Dans la jungle [Elim]

Portalia n’était pas prête, tu le sais, vous le savez tous. Aux lendemains de la bataille, les dégâts restent encore à confirmer. Il y a beaucoup d’animation à la Guilde, vous êtes tous débordés. Il vous faut dénombrer les victimes, faire l’état des lieux, soigner les blessés, réparer les dommages et chasser les quelques créatures du chaos encore présentes dans la cité. Tu devines sans mal le choc des portaliens, de voir leur ville assiégées par des créatures qui n’ont jamais pénétré ses murs. Il est peut-être encore trop tôt pour faire des suppositions et nul doute qu’une enquête sera menée, mais tu soupçonnes le réveil d’un roi du chaos être derrière tout ça. De ton côté, sous les conseils d’Elim, tu t’es accordée une journée sans trop d’activité physique. Mais bien vite, tu as été accaparée – comme tous les autres – à aider Portalia à se remettre de l’agression qu’elle a subie. De ton côté, tu es évidemment inquiète de l’avenir de la cité, ayant vu les aspects les plus sombres de cette dernière. Tu veux t’ériger en justicière et combattre le mal qui ronge la ville de l’intérieur. Tu ne dois aucunement te relâcher car tu n’en doutes pas, l’attaque risque d’empirer les choses et d’affecter la confiance que possèdent les civils envers la Guilde. Peut-être est-ce là ton occasion de tirer ton épingle du jeu, mais tu n’arrives pour le moment guère à le déterminer, est-il encore trop tôt pour cela.

Si tu as auparavant exploré la baie de Toucanga avec Kamélia, il semblerait que le temps soit venu de t’aventurer à la jungle de jade, au sein de l’antique royaume de Pandora. Comme la baie de Toucanga, c’est une zone dont le portail n’existe que depuis peu et dont vous ne possédez que peu d’informations. De ce que tu sais, les ennemis au sein de la jungle ne dépasseraient pas le rang or, et seraient majoritairement des reptiles dotés de bipédie. Tu ne te serais peut-être pas aventurée en ces lieux avec si peu d’informations en d’autres circonstances. L’un des éclaireurs du bataillon d’exploration de la Guilde n’ayant toujours pas répondu à l’appel, tu t’es portant portée volontaire pour enquêter sur sa disparition. Et cette fois, tu as bien retenu la leçon en ne partant pas seule. Tu as effectivement demandé à ton ami Elim de venir. Non seulement il s’est bravement battu à tes côtés lors de la bataille de Portalia, mais en plus tu ignores dans quel état tu risques de retrouver ton camarade de Guilde. Ce dernier aurait peut-être besoin d’un médecin, à supposer qu’il soit encore vivant. Mais pour le moment, tu ne souhaites pas envisager le pire.

Sur la place des portails, tu lèves les yeux de ta carte lorsque tu vois une silhouette familière approcher. Tu le salues aussitôt d’un signe de tête.

« Elim, je te remercie d’avoir répondu à mon appel. »

Vous avez beau avoir une grande puissance à vous deux réunis, la mission risque tout de même de ne pas être une mince affaire ; ni ton ami ni toi ne savez dans quoi vous mettez les pieds. Tu restes néanmoins reconnaissante envers Elim car ce dernier a pu venir rapidement. En effet, la Guilde étant débordée dernièrement, il aurait été plus difficile de dépêcher un de tes camarades. Et pour Hadwyn, le temps ne joue pas en sa faveur ; plus il reste dans cette jungle, plus ses chances de survie diminuent. D’un côté, il s’agit de ta première sortie hors des murs de Portalia depuis l’attaque. Cela vous fera sans doute du bien à tous les deux de sortir de la ville et de son atmosphère oppressante, et ce malgré l’urgence de la situation.

« L’un de nos éclaireurs, Hadwyn, aurait dû rentrer hier de la jungle de jade. Or, nous n’avons aucun signe de lui. Notre mission est de le retrouver. » tu marques une pause, « Je sais que les Valkyries sont spécialisées dans les missions de sauvetage, mais elles m’ont l’air bien occupées depuis l’attaque. De plus, le portail vers la jungle de jade n’existant que depuis peu, elles n’en sauront sans doute guère d’avantage. Cette mission retombe donc sur nous. »

L’aide d’une Valkyrie aurait sans doute été précieuse dans ces circonstances. Mais la familia aventurière a fort à faire depuis l’attaque. Tout le monde est accaparé à vrai dire, si bien que les expéditions hors de la cité-forteresse ont été négligées. Penchant légèrement la tête sur le côté en regardant l’hybride, tu as une drôle d’impression. Comme si ton ami n’était pas dans son assiette. S’était-il passé quelque chose ? Tu le questionneras plus tard à ce sujet.

« J’ai une carte et une boussole sur moi. Es-tu prêt ? »

Elim est l’un des rares qui parvient à te faire sourire. Pas d’un sourire railleur mais sincère ; sans doute n’êtes-vous pas amis sans raison. Regardant le sac de l’aventurier, tu ne peux que te féliciter d’avoir trouvé un partenaire si prévoyant. Quand bien même vous ne devriez guère rencontrer de difficultés face aux monstres de la zone, tu sais que vous n’êtes jamais trop prudent ; ta précédente expédition à l’oasis des réfugiés te l’a d’ailleurs bien montré. Il peut sembler surprenant qu’Elim et toi vous entendiez aux premiers abords : après tout, vous n’avez rien en commun. Tu aurais pu autrefois interpréter la personnalité candide du loup comme un signe de faiblesse et de fragilité. Si tu as pu en douter lors de votre premier rencontre, l’hybride t’a prouvé sa valeur lors de l’attaque de Portalia. Sans lui d’ailleurs, les pertes auraient été beaucoup plus lourdes. Il a su se montrer courageux et pertinent face au danger, malgré le fait qu’il ne soit de base guère un combattant. Tu t’es surprise à penser qu’Elim avait un potentiel certain, et qu’avec un peu de discipline et d’expérience militaire, il pourrait devenir un grand guerrier s’il le souhaite.

D’autre part, tu estimes que quelque chose vous sépare, une barrière invisible et très fine. Alors qu’Elim semble animé par les meilleures intentions et être toujours prêt à aider son projet, tu ne peux pas en dire autant de ton côté. Le peuple de Portalia n’a cessé de te rappeler ton décalage avec ce monde, en raison de ta culture différente que tu estimes être un trésor précieux. Tu n’as jamais oublié Drakenmarg en arrivant ici. Quand bien même tu as craint de t’adoucir, tu as vite repris tes marques en côtoyant des guerriers comme Hypanatoi et Derek. Bien sûr, tu ignores ce que le loup a traversé dernièrement. Aussi penses-tu – à tort – que ton chemin est rougi par le sang alors que le sien est empreint d’une certaine pureté juvénile. Une part inconsciente de toi souhaite encore le protéger, sinon le préserver de tout ceci. Est-ce donc ce qui vous sépare finalement ? Le fait que tu sois capable de tuer de sang-froid et sans éprouver de remords ? Les conclusions viendront plus tard ; pour l’heure, vous devez partir en mission.

« C’est parfait, allons-y. »

Traversant le portail, tu découvres petit à petit ce nouveau paysage qui s’offre à tes yeux. Tu es habituée à la chaleur, mais pas à une telle humidité, toi qui viens d’un monde de sable et de roches. Il y a des odeurs, beaucoup d’odeurs. Mais surtout, une végétation épaisse où est susceptible de se cacher bien des dangers. Tu ne l’as jamais dit, mais tu n’es guère à l’aise dans ce genre d’environnements. Tu préfères le désert où tu peux voir ce qui se passe aux alentours. Certes, tu sais t’adapter, mais tu comprends que l’aide d’Elim ne sera pas de trop pour venir à bout de cette mission. Les monstres ne sont vraisemblablement pas les seuls soucis, la jungle ruisselant de pièges naturels. Bien sûr, il est hors de question que tu fasses marche arrière. Néanmoins, tu penses qu’il serait préférable que vous ne vous égariez pas à votre tour, tout comme tu estimes qu’il vaut mieux avancer vite pour ne pas avancer à l’aveuglette à la tombée de la nuit. Aussi consultes-tu ta carte en vitesse, décidant du meilleur itinéraire à suivre.

« D’après mes sources, Hadwyn se serait aventuré au Nord de la jungle, en direction d’un temple, je propose que nous prenions la même direction. » tu avises l’une des fleurs environnantes, « Et prudence, cet endroit ne m’inspire pas confiance. Dans la nature, les couleurs vives sont bien souvent synonymes de poison. »  

Tu écoutes toujours ce que te souffle ton intuition, aiguisée au gré de l’expérience des batailles traversées. Jusqu’à présent, elle ne t’a jamais trompée. Commençant à marcher en direction du Nord, tu écartes les fougères avec ton épée courte, ne souhaitant risquer de les toucher. Si tu penses reconnaître ce qui est venimeux, tu ne désires prendre aucun risque. Jetant un coup d’œil à Elim, tu te demandes si celui-ci est plus à l’aise que toi ici. Il a un flair sans doute plus développé que le tien, n’est-il donc pas gêné par toutes ces odeurs ? Même pour lui, il sera ici difficile de remonter une piste. Vous avez tout intérêt à vous garder à l’œil et de ne pas finir séparés, auquel cas les chances de vous retrouver seraient bien maigres.

« Comment se porte ton clan ? »

Tu as parlé d’un ton distrait, souhaitant avant tout faire la conversation sur le chemin. L’esprit concentré sur votre objectif, tu as presque oublié l’impression que tu as eue tantôt concernant le désarroi de ton ami. Tu l’ignores, mais tu as peut-être touché à une corde sensible.

Tu laisses l’hybride s’absenter, puis revenir avec un masque. L’observant attentivement, tu remarques qu’il n’est décidément pas dans son élément. Avec toutes ces senteurs, ses odeurs, tu te doutes que ses sens doivent être agressés de toute part. De ton côté, tu n’as guère ce problème et malgré quelques gênes en ce  territoire inhospitalier, tu arrives à relativement bien gérer la situation. Tu marques un temps d’hésitation ; faut-il faire demi-tour et ramener Elim en lieu sûr ? Comment tourner la chose sans le blesser dans son amour propre ? Constatant que l’hybride semble déterminé à te suivre, tu prends le temps de peser le pour et le contre. Il serait sans doute trop dangereux pour toi de poursuivre l’aventure seule, ta dernière expédition solitaire te l’ayant bien prouvé. De plus, tu ignores dans quel état sera ton camarade lorsque vous le trouverez, et peut-être aura-t-il besoin d’un médecin. Il n’est certes pas trop tard pour faire demi-tour, mais le temps passant, les chances de retrouver Hadwyn vivant s’amenuisent, tu en es parfaitement consciente. Tu n’auras pas le temps de trouver un autre partenaire. Tu te mords la langue, de remord ; sans doute aurais-tu dû penser à tout ceci avant même de partir. Tu étais loin de t’imaginer que l’hybridation d’Elim lui poserait tant de souci au sein de cet environnement. Le loup étant toutefois à quelques pas du rang obsidienne, tu sais que son aide te sera bien précieuse. Tu as appris à ne pas le sous-estimer au cours de votre dernière expédition, et il doit en être de même lors de celle-ci.

Oui, Elim sera à la hauteur et surmontera les obstacles, tu le crois. Tu poursuis donc ton chemin, gardant tout de même un œil sur le petit loup. Tu lui as posé une question sur son clan. Et la réponse ne tarde pas à te faire réagir.

« Quoi ? »

Tu t’interromps dans ta marche, levant le bras pour faire signe de marquer une halte. Tes sens en alerte, tu guettes tout de même qu’il n’y ait aucun monstre dans les parages. Fort heureusement, vous ne vous êtes vraisemblablement pas suffisamment éloignés du portail pour que des créatures du chaos ne se pointent. Ainsi donc certains profitaient des malheurs de Portalia pour s’en prendre aux plus démunis ? Ce n’est guère surprenant, surtout quand tu songes à la racaille qui règne en maître au quartier Nord. Tu n’es en outre pas surprise que les autorités n’aient esquissé le moindre geste pour venir au secours du clan d’Elim, surtout après l’attaque. Plissant les yeux, tu te demandes pourquoi ton ami se montre si évasif, et surtout pourquoi il ne t’a pas parlé de cela plus tôt. A-t-il peur de ta réaction ? De tes pulsions sanguinaires ? Après tout, il doit se douter que tu t’es rapprochée d’Hypanatoi, peut-être a-t-il même entendu des rumeurs à ton sujet. Et si cela finit par vous éloigner l’un de l’autre ? C’est une possibilité que tu envisages, mais pas avant d’avoir montré au loup toute l’étendue de ta conviction. Peut-être, par un quelconque hasard, serez-vous sur la même longueur d’onde, bien que vos opinions politiques diffèrent en tout point.

« Qui a été enlevé et qui sont les responsables ? »

Les coupables, tu cherches toujours les coupables. Tu veux un nom à maudire, un nom de plus à haïr. L’Eglise possède des griefs contre Elim et son clan, tu le conçois. Mais qu’en est-il de la Guilde ? Que font les héros légendaires, que vous ne voyez que trop rarement ? Des ennemis – ainsi les qualifies-tu – s’en sont pris au clan de ton ami. Cela suffit à provoquer ton courroux, marqué présentement par un air furibond ; c’est comme si on s’en était pris à l’un des tiens. Qui que ce soit, ils paieront pour ça car ainsi l’as-tu décidé. Il est évident que tu insistes sur la question, et le ton fataliste de l’hybride te laisse présager du pire en plus de te révolter. Elim n’a rien fait pour mériter un tel mépris ; pas alors qu’il s’agit d’un aventurier aussi méritant et d’un médecin aussi talentueux. Il a sauvé des vies, dont la tienne. Il n’est que justice que tu dois de l’aider en retour.

« Elim, tu sais ce que je vais te dire. Il ne faut pas laisser passer ça. »

Jamais tu ne céderas sans te battre. Tu souhaites faire régner justice à Portalia et qu’importe les moyens, qu’importe en l’occurrence si la Guilde n’approuve pas tes actions. Aider Elim te semble en cet instant plus important que tout. Ton regard brûlant signifie que tu élabores déjà des stratégies avec le peu d’informations que tu possèdes.

« Tu peux compter sur ma lame. »

Rien de bien grave ? Pareils propos ne peuvent que te consterner. Ton cœur manque un battement lorsque tu apprends de surcroit que c’est la sœur même d’Elim qui a été enlevée. Vous n’avez guère beaucoup parlé des crocs de glace durant vos précédentes rencontres, et tu ignorais jusqu’au fait que ton ami a une sœur. Pourtant, tu te sens concernée par cette affaire comme si c’est l’un de tes propres camarades à qui on aurait causé du tort. Vous ne vous ressemblez aucunement. Il est moitié loup, tu es moitié dragonne. Il est médecin, tu es guerrière. Aussi étrange que cela puisse paraître, une amitié a pourtant commencé à germé entre vous. Est-ce ton éternel sens de l’honneur qui guide tes agissements ? Elim a guéri tes blessures à deux reprises, et sans lui, tu ne serais peut-être plus là. L’hybride a toujours témoigné patience à ton égard, et ne t’a jamais jugée en raison de tes croyances différentes. Tu ressens en outre de la reconnaissance – un sentiment rare – envers le loup. Peut-être est-il bien placé pour te comprendre – malgré vos nombreuses différences – car appartenant à une communauté marginalisée de la société. Il te semble injuste que les crocs de glace soient ainsi jugés pour de vagues rumeurs et de conflits n’étant de toute évidence plus d’actualité. Il te semble même cocasse que les autorités mettent plus de zèle à les ignorer qu’à traquer les Dark Souls ou même la Secte du Chaos qui eux représentent un véritable danger.

« Oui, c’est grave. Oui, c’est important. Il ne faut pas sous-estimer la situation. » tu marques une pause, « Tes raisons de vouloir régler ça en solitaire sont nobles, et je les comprends. Néanmoins, je pense qu’en l’occurrence, tu aurais tort de négliger des alliances. »

Tu comprends les propos d’Elim, cette volonté de ne pas mêler Portalia à des affaires internes. Tu aurais sans doute réagi pareillement si tu étais encore à Khorn. De plus, tu reconnais toi aussi toutes les tares de la cité-forteresse, à commencer par la situation du quartier Nord. Tu crois en cet instant – peut-être à tort – que vous êtes sur la même longueur d’onde. Tu ne t’imaginais guère que le loup soit capable d’un tel esprit critique. Fataliste, mais réaliste. Que se passerait-il si la Guilde ou l’Eglise décidait de se mêler subitement à cette affaire ? Tu sais que rien de beau n’en sortirait, connaissant la méfiance – voire l’animosité – des portaliens envers les crocs de glace et vice-versa. Tu sais que certains commencent à revenir à Portalia, mais ne sont considérés que comme des citoyens de seconde zone, sans aucun argument valable. Des gens comme Elim, qui ne désirent rien d’autre que de vivre tranquillement en ce monde. Peut-être ne s’intéresse-t-il guère plus à la quête, étant natif de ce monde et souhaitant vivre en harmonie avec ce dernier. Autrefois, tu aurais sans doute jugé ceux qui ne se penchent guère plus sur cette quête. Aujourd’hui, tu leur reconnais le même droit qu’un autre civil de Portalia. Ce droit de vivre en sécurité au sein des murs de la cité-forteresse. Elim ne montre peut-être guère de zèle dans l’accomplissement de la quête, il a pourtant fait plus pour cette dernière que beaucoup. Il a soigné des guerriers, défendu Portalia, et n’a reçu aucune reconnaissance en retour.

« Je t’ai vu aider beaucoup de personnes, des gens qui te sont dorénavant redevables à Portalia. Penses-tu que tes amis refuseraient de t’aider sous prétexte qu’ils viennent de la cité ? Qu’ils ne se soucient pas du bien-être de ton clan ? Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. » tu marques une pause, « Je suis de mon côté consciente de la situation de Portalia et de la tare des autorités, mais je compte bien changer les choses. Quand bien même la situation paraîtrait désespérée aux yeux de beaucoup, je ne renoncerai jamais sans me battre. »

Ne jamais renoncer sans te battre, c’est bien ce qui semble te définir. Tu as souvent été moquée, prise de haut. Tu comptes à prouver au monde qu’ils ont tort, et que tu as raison. Trop de personnes sont au courant des problèmes de Portalia. Et seulement une poignée se permet d’agir. Tu vois beaucoup trop de lâcheté au sein de la cité portalienne. Tu n’embrasses que d’autant plus tes idées, et celles d’Hypanatoi. La cité-forteresse doit procéder à un changement radical si elle souhaite survivre, c’est évident pour toi. L’attaque des créatures du chaos a bien prouvé l’impréparation des autorités. Et tu sais que les pertes auraient pu être moins lourdes avec une meilleure organisation. Et que penser de ces héros rang légende dont tu as à peine vu le bout du nez durant l’attaque de Portalia ? Tout ceci n’est qu’une vaste comédie, et il est temps que quelqu’un y mette un terme.

« Je te conseille de réfléchir à ce que je viens de dire, Elim. Tu as aidé beaucoup de gens, laisse-les t’aider en retour. » affirmes-tu, « Tu m’as sauvé la vie à deux reprises, je te dois bien ça. Surtout lorsqu’il s’agit de quelqu’un qui t’est cher. »

Bien sûr, tu lui es redevable. Tu te sens concernée par ce qui se passe comme s’il s’agit d’un membre de ta troupe. Tu as préféré insisté sur le sujet avant de te refocaliser tout de suite sur la mission. Tu laisses à Elim une chance de répondre à tout ceci avant que vous ne repreniez votre route. Tu réalises que tu as peut-être sous-estimé le potentiel du loup. Toujours est-il que tu ne peux lui imposer ton aide, tu en es parfaitement consciente. Le choix lui appartient.

Une fois de plus, le loup sait te surprendre. Par sa réflexion, sa perspicacité. Tu en découvres sur lui, et ce qu’il cache derrière ses airs de naïveté juvénile semble bien te plaire. Tu n’es ainsi guère la seule à mépriser les Portaliens ; Elim ne les porte pas plus à cœur que toi. Pourtant, votre principal point de différence est que tu n’abandonnes pas l’idée de faire changer les choses au sein de la cité-forteresse. Cela saurait s’expliquer par vos parcours respectifs et votre conditionnement différent. Tu as également un fort caractère, et n’es pas du genre à capituler facilement. Elim, de son côté, bien que d’apparence plus docile, a grandi dans la haine en raison d’une légende urbaine concernant une potentielle affiliation avec le chaos. Il n’est peut-être guère le plus grand soldat que tu as rencontré, mais mérite le respect par ses gestes et ses actes. Vous tenez tous deux à vos valeurs, vos coutumes et c’est ce qui vous rapproche. Tu regrettes toi aussi profondément Drakenmarg, cette contrée pleine de repères où chaque chose possède sa place. Pour toi, Portalia n’est rien de plus qu’un chaos désorganisé couplée d’une société condamnée à l’extinction si elle n’embrasse pas bien vite le changement.

« Tu crains une perte des valeurs par une exposition malsaine ? Je comprends parfaitement et tu as raison sur ce point : les Crocs de Glace et les invoqués ne se ressemblent en rien. »

Tu es concernée, tu es une invoquée. Tu ne réagis néanmoins pas mal aux paroles de ton interlocuteur ; tu les comprends même. Malgré tes capacités limitées à te mettre à la place des autres, tu sais pertinemment ce qu’est la fierté. Tu n’es pas native de ce monde, contrairement à Elim ; pourtant, tu ressens une certaine loyauté à son égard. Le loup t’a sauvé la vie en guérissant tes blessures potentiellement mortelles à deux reprises. Il est évident que tu lui es redevable ; ressentirais-tu même de la reconnaissance envers le médecin ? C’est difficile à dire tant tu n’es pas habituée à ces bons sentiments. Toujours est-il que tu n’es pas dépourvue d’un grand sens de l’honneur – quoi qu’on en dise – et que c’est ce qui anime tes pas. Si d’apparence le problème ne te concerne pas et que tu n’es d’apparence guère obligée de te sentir concernée, tu veux rendre l’ascenseur à celui qui t’a aidée jadis. Elim n’est pas qu’un allié, c’est un ami. Et quand bien même cette notion est encore bien floue à tes yeux, tu ressens une pointe d’affection pour le guérisseur. Il a été là pour toi, ne devrais-tu pas être là pour lui en retour lorsque ce dernier a besoin d’aide ? Tu ne t’imposes par pour autant, n’ayant aucune envie de le froisser. Tu peux toutefois prêter oreille attentive à tout ce qu’il t’a dit, et lui fournir tes conseils.

« Si mes années militaires m’ont appris une chose, c’est que nul homme ou nulle femme ne peut espérer faire la guerre seul. L’isolement est à la fois une force sur la conservation des valeurs et une faiblesse sur le champ de bataille. » tu marques une pause, « D’expérience, je ne pense pas que se couper totalement du monde soit la solution idéale. »

Une certaine haine existe entre les différents clans de Drakenmarg, et l’ami du jour peut devenir l’ennemi du lendemain. Les Portaliens n’ont vraisemblablement pas autant d’expérience de bataille pour faire part d’une fourberie égale aux Drakenmayers. Pourtant, mettrais-tu ta main à couper qu’ils ne chercheraient pas à nuire au clan d’Elim d’une façon ou d’une autre ? C’est une réflexion très juste que ton partenaire de mission a soulevée. Se mêler aux autres, c’est perdre son identité quelque part. Tu t’étonnes en outre que le loup puisse se montrer si serviable à ton égard alors que tu es une invoquée issue d’un autre monde. Tu es la première à critiquer les méthodes de Portalia, la première à penser ces invocations hérétiques ; la société ne cherche pas à régler ses propres problèmes et vient chercher des innocents ailleurs, sans même leur demander leur consentement. De ton côté, tu comprends la réticence de ton partenaire de mission. Pourtant, vous avez temporairement formé une troupe lors de l’attaque de Portalia. Ne serait-il pas pertinent de continuer à vous battre ensemble ? Le sang appelle le sang, et l’enlèvement de la sœur de ton ami ne doit pas rester impuni.

« Je ne te demande pas d’entraîner Portalia dans cette affaire, mais je pense que tu devrais compter sur des alliés ; des personnes dignes de confiance qui ne te trahiront pas. Seul, tu parviendras sans doute à tes fins, mais à quel prix ? » tu hausses légèrement les épaules, « Je te conseille de bien réfléchir à cela avant de prendre ta décision. »

Après tout, tu as bien eu ta propre troupe lorsque tu étais à Drakenmarg, et vous faisiez preuve d’un sentiment de solidarité et de camaraderie, étant élevés comme des petits soldats dès le plus jeune âge. Tu n’insistes pas plus dans ta réflexion, laissant Elim méditer sur tes propos, et reprends ta route. Peut-être relancera-t-il le sujet, mais tu n’oublies pas que vous avez un éclaireur à sauver.

Il est des amitiés qui se conservent au grés des épreuves et du temps. D’autres, au contraire, s’éffritent. Il est encore pour le moment trop tôt pour dire comment évoluera ton lien avec Elim, mais une chose est sûre ; il est l’une des seules personnes – si ce n’est le seul – à compter pour toi en ce monde. Bien sûr que tu te commences à te soucier de lui comme d’un camarade malgré vos différences. Tu as pourtant une drôle d’impression, comme si l’hybride ne te fait pas entièrement confiance en raison de tes idées, et peut-être ta récente alliance avec Hypanatoi. Étrangement, cela te chagrine ; n’es-tu guère habitués à ces émotions de tendres. L’impitoyable Freya aurait-elle un talon d’Achilles, quelqu’un capable de lui montrer une certaine sensibilité ? Tu préfères mourir que de l’admettre de vive voix, bien que tu arrives à être toi-même avec Elim plus qu’une autre personne. Tu es encore bien trop fière. Et quand bien même tu possèdes une grande estime pour le loup, votre amitié ne vient qu’après tes ambitions et tes projets personnels. Car ainsi restes-tu malgré tout, quelque peu imbue de ta personne et sacrifiant le plaisir pour la grandeur. Elim l’ignore encore, mais tu agis pour le bien de la cité-forteresse et de ses habitants. Sous la voie de la sagesse, tes alliés et toi montrerez le chemin à suivre pour les portaliens. Il ne peut en être autrement. L’attaque de Portalia l’a pour toi prouvé ; la cité-forteresse doit embrasser le changement si elle ne souhaite pas succomber au chaos qui la gangrène de l’intérieur.

Tu ne cherches pas à contredire les propos de ton ami. Il sait faire preuve d’une lucidité que peu possèdent. Tu te rends même compte qu’il a raison, aussi n’appuies-tu guère ta participation à une potentielle mission de sauvetage. Vous vous entendez bien aujourd’hui, mais qui sait de quoi l’avenir sera fait ? Une part de toi espère que le petit loup ne te verra jamais en ennemie, mais les chemins que vous prenez sont si différents que rien n’est sûr. S’il y a une certitude, c’est que de ton côté, tu ne reculeras devant rien ni personnes pour que tes plans arrivent à leur terme. Pourtant, le doute s’annonce dans ton esprit. Serais-tu capable de trahir la confiance et l’amitié d’Elim si cela est dans tes intérêts ? Tu n’as aucune réponse à cette question à l’heure actuelle, et peut-être est-ce la raison pour laquelle le petit loup a raison de se méfier. Vous ne devez pas écouter votre coeur comme certains seraient capables de le faire, mais bien votre tête. Chacun d’entre vous possède des intérêts à défendre. Vous n’avez pas grandi ni vécu les mêmes choses. Peut-être serait-il même plus sage que votre amitié s’arrête ici, pour éviter les heurts entre autres dégâts. Bien que ce ne soit une pensée guère agréable, tu es prête à t’y résoudre. Autant pour protéger ton ami que pour te protéger toi. Pourtant, tu n’es pas du genre à prendre ces choses à coeur. Décidément, Elim est plein de surprises et sait révéler des facettes cachées de ta personnalité.

« À couvert ! »

À peine la flèche a-t-elle sifflée que ton ordre sonne. Tu te caches derrière un arbre, entendant des bruits de pas dans les fourrées. Tes pensées précédemment interrompues ne se tournent dorénavant que vers un seul objectif : la réussite de votre mission. Elim est peut-être d’une puissance d’essence très élevée, cela ne veut pas dire que vous ne devez pas élaborer de stratégie, ni même ne pas prendre de précautions. Tu ne le sous-estimes pas pour autant, et tu sais qu’il est inutile d’avoir constamment l’oeil tourné vers lui pour savoir qu’il sait se débrouiller ; l’hybride t’a bien prouvé sa valeur lors de votre expédition au bosquet. Survivre ? Vous allez faire bien plus que ça, vous allez vaincre vos adversaires. Galvanisée par l’adrénaline qui s’empare de ton corps, tu jettes un coup d’oeil en arrière pour reconnaître un petit groupe de trois serpents dotés de bipédie. Il te semble avoir entendu vaguement parler de ces créatures que l’on nomme Viskar, réputée – sans surprises – agressives. Nul doute que vous avez pénétré sur leur territoire. Réflechissant à toute vitesse à ce que vous devez faire, un début de plan se dessinant dans ta tête.

« Je vais t’ouvrir la voie à l’aide de mes flammes. Quand tu les auras dans le viseur, tu sais ce qu’il te reste à faire. »

Face à des ennemis de rang or, tu ne peux cette fois prendre le risque de trop les approcher avant qu’Elim ne les atteigne. Tu feras en sorte à ce qu’il ne soit pas blessé et l’aidera à ton échelle. Tu compteras sur lui et il comptera sur toi. Cette mission vous rapprochera-t-elle ?

Le coeur battant, tu sors de ta cachette pour cracher un puissant jet de flamme. Les créatures reculent légèrement, tâchant de se protéger les yeux et les bras. C’est alors que tu vois un éclair argenté du coin de l’oeil ; Elim passe à l’action comme attendu. La diversion aura été efficace, permettant à l’hybride d’approcher les monstres sans grande difficulté. Le premier viskar est déjà décapité alors que tu cours à ton tour en direction du combat pour venir en aide à l’hybride. Ce dernier terrasse le second adversaire sans souci, mais le troisième parvient à l’assommer avec un tronc d’arbre. Alors que le dernier viskar s’apprête à attaquer ton ami avec sa lame remplie de venin, tu vois rouge. Dégainant ton épée, tu te jettes sur la créature, oubliant toute potentielle approche furtive. Le monstre anticipe ton attaque et recule d’un bond agile, ripostant dans la foulée. Tu tentes d’esquiver tant bien que mal l’attaque, n’étant guère une essence verte. L’effet n’est qu’à moitié concluant, car le viskar arrive à atteindre ton épaule avec sa lame et à t’érafler. Une douleur se fait aussitôt sentir, une douleur qui ne peut être liée à une blessure si superficielle. Tu devines qu’il s’agit du poison du monstre. Tu grimaces un instant, espérant que cela ne compromette pas la mission, mais te recentres bien vite sur le combat. Échangeant quelques coups d’épées avec le viskar, ce dernier recul face à la force de tes frappes. Tu ne le lâches pas, ne le laisses pas s’éloigner en raison de ses pouvoirs de télékinésie. La victoire est proche, et alors que le monstre perd l’équilibre, tu en profites pour l’empaler, mettant ainsi fin au combat.

Tu accoures aussitôt vers Elim, espérant que ce dernier aille bien. À ton grand soulagement, tu constates qu’il n’a pas eu la moindre blessure ; chose guère surprenante compte tenu de sa puissance d’essence. De ton côté, le sang perle toujours à ton épaule, mais la douleur lancinante semble être partie. Examinant ensuite les lames des viskars, tu constates qu’elles ne possèdent plus l’éclat du venin. Le poison serait-il parti avec leur mort ? C’est un phénomène très étrange que tu ne peux expliquer mais que tu ne manqueras pas de rapporter à la Guilde. De ton côté, tu observes une chose ; tu as perdu ton sang froid en voyant le petit loup en difficulté. Tu tiens de toute évidence à lui, c’est indéniable. Mais si tel n’avait pas été le cas, peut-être n’aurais-tu pas été blessée avec aussi facilement, et cette pensée te hante. Ces émotions seraient-elles un signe de faiblesses ? Dois-tu t’en débarrasser ? Tu ne poursuis toutefois guère ces pensée, car tu sens une essence approcher de vous, sans doute qu’Elim l’a sentie également. Dégainant à nouveau ton arme, tu observes un homme surgir des fourrées, sans doute alerté par le bruit du combat. Il observe le carnage, avant de vous regarder et de lever les mains en signe de paix.

« Vous leur avez donné une sacrée raclée ! »

Ce n’est pas une créature du Chaos, mais tu ne rengaines pas ton arme tout de suite pour autant. Fermant un instant les yeux pour mieux te concentrer sur les essences alentours, tu t’aperçois que le nouvel arrivant n’est seul. Vous ne risquez pas d’ambuscade. S’agirait-il d’un aventurier, tout comme vous ? Vous aurez beau avoir le dessus à vous deux s’il tente quelque chose, tu restes pourtant bien méfiante. Qui oserait s’aventurer dans la jungle de jade, au milieu de tous ces reptiles ? C’est alors que tu te souviens d’une chose. Tu as entendu des rumeurs concernant un groupe de personnes traversant la jungle de jade pour libérer leurs amis de l’esclavage des créatures du coin. Ce seraient des personnes rustres et peu amicales, aussi es-tu surprise de le voir s’approcher ainsi de vous. À y réfléchir, il n’aime pas ces monstres plus que vous, et nul doute que vous avez gagné son respect en quelque sorte en abattant ce groupe de viskars.

« Qui êtes-vous ?
- Je m’appelle Allan, je suis un rôdeur. »

Un rôdeur, c’est donc ainsi qu’ils se nomment ? Voyant Allan taper des mains face à votre victoire, tu ranges ton arme, ayant une idée derrière la tête. Ce rôdeur connaît sans doute la jungle comme sa poche, peut-être pourra-t-il vous aider à retrouver Hadwyn ? Le nouveau venu est sans doute bien placé pour savoir ce qui se trame dans les parages, et si quelqu’un s’est aventuré dans la jungle récemment. Autant tenter de lui demander des informations qui pourraient vous économiser un temps précieux.

« Je me nomme Freya, et mon partenaire est Elim. Nous venons de Portalia et nous avons perdu l’un de nos éclaireurs. Un homme grand, blond et avec un équipement d’explorateur. Il s’appelle Hadwyn, l’auriez-vous vu ? »

Allan n’a pas l’air hostile à votre égard. Tu ne baisses pas entièrement ta garde pour autant, tes vieux réflexes de guerrière refaisant surface. Tu n’es pas de ceux qui accordent leur confiance aisément. Pourtant, aucune mimique ne semble trahir ta méfiance. Tu gardes une expression neutre de toute émotion. Ainsi, tu ne laisses pas deviner tes intentions, tout comme tu n’offusques guère votre interlocuteur. Tu as cru comprendre avant de partir que d’autres personnes vivent dans la jungle, sans avoir pour autant posséder beaucoup d’informations à leur sujet. De ce que tu as compris, les rôdeurs sont une communauté – s’ils peuvent s’appeler ainsi – à part de Portalia dont les relations ne sont pour le moment pas très claires. Ne sentant aucun danger imminent vous guetter, tu reportes ton attention sur Elim. Et, à ton grand soulagement, ce dernier est sain et sauf. Une part de toi ne peut s’empêcher d’être protectrice à son égard, quand bien même l’hybride a déjà atteint le rang obsidienne alors que tu n’es qu’au rang or. Peut-être est-ce le côté quelque peu juvénile de ton ami qui te poussse à faire attention à lui comme s’il s’agissait d’un jeune frère. Même s’il a vite progressé en terme de rang, tu sais que ce monde ne suit pas la même logique que le tien. Le rang, sans l’expérience militaire, ne fait pas tout. Et tout invoqué, tout natif, ne possède pas nécessairement une grande expérience guerrière pour exploiter leur plein potentiel. Là encore, l’absence d’enseignement rigoureux de la cité-forteresse se fait sentir.

« La lune de sang ? Vous voulez dire qu’ils font des sacrifices humains our honorer leurs divinités ? C’est d’une barbarie... »

Bien que tu aies focalisé ton attention sur l’état de ton ami, cela ne t’a pas empêchée d’écouter les propos d’Allan. Tu n’as pas besoin qu’il t’explique ce qu’est la lune de sang pour deviner qu’il s’agit d’un quelconque rituel orné de supersitions. Es-tu pourtant bien placée pour parler de barbarie alors que vous exploitez sans vergogne les esclaves dans ton monde ? Tu n’as jamais remis en question tes principes, et cela ne commencera pas maintenant. Toujours est-il que tu n’es pas de ceux qui tuent par pur plaisir, mais lorsqu’il y a un objectif derrière comme servir tes ambitions. Tu n’as pas – et n’a peut-être jamais eu – un bon fond. Tout comme tu n’as jamais été une enfant de coeur. Tu es pourtant pleine de nuances et de contrastes, et l’idée de se plier à une divinité n’est pour toi pas signe de force mais bien de faiblesse. Tu aurais des choses à dire sur l’Ordre et ses méthodes, tout autant que le Chaos. Nulle religion, nul dieu n’existe à Drakenmarg, pour la simple raison que vous pensez être les plus forts. Est-ce réellement le cas alors que votre destin est tout tracé dès la naissance ? Tu ne vois cette lune de sang que comme un acte insensé, des sacrifices inutiles.

« Si vous nous le permettez, Allan, nous allons nous joindre à vous. Il y a des chances que notre allié ait été capturé. Autant unir nos forces, vous ne pensez pas ?
- En effet. Nous frapperons au crépuscule pour délivrer les prisonniers. Vous pourrez vous joindre à vous, mais inutile de préciser que ce ne sera pas une opération sans risque. »

Allan semble presque suspicieux, et tu peux le comprendre. Sans doute ne s’attendait-il pas à ce que vous proposiez votre aide aussi aisément. Elim a beau t’avoir soufflé l’idée, tu penses qu’il a bien raison. Il est dans vos intérêts de vous allier avec les rôdeurs contre les créatures du Chaos. Et même si vous vous égarez en chemin, la Guilde ne saurait vous blâmer de tisser des relations diplomatiques en même temps que vous explorez cette nouvelle zone. De plus, si tu dois être honnête avec toi-même, la perspective d’un combat de grande envergure pour délivrer des prisonniers intéresse grandement la guerrière que tu es. Tu ne cracheras jamais sur une occasion de te démarquer, ni d’anéantir tes ennemis pour gagner encore plus en puissance. Les intentions de ton ami sont peut-être plus candides et moins calculatrices que les tiennes, mais d’un accord commun, vous avez décidé d’aider les rôdeurs. Pourtant, il y a une dernière choses dont tu dois t’assurer avant que vous ne vous engagiez dans cette voie.

« Montrez-nous où vos troupes se sont rassemblées, nous allons faire alliance. » tu marques une pause, « Dans le cas où Hadwyn ne se trouverait pas parmi les prisonniers, nous aideriez-vous en retour à le trouver ?
- Un service pour un service. Si vous nous aidez, nous vous aiderons à notre tour. » répondit Allan dans un sourire.

Allan cerne mieux vos intentions désormais. Au moins semble-t-il avoir la tête sur les épaules. Jetant un coup d’oeil à Elim, tu emboîtes le pas assuré du rôdeur en silence alors qu’il vous amène vers son camp.

Avez-vous d’autres réels choix que de vous fier à Allan ? Les relations qui lient les rôdeurs aux portaliens te semblent encore floues, ce qui attise encore quelque peu ta méfiance. Elim partage-t-il ta prudence naturelle ? Sous ces airs naïfs se cache un allié des plus fiables. Et quand bien même Allan déciderait de vous la mettre à l’envers, vous arriverez à retomber sur vos pattes – du moins, le penses-tu. Tu es inquiète – voire vexée – au fil de la marche de constater votre dépendance à ce guide. Sans Allan, vous n’auriez jamais trouvé le camp des rôdeurs. Et peut-être vous seriez-vous perdus dans l’immensité de cette jungle dont les pièges naturels sont vos ennemis mortels. Tu en viens presque à te demander comment il est possible de vivre dans les parages, avant de te rappeler que ce genre d’environnement ne peut que forger le caractère ; tout du moins, ainsi ton père aurait-il vu les choses s’il avait été là. Tu tentes de te rassurer sur l’assaut à venir, en te disant que les rôdeurs et vous partagez un point commun : une certaine animosité envers les créatures esclavagistes de la région. Avec un ennemi commun, il est cohérent d’unir vos forces pour parvenir à vos fins. En outre, Allan ne possède aucun intérêt véritable à vous trahir.

Saluant les personnes que tu croises d’un signe de tête, tu te trouves soudainement prise au dépourvu lorsqu’Elim prend ta main pour te conduire vers une tente où vous pouvez vous restaurer. Regardant aux alentours, tu vois des vivres, mais également des bassins d’eau. Tu commences à te détendre, sans autant baisser la garde que ton ami ; tes vieux réflexes guerriers ne t’abandonneront décidément guère aussi facilement. Alors qu’Elim t’invite à le suivre dans l’eau, tu déclines l’invitation d’un nouveau signe de tête. T’assayant non loin, les yeux perdus dans le vague, tu pousses un léger soupir. Puis, tu regardes le jeune loup.

« Je sais que tu es né en ce monde, avec les Crocs de Glace. » affirmes-tu, « Ton clan ne te manque pas, parfois ? Le quartier Nord de Portalia doit te sembler bien hostile comparé à ce que tu as connu. »

C’est une question que tu t’es toujours posée, et tu espères qu’elle n’est pas trop douloureuse afin que ton ami puisse te répondre. En fin de compte, tu réalises que tu ne sais pas tant de choses sur lui. Vous êtes très différents ; alors que tu poursuis tes ambitions intéressées, lui a le coeur sur la main et aide son prochain sans compter. Certains diraient que votre amitié n’a aucun sens, tu n’en tiendrais pour autant guère la moindre attention. Elim est ton seul véritable ami à Portalia. Et quand bien même tu ignores si cette amitié résistera à travers le temps ou non, cet instant présent compte pour toi. De par sa naissance à Portal, Elim a forcément une vision différente de la tienne. Tu arrives à ne pas juger le fait qu’il ait vécu en harmonie avec la nature, avec son clan. Tu sais qu’il y tien autant que tu tiens à ton Drakenmarg. Pourtant, il ne t’en parle rarement. Tout comme tu réalises qu’il ne t’a jamais parlé de sa vie d’avant qu’il n’amménage à Portalia. Tu en viens même à te demander à quoi il devait bien ressembler, enfant. Quel genre d’épreuves avait-il dû traverser pour devenir l’adulte qu’il est aujourd’hui. Après tout, chaque être ne possède-t-il pas une histoire digne d’être contée ?

« Je donnerais n’importe-quoi pour retourner auprès des miens. Tu sais ce que je pense des invocations ; arracher des gens à leur monde, leur famille pour une guerre qui n’est pas la leur est à la fois lâche et injuste. » tu marques une pause, « Surtout quand cette même guerre ne semble pas bouger d’un iota. »

Peut-être t’égares-tu à nouveau, peut-être abordes-tu un sujet qui pourrait fâcher. Pourtant – et sans doute contrairement à toi – tu penses que le loup est suffisamment ouvert pour comprendre ton point de vue. Quelques temps plus tôt, tu aurais aimé l’épargner de tout ceci. Néanmoins, ton ami a su te prouver sa force ainsi que sa valeur. De ton côté, tu penses voir la colère gronder à Portalia, et la perte de confiance envers les autorités continuer de croître. Oui, la cité-forteresse se précipite vers sa chute à tes yeux. Elle ne possède que deux solutions sur le long terme ; évoluer ou disparaître pour de bon, gangrénée par le chaos et le vice.

« J’aimerais faire changer les choses, cette situation ne peut pas durer éternellement. »

Elim a toujours été plus pacifique que toi. Pourtant, le petit loup arrive parfois à te surprendre par sa détermination ou ta perspicacité. Bien que tu ne l’aies jamais dit de vive voix, tu as été surprise lors de votre première rencontre, de sentir une telle puissance d’essence émaner d’un être aux apparences si candides. Tu t’es tout d’abord dit que sous ses airs tendres, il n’aurait pas fait long feu à Drakenmarg, où les apparences sont rarement trompeuses. Tu as beau être particulièrement critique de tout ceci, de l’Ordre, de ce mode de vie portalien, tu reconnais que ce monde dans lequel tu es tombée es plein de surprise. Pour le moment, tu qualifierais Elim de bonnes rencontre. Néanmoins, tes ambitions priment – et primeront – toujours avant tout le reste. Est-il possible que l’hybride devienne un jour ton ennemi ? Que tu aies à te mettre en travers de son chemin pour parvenir à tes objectifs ? L’idée a beau te serrer le coeur, tu es prête à cette éventualité. En un sens, votre amitié est à la fois forte et fragile. Est-ce étonnant te concernant ? Le simple fait d’avoir réussi à en tisser une en ce monde hostile est déjà un fort exploit.

Des capacités d’adaptation, Elim en possède, et c’est l’une de ses nombreuses qualités. Il te semble toutefois injuste qu’il vive reclu dans le quartier Nord, qu’il soit jugé en raison de son ascendance envers les crocs de glace, lui qui fait bien plus que beaucoup pour la cité portalienne. Ses citoyens sont-ils donc ingrats, en plus de se révéler être particulièrement timorés ? Plus le temps passe, plus ton chemin te rapproche de celui de guerriers comme Hypanatoi. Peut-être, de ce fait, t’éloignera-t-il du gentil loup. Il semble une fois de plus étrange que l’amitié ait pu fleurir entre vous, étant donné que vos prises de positions sont parfois aux antipodes. Elim pense que c’est avec les petites actions du quotidien qu’il changera les choses, n’est-il également guère malheureux de sa situation d’après ce qu’il affirme. Il ne possède pas ta frustration, ni ton aigreur. Il ne possède pas non plus ton ambition démeusurée. Toi, tu es une révolutionnaire. Tu aimes voir les choses en grand, tout comme tu aimes le pouvoir. Chasser le naturel le fera revenir au galop ; autant dire que l’alpha Drakenmayer que tu es ne changera vraisemblablement pas. Tout du moins, il est fort probable que ton fond reste fidèle à ton vile coeur de dragonne.

Pour toi, Elim a le défaut de trop se complaire dans sa situation. Il n’est pas de ceux qui feront réellement changer les choses – du moins le penses-tu. L’affection que tu lui portes te donne une raison de plus de te battre, bien que tu déplores le fait qu’il ne pense guère comme toi. Tu te demandes même si tous les crocs de glace sont ainsi. Peut-être lui a-t-on appris à être en parfaite harmonie avec la nature sans chercher à la dominer ou à la dompter. Au moins ne cause-t-il aucun tort à qui que ce soit. Pourtant, la fin de sa tirade te plaît particulièrement.

« Si tu as quelque chose à protéger, tu ne deviendras que plus fort. » affirmes-tu.

Impossible de restaurer l’ordre et la justice sans violence, tu en es bien consciente. Peut-être le cheminement mental du petit loup le ménera-t-il à cette même conclusion, du moins l’espères-tu. Tu n’es pas prête à accepter ton insignifiance, et tu n’es pas d’accord avec la majorité de ses propos. Pourtant, tu ne cherches pas à le faire changer d’avis. Tu espères juste que l’hybride se rendra compte de la réalité des faits, de ta réalité pour faire changer les choses. Car, tu le sais, Elim serait un atout de poids s’il était dans ton camp. Tu ne cherches pourtant pas à l’utiliser, ni à le manipuler comme cela aurait pu être le cas avec une autre personne. Non, tu as bien trop d’affection pour l’hybride pour vouloir faire cela. Son raisonnement n’est pas parfait, mais c’est déjà un bon début à tes yeux. Tu demeures un instant pensive, ne te lançant étonnemment dans aucune tirade révolutionnaire. Au lieu de quoi, tu fais quelques pas en direction de la sortie en lançant par-dessus ton épaule.

« Rejoins-moi à l’extérieur quand tu seras prêt. »

Pas plus de pause pour toi. Pas plus de répit – si tant est qu’il y en ait eu un – pour l’alpha Drakenmayer. Tu as entendu ce qui t’intéressait, désormais il est temps de te concentrer sur le combat à venir.

Les paroles du petit loup raisonnent dans ton esprit, et te laissent songeuse. À Drakenmarg, les choses ne fonctionnent pas ainsi. Tu as beau ne plus y être, tu restes la plus fidèle possible à ses traditions. Tu as toujours reçu de grosses attentes, ainsi qu’un lourd poids sur les épaules. En tant qu’héritière de l’un des plus grands clans, il ne pouvait en être autrement. Tu as toujours connu les responsabilités et la guerre dans ce monde que tu idéalises au plus haut point. T’es-tu déjà surprise à rêver d’une autre vie ? Jamais, et vivre au jour le jour serait pour toi la plus grande horreur. Comment pourrais-tu renoncer à tes ambitions, ne serait-ce que l’espace d’une seule journée ? Est-il seulement possible de dissocier la guerrière et la meneuse d’hommes de la personne que tu es ? Telle est peut-être celle que tu es au plus profond de toi, prenant plaisir à ordonner les choses, à dominer. Après tout, tu es une alpha. Tu as toujours été élevée de la sorte, as-tu même été endoctrinée dans une armée qui ne peut être tenue en respect que par la force. Tu te dois d’être digne à tout moment. Si tu ne l’avais pas été, à Drakenmarg, tu serais sans doute morte ; tiens-tu ta disparition et ses conséquences en effroi. As-tu parfois l’impression d’avoir – malgré toi – abandonné tes troupes ? C’est possible. Mais ce n’est pas tant la culpabilité qui te ronge, que l’envie de reprendre ta place légitime coûte que coûte.

« Je suis prête. »

Tu écoutes Allan alors qu’il te donne une carte sans plus de manière. Te retrouves-tu quelque peu dans ce groupes rustre ? Tu ne perds pas ton temps en formes, toi non bien – bien que tu aies fait quelques efforts notables depuis ton arrivée. L’efficacité et l’esprit direct des rôdeurs te plaît. Tu espères qu’ils seront tout aussi compétents au combat, lorsque le temps viendra de délivrer leurs alliés des créatures esclavagistes des environs. Alors que tu regardes le soleil se coucher, tu te remémores les propos d’Allan. La lune de sang approche, et des sacrifices auront lieu. Si d’une part, Hadwyn se trouve peut-être parmi eux, d’autre part, en aidant les rôdeurs, ces derniers vous en devront une. Quoiqu’il arrive, tu te dis que ce combat vaut la peine d’être mené. Tu espères simplement que ces rôdeurs sont aussi dignes de confiance qu’ils le prétendent et qu’ils ne vous laisseront pas tomber si l’éclaireur ne se trouve pas là-bas. Pourtant, tu t’es déjà dit qu’ils n’avaient aucun intérêt à vous trahir. De plus, leur connaissance poussée de cette jungle sera un atout de poids pour vous orienter. Tu ne cesses de te répéter que vous avez pris la bonne décision, tu ne peux t’empêcher de garder un œil sur Elim. Quand bien même il est plus fort que toi, il n’est pas dans son élément. Et surtout – même si tu as du mal à l’admettre – tu en voudrais qu’il arrive quelque chose à ton ami.

Alors que votre groupe quitte le camp et s’enfonce dans la jungle, le ciel commence à se teinter de couleurs écarlates. Voyant les rôdeurs progresser sans la moindre difficulté, tu te dis qu’ils sont dans leur élément véritable, ici, dans cette jungle. Arriveront-ils à la reprendre aux créatures du Chaos ? Ils ont l’air plutôt coriaces, mais cela sera-t-il suffisant ? Tes pensées sont interrompues alors que tu sens que vous n’êtes pas seuls dans les parages. Jetant un coup d’oeil en arrière, tu comprends qu’Allan a également senti le danger approcher car il ordonne aux autres de s’arrêter. Une patrouille adverse, sans nul doute. T’approchant du rôdeur pour poser ta main sur son épaules, tu murmures.

« Poursuivez, Elim et moi allons nous en occuper. »

Allan semble surpris, mais optempère. Cela peut sembler étrange, mais c’est bien un geste stratégique de ta part. Les Xorii sont des créatures sans doute suffisamment intelligentes pour envoyer l’un d’entre eux chercher du renfort s’il s’aperçoivent de la présence d’un groupe de rôdeurs dans les parages. En focalisant l’attention sur vous deux – des étrangers –, vous conserverez l’effet de surprise de cet assaut et ferez gagner du temps au groupe d’Allan. Faisant signe à ton ami de te suivre en direction des Xorii qui ne vous ont pas encore repérés, tu lui fais part de ton plan.

« Je vais les appâter, pendant ce temps tu les prendras par derrière. »

De toute évidence, tu as envie de te défouler. Est-ce dangereux ? Oui, mais tu es prête à prendre le risque. Ils sont bien plus nombreux, mais à vous deux, vous devriez pouvoir vous en sortir grâce à votre travail d’équipe. Attendant que vous soyez tous deux en position, tu sors de ta cachette, te mettant à la vue des ennemis. Quand ils courront vers toi, tu seras prête à les accueillir, et Elim aussi.