Petite panique passagère (ft Elim) (Terminé)

Cela faisait trois jours que Yasushi était arrivé à Portalia. Catapulté au centre de la place des portails et entouré d’inconnus qui le dévisageaient, cette entrée en matière était des plus déconcertante pour le jeune démon. Habitué à la solitude, se voir ainsi au centre de l’attention le fit paniquer jusqu’à ce qu’on l’accompagne aimablement jusqu’à la guilde des aventuriers après qu'il ait bégayé quelques explications et objectifs peu clairs.

Il avait pu prendre ses marques, flânant dans les ruelles autour de la guilde, évitant la foule. C’était sa première fois dans une ville et tout lui était nouveau. Partout où se posait ses yeux se trouvaient des gens : en groupe à discuter, rire, marchander ; seul, marchant vers un objectif précis ou se promenant simplement, etc. Les bâtiments, loin de se qu’il pouvait imaginer, s’étendaient tout autour de lui. Le réconfort de la forêt était bien loin mais sa première aventure dans ce monde commençait aujourd’hui.

Bien décidé à enfin quitter ce quartier, il s’enfonça dans les ruelles, tentant tout de même d’éviter les grandes artères. Peu à peu, à mesure que la journée s’avançait, la confiance s’installa et il se risqua à rejoindre la périphérie de la ville afin de jeter un coup d’œil aux commerces du coin qui étaient indispensables pour un aventurier.

Les rues animées l’effrayèrent mais les devantures des commerces piquaient sa curiosité et finirent de le convaincre de s’en approcher. Ainsi, il pu admirer des armures étincelantes, des armes diverses et variées, des plantes et poudre, des parchemins et tant d’autres produits qui firent briller ses yeux. Malgré le peu de souvenirs qu’il avait, il savait que les démons se regroupaient aussi dans des sortes de villes, plus proche parfois de taudis que de véritable bâtiments. Mais il en était sûr : il n’y avait rien d’aussi beau, raffiné et vivant dans son monde d’origine.

Il poursuivit son exploration, voyant au loin le Colisée, il se dit que ce serait la destination d’un autre jour d’exploration. Sur son chemin, des rires et éclats de voix résonnaient des tavernes et il fila rapidement, esquivant des excès de bruit ; il n’avait pas encore le courage de s’y aventurer.

Longeant les murs, il poursuivit son chemin en passant dans les ruelles étroites. Une ancienne passa à côté de lui et le bouscula. Le démon se tourna vers elle en s’inclinant et balbutia :

Ex… excusez-moi !

L’ancienne le jaugea du regard et renifla avant de poursuivre son chemin. Le jeune homme baissa les yeux et déboucha hors de la ruelle qui, pour une raison obscure, lui glaçait le sang. Là, il ne trouva pas grand choses hormis des habitations resserrée et quelques commerces que peu de personnes sembler venir visiter. Le chemin qu’il venait de parcourir lui avait saper le moral mais s’il était sorti aujourd’hui, c’était pour repousser ses limites. S’il voulait retourner dans le monde précédent, il devait s’enhardir !

J’ai peut-être bien avancé aujourd’hui… si je rentrais ?

Il ne voulait pas repasser par cette ruelle. Tout mais pas ça. Alors il s’avança sur le chemin devant lui en regardant ça et là les devantures et jetant des coups d’œil à des personnes endormies sur des marches d’escaliers. Le soleil déclinait et son estomac commençait à crier famine mais il ne trouva pas d’épiceries ou de restaurants dans ces rues.

Il chercha un moment à sortir mais le constat était posé : il était perdu. Il commença à paniquer et il lui semblait que tous les regards étaient posés sur lui. Yasushi vérifia que sa capuche était bien mise sur sa tête et couvraient ses cornes et fila précipitamment dans une allée. Il le vit trop tard et voulut esquiver un homme lourdement chargé mais trébucha et tomba à terre dans des débris de verres. L’inconnu l’ignora superbement et poursuivit son chemin tandis que le démon se relevait et constatait les dégâts.

Non… non, non, non ! Comment je vais faire ? Comment je rentre ?

Il chercha du regard quelqu’un autour de lui qui aurait pu l’aider.

Yasushi laissa Elim palper son bras et observer les plaies. Les gestes étaient précis, démontrant ses compétences. Il s’était présenté comme médecin et le démon ne put que lui faire confiance au vu de son attitude.

Un élan le pris lorsque le médecin releva sa manche et tourna son bras mais il ne montra aucun signe de douleurs. Il s’était calmé et réussissait davantage à se contrôler, ne laissant rien paraître.

Tu n’es pas faible ! Tu es fort et courageux ! Rien ni personne ne peut te blesser !

-Avec un peu de travail, je peux vous remettre à neuf, et sans cicatrices en prime, ça ne prendra pas longtemps, mais je n'aime pas soigner les gens dans la rue, de peur que des germes ne s'infiltrent sous les plaies que je referme.
Alors... si ça vous va... Ce n'est qu'à quelques minutes !

Yasushi se tendit un peu. Il aurait souhaiter retourner au plus tôt à la guilde des aventuriers mais il était logique qu’il se fasse soigner rapidement. Il ne pouvait décemment pas s’aventurer, le bras en sang, dans la foule.

L’homme loup rougit et s’empressa d’ajouter :

-Enfin... Je sais que c'est soudain... Mais je suis un vrai médecin hein !

Hééééé ! C’est encore plus louche ! Mais tant pis, au pire je pourrais toujours appeler Uzume et fuir !

C’était son talent, sa botte secrète et sa fierté : son lien avec les divinités.

- D’accord, je vous suis.

Le médecin replaça la manche et le guida dans les rues. Passant d’une avenue à une autre, Yasushi le suivait de près. Déjà qu’il s’était perdu en avançant pratiquement en ligne droite, alors s’il perdait de vue son bienfaiteur, jamais il ne retrouverait son chemin !

Le duo avançait tranquillement, échangeant sur les quartiers nord de la ville et le démon se sentit chanceux de n’être que tomber au sol quand Elim lui expliqua que des personnes louches rodaient dans le coin. Quelque chose dans l’atmosphère lui rappelait le plan démoniaque, du moins, de ce qu’il restait de souvenirs. Peut-être l’odeur, l’ambiance générale des lieux ? Mais un frisson remonta son échine et sa queue s’agitait dans un mouvement hasardeux.

Ils arrivèrent rapidement devant l’enseigne et Elim l’invita à entrer. Le démon ne se fit pas prier et pénétra dans une pièce chaude et et agréable, contrastant avec la rue qu’il venait de quitter. Observant tout autour, il nota une odeur de plantes mentholées, de lavande et d’autres plantes qu’il ne parvenait pas à identifier.

Yasushi hésite un peu et retira sa capuche en priant intérieurement pour qu’on ne l’associe pas aux démons destructeurs et meurtriers qui composait son peuple dans son monde et celui qu’il avait visiter avant d’atterrir à Portalia. Il dévoila ainsi ses cheveux argents et ses cornes noires. Guettant attentivement la réaction du médecin. Il fut soulagé de constater qu’Elim ne changea en rien son comportement et son cœur s’apaisa.

Yasushi avait milles questions à poser au médecin. Notamment car il était la première personne avec qui il avait un véritable échange et non un envoyé dont le travail consistait à lui présenter les guildes et lieux notables. Mais parmi son catalogue d’interrogation, une lui brûlait les lèvres.

- E... Excusez-moi mais...pourquoi s’être installé dans les quartiers nord s’ils sont si mal famés ? je veux dire... Ce ne serait pas plus sûr pour vous de vous installer dans les zones moins… dangereuses ?

À mesure qu’ils avançaient, le brouhaha de la ville s’amplifia. Le duo déboucha dans l’avenue bondée et l’agitation de la ville leur sauta dessus.
Des chariots passaient, des habitants se pressaient ça et là et vaquaient à leurs occupations. La veille, le démon s’était juste faufilé le long des murs et se faisait tout petit. Mais aujourd’hui, il n’était pas seul devant l’aventure de la foule. Elim semblait à l’aise et marchait d’un pas assuré que Yasushi tenta d’imiter.
Ils s’arrêtèrent afin de laisser passer de lourds chariots remplis de matériaux. Bois, pierre, sable, mais aussi des armes ça et là attirèrent le regard du démon.

-J'imagine que la guilde doit t'héberger non ?

Yasushi s’arracha à la contemplation des allers et venues des véhicules afin de répondre à la question.

– Oui ! Ils… ils m’ont proposé de me loger dans un dortoir à mon arrivée. Après avoir expliqué mes motivations, j’ai été emmené à la guilde des aventuriers. Ils ont été vraiment très gentils avec moi, mais… mais…

Le démon marqua une pause et poursuivit en croisant le regard interrogateur de l’hybride.

– Il y a beaucoup de monde et je, je ne suis pas très à l’aise avec la… la foule. Je préfère rester dans l’ombre.

Penaud, il tortilla ses doigts et sa queue resta figée, enroulée autour de sa jambe. Des doutes l’assaillaient depuis quelques jours : Comment pouvait-il devenir un aventurier digne de ce nom, de confiance, en étant si peu fiable ? Certes, il savait se montrer courageux face à un adversaire, mais il n’avait pas vraiment l’esprit d’initiative et en dehors du combat, il était relativement maladroit.

Un autre convoi passa et Yasushi ressentit la morosité d’Elim. Quelque chose ne semblait pas être habituel dans ce défilé.
Certains chariots transportaient des soldats en armures, d’autres des fournitures diverses ou encore plus de bois. En tendant l’oreille, il comprit ce qu’il en retournait. Une attaque allait avoir lieu.

Est-ce que je dois y aller ? Est-ce que c’est mon rôle de défendre la ville ?

Des frissons remontaient jusque dans sa nuque. Au fond de lui, quelque chose le pousser à aller au front et se battre. Pour protéger cette ville qui l’avait accueillit, ses habitants, ses marchands.
Il voulut s’avancer mais se retint. Que pouvait-il faire ? Il venait d’arriver. Ses poches étaient vides, il n’avait que son sabre, ne s’était pas entraîné et surtout, il ne se sentait pas prêt. En voyant des aventuriers passer en se dirigeant vers l’enceinte de la ville, il voyait bien combien il serait inutile pour le moment.

En se tournant vers Elim, il comprit qu’il n’était peut être pas le seul à ne pas être prêt pour cette attaque.

Pour être, prêt, encore faut-il savoir ce qui attaque ! Ce n’est pas du haut de mon rang Argent que je vais pouvoir faire grand-chose...

– Quelle est cette attaque qui menace Portalia ?

Même s'il ne comptait pas participer à la défense, il voulait savoir dans quoi il mettrait les pieds si le conflit venait à dégénérer et venir au cœur de la ville.