Une bière sous la pluie [Pv Loïc “Ignis” Langevin](Terminé)

Ce que tu détestes la pluie.
On pourrait dire que c'est cliché, venant d'un mage de feu, mais c'est comme ça : tu es une personne stéréotypée, Ignis. Un mage de feu qui s'habille en rouge et qui ne sait pas nager, quelle originalité ! Ma foi, tu en es le stéréotype parfait...
C'est donc tout à fait naturel de t'entendre pester sous cette trombe d'eau. Il y a une autre raison, qui te pousse à détester la pluie - hormis ton aversion naturelle pour l'eau. Les cheveux et la peau trempés, ton feu est étouffé avant même qu'il ne puisse en sortir. Dans ces conditions, utiliser ta magie t'est bien plus difficile. Et tu détestes être en situation de désavantage, que ce soit au milieu d'une armée ou au milieu d'un parc naturel.

Ta capuche relevée sur ta tignasse rouge, tu avançais d'un pas rapide, trottant presque, cherchant un abri te protégeant de cette satanée pluie.
Quelle aubaine, lorsque tu tombes sur ce bar.
Tu y entres un peu rapidement, sans même remarquer le nom de ce fameux bar.
Sans même avoir noté où tu étais, d'ailleurs. Énervé à cause de cette pluie - et énervé à cause de tout, en ce moment - tu en étais venu à fulminer sans destination dans la rue, juste le but d'échapper à cette pluie.

-Eh bien, en voilà un qui a pris la pluie.

Tu grognes à la remarque du barman, sans répliquer toutefois. Tu connais les ambiances de bar - vous vous y retrouviez, rarement, lorsqu'une mission portait ces fruits - et ce genre de boutades hasardeuses était souvent un premier contact avec un nouveau client. Les bars avaient souvent les mêmes clients réguliers, et pour qu'un nouveau devienne un habitué, il fallait bien lancer un premier contact.
Et puis, tu n'es pas contre à l'idée de devenir un habitué. Ça serait bien le premier endroit que tu visiterais fréquemment, tiens.
Enfin, on n'en est pas encore là.
Tu réussis à accrocher un sourire à tes lèvres, et commande une bière. Quitte à attendre que la pluie passe, autant en profiter avec une consommation.
D'ailleurs, tu es arrivé au bon moment. L'établissement n'est pas très rempli, mais un barde avait pris place, chantant des chansons d'un style qui t'est absolument inconnu. Rien d'étonnant à cela.
N'est-ce pas justement l'occasion d'apprendre ?
Non, tu n'as aucune envie de rester sur Portalia, Ignis. Tu es peut-être le seul idiot qui a un espoir fou de revenir chez lui, d'ailleurs.
Mais en attendant de trouver enfin le chemin du retour, tu te dois bien de connaitre ton environnement. Cette ignorance t'a déjà joué des tours, et tu détestes passer pour un débutant.
Et les bars sont le lieu par excellence de l'information - tu ne le sais que trop bien.

-Ce sont des chansons d'ici ? Elles racontent l'histoire de ce pays ?

Tu t'étais adressé à une jeune femme blonde qui se trouvait non loin du barde, et qui semblait apprécier ces chansons. Tu lui adresses aussitôt un léger signe de tête.

-Veuillez m'excuser, je ne voulais pas vous importuner. Je suis juste... nouveau ici. Alors je suis un peu curieux.

Enfin, tu reprends les bonnes vieilles habitudes.

Puisque tu es parti pour rester sur Portalia pendant un bout de temps - mais certainement pas pour toujours, tu allais t'en assurer - autant commencer à mieux connaitre l'histoire et les environs. La connaissance était une arme, quand on avait des ennemis. Et en tant que Dark soul, tu étais sûr que tu allais t'en attirer, tôt ou tard.
En tant que Dark soul, seulement ? Soyons honnêtes, Ignis : tu n'as jamais vécu sans ennemis.

-Je ne pense pas que cette histoire vient d’ici, du moins je n’ai jamais mis les pieds dans un marais et je n’ai pas eu la chance de croiser une sorcière.
-Qui sait. Plus rien ne m'étonne, ici.

C'est d'un ton un peu désabusé que tu lui avais répondu, et pourtant. Après avoir rencontré une armure vivante qui faisait ses courses au marché, plus rien ou presque ne t'étonne. Ça aurait du t'émerveiller ou t'effrayer - ça le faisait, au début. Et puis, au bout d'un moment, tu as commencé à être "habitué" à toutes ces choses complètement absurdes. A force d'être trop surpris, il t'en faut plus pour t'impressionner.

-L’orage vous a surpris vous aussi, pas de chance ! D’après moi elle va durer une bonne partie de la nuit.

Tu te retournes vers la fenêtre, et le son de la pluie battant contre les carreaux. Un profond soupir ennuyé t'échappe.

-Super... Quelle bonne soirée en perspective...

C'est que tu détestes la pluie et l'orage, rien qu'entendre ce son, qui peut paraitre relaxant pour beaucoup, t'exaspère au plus haut point.

-Ce que je déteste la pluie...

Alors le fait de savoir que tu vas encore finir trempé au retour te met d'une humeur de chien.

Enfin, il y a autre chose que tu détestes par-dessus tout - décidément, il y a beaucoup de choses que tu n'aimes pas - c'est entendre le même discours à chaque fois.
Tout le monde est resté depuis bien trop longtemps sur Portalia.

-Cela doit faire deux ans que je suis consciente d’être ici, donc je suis un peu comme vous, je n’ai pas eu la chance de découvrir bien des choses de ce monde.

Tu avales ta gorgée de travers en entendant ça, pris d'une quinte de toux, la larme à l'œil.

-D-Deux ans ? C'est déjà... beaucoup.

Tu te retiens de dire : trop.
Plus tu parlais aux gens, plus il te semblait que personne n'avait trouvé de moyen pour retourner dans leur monde. Pire : tout le monde semblait avoir abandonné.
Tes doigts se resserrent brusquement sur ton verre, sous la rage.
Tu refusais de devenir comme eux. Tu allais trouver ce moyen de rentrer, tu te le promettais.

Complètement perdu dans tes pensées, tu n'avais pas remarqué que la jeune femme s'était éloignée pour se resservir, jusqu'à ce qu'elle ne revienne à tes côtés. Tu la dévisages, alors que cette dernière te regarde avec un grand sourire aux lèvres. Ce n'est pas souvent que tu as pu croiser des gens aussi souriants, ici - et même avant. Tu croises bien plus de gens faisant la gueule ou menaçants que le contraire. Toi-même tu n'es pas bien souriant, au naturel.

-Vous venez d’où si cela n’est pas indiscret? J’ai peut-être eu la chance de croiser d’autre personne qui viennent de votre monde.

Et, cette fois, sa question réussit effectivement à t'arracher un léger sourire à toi aussi - même s'il n'a rien de joyeux.

-Mmh.Qui sait ?

C'est que tu étais tristement célèbre, sur Cendriar. Le plus grand criminel, rien que ça ! On te diabolisait et t'attribuait des crimes que tu n'avais pas commis. Oh oui, ta tête, on la connaissait bien, et à force, tu voulais faire en sorte que tout le monde la connaisse.
Pour que tout le monde sache qui allait renverser ce système de corrompus.
Mais tu n'as jamais pu accomplir rien de tout ça.
Car Portalia te l'a empêché.
Tu avales difficilement ta prochaine gorgée.
Une soudaine amertume en bouche

-Pardon, je vous regarde et cela me fait penser que je n’ai même pas encore dit mon nom! Je suis là à vous bombardez de question! Moi c’est Kamélia.
-Enchanté Kamélia. Je suis Ignis. Je viens de Cendriar.

Une certaine nostalgie te prend en évoquant ce nom.
Cendriar. Un nom que tu aimes autant que tu détestes.

-Si vous avez croisé d'autres personnes de ce monde, faites le moi savoir. Ça me sera surement utile.

Comme par exemple, de savoir qui fuir exactement.

Enfin, Kamélia te posait beaucoup de questions, mais toi aussi, tu étais curieux, mine de rien. Surtout envers les personnes elles-mêmes curieuses. En général, les gens se contentaient de rester dans leur coin, s'intéressant rarement aux autres. Une personne qui s'intéressait beaucoup aux autres était une personne qui cherchait quelque chose.
Que cherchait-elle, Kamélia ?

-Et vous ? Vous êtes arrivée à Portalia il y a deux ans, mais d'où veniez-vous, avant ? Votre monde... ne vous manque-t-il pas ?

Vous êtes-vous aussi résignée ?

L'ambiance était au calme et à la relaxation dans ce petit bar, et après la douche forcée, tu n'allais pas t'en plaindre. Le coude appuyé contre la table et le menton dans ta main, tu écoutais d'une oreille distraite les chansons du barde. À tes côtés, Kamélia en faisait autant, tout comme l'ensemble des clients du bar qui chuchotaient entre eux pour ne pas couvrir la musique, interrompue seulement par les coups de la pluie contre la fenêtre.
Tout ça te calmait étrangement. Toi qui étais d'humeur de chien il y a quelques minutes seulement, l'ambiance paisible des lieux avait déteint sur toi.

Tu avais adressé un léger sourire à la blonde lorsqu'elle s'était présentée. Tu discutais peu souvent aussi ouvertement des mondes d'origine des gens. En même temps, tu faisais partie des Dark souls, ce groupe secret dont l'identité ne devait pas être dévoilée. Même si la curiosité - et l'amertume - pouvait te consumer, tu avais tout de même conscience qu'exprimer ouvertement tes pensées risquait de te dévoiler.
Mais parfois, tu te risques à tâter le terrain - et peut-être l'alcool t'y aide aussi.

-Pour tout dire, j’ai aucune idée d’où je viens, mais je me doute de pas venir d’ici. On m’a retrouvé presque morte dans une rivière il y a 2 ans.

Tu affiches des yeux bien ronds, pris au dépourvu par une telle réponse.
Amnésique, et retrouvée pour morte. Jamais tu n'aurais pu deviner ça sous le sourire que la demoiselle affichait. Toi, c'était justement ton but, tes souvenirs, ceux qui te donnaient la flamme, la hargne d'avancer tous les jours.
Tu n'oses pas imaginer comment ça doit être de vivre sans rien de tout ça.

-Oh je... Je suis désolé, je ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs...

Un air désolé s'était peint sur ton visage. Visiblement, tu avais fait une bourde en retournant l'attention vers elle.
Tu n'aimes pas qu'elle soit centrée sur toi, il est vrai. Mais tu en oublies que ce sentiment peut être partagé par beaucoup de gens, Ignis.

Mais Kamélia ne se laisse pas affecter, continuant son histoire.

-Donc j’ai cherché un moment les souvenirs sans rien trouver, donc je me suis dit qu’en parlant avec les gens de leur monde j’allais peut-être terminer par me souvenir du mien et de plus je pense que si on prend le temps de se parler d’où on vient, on peut trouver comme y retourner.

Ton regard se perd un instant, alors que ses paroles réussissent à t'arracher un sourire.
Si on en parle, on a plus de chances d'y retourner, hein ?
Ha. Si seulement ça pouvait marcher...

-J’aimerais bien aider des amis à retourner chez eux et si je ne me souviens toujours de rien j'aurais la chance peut-être de choisir un nouveau monde comme maison! et vous vous souhaitez repartir ? Ou vous aimez trop ce monde pour y rester ?

Tu laisses échapper un ricanement sarcastique à sa dernière question.
Si tu aimais trop ce monde pour y rester ? Comme c’était drôle.
On t'avait forcé à l'intégrer, ce monde. Tu n'avais pas eu le choix. Et tu n'as jamais accepté les ordres qu'on t'imposait, rebelle né.

Tu avales une nouvelle gorgée de ton verre avant de reprendre, pour avoir les idées plus claires.
C'était de toute façon inutile de lui mentir. Tu ne t'y faisais pas ici, ça crevait les yeux. Sinon, tu arrêterais d'errer comme un fantôme à ne pas trop savoir quoi faire, à accepter une mission de temps en temps et à voguer ça et là sans jamais te poser.

-Oui. Je voudrais y revenir...

Et pourtant, rien ne t'y tend les bras, là-bas. Si tu y retournes, tu seras pourchassé. On essaiera de t'arrêter, te capturer pour enfin t'exécuter publiquement.
Ce monde, ton monde à toi, c'est ton ennemi. Et pourtant, c'est aussi ton devoir, de l'améliorer, de le soigner de la gangrène qui le ronge. C'est ce que tu avais promis à tous ces camarades que tu t'étais efforcé de rassembler, de motiver. Ces camarades à qui tu as donné des armes, que tu as promis de protéger.
Aujourd'hui, ils doivent croire que tu les as lâchement abandonnés.
Aujourd'hui, tu as peur d'imaginer ce qu'ils sont devenus.

-Enfin, je ne vous en parlerai pas. Je suis sûr que Cendriar n'est pas un monde dans lequel vous vous plairez. C'est loin d'être aussi... pacifique, que Portalia.

Et ce, malgré toutes les bestioles dangereuses qui rodaient hors des murs de la ville.
Tu te retournes finalement vers elle, alors que tu t'étais perdu dans tes pensées. Ce genre de pensées qu'une amnésique comme elle ne peut avoir.
Alors tu relèves légèrement la tête, essayant d'être un peu plus optimiste que d'habitude.

-Mais... Je pense que vous pouvez vous faire une place, ici, sur Portalia. Je n'ai jamais vu d'endroit aussi mixte. Ici, j'y ai vu tout un tas de gens différents. Chacun s'étant finalement trouvé leur place. La ville est sure et l'extérieur offre plein d'aventures. Si vous le souhaitez, je pense que Portalia peut être votre... heum. Nouveau foyer ? Une nouvelle chance.

Tu as du mal, à prononcer ces derniers mots.
Parce que même si tu en as conscience, c'est précisément tout ce que tu rejettes.
Mais Kamélia n'est surement pas comme toi – enfin, qui sait ? au fond, tu n'en sais rien. Tu sais juste que ce n’est pas pour toi, toi qui as toujours aimé joué les trouble fêtes.

Peut-être t'étais tu trompé sur son compte. La jeune femme devant toi est bien plus fougueuse qu'elle ne le parait, et, lorsque tu évoques les dangers que peut représenter Cendriar, ses yeux s'illuminent encore plus. Tu ne réponds pourtant pas à sa demande, essayant de détourner la conversation. Même si l'aventure et le danger semblent l'appeler, tu n'iras pas jusqu'à lui dire tous les méfaits que tu as accompli sur Cendriar...

A peine avais-tu fini ton verre que Kamélia commande une autre tournée. Le barman vient presque aussitôt vers vous, déposant les verres sur votre table. Verre que Kamélia pousse vers toi.

-Merci.

Tu lui souris légèrement, même si en vérité, tu sais que tu n'en prendras pas une troisième. A vrai dire, tu bois rarement et peu, pas souvent plus de deux verres. Tu tiens moins bien l'alcool que tu n'en as l'air. En tout cas, ton interlocutrice commençait à dépasser ses limites. Tu pouvais le voir à la couleur qui montait sur ses joues. Peut-être devrais tu t'assurer qu'elle ne franchisse pas cette limite pour qu'elle puisse rentrer chez elle encore debout.

-Pacifique… Ce n’est pas toujours une bonne chose, je n’aimerais pas vivre dans un endroit… sans rebondissement. Je n’ai pas de mémoire mais je suis étrangement doué pour manier une épée, si le monde reste trop pacifique alors je tournerais en rond.

C'est un rire entre l'étonnement et l'amusement qui t'échappe.
Douée à l'épée ? Ce n'était certainement pas un art qui s'improvisait. Elle avait certainement du l'apprendre quelque part.
Décidément, les apparences sont trompeuses.

-Rappelez-moi de ne jamais vous contrarier.

La jeune femme n'avait pas l'air de vouloir rester en place. Elle t'explique qu'une vie pacifique et trop banale ne lui convient pas, et étrangement, tu hoches la tête, compréhensif. Parce que justement, tu la comprends bien. Ça n'a jamais été fait pour toi non plus, même si tu combattais l'Empire justement pour accorder ce droit au peuple. Mais toi ? Ta vie de marginal t'a trop formaté. C'est peut-être pour ça que tu n'arrives pas à te poser une bonne fois pour toute sur Portalia.

Le regard perdu, Kamélia finit par se tourner vers toi, plantant son regard bleu dans le tien. Son doigt vient appuyer contre ton cœur, tandis qu'elle se rapproche de toi. Tout d'abord surpris, tu recules légèrement la tête, gêné. Tu avais remarqué du coin de l'œil les deux hommes qui s'étaient tourné vers vous, vous observant. Mais Kamélia continuait son récit, ne semblant pas être perturbée.

-J’ignore si vous ressentez aussi ce petit pincement à ce niveau du cœur qui m’écrase une fois la nuit tombée, que me fait comprendre que je ne suis pas à ma place, le même sentiment quand mes sois disant compagnons de la confrérie me regarde me disant que je devrais partir, que je suis faible et complètement inutile. Je serais chez moi quand ce pincement disparaitra.

Oh. Et alors, peut-être, ce sourire affiché n'était en vérité pas aussi joyeux que ça.
Alors vous aussi, vous n'êtes pas à votre place, ici ?

-Ce genre de pincement qui vous pousse à partir, à chercher où vous vous sentirez enfin chez vous ?

Tu affiches un sourire entendu. Peut-être que oui, tu comprenais bien ce qu'elle ressentait.

-J'ignore ce qu'est cette... "confrérie" ? Mais s'ils vous disent de partir, partez. Ceux qui ne nous acceptent pas pour ce que nous sommes ne constitueront jamais notre foyer, et ne méritent pas qu'on reste avec eux. Personne n'a le droit de nous effacer et de nous imposer ce que nous ne voulons pas.

Tes doigts s'étaient resserrés sur ton verre.
Et pourtant, Portalia s'était senti le droit de t'imposer une mission dont tu n'avais jamais voulu.

-Ça sera surement compliqué au début. Mais n'est-ce pas justement le voyage à faire pour trouver enfin votre foyer, et que ce pincement finisse enfin par disparaître ?

Après tout.
On ne peut pas être perdu, quand on ne connait pas sa destination.

Même si vous ne veniez pas du même monde - tu en es sur - tu comprends les paroles de Kamélia. N'est-ce pas justement parce que tu ne t'es jamais senti à ta place que tu t'es toujours battu ? Que l'on t'a affublé des pires noms, que le mot "terroriste" s'est collé à ta réputation ?
Qu'aujourd'hui, c'est tout ce que tu es, un peu comme si on t'avait jeté une malédiction ?
Tu comprends trop bien, oui. Ce vide qui nous creusera toujours, tant qu'on a pas trouvé sa place.

-Depuis que je suis ici, j’ai l’impression de pas faire partie de l’histoire et je n’ai pas plus poussé pour en apprendre sur ce monde. Je peux comprendre que mon groupe me rejette…
-Eh bien, vous ne devriez pas comprendre ça.

Tu es souvent trop radical et fier pour accepter ce genre de comportement. Un groupe qui rejette simplement sur l'ignorance n'est pas un groupe qui vaut les efforts de s'intégrer. Ce n'est certainement pas ainsi qu'on attire des partisans à la cause - tu le sais très bien pour avoir rallié des centaines de personnes à la tienne.
Centaines de personnes que ce monde t'a arrachées.
Ta boisson laisse soudainement un gout amer en bouche.

Mais quelque chose t'arrête dans tes réflexions. C'est ce mot qu'elle a utilisé. "Confrérie".
Tu ne l'as pas relevé tout de suite, et pourtant. Avec le recul, ce mot t'évoque ces groupuscules austères et secrets... Un peu comme les Dark Souls. Ou l'Eglise.
Ton visage se crispe légèrement. La jeune femme faisait-elle partie d'un de ces groupes ? Si c'était le cas, trop parler serait dangereux pour toi.
Ta paranoïa reprenant le dessus, tu es plus sur la défensive. Ce qui aurait du être une simple pause dans un bar prend des formes d'interrogatoire.
Alors lorsque la jeune femme parle des habitants de Portalia, ta nouvelle réserve te pousse à lui répondre d'un simple hochement de tête. Non, toi non plus tu n'as certainement pas envie de devenir comme eux, mais cet état d'esprit pourrait être vu comme une rébellion.
Heureusement, ces sombres pensées finissent par se dissiper par le rire de la demoiselle.

-Mais bon, on est qui pour juger les autres !
-Exactement !

Tu ris toi aussi, même si, clairement, tu juges les gens à fond. Ton propre sens de la justice t'a poussé à prendre les armes contre ton pays. Alors ne pas juger les gens ?
Peut-être, et encore, mais au moins, tu juges bien leur pays - et tu juges mal celui-ci.

Kamélia finit par indiquer au serveur la fin de sa tournée. Tu remarques la complicité entre les deux, et, avant que tu ne puisses supposer une certaine habitude chez eux, la blonde vient démentir tes pensées. Alors, à ton tour de l'imiter, et tu viens lever les mains d'un geste innocent.

-Qui sommes-nous pour juger !

Et à ton tour d'avoir un léger rire.
Même si la suite est moins drôle.

-Donc, vous c’est quoi que vous voulez, c’est quoi que vous attendez de ce monde, n’ayez crainte, je pose la question à titre personnel, vous devez l’avoir remarqué je suis très curieuse.

"Un peu trop" te retiens tu de dire. Il faut dire que même si tu es un Dark Souls qui essaye de se faire discret, tu parles souvent plus vite que tu ne le penses. A Cendriar, personne n'ignorait que tu étais un rebelle. Ici, tu dois le cacher à tout le monde. C'est encore un dur exercice pour toi.
Alors face à une telle franchise, tu ne sais pas quoi répondre tout de suite.

-Mmh... Eh bien...

"Rien", si tu étais franc. Rien, car tu n'as pas envie de rester ici, tout simplement. Rien, car tu refuses de faire comme tout le monde est creuser ton trou ici.
Ce serait peut-être trop dangereux de parler aussi franchement devant une personne dont tu ignores tout. Décidément, au lieu de te brouiller l'esprit, on dirait que l'alcool t'a remis les idées en place - ou alors a amplifié ta paranoïa.

-Mmh… Je ne sais pas. Je suis arrivé récemment donc on va dire que j'attends ce que ce monde a à offrir...

Et tu lui souris, comme pour être convaincant.
Car en vérité, tu sais que ce monde n'a rien à t'offrir – il t'a déjà tout pris.

Et cette fois, c'est à toi de poser des questions. Car oui, toi aussi, tu es curieux, même si tu es moins loquace et que tu as l'air de faire la gueule.
Tu préfères en savoir plus sur les gens que l'inverse.

-Et vous, Kamélia ? Puisque votre propre groupe vous rejette... Vous comptez y rester quand même ? Vous ne voulez pas partir vers cette aventure qui vous attire ?

Qui, après tout, n'a jamais rêve de libertés et d'aventures ? C'est ce que Portalia semble offrir en tout cas - même si tout ça n'est pour toi qu'une prison dorée.

-D'ailleurs, vous avez parlé de "Confrérie"... En quoi elle consiste, exactement ?

Histoire de savoir s’il faut vraiment te méfier.

Kamélia n'était pas la seule à être curieuse, et plus vous conversiez, plus tes sens étaient en alerte. Tu avais loupé quelque chose, dans le discours de la blonde, tu en étais persuadé - même si tu voudrais vraiment te tromper. Alors, encore une fois - comme toujours - tu questionnes sur les origines. Tu questionnes sur ce passé que tout le monde ici s'est résigné à oublier - ce passé que tu refuses d'oublier.
Ce passé que Kamélia a déjà oublié.
Et, lorsqu'elle te fait part de ses doutes, lorsqu'elle avoue être perdue, son discours te semble bien trop vrai, bien trop innocent.
Elle ne pouvait pas faire partie de Église ou une quelconque organisation louche.

-Le confrérie, c’est un sorte de groupe utiliser pour la protection de l’église je pense. Mon mentor avait pris sa retraite il y a quelque années, mais pour certaine raison il a dû revenir parmi eux et il pousse pour que j’entre avec lui, mais j’ai pas vraiment le profil physique et mental pour y être.

Heureusement que tu as arrêté de boire, car tu te serais étranglé avec ta boisson.
L’Église. C'était pire que tout. Tu espères qu'elle ne remarquera pas à quel point tu as pâli, que tes yeux s'étaient légèrement agrandis. Tu espères qu'elle ne sait rien de l'horreur qui t'envahit.
Depuis le début, deux personnes appartenant à des groupes qui s'entretuent bavardent joyeusement dans un bar tout à fait ordinaire. Une situation très cocasse.
Une partie de toi veut fuir, partir loin d'ici avant que tu ne te trahisses, partir car Kamélia semble une personne honnête et ne mérite pas la haine que tu voues à son Ordre. L'autre partie souhaite rester, continuer de bavarder comme si rien ne s'était passé, peut être glaner quelques informations, mais ce serait tromper une personne honnête.

Kamélia vient t'achever lorsqu'elle te fait la pire des propositions.

-Oh mais j’y pense, vous venez d’arriver! Si ça vous dit de venir faire une visite avec moi de l’église sa serait une première pour nous deux... Mais vous n’êtes pas obliger d’accepter, pour ma part, je n’ai jamais eu l’idée d’aller voir les lieux en première face cela me semble un peu fade comme endroit et dépriment.

Aller visiter la cathédrale. Ça reviendrait à aller te passer toi-même les menottes.
La cathédrale, c'est un des symboles de l’Église que vous combattez, Dark Souls. Y aller, ça serait un énorme risque pour toi.
Et en même temps, personne ne sait que tu appartiens à ce groupe. Tu ne t'es pas fait particulièrement remarquer, et ton allégeance n'est pas non plus marquée sur ton front. Ça pourrait être aussi un bon moyen d'espionner et de repérer les lieux. Tant que tu restes discret.

-Eh bien..  mmh...

En proie au doute, tu avais laissé un léger silence s'installer, comblé seulement par tes bruits d'indécision.
Finalement, tu prends l'excuse parfaite.

-Pourquoi pas, oui, même si ça me semble aussi être des lieux austères. Enfin, dommage qu'il pleuve, peut-être une prochaine...

Sauf qu'il ne pleut plus.
Les cieux sont contre toi, aujourd'hui.
Ce qui scelle donc ta décision.

-Eh bien, pourquoi pas.

Tu essayes d'être enthousiaste, tu essayes vraiment. Mais aller visiter un symbole ennemi te refroidit.
Mais n'est-ce pas l'occasion de faire tes preuves, de faire du repérage ? Après tout, tu crèves d'envie de faire des preuves. Si tu apprends quelque chose d'utile là-bas, ça en aurait valu la peine.

-Ça m'étonne que vous ne l'ayez jamais visitée avant. N'est-ce pas un passage obligatoire, dans les rangs de l’Église ?

Tu continues de diriger ta curiosité sur la vie de la demoiselle blonde, comme si de rien n'était.
Peut-être pourra-t-elle t'en apprendre plus, au passage.

Tu avais été stupide, tu avais été impulsif, comme d’habitude. Tu n’aurais pas du accepter, mais il y avait cette curiosité qui t’avait appelée – et cet attrait pour le danger, il faut bien l’avouer. Tu avais envie de voir aussi à quoi ils ressemblaient, tes ennemis, ceux qui vous chassaient, ceux qui vous désignaient comme ennemi public de Portalia – non pas que ça te change beaucoup d’avant…
Et c’est Kamélia qui t’en donnait l’occasion. Kamélia, une demoiselle rencontrée dans ce bar, une simple rencontre en apparence, jusqu’à ce que tu te rendes compte qu’elle appartienne au camp que tu détestes tant. Comme quoi, les gens qui y appartenaient n’avaient pas tous l’étiquette que tu leur collais au front.
Peut-être t’es tu pris un peu trop dans cette spirale de haine et de rivalité.

Kamélia, de son côté, semblait très – trop – en forme, prête à faire la visite dès maintenant, même si l’heure commençait à devenir tardive.

-Je viens de réaliser que c’est la nuit, je pense que cela serait étrange d’aller visiter le lieu en pleine pénombre, mais pourrait être amusant d’y aller sans se faire voir.
-Mmh, ça pourrait rendre la visite moins ennuyante, oui.

Tu ne retiens pas un rire en imaginant la scène. En fait, ça t’aurait même motivé à y aller… Si ce n’était pas pour aller dans l’un des lieux symboliques de tes ennemis. Disons qu’avant, ça ne t’aurait aucunement dérangé – au contraire. Mais ici, tu sais que tu ne vaux pas grand-chose, contre eux. Se faire prendre juste pour le jeu, ce serait une honte à ta longue carrière de terroriste.
Enfin, tu n’allais pas être trop emballé par l’idée non plus, car Kamélia semble avoir le même humour, et se ferait rapidement tenter par l’idée. Et avec l’alcool qui coule dans vos veines, tu doutes que vous arriviez à être aussi discrets que vous pouvez le prétendre.

Heureusement, c’est la blonde elle-même qui vient te sortir de cette situation épineuse.

-Soit on y va ce soir! Soit on y va demain matin, mais ce qui est sur c’est que la soirée est encore jeune non? Il ne pleut pas et je ne suis pas fatiguée.

Tu vois le sourire radieux qu’elle affiche, montrant clairement qu’elle n’avait pas envie de simplement rentrer chez elle maintenant. Mais tu n’avais pas vraiment envie d’aller visiter la cathédrale maintenant, en pleine nuit, pour paraitre encore plus louche que tu ne l’es déjà – et certainement pas alors que vous sentez surement tous les deux l’alcool, même si vous n’êtes pas non plus complètement ivres.
Alors bien sur que tu vas sauter sur sa deuxième proposition.

-Et bien… Même si c’est tentant d’aller à la cathédrale maintenant… Je n’ai pas vraiment les idées claires pour pouvoir en profiter pleinement. Ça serait dommage. Mais pourquoi pas aller visiter les alentours ? Je n’aurais plus d’excuse pour me perdre !

Tu forces un sourire plus grand que ce que tu es habitué, l’alcool aidant, pour essayer de rendre cette option plus attrayante que la cathédrale de nuit. Tu aimes le danger, mais l’expérience t’a aussi appris à être prudent. Surtout que ce n’est plus toi, qui est aux commandes.

Vous sortez donc du bar, le propriétaire semblant soulagé de vous voir partir avant qu’il ne ramasse l’un d’entre vous pour le mettre dehors – et entre vous, c’était Kamélia qui est bien plus susceptible de finir trainée dehors. L’air s’est réchauffé après l’arrêt de la pluie, rendant la balade bien plus agréable. Tu finis même par songer que le ciel étoilé de Portal n’est pas déplaisant à regarder. Les étoiles rendent la nuit plus claire que celles de Cendriar, et aucun nuage de cendres ne vient t’obstruer la vue.
Tu le trouves beau, ce ciel. Les rues aussi, sont plus paisibles. Et puis tu viens de rencontrer une plaisante compagnie en l’espace d’une journée.
Tu aurais pu t’y faire, à ce monde. Si tu n’étais pas aussi têtu – aussi perdu.
Tu te laisses guider par Kamélia, lui posant des questions dès que l’architecture d’un bâtiment attirait ton œil, ou que les quartiers semblaient brutalement changer. La ville n’avait rien d’un labyrinthe, et tu songes que tu pourras finalement t’y faire sans risquer de te perdre.
L’heure tourne sans que tu ne la vois, tant la capitale est grande.

-Merci beaucoup pour cette visite, Kamélia. Ça a été un plaisir de faire votre connaissance.

Enfin, de toute façon, tu sais que tu la reverras le lendemain.
Et tu hésites un moment. Il est encore temps de refuser.
Mais tu n’as jamais aimé te défiler – par pure fierté.

-Je vous dis donc à demain pour la visite.

Maintenant, il est trop tard pour refuser.