Hetacta... Je me souviens du froid qui gelait mes doigts, de la neige et du brouillard. Nos hivers étaient rudes et le soleil, bien souvent, peinait à percer les lourds nuages qui fardaient le ciel d'un tapis cotonneux. J'ai toujours eu froid là-bas, même en été. Pourtant, entre les murs de l'orphelinat qui m'a vue grandir, je n'ai jamais souhaité mon avenir ailleurs. La vie au sein de notre cité était difficile, mais je croyais en nos dieux et en leur jugement. Je ne pouvais pas prétendre à m'élever au-delà de ma condition. Mes parents décédés dans les mines de cristaux dont ils creusaient la roche, n'avaient ni titre, ni possession à me transmettre. J'étais sans le sou et aussi misérable que bien des enfants abandonnés aux mains d'un système critiquable, mais efficace. Tout du moins, c'est ce que prétendait l'armée.
Militarisées, nos instances politiques devaient garantir la sécurité de tous face à la menace des dragons. Notre Roi n'avait alors que la valeur du symbole. Un emblème que nos généraux savaient brandir pour appeler au calme, mais dont la souveraineté se limitait au trône et à ses estrades. Il n'avait aucun pouvoir, sinon celui d'acquiescer aux exigences de l'armée.

J'ai très (in)volontairement rejoint les rangs de nos troupes militaires alors que je n'étais encore qu'une enfant. Le bataillon qui m'a accueillie était surtout composé d'orphelins - comme moi - et d'esclaves. Nous étions tous jeunes. Personne au sein de notre escadron n'avait eu loisir de fêter son quinzième anniversaire. Pour ma part, j'avais douze ans. Douze ans et la peur au ventre. Parce qu'il ne fallait pas être dupe. Notre devoir, alors que nous avions été enrôlés de force, ne consistait qu'à mourir. Mourir pour que d'autres survivent. Pour que notre peuple et nos cités demeurent, et pour que l'élite de notre armée puisse un jour vaincre Ducaïs, le Seigneur des Dragons qui voulait tous nous anéantir.
C'est à cette époque là que j'ai commencé à préférer prier le Dieu de la Mort. Quand à chaque sortie hors les murs de la cité, je voyais mes compagnons périr sous les griffes et les crocs des monstres draconiques. C'est aussi à cette époque là que j'ai choisi de me battre. Pour moi, bien sûr, pour ma survie, mais également pour offrir de meilleurs lendemains à nos peuples. Parce que les dragons n'aspiraient qu'à la destruction de nos cités. Parce que leur cruauté n'avait pas de limite et parce que leur violence était plus inouïe que tout le Mal qu'il m'avait été donné de voir jusque là. Mais je n'étais qu'une gamine. Une gamine offerte en pâture aux drames de la guerre. Une denrée sacrifiable qu'un ordre de marche devait envoyer vers une mort certaine.

Mon Destin devait se sceller à l'aube de mon quinzième anniversaire. Etiquetée comme une bête qu'il convenait de mener à l'abattoir, je prenais alors la route avec l'intégralité de mon bataillon, afin de partir à la rencontre de Ducaïs. Le voyage entamé au petit matin était sans retour possible. Notre mission, simplement suicidaire, ne consistait qu'à faire diversion. Mourir, pour que les vrais héros puissent vaincre le Seigneur des Dragons. Mourir, pour que tous les autres puissent vivre. Le plan était sans faille et le Champion d'Hetacta se trouvait déjà prêt à porter le coup de grâce. Formé depuis son plus jeune âge à endosser ce rôle, il n'avait que le choix de la Gloire. Benedikt Malcom Hessel, celui qui à tout juste dix-neuf commandait aux membres de l’escadron Alpha. Celui qui, par ma faute, a vu sa vie brisée.
Je n'ai pourtant pas souhaité cela. Jamais. Et à être parfaitement honnête, je ne sais pas même comment les choses en sont arrivées là. J'étais inconsciente lorsque l'escadron Alpha est arrivé. Miraculeusement en vie, alors que le reste de mon bataillon avait succombé et inexplicablement en possession du coeur de Ducaïs. Je le tenais dans le creux de ma main, comme un trophée normalement destiné à un autre.

« La Chasseuse de Dragon », c'est ainsi qu'ils ont commencé à m'appeler. À Hetacta, mon nom était sur toutes les lèvres. La plupart des gens me considérait comme leur héroïne. J'étais celle qui avait sauvé le monde en terrassant le Seigneur des dragons. Mais pour Benedikt, les choses étaient différentes. J'imagine qu'il m'a haïe dès le premier regard. Dès l'instant où il m'a trouvée inanimée sur le champ de bataille. Et les décisions de son père, le très exigeant dirigeant d'Hetacta, n'ont évidemment pas arrangé les choses.
J'ignore s'il se voulait punir son fils ou s'il avait pour moi quelque projet concret, mais en demandant à Benedikt d'assurer ma formation, il nous mettait très directement en compétition. Evidemment, le Commandant de l'escadron Alpha n'allait pas se montrer doux et agréable avec moi. Evidemment, il n'allait pas m'épargner. Les entraînement sous sa direction étaient rudes, épuisants et souvent blessants. Benedikt s'acharnait à m'humilier. J'étais bonne à rien, stupide et incapable. Je ne méritais pas mon titre. En mission, il n'aspirait qu'à me voir échouer. Parfois, j'en suis convaincue, il faisait son possible pour me pousser à la faute.

Le plus drôle dans tout ça, c'est que je n'arrivais pas à lui en vouloir. Malgré les coups, malgré les insultes, malgré tous ses mauvais traitements, je l'admirais. Il était tout ce que j'espérais devenir. Il incarnait cet idéal que j'effleurais parfois du doigt. Un héros à l'aura magnétique dont j'observais chaque geste et qui, inévitablement, amenait mon coeur à battre plus fort. J'aurais donné ma vie pour lui. Par loyauté, bien sûr et parce que je ne pouvais rien espérer de lui, sinon la haine. Les Dieux m'étaient alors d'un grand secours et ma foi est devenue mon refuge.
J'ai souvent prié pour Benedikt. Pour qu'il arrive à surmonter sa colère et pour qu'il parvienne un jour à se voir autrement que comme un échec. Mais là encore, son père n'a pas aidé. Me mettre en retrait me semblait donc plus adapté. Cependant, quand en mission Benedikt se retrouva en danger, je n'eus que le choix d'agir. Je ne pouvais pas le laisser mourir sous mes yeux. Pas lui... Surtout pas lui... Et quand bien même il m'en voudrait jusqu'à la fin des temps.

Le sauver a achevé d'exacerber sa haine à mon encontre. Surtout lorsque les médecins lui ont annoncé leur sentence et que son père à choisi de me nommer à sa place, à la tête de l'escadron Alpha. Je devenais la nouvelle Commandante du bataillon, quand il n'avait plus que le droit d'enseigner aux recrues. Une nouvelle fois, j'étais responsable de son malheur et de sa disgrâce. Pendant des années, j'ai assisté impuissante à sa descente aux enfers. Je l'ai vu changer et se perdre, disparaître derrière le paravent de ses frasques. Benedikt n'était plus que l'ombre de lui même et je m'en sentais d'autant plus responsable qu'il me détestait. Mais je n'avais pas d'autre choix que de le laisser sombrer.
Quand sa mère est tombée malade, nous n'avions déjà plus aucun contact. J'osais cependant prendre de ses nouvelles. Il s'employait à changer, me disait on. Il passait le plus clair de son temps à l'hôpital, au chevet de sa mère et boudait les bars qui l'avaient vu saoul plus souvent qu'à son tour. Pour ma part, j'accomplissais mon devoir et je remplissais mes fonctions en tant que Cheffe de l'Escadron Alpha. Le père de Benedikt m'avait prise sous son aile, mais je ne parvenais pas à lui faire confiance. Qui donc pouvait se fier à un homme qui refusait de rendre visite à son épouse mourante ? J'ai presque été surprise de le voir aux obsèques.

Pour autant, mon rôle se limitait à mon grade et je n'avais pas à me prononcer sur des affaires familiales qui ne me regardaient pas. J'étais seulement soulagée et heureuse, de revoir Benedikt sous un meilleur jour. Bien sûr, il continuait de me battre froid. Je crois très sincèrement qu'il me considérait comme l'incarnation même du Mal. Mais dans ce domaine, j'étais bien loin de pouvoir rivaliser avec le monstre ailé qui entendait tous nous exterminer. Un monstre que j'étais censée avoir abattu des années auparavant, mais qui revenait finalement de l'au-delà pour nous condamner.

La fureur de Ducaïs, le Seigneur des Dragons, s'abattit sur nous tandis que nous fêtions nos héros. Dans les rues de la capitale parées de fleurs et de décorations, il sema la mort et le chaos. J'étais là, au milieu de la foule hurlante, au coeur de ce typhon de malheur et de désespoir, incapable de seulement réagir. Mes yeux vidés d'espoir voyaient la mort approcher. Ducaïs... Ducaïs était en vie. J'avais pourtant tenu son coeur entre mes mains. L'incompréhension, le doute et l'impuissance voulaient m'engloutir. J'avais échoué et pire que tout, j'avais été un mensonge.
Les larmes venues embuer ma vision étaient le symbole de ma honte. Les mots que je murmurais devaient me damner, mais je pensais à Lui. A ce qu'il aurait accompli, si je n'avais pas été là. A ce qu'il aurait réussi, si je ne lui avais pas volé sa vie. Lui, Benedikt Malcom Hessel. Le véritable et seul Commandant de l'Escadron Alpha. Le véritable et seul « Chasseur de Dragon. » Son visage est apparu devant moi et ses bras m'ont entourée. Pardon, je lui demandais pardon alors qu'à mon tour de l'étreignais. De toutes mes forces, je le serrais contre moi, avant que la terre n'en vienne à nous engloutir.

Hetacta... Je me souviens du froid qui gelait mes doigts, de la neige et du brouillard. Parfois, je me surprends à rêver mon existence là-bas. Je me rappelle de mes anciens compagnons d'armes, de leurs rires et de leur joie de vivre. Mais toujours, je me souviens ensuite de leurs cris, de la peur dans leur voix et de leur corps broyés ou calcinés. J'ai longtemps espéré que tout cela n'avait été qu'un cauchemar. Pendant un temps, j'ai même osé y croire. Au sein de l'Eglise de l'Ordre, j'ai imaginé pouvoir survivre à l'horreur et me racheter. J'ai prié pour que les Dieux m'entendent et pour que mes péchés me soient pardonnés. J'ai cru cela possible. Vraiment j'y ai cru. Mais il a fallu que je le recroise, Lui... Lui ! Benedikt Malcom Hessel. Lui, le véritable Commandant de l'Escadron Alpha. Le véritable « Chasseur de Dragon. » Lui et tout ce qu'il charriait de mes souvenirs et de mes regrets. Lui... Celui qui m'avait finalement sauvée.

~ Épéiste confirmée, son style de combat emprunte à celui de son mentor. Mais contrairement à lui, elle ne possède qu'une seule arme. Une lame dont la garde se pare encore des couleurs de l'Escadron Alpha d'Hetacta.

~ Croyante au-delà du raisonnable, elle prie très régulièrement les anciennes Déités d'Hetacta. Le Dieu de la Mort a sa faveur. Elle lui adresse la plupart de ses adjurations. Mais elle s'emploie à scrupuleusement respecter chacun des préceptes inhérents à sa Foi : la justice, la persévérance, l'honnêteté, la tempérance...

~ Elle porte à son annulaire gauche, un anneau d'argent qui se veut symboliser toute sa dévotion. Gage de piété et catalyseur inavoué de ce qu'elle possède de superstitions, elle a tendance à jouer avec le bijou dès lors qu'elle est mal à l'aise. Quand elle est en proie à la réflexion, la bague est généralement amenée jusqu'à sa bouche, où elle se pose tout contre ses lèvres.

~ Elle a rejoint l'Eglise de l'Ordre presque à l'instant où ses pieds ont foulé la terre de Portalia. Pour l'heure, elle ne possède aucune renommée au sein de l'organisation, mais elle aspire à s'élever dans ses rangs pour un jour intégrer la 11è Division.

~ Elle aime cuisiner et raffole des pâtisseries. Sa spécialité ; les omelettes et la mousse au chocolat. Son péché mignon ; elle pourrait mordre pour un millefeuille à la vanille, saupoudré de sucre et serti de framboises.

Rôliste depuis quelques années déjà, j'ai eu l'occasion de découvrir différents univers. Portal m'apparaît toutefois comme un forum unique. Un forum dont le système de jeu m'intrigue, tout autant qu'il me challenge. J'espère trouver ma place parmi vous. Je serais en tous les cas ravie de croiser la plume avec vous.

Un dernier mot pour le gredin qui, je n'en doute pas, saura se reconnaître : FEAR !