle c'était laissé aller déjà quelques fois depuis son arrivé. Elle crut même entendre parler d'une bête qui rôderait la nuit dans les rues de Portalia au détour d'une conversation. Des bruits de comptoir, ragots alimentés par des petites vieilles et des ivrognes, mais l'idée enflait doucement tout de même, d'où cette migration vers le Nord pour la demoiselle.

-En parlant de rang, si vous pouvez deviner le mien, c'est que vous devez être au-dessus de l'argent, Sir Elim. Un sourire taquin et amusé ce dessiné sur le visage pâle de la jeune femme. Je ne mis connais pas bien en magie, mais vous devez être... Obsichienne? Dérapait-elle sans même le faire exprès, n'ayant entendu ce mot qu'une seule fois auparavant ?

Mâchant sa nourriture fade en ne lâchant pas le petit loup de son regard océan, Émilia se trouvait être bien plus absorbé par sa conversation avec le docteur que par le repas qu'elle mangeait lentement, donnant l'impression de le savourer même si la réalité se trouvait être à l'opposé la plus totale. Ainsi dont, Elim appuyait encore le compliment qu'il avait fait plus tôt avec sa bienveillance qui se révélait être naturelle au vu de la facilité avec laquelle il parvenait à la maintenir, rajoutant même que les regards étaient tournés vers elle en ce moment même. Intriguée, Émilia relevait subitement le regard et elle le fit balayer la salle, relevant en effet quelques regards appuyés, mais vite rabaissait, tournés vers elle. Étouffant un petit rire amusé, la Corrompue en revenait à sa conversation.

Honnêtement, depuis son infection, Émilia n'avait plus aucun intérêt pour les êtres qui l'entourait. Outre ses envies cannibales, seul de la curiosité, de l'admiration, de la pitié ou de la colère parvenait à encore à se frayer un chemin dans son cœur brisé. Ainsi dont, le rêve de se trouver quelqu'un et de fonder une famille qu'elle eut dans sa jeunesse, c'était complétement évaporé maintenant et il y avait peu de chances que ce genre de sentiment, qu'elle voyait maintenant comme un boulet et une contrainte, ne revienne la hanter.

Ce contentant donc de répondre d'un simple hochement d'épaule à sa remarque visant le fait qu'elle trouverait un jour chaussure à son pied, Elim en vint à avouer qu'il appréciait certains des religieux qu'il avait été amené à rencontrer, ce qui irrita la demoiselle dans un premier temps, mais une idée vint à émerger dans son esprit.

-Vous avez des religieux dans votre entourage donc ? Ils sont bien placés dans la hiérarchie ? Vous connaissez notre Sainte Papesse, ou vous savez si elle fait des apparitions publiques de temps à autre... ?

Ses questions furent posées d'un ton parfaitement neutre, le regard océan de la miss semblant dévorer le pauvre petit hybride qui lui faisait face. Bien sûr, Émilia c'était mis en tête que renverser la Papesse, afin de réduire en cendres l'Église de l'intérieur, était le moyen le plus simple et efficace de pouvoir vivre enfin tranquillement en arrêtant de toujours se méfier de tout le monde. Le problème restait de savoir comment poser les griffes sur ce spectre que peu de personne semblait avoir aperçue...

« Chaque chose en son temps » se répétait la demoiselle qui avait encore beaucoup de mal à contenir ses pulsions, surtout que le jeune hybride reprenait la parole en certifiant que notre amie allait vite rejoindre les hautes sphères et qu'elle gravirait vite les rangs de l'essence. Un sourire aux lèvres, Elim ne se rendait pas compte de l'océan de sang qui se profilait à l'horizon si jamais il voyait vraiment juste, mais ses paroles encourageantes lui donner du baume au cœur.

-Si je deviens une Légende, je pourrai peut-être parler avec la Papesse en personne, hihi ! Plaisantait-elle à moitié avant de boire une longue gorgé de liquide alcoolisé. Oui, c'est très... Bon ! Et oui et non, il se trouve que j'ai vu deux ou trois endroits dégagés qui feraient très...

Un bruit assourdissant résonnait alors entre les murs de la taverne, la pauvre porte ainsi ouverte avec fracas laissant entrer un groupe de cinq personnes. Des brigands au vu de leurs épées et dague de mauvaise qualité, trois d'entre eux ne devaient même pas encore être majeures... Seul celui qui était à la tête de la petite troupe semblait être d'un niveau supérieur, mieux armée et dégageant une prestance bien intimidante que ses petits camarades. Mesurant facilement plus d'un mètre nonante, une balafre lui traversant le visage de l'oreille droite jusqu'au menton à moitié caché par une chevelure noir mis longue.

- Madames et Messieurs, nous sommes désolées de vous apprendre que cette taverne est à présent le quartier général de la guilde des Dragons Rugissants ! Et si vous ne voulez pas finir avec vos têtes sur des piques, je vous conseille de nous rejoindre ou de vider vos poches sur vos tables !

Malheureusement, le petit loup n'avait pas davantage d'information sur le fonctionnement interne de l'Église, mais il put au moins légèrement valider la théorie sur le rang Légende et son impact sur la réputation... Comme il le disait lui-même, le chemin était encore long pour notre Corrompue. C'est alors que l'équipe de brigand débarquait, se divisant en plusieurs petits groupes afin de prendre le contrôle de l'endroit, le chef restait à l'entrée avec le gérant, son bras droit géré le serveur et le cuistot un peu à côté tandis que deux jeunes géraient les deux groupes de deux civils qui traînaient dans la salle. Le dernier, lui, s'empressait de s'en prendre aux invoqués et à l'hybride en particulier, celui-ci ayant pris la parole avant notre amie.

Ayant recours à la violence, le brigand qui devait à peine avoir 18 ans agressé le médecin sans aucune vergogne, se laissant aller à une gifle puis à une menace au couteau, sûrement devait il se sentir puissant en appartenant à un groupe se rebellant contre le gang local, oubliant même la présence de la demoiselle qui finissait son verre en silence, observant la scène du coin de l'œil. Émilia hésitait, si ça ne tenait qu'à elle, elle démembrait ses énergumènes sans aucune pitié avant de se servir un vrai repas afin de reprendre ce petit moment agréable le plus rapidement possible, mais...

Elle le savait, se laisser aller à ce point serait contre productif, elle se devait de faire bonne impression dans cet endroit qui lui était plus que propice, surtout que son nouvel ami voulait lui offrir boulot et toit alors qu'ils ne connaissaient pas. Finissant par poser sa coupe vide, la donzelle se levait finalement et partie rejoindre le bon docteur qui faisait reculer son agresseur grâce à ses impressionnants pouvoirs de guérison. Reculant d'un pas, le jeune se retrouvait bloqué en percutant la petite demoiselle qui c'était placé silencieusement dans son dos.

-Vous semblez stressé, mon ami...

Instinctivement, une sueur froide coulait le long de la colonne vertébrale de l'homme qui se retournait d'un bond, faisant alors face à une belle femme à la chevelure d'ivoire, quelques boutons défait de son chemisier laissant une belle vue sur sa poitrine généreuse. Dévisageant la cliente de haut en bas, son regard s'attardant bien évidemment sur l'atout féminin mis en évidence. Désorienté, effrayé, excité, le bandit ne put pas réagir lorsque la Corrompue au regard langoureux s'approchait doucement de lui, attrapant sa main armé d'un geste doux, l'homme ne devant pas souvent avoir ce genre d'attention laissant échapper son arme, laissant ainsi Émilia poser sa main sur sa poitrine.

-Laissez-moi vous payer d'une tout autre manière...

Émilia le savait, l'homme était un être simple, surtout à cet âge. Quand elle était jeune, sa meilleure amie, la jeune fille du forgeron appelé Falisa avait essayé de lui enseigner l'art de manipuler les hommes... C'était une belle blonde, à la longue chevelure qui lui descendait jusqu'aux fesses. Ses magnifiques yeux émeraude faisaient tourner les yeux de tous les hommes du village et c'était d'ailleurs elle qui avait réussi à épouser le fils du maire, volant cette partie au nez et à la barbe d'Émilia et brisant leur amitié au passage. Elle n'avait jamais aimé user de ce genre de technique qu'elle trouvait dégradante... Mais étrangement, aujourd'hui, cela ne lui faisait ni chaud, ni froid.

L'homme reculait d'un pas, de deux... Ne sachant pas comment réagir, un sourire niais qui remontaient aux oreilles, jusqu'à percuter une silhouette de petite taille à la douce fourrure, se retrouvant en sandwich. Adressant un clin d'œil à l'agresseur, laissant l'homme au bon soin du docteur, le petit jeune savait que c'était fini pour lui.

Agenouillée à côté de son nouvel ami, Émilia prit le temps d'analyser la zone. Profitant de leur position un peu à l'écart, près de cette fenêtre, qui leur avait permis de neutraliser le jeune sans attirer l'attention, ils allaient devoir faire vite maintenant. Mais elle le sentait, le chef lui était hors de portée... Mais elle le sentait, le chef lui était hors de portée... Pour elle en tout cas.

-Vous allez bien ? Demanda-t-elle plus par habitude. D'après ce que je sens, ils sont deux à l'entrée et deux séparés au fond de la salle... Expliqua neutrement la Corrompue comme si elle lisait une carte, plus pour exposer la situation que pour dire quelque chose qui aurait pus échapper à Elim. Si on veut éviter les morts, nous allons devoir agir ensemble, comme avec vos blessés aujourd'hui. Votre statut et votre gentillesse peuvent réussir à faire revenir à la raison le chef, je vais faire en sorte qu'ils ne puissent pas utiliser des otages.

Lançant un petit regard au loup pour être sûr qu'il l'avait écouté, elle lui adressait un petit sourire amical avant de se mettre en position de course, une jambe tendue en arrière, l'autre fléchis prête à donner l'impulsion. Prenant une profonde respiration, les iris de la belle devenant rouge sang, elle partit comme une flèche droit vers le brigand le plus proche qui lui exposer son dos.

Forte de son Essence verte, Émilia traversait les quelques mètres qui les séparés avec une vitesse effrayante, profitant du trajet pour dégainer son arme cachée sur son avant-bras, la lame épaisse comme celle d'un glaive glissant le long du dos de sa main, forte d'une vingtaine de centimètres. Arrivant dans le dos du bandit, elle plaquait sa main sur la bouche de l'homme tout en enfonçant la lame dans l'arrière de son genou, le faisant tomber au sol, c'est alors que l'un des clients profitait du moment pour aider sa sauveuse, sautant sur l'agresseur avec elle sous le regard terrorisé de celle qu'il devait être en train de courtiser. A deux contre un, ils parvinrent rapidement et silencieusement à faire perdre connaissance au bandit.

Remercié chaudement par celui qu'elle venait d'aider, Émilia conseillait aux deux civils de se cacher sous la table, essuyant sa lame avec la nappe et la rangeant avant d'escalader l'un des piliers du bâtiment, accèdent aux poutres qui quadrillaient le plafond. Ainsi en position de chasse, dissimulée dans les ombres, seul les deux yeux rouges de la belle luisaient, menaçant, au-dessus du dernier rang bronze qui n'avait pas encore remarquait l'absence de ses deux amis. Patiente, Émilia regardait ce qu'il se passait du côté du docteur, prête à intervenir.

Tel le prédateur qu'elle était devenu suite à la morsure de son frère, Émilia attendait patiemment du haut de son perchoir, et de là-haut, elle se sentait invulnérable, invisible, supérieure. Ses sens en éveil surveillaient à la fois la silhouette du petit bandit qu'elle surplombait et la conversation qui commençait entre le petit loup et le chef de l'équipe. De son côté, le petit jeune qui restait debout semblait avoir des difficultés à racketter les deux hommes d'âge mûr qui lui faisait face. Usant de sa dague comme moyen de pression, il parvenait à garder la situation sous contrôle, mais il se retrouvait un peu bloquer dans sa quête de richesse.

Mine de rien, Émilia était pas mal étonnée par le côté expéditif de son nouvel ami qui avait tué son agresseur d'un seul coup, affirmant faire preuve de clémence. Nouvelle dans le quartier, notre amie n'était pas au fait des jeux de pouvoirs qui régnaient ici-bas et de la brutalité dont pouvaient faire preuve les gangs entre eux. Dans tous les cas, la Corrompue était rassurée, car même maintenant, elle pensait gagner des points en faisant preuve de retenue comme elle l'avait fait avec le bandit qui gisait au sol quelques mètres plus bas. Les humains n'aimaient pas les bêtes assoiffées de sang et à la lumière du jour, elle se devait de garder un visage angélique... Celle qui ne faisait pas de mal aux autres... Autant que possible en tout cas.

Rapidement, la situation sembla déraper entre le chef des Dragons Rugissants et le médecin qui tentait de le mettre en garde. Fatigué de se prendre des coups sans rien dire, Elim montrait sa supériorité sous le regard amusé d'Émilia, mais l'altercation attira bien évidemment l'attention du petit bonhomme qu'elle gardait sous surveillance. Souhaitant aller aider son chef, sûrement motivé par une envie de faire ses preuves auprès de lui, il s'apprêtait à s'en prendre au petit loup. Visant une attaque sournoise en le contournant, c'était sans compter la masse de 60kg qui venait de tomber du toit, droit sur ses épaules.

Tel un félin fier et agile, l'apprenti du médecin c'était laissé tomber au moment même ou le garçon passait sous elle, les pieds devant. Un craquement sinistre se fit entendre alors que les deux jambes du jeune bandit prenaient une forme peu orthodoxe en encaissant la chute des 60kg venant de 3 ou 4 mètres au-dessus. Dans un hurlement de douleur, l'homme avec une femme assise sur son dos, ne put qu'admirer le spectacle de la mise à mort de son chef.

-Oh désolé... Je suis tombé...

Soufflait Emilia, un sourire malsain sur les lèvres, avant d'écraser, de son talon, la main du bandit qui lâchait sa dague qui fut rapidement envoyée plus loin d'un geste vif. Elle avait décidé de ne pas verser de sang dans cette taverne aujourd'hui et elle allait s'y tenir, le sort qui attendait le pauvre homme maintenant cloué au sol ne l'intéressait pas et l'amusait même.

-Je ne suis pas aussi douce que notre cher Docteur, mon ami... Je ne t'offrirais pas une mort rapide alors que tu viens de gâcher mon repas... Et en parlant de repas...

Après ses quelques mots soufflés dans l'oreille de l'homme, elle lui tapotait la tête avant de se redresser, regardant l'homme qu'elle avait attaqué plus tôt user d'une sorte de déplacement furtif pour prendre la fuite, laissant le second de son chef ce faire attraper. Les yeux flamboyants, Émilia profita du chaos ambiant pour s'éclipser par une fenêtre, suivant l'odeur du sang dû à sa blessure pour rattraper le fuyard.



Mort de peur, l'homme c'était réfugié dans un buisson à plusieurs dizaines de mètres du lieu de l'attaque. Il avait perdu beaucoup de sang, ses amis, sa dignité et il sentait son esprit s'embrumer. Essayant de se faire un garrot tant bien que mal avec un des vêtements déchirés et un bout de bois rudimentaire, ses mains tremblantes avaient bien du mal a s’accorder pour répondre aux ordres de leurs maître... Mais c'est alors qu'un souffle tiède sur la nuque du blessé ne le paralyse de terreur.

-Oh petite Église...
Où te trouves-tu en ses heures sombres ? ♫
Alors que l'un de t'es enfant glisse...
Doucement dans les ombres. ♪

Le souffle saccadé, ne sachant pas dire si tout ceci était réel ou une simple hallucination due à la peur et à l'hémorragie... Hésitant un instant, il finit par jeter un coup d'œil horrifié par-dessus son épaule et les deux sphères vermeilles qui le fixaient dans son dos et l'immense sourire carnassier qui l'accompagnait furent les dernières choses qu'il vit avant d'être embarquées dans les ténèbres du buisson.

En bonne enfant bien élevé, il ne fallut qu'une dizaine de minutes pour qu'Émilia ne revienne dans la taverne directement par la porte principale, débarquant ainsi entre le chef des vipères noirs et Elim en essuyant ses lèvres d'un revers de manches avant de reboutonner les boutons de son chemisier en adressant un doux sourire aux deux compères qui semblaient bien se connaître.

-Désolé, j'ai essayé de rattraper le fuyard, mais il semble qu'il ait réussi à... Disparaitre. Ça m'étonnerait qu'il réapparaisse dans le coin ceci-dis. Ce tournant vers l'homme tatoué, le regardant un instant droit dans les yeux avec son regard océan avant de lui adresser une légère révérence. Merci d'être venu à notre secours.

Ainsi dont, la petite sortie qui ce devait être un repas amical entre deux nouvelles connaissances prient fin de manière un peu... Agité. Le petit loup s'excusait pour cette interruption, le gérant devant bien évidemment fermer boutique pour remettre sa taverne en état et pour permettre à son équipe et à lui même de prendre un peu de repos.

Échangeant des politesses, celui qu'Émilia avait pris pour le chef des vipères noir et le docteur discutait un peu entre eux, informant notre amie que le médecin avait dû sauver la mise de pas mal de monde dans le coin, brigands, femmes, enfants, aventuriers... Il semblait être très apprécié dans les quartiers pauvres. Observant les deux hommes en silence, un peu en retrait et les bras croisés, la Corrompue les laissés finir et en profitait pour faire une petite introspection intérieure.

Cela faisait bientôt une semaine qu'elle était arrivée à Portalia et elle avait rencontré déjà pas mal d'étrangés singuliers : Le voleur Hex qui l'avait étrangement pris sous son aile, le très bizarre Hypanatoi et ses discours alambiqués et maintenant Elim, le petit loup médecin. Elle avait également croisé la route de natif, comme le vieux vendeur de la petite boutique de vêtements et d'autres choses, la serveuse au décolleté éventé et ce connard de bourgeois qui avait osé posé ses mains sur le divin fessier d'Émilia... Tous étaient uniques et lui avait beaucoup appris, certains sans même le savoir. Maintenant que la jeune femme avait eu le temps de faire un peu le tour de la ville, se familiarisant avec ses rues et ses habitants. Elle avait dû se nourrir aussi, sa condition de Corrompue ne lui permettant pas de prendre le risque de laisser la faim l'emporté et lui apprenant, de facto, à d'dissimuler ses traces.

Cela n'avait pas toujours été facile, mais à présent une solution se présentait à elle. Une solution qui lui permettrait de mettre en pratique les conseils d'Hex et de se rapprocher de son objectif sur le long terme tout en approfondissant ses connaissances et pouvant même lui apporter quelques petits plats directement sur un plateau d'argent. Ainsi, lorsque Elim lui proposait de loger la jeune fille, celle-ci stoppait sa marche alors qu'ils avaient pris la route de l'hospice du petit loup. De ses yeux bleus profonds, elle semblait sonder l'âme de son compagnon, laissant un petit silence s'installer avant de se décider à lui afficher un large sourire, émue et un peu heureuse aussi, elle s'inclinait légèrement devant le médecin.

-Je ne peux pas accepter de vivre chez vous gratuitement... Cependant...

Relevant le visage, un air amusé dans le regard, elle s'approchait d'un bond du docteur, les mains jointes dans le dos.

-Si ça vous vas, le poste d'assistante / infirmière me plairait bien. Je ne sais pas faire grand-chose de mes dix doigts, mais je pourrais tenir l'accueille, gérer et trier les blessés, et même vous assister sur quelques soins basiques ! Essayait-elle de se vendre avec enthousiasme. Et je n'ai pas besoin d'argent, un simple toit en guise de payement, et pourquoi pas un petit resto de temps en temps, suffirai très bien !

Ce fut sur ses mots qu'elle concluait sa plaidoirie, les joues rougies par le stress et la peur de se faire recaler après les derniers événements.

De toute évidence, la proposition de la demoiselle fit mouche au vu du battement enthousiaste de la queue du petit loup et du gros câlin qui lui offrit sans demander son reste. Un peu mal à l'aise, craignant de sentir le sang et la transpiration, Emilia se figeait dans un sourire crispé en attendant que cet excès d'amour tactile ce calme.

Ni une, ni deux, Elim se hâtait d'accepter l'accord tacite passé avec la jeune femme avant de l'empoigner afin de l'emmener dans son cabiné qui se trouvait maintenant tout près. Son cœur se serrait au vu de cet élan entraînant qu'elle ne pouvait que subir, le souvenir de son père la traînant par les cheveux refaisant surface et son cuir chevelue ne se privant pas d'en rajouter une couche en lançant une douleur fantôme dans les nerfs de la demoiselle.

Finalement, cette course folle les dirigeait vers l'étage de la clinique dont la forte odeur de peinture, écho de travaux récents, fit éternuer la demoiselle à plusieurs reprises alors qu'elle découvrait ce qui allait maintenant être sa chambre.

Libérée de l'étau du docteur, Emilia joignait ses mains sur sa poitrine battante en faisant quelques pas dans la petite pièce. Silencieuse comme une tombe, le regard océan de la jeune femme semblait se voiler à mesure ou elle progressait dans la pièce, ayant du mal à assimiler exactement ce qui était en train de se passer.

-C'est tellement plus lumineux que "ma" cave... Il y a même un lit... J'ai le droit de l'utiliser... ? Je ne vais pas me faire punir... ?

La petite demoiselle à la chevelure ivoire parlait d'une petite voix étouffé et tremblante, semblant plus parler à elle-même qu'à un interlocuteur en particulier, tandis qu'elle balayait la pièce du regard. La chambre n'était pas très grande, quelques meubles en piteuses états étaient éparpillé ici et là et le tout allait demander quelques jours de réaménagement et de décoration avant de vraiment pouvoir être appelé "une chambre".

Après tout, les seules chambres qu'elle avait connues étaient une pièce commune où elle dormait sur des matelas de paille avec son frère et ses sœurs, une simple laine fatiguée trop petite et fatiguée comme seule couverture, toute la petite famille ainsi regroupée près du feu qui s'éteignait doucement dans la cheminée.

La seconde, étant sa cave sombre et humide où seul son père descendait une à deux fois par jour, voir comment ça dernière fille aller, une ceinture à la main...

Ce tournant finalement vers le petit loup, elle lui adressait un immense sourire d'une rare sincérité, une larme coulant le long de sa joue alors qu'elle essayait d'aligner deux mots.

-C-Ce seras plus que parfait... ! Vous avez même une salle de bain avec une pierre d'eau, je ne sais même pas comment ça fonctionne, haha...

Elle ne parvint pas à en ajouter davantage, la fatigue et l'émotion prenant le dessus, la jeune femme fondit juste en larmes devant le pauvre docteur.

Comme à son habitude, Elim fit preuve de beaucoup de gentillesse et de douceur avec la jeune paysanne qui se remettait doucement de ses émotions, assise sur son lit. Le pauvre ne pouvait que supposer et imaginer le pourquoi d'un tel craquage émotionnel, mettant en parallèle sa vie qui se trouvait ne pas avoir de tout repos non plus, avec celle de sa nouvelle assistante. Tout deux semblaient donc partager plus de point commun qu'ils n'auraient pus le penser au premier regard...

Laissant finalement seule la demoiselle, afin qu'elle puisse récupérer et faire le point avec elle-même, Elim sortit de la chambre, laissant Emilia essuyer ses larmes d'un revers de manche. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne c'était pas laisser aller à ses émotions comme ça et aujourd'hui elle avait enfin l'impression que les choses commençaient à s'arranger, qu'une douce lumière venait de s'allumer au fond du sombre tunnel qu'elle avait commencé à arpenter dans la cave de sa maison familiale.

Finissant par se relever, la Corrompue prit le temps de faire le tour de la pièce, caressant doucement les meubles qu'elle croisait comme pour s'assurer que tous ceci n'était pas un énième mirage. Un sourire un peu niait sur les lèvres, elle avait du mal à réaliser qu'elle avait enfin sa propre chambre avec même un vrai lit en son centre, une table où elle pourrait essayer d'écrire des romans d'aventures comme elle avait toujours rêvé de le faire, si elle savait écrire, et une fenêtre donnant sur un champ de ruines qui lui paraissait étrangement magnifique. Calme et serein, une brise faisant danser la poussière dans les rayons cramoisis du crépuscule. Poursuivant sa visite, elle passait devant une coiffeuse poussiéreuse posée dans un coin de la pièce, près de la porte, où elle crut, du coin de l'œil, apercevoir une silhouette étrange tandis qu'une voix se mettait à résonner...


Le sang d'Émilia se figeait alors qu'elle faisait quelque pas en arrière, les mains sur sa poitrine comme une fillette effrayée, jusqu'à ce qu'elle puisse voir son reflet dans le miroir. Son reflet... Ou pas tout à fait... C'était bien Émilia qu'il y avait dans le miroir, mais avec la chevelure rouge mat, comme ensanglanté. Ses yeux noirs n'ayant qu'une flamme rouge à la place de la pupille et un sourire carnassier sur le visage, allant d'une oreille à l'autre, les canines apparentes.


-Tais-toi... Soufflait Émilia, à bout de souffle, en essayant de se boucher les oreilles.

-Tais-toi.... Mais la voix résonnait dans son esprit, dans un écho infini.

Le craquement du parquet, derrière la porte de la chambre, fit sursauter la fillette qu'était redevenue Émilia devant ce miroir. Elle se tournait nerveusement vers le bruit. Le silence. Puis des bruits de pas qui s'éloignaient de nouveau, certainement Elim qui venait de déposer quelque chose. Terrifiée, la jeune femme se retournait vers son double, mais il n'y avait plus qu'elle dans le reflet, sa chevelure ivoire et ses yeux océan. Et un sourire, carnassier, comme celui de l'autre, sur ses lèvres.

Finalement, il n'y avait toujours eu qu'elle, ce tourmentant seul avec ses propres démons qui pouvaient prendre mille et une forme dans son esprit brisé. Aujourd'hui, alors qu'elle avait enfin un moyen de revenir à une vie saine et normal, une partie d'elle refusait cette réalité, craignant un retour de bâton du destin. Lui qui c'était toujours montré cruel avec elle. Au fond d'elle, une partie déchirée de sa conscience refusait de refaire confiance à quelqu'un et érigeait un mur entre le monstre qu'elle était devenu et les restes humains de son âme.

Ouvrant la porte timidement, Émilia récupérait les quelques effets que le docteur lui avait laissé. Prenant un tissu, elle recouvrait le miroir de la coiffeuse avant de se dévêtir et d'essayer les amples vêtements que lui avait trouver Elim avant de s'affaler dans le lit en se cachant le visage avec son bras. Elle sentait le sang... Un brin de toilette ne lui ferait pas de mal, mais ça attendrait le levé du soleil.

-Je dois rester prudente... Le Doc' n'est pas une mauvaise personne... Je dois rester prudente...

Elle serait les dents, elle ne voulait pas faire de mal à Elim comme elle avait pus le faire avec son père. Mais si jamais il venait à l'enfermer lui aussi ? S'il venait à lever la main sur elle en découvrant qui elle était vraiment ? Et si, « elle » avait raison ?

Alors qu'elle sombrait doucement dans les ténèbres de la nuit, ses questions hantaient l'esprit d'Emilia qui voyait encore le visage dans le miroir et cette voix, qui lui était finalement pas inconnue... C'était celle qu'elle entendait dans son esprit chaque jour. Cette petite voix qui tente de nous guider, de nous conseiller. Ici aussi elle avait été corrompue, brisé... Alliée, ennemie, sœur ou démon ou peut être tous ça à la fois, elle avait finalement pris forme sous le regard de la demoiselle, afin de lui rappeler qui elle était derrière ses masques. Masque qu'Emilia allait devoir entretenir avec soin dans les jours et semaines qui allaient venir.