Ces jours où rien ne semble aller ~ Allys

« Aaaaa… » s’écria la jeune femme, ses yeux ambrés jetant un regard désemparé face à ses fournitures s’envolant dans les airs avant de s’écrouler au sol juste avant sa propre personne.

Les pavés rugueux griffèrent ses mains et ses bras dénudés jusqu’aux coudes, brûlant au passage sa peau avec le sable répandu sous son corps. Allys était tombée brutalement, bousculée par un malpropre qui n'avait rien trouvé de mieux à faire que lui jeter du sable à la figure avant de s’enfuir. Beaucoup de sable, histoire d’être sûr qu’elle glisse comme une patineuse artistique hein ? Ouais, bah elle avait pas manqué de voir au passage la traînée de grain de ce petit poucet, lui désignant la direction à suivre pour lui rendre la politesse.

« ... bruti. » termina finalement la cendrée en posant ses paumes sur le sol afin de redresser mais elle s’immobilisa en apercevant un chien traverser la foule à vive allure, fonçant droit sur… elle.

Par réflexe, elle leva son bras tatoué, s’en servant comme un bouclier afin de protéger son visage. L’animal bondit prestement, passant au-dessus d’elle avec une grande agilité. Hébétée, Allys le suivit du regard, réalisant qu’il partait dans la même direction que l’énergumène qui l’avait fait jurer un peu plus tôt. Elle se fit la réflexion logique que l’homme devait sûrement fuir le chien qui semblait lui en vouloir pour une raison inconnue mais elle ne décoléra pas pour autant.

Ramassant ses affaires éparpillées autour d’elle, l'ingénieure continue de pester. Quand, enfin, elle eut remis de l’ordre, elle dû se forcer à prendre une longue inspiration afin de s’apaiser. Quelques respirations profondes plus tard et voilà qu’elle…

« whouaaaïïïe ! » hurle-t-elle lorsqu’un pied ne piétine à présent sa main de chair.

Celui-ci dû s’en rendre compte puisqu’il cessa de regarder le plafond bleuté pour se pencher sur sa victime. Au moins retire-t-il son pied, laissant à l’ingénieure l’occasion de récupérer sa main martyrisée et la plaquer contre sa poitrine, son autre main l’enveloppant dans un geste protecteur. L’air pincé, les sourcils froncés, elle fusillait l’inconnu de ses prunelles dorées, sa respiration témoignant clairement que ses nerfs étaient mis à rude épreuve.

« Vous pourriez pas m’aider à me relever au lieu de me piétiner ? » grommelle-t-elle même si ça ressemble plus à un gazouilli désespéré. « J’suis déjà tout écorchée et pleine de sable, c’est bon j’ai ma dose là… »

Si le ciel lui tombait sur la tête à présent, ce serait le pompon, la cerise sur le gâteau. Décidément, la jeune femme aurait mieux fait de ne pas mettre les pieds dehors. Hex avait tellement raison de s’en faire pour cette grande cruche puisque même lorsqu’elle ne se mêle de rien il faut que ce soit les autres qui lui cherchent les embrouilles.

Cela dit, celui-ci ne s’était pas enfui tel un malpropre, lui au moins.

Elle avait donc vu juste, ce garçon-là n'était pas un mauvais bougre. Saisissant la main tendue, il aida Allys à se remettre sur pieds mais également à ramasser ses affaires : du matériel mécanique pour la plus grosse partie. Des écrous, du métal, des engrenages… Rien d’inhabituel pour l'ingénieure mais pour une fois cela ne servirait pas à la rénovation mais plutôt à la résurrection d'un membre fantôme, à savoir une patte mécanique. La cendrée avait hâte de s’y mettre mais elle devra réfréner encore un peu son enthousiasme. L'étranger venait de percuter aux paroles de la jeune femme et l'avait saisie aux épaules, un espoir flottant dans la voix. Troublée, Allys ne comprend pas immédiatement le sens des paroles qui s’ensuivirent.

« Le sable…? Où… » bredouilla-t-elle, son regard balayant ses vêtements et le sol.

Rien. Tout avait disparu. C'était comme si cela ne s'était jamais produit mais pourtant la jeune femme était persuadée de ne pas l’avoir imaginé et ce garçon ne semblait ni étonné ni remettre en doute la véracité d’une telle chose. Au contraire, affirmait être la victime d’un vol de sablier. Quoi que soit cet objet, il n'était pas commun et cela expliquait l’empressement de l’elfe : Il s’était approprié un bien qui n’était pas le sien. Ce simple fait eut le mérite de rallumer la flamme dans le regard ambré de la jeune femme. Son visage se fermant dans une moue à mi-chemin entre la contrariété et l’agacement, elle dévisagea plus franchement l’homme qui lui faisait face, observant ses traits soucieux et ses va-et-vient agités. Il s’excusait, confus, mais Allys secoua la tête.

« C’est rien, je n’ai plus mal. Alors il t’as volé un bien précieux… Je comprends. Je vais t’aider. Je suis rancunière et j’aime pas les sales types dans son genre. T’en fais pas, on va le retrouver, je sais par où il est parti. »

Sans prendre le temps d’un quelconque accord, la cendrée réduisit l'écart entre eux pour saisir la paume de l’autre gris de sa main tatouée. Si le contact glacé du membre magique dû surprendre ce portalien fraîchement débarqué Allys n'eut pas l’occasion de fournir d’explications. Elle s’élançait déjà dans une rue plus étroite, entraînant à sa suite le propriétaire du sablier. La foule y était moins dense, permettant à la jeune femme et son comparse de se faufiler dans grande difficulté.

« A-attention… » interpelle-t-elle une dame portant à bout de bras un panier de légumes, s'abaissant pour passer par dessous.

Quelques mètres plus loin pourtant la course effrénée prit fin. Les pas pourtant si empressés se mirent à ralentir jusqu'à s’immobiliser totalement devant un carrefour. Deux directions possibles mais laquelle choisir ? Le malandrin avait de l’avance, assez pour coincer rapidement ses poursuivants. Allys ne connaissait pas encore la ville sur le bout des ongles pour avoir la moindre idée du meilleur chemin pour prendre la fuite. Devaient-ils se séparer là pour s’assurer d’avoir encore une chance d’attraper le voleur ?

« Merde. On fait quoi maintenant ? » jure-t-elle, se pinçant les lèvres de frustration. « Ton chien… Phénix, c’est ça ? T’as dis que tu pourrai l’appeler ? Sinon on se sépare, on couvrirait plus de terrain. »

De longues secondes, voilà ce qu'il suffit pour voir apparaître la longue silhouette du chien. Grand, élancé et le regard vif. Allys ne put s'empêcher de faire la comparaison avec Louna, la jeune chienne qu’elle avait sauvé récemment. Celle-ci était fidèle et craintive, bien loin de l'aplomb du canidé qui lui faisait face. Un instant égarée dans ses réflexions, l’ingénieure fut surprise lorsqu'à son tour son camarade lui prit la main afin de poursuivre sans attendre le compagnon à quatre pattes.

Ils n’eurent pas à courir bien longtemps, étant au final tout proches du square où s'était réfugié le voleur. Allys eut d'ailleurs un petit rire amusé en observant l’elfe perché sur l'arbre, apeuré, agrippant des branches avec l'espoir infini qu’elles ne cèdent pas sous son poids. Et il faisait bien de se tenir aussi solidement car en dessous du chêne le chien attendait avec impatience que sa proie ne fasse la moindre erreur. Bien qu’elle ignore que l’animal était capable de parole, du moins avec son compagnon, elle lisait clairement dans son regard son intention à l'égard du malotru et surtout sa colère. Une chose est sûre c’est que c'était bien le voleur et il osait interpeller celle qu’il avait jetée au sol un peu plus tôt, ordonnant d’un ton angoissé :

« Faites le partir de là ! Faites dégager ce chien ! »
« Je peux faire ça oui. » répond-elle, bras croisés. « Il vous suffit de me lancer le sablier qui encombre vos mains et mon ami rappellera son chien, c’est promis. »
« Quoi, mais, qu’est-ce que vous… » son regard se porte alors sur le gris, il réalise. « Non ! Vous allez lui donner. Pas question, c'est à moi ! »
« On ne pourra pas dire que je ne l’ai pas demandé gentiment… »

L’ingénieure soupire. Elle s’avance, jauge la hauteur. Si cet imbécile d’elfe avait pu s’y percher cela ne devrait pas être si difficile d’y monter. Le seul souci c'est que la blonde avait le vertige depuis qu'elle s'était souvenue de sa chute. Cela dit, son comparse semblait réfléchir à la même méthode puisqu’il avait les yeux rivés sur le tronc.

« Tu vas le chercher ? Je vais t’aider à te hisser. » propose Allys en plaçant ses mains pour que son comparse puisse prendre appui sur elle. « T’en fais pas je suis solide et j’ai assez de force pour te pousser là-haut, t’auras juste à l’attraper. »

Le hisser n'était pas bien compliqué, d’autant plus que la jeune femme avait fait réapparaître sa prothèse mécanique. Quant à la performance de son camarade, elle fut plutôt bien réussie. En même temps rien de plus simple quand on a la rage au ventre, non ? Le gris avait toutes les raisons du monde de mettre au sol cet imbécile d'elfe se croyant à l’abri. Il n’eut pas grand peine à faire tomber le voleur et redescendre rapidement grâce à l’appui de la jeune femme. Celle-ci d’ailleurs retenait par le col le fuyard juste avant qu’il ne tente une nouvelle échappée. Le bras de métal s'était saisi sans effort de l’elfe et le soulevait de manière à ce qu'il ne touche le sol que du gros orteil.

« Tut-tut-tut, tu comptes aller où là ? T’as des excuses à faire. » Face au mutisme de son interlocuteur, elle le souleva un peu plus, resserrant sa prise. « J'attends. Ou alors tu préfères te faire croquer par le chien ? »
« P… pardon. »
« Bien, bon garçon. Maintenant si tu expliquais à ce charmant jeune homme pour quelle raison tu t’es octroyé le droit de t'accaparer ses affaires ? Elle a intérêt d'être bonne. »

« Ah ouai... Tu rigoles pas avec ton bras. C'est pratique ! »
« Ah..? »

L’ingénieure sentit ses joues se réchauffer légèrement, touchée par le compliment. Même si elle ne se rappelait pour l'instant que très peu de sa vie d’avant, elle avait la sensation qu’une telle admiration ne lui avait jamais été témoignée. Dans son monde les prothèses étaient plutôt monnaie courante même si celles d’une qualité comme la sienne étaient en général réservées à l'élite, ceux qui en ont les moyens. Mais ce que l'on pouvait en faire ensuite n’avait que peu de limites. Allys avait toujours eu des prothèses d’une grande finesse, sculptées en motifs d’une grande beauté mais cela n’avait jamais éveillé d'intérêt.

Dans ce monde la particularité de la jeune femme la rendait spéciale, d’autant plus qu’à présent une étrange magie avait fusionné le métal et sa peau si bien qu’elle pouvait en modifier son aspect. Cela dit, Allys s'égarait du sujet, toute à ses pensées. Elle suivit d’une oreille distraite la discussion entre son acolyte et le voleur, hochant la tête lorsqu'il lui demanda de garder l’elfe prisonnier de sa poignée. Cela permis laisser assez de temps au blond pour retrouver l’objet précieux ainsi qu’une collection de bijoux.

« Tu comptes faire quoi de lui ? »

Allys poussa un soupire en détaillant son prisonnier. Il ne gesticulait même plus, pendant mollement dans le vide, tenu par ce bras étrangement si fort. Privé de ses butins, il avait seulement l’air désespéré. A vrai dire, la cendrée éprouvait de la pitié en l'observant. C’est dire si elle avait une grande considération pour l’homme aux oreilles pointues. Au contraire, elle le jugeait ouvertement de son regard perçant.

« Qu’est-ce que je vais faire de lui ? Ahhh… Comment peut-on en arriver aussi bas ? Entre ceux qui agressent les chiots, maintenant c’est le vol. C’est quoi cette ville de déchets sérieux… C’est pas censé être une collection de “héros” que cette déesse doit ramener ? Pfff… Franchement, c’est quoi ton excuse, l’oreille pointue ? »
« J'ai... J'ai des problèmes, vraiment, je n’ai plus de travail et pleins de dettes… J-Je fais ça pour ma fille, pour qu'elle ait une bonne vie. C-C’est temporaire... Juste le temps d-de… »
« Pour ta fille ? C’est ça ton excuse ? » La voix de la jeune femme se fit brusquement plus tranchante. Elle ne savait pas pourquoi mais cette explication la rendait irritable. « Tu crois que c'est le bon exemple pour elle ça ? Qu’elle sera fière d'avoir un père pareil ? Des dettes… Putain c’est pas une excuse pour agir comme une merde ! »

Saisie par une colère soudaine, la jeune femme décida de faire montre d’un peu plus d’intimidation envers le voleur. Brusquement, il se retrouva plaqué contre le tronc de l’arbre vénérable. L’homme ne répondit pas, abaissant son visage si bien que ses boucles noires masquaient ses yeux. Son corps tremblait misérablement et ses cordes vocales étaient chargées de sanglots retenus quand il bredouilla à mi-voix :

« Je .. Je suis vraiment désolé… »
« Ce n'est pas suffisant. » réplique-t-elle aussitôt. Elle marque une pause, soupire à nouveau. « C'est quoi ton nom ? » Le silence l'accueille en retour, elle s’impatiente. « Ton nom. C’est pas sorcier comme réponse. Alors ? Tu vas répondre ou tu préfères rencontrer le bitume maintenant ? »
« Non non ! Pitié, arrêtez de me violenter, je-je vais répondre. Je m’appelle Eliandir. »
« Tu vois quand tu veux. Bon. Honnêtement, Eliandir, tu me fais pitié. Je vais être sympa, je te propose un choix, alors écoutes moi bien, je ne le redirai pas. Soit demain matin neuf heures tapante tu te pointe dans l’allée marchande devant le stand Terasu et je t’offre l’opportunité d’un travail avec moi soit tu restes une sous-merde qui détrousse les gens et je te jure que la prochaine fois que je te vois une émasculation sera loin d’être le pire de tes cauchemars, c'est clair ? »
« O…Oui madame. »

Avec une étonnante douceur Allys reposant l’elfe au sol. Elle desserra son emprise lentement, dépliant ses doigts métalliques  jusqu’à ce que le dénommé Eliandir soit à nouveau libre de ses mouvements. Pourtant, celui-ci resta figé sur place, ne recula que de deux pas, indécis alors qu’il sentait toujours les trois paires d’yeux plantées sur lui. L’ingénieure leva alors la paume, secouant sa main de bas en haut pour lui signifier qu’il pouvait débarrasser le plancher. L’instinct prit alors le dessus sur la moindre réflexion et l’elfe fit demi-tour, ses jambes s'élançant déjà pour lui à vive allure. Rapidement, il disparut du champ de vision du groupe.

C’est précisément lorsqu’ils se retrouvèrent totalement seuls que la jeune femme tourna le visage vers le gris. Elle avait l’air calme, un tantinet satisfaite, puis son visage sembla se charger d’une expression chaleureuse. La tête légèrement penchée et les yeux rieurs, ses lèvres vinrent à s’étirer d’un sourire adorable.

« Au fait, je m’appelle Allys, et toi ? » demande-t-elle avec légèreté.

Le sourire se fane pourtant presque aussitôt alors que ses yeux ambrés se posent sur l’objet précieux que son homologue était venu chercher. Un sablier, magnifique au demeurant mais brisé. Du sable n’arrêtait pas de s’en écouler.

« Oh, non ! Il est cassé. » déplore-t-elle sincèrement. « Je comprends mieux tout ce sable… mais… attends, comment…?! Qu’est-ce que c'est vraiment ? Oui, oui, tu vas me dire que c'est un sablier, mais ce qu'il fait, là, soit c’est de la magie, soit c'est une prouesse de technologie. D’où vient tout ce sable et comment fait-il pour disparaître ? C’est incroyable… »

Ses yeux brillaient d’admiration. Non seulement l’objet était sculpté avec une grande finesse, portant même des détails fort élégants, mais ce qu’il s’y passait au centre n’en était que plus mystique encore. Ça lui rappelait… Ca lui rappelait cet œuf mécanique qu’elle avait fabriqué… quand ? L’image lui était revenue comme une évidence, son utilité également, mais une part d’ombre restait ancrée. Des irys, la monnaie de son pays, reproductibles à l’infini. Un prodige qu’elle ne serait très certainement pas capable de reproduire aujourd’hui.

L’ingénieure avait vu juste concernant l’étrange sablier. Il s’agissait bien d’une magie, un peu étrange, liée au garçon. D’une certaine manière, c'était comme pour les architectes de son monde et leurs disciples. La magie ne pouvait opérer que s’il y avait un lien entre eux. Là, il ne s’agissait pas d’une déité mais d’un objet. D’une certaine manière, ce n’était pas plus étrange que ce qu’il se faisait chez elle… Et les objets, au moins, on est sûr de leur réalité. Allys était intriguée, curieuse de comprendre en quoi les deux entités pouvaient être liées et quelle magie pouvait bien en découler mais… Le problème étant qu’en l’état le gris ne pouvait plus faire grand chose. Il fallait réparer le sablier. C’était l’unique certitude.

« Tu sais quoi Mikh’ ? On ne s’est peut-être pas croisés par hasard finalement… Peut être même que c’était le destin que tu marches sur ma main et pas celle de quelqu’un d’autre. »

Alors qu’elle disait ces mots, un large sourire flottait impérieusement sur ses lèvres. Jusqu’ici la jeune femme n’avait pas dévoilé grand chose sur sa personne. Mikhail n’avait vu qu’une fille un peu effrayante avec une force étonnante mais un bon fond. Cependant, il se pourrait bien qu’elle soit la chance incarnée dont il avait désespérément besoin et ça, elle venait de s’en rendre compte.

« Je peux t’aider. Mon travail, c’est de bricoler les métaux dans ce genre-là. Je suis ingénieure mécanique, entre autres. J’invente, je crée, je répare, j’améliore. Ca c’est mon crédo. Bon, il est possible que je n’arrive pas à refaire fonctionner ton sablier, vu que c’est magique, mais… Je peux déjà l’empêcher de s’écouler à l’infini dans les airs. Si tu veux bien me le prêter, je peux voir pour te fabriquer un étui solide. C’est pas grand chose mais ça devrait tenir en attendant de voir si c’est dans mes cordes de réparer le sablier en lui-même. »

La jeune femme se rapprocha du voyageur, puis elle se pencha pour observer de près l’objet magique. Il n’était pas dans un superbe état, que ce soit le métal sculpté ou le verre, il y avait beaucoup de travail. Ce n’était pas infaisable, du moins techniquement, mais Allys ne pouvait pas garantir que la magie à l'intérieur fonctionne à nouveau. Elle n’était pas magicienne après tout. Ou peut-être que si ? Après tout, un miracle s’était déjà produit sur sa propre prothèse et même si elle ne se rappelait pas comment, il n’était pas impossible que cela vienne d’elle.

« Tu vois mon bras et ma jambe ? » questionne-t-elle en levant sa prothèse mécanique et relevant son pantalon jusqu’à son genoux pour en dévoiler une seconde. « Ca, là, ce sont juste des prothèses. J’ai été amputée il y a longtemps. Mais regarde. »

En se concentrant quelques instants, le métal commença à se transformer jusqu’à disparaître et laisser place à des tissus vivants. Une belle peau parcourue de fines lignes ocres comme des tatouages de rouages complexes. La jeune femme plia la jambe, pinça la chair de son avant-bras entre deux doigts. A part la froideur au toucher, ses membres semblaient naturels comme si le métal n’avait jamais existé et que ces membres de chair faisaient partie intégrante du corps de l’ingénieure.

« Je ne vais pas te mentir, je n’ai pas la moindre idée de comment c’est possible. J’ai… euh, j’ai perdu quelques souvenirs en arrivant ici. Cela dit… Je crois que la magie vient de moi et, peut-être, je ne te le garanti pas mais, c'est possible que si je me souviens de comment j’ai fais pu faire ça… Je pourrais peut-être réparer ton sablier. Après tout, c'est aussi une manipulation des métaux par la magie, ça devrait être un peu pareil. »

Ca faisait beaucoup de gentillesse pour une seule personne. La jeune femme n’était pourtant pas le genre à aider la veuve et l’orphelin par pure bonté d’âme. Ça n'en restait pas une individualiste et le problème du gris ne la regardait pas au fond. Malgré tout, il y avait peu de chance qu’elle tombe une nouvelle fois sur un cas aussi similaire au sien. Si elle parvenait à ce tour de génie, ça l’aiderait à se faire une bonne renommée non ? Ca prouverait sa valeur et son talent et surtout si cela pouvait lui permettre de comprendre un peu plus qui ou ce qu’elle était devenue… Ne pas saisir l’opportunité serait idiot. Parce que non, ce n’était pas juste l’air abattu du jeune homme qui lui donnait l’envie d’être gentille.

« Enfin… Evidemment, si je te le répare, ce n’est pas gratuit hein. » se reprend-t-elle, détournant le regard, une légère rougeur colorant sa joue. « Déjà tu m’en dois une pour le voleur et tu ne m’a même pas remerciée. »

Niveau sensiblerie, on repassera pour la crédibilité. Allys n’était pas vraiment heurté dans son égo et elle avait choisi toute seule d’intervenir, comme d’habitude d’ailleurs, mais elle n’était pas la plus adroite pour ce qui relevait de la communication. Ce qui était certain c’est qu’elle n’assumait pas totalement son côté “bon samaritain”.