Ça te faisait très bizarre, d'être ici. Tu n'étais clairement pas dans ta zone de confort. Déjà, les enfants et toi, ça ne fait pas trop la paire. Tu te laisses submerger par ce ras-de-marée de questions, par ces boules d'énergie increvables, par ces grands sourires qui faisaient tâche dans ce quartier grisâtre. Et quand Elizabeth se met à t'attribuer des adjectifs qui ne te vont pas du tout - tu n'as jamais rien eu d'héroïque - voilà que tu ne sais plus quoi répondre. Tu as l'impression de leur mentir, et si tu en as l'habitude - il le faut bien, pour cacher ton affiliation aux Dark Souls - la gentillesse naturelle d'Elizabeth te rend coupable.
Depuis quand as-tu des scrupules ?
Et lorsqu'elle te demande des informations personnelles sur ton propre monde, c'est comme si elle venait de t'achever. Ah, c'est de bonne guerre, après tout. Tu lui as toi-même demandé tout un tas de questions, auxquelles elle a répondu sans hésitation. Toi aussi, tu devrais faire pareil.
Mais tes actions passées ne vont pas redorer ton nom. Bien au contraire. Toi, tu n’as rien d’un Battosaï : ce n’est pas le chemin de la rédemption, que tu es en train de suivre.
A moins que tu ne l’aies tout simplement pas encore trouvé ?
-Oh. Eh bien... Pourquoi pas une prochaine fois... ?
Gagner du temps. C'était la première stratégie. Avec un peu de chance, elle aura oublié la prochaine fois que vous vous recroiserez.
Et puis aussi, tu te vois mal de raconter ça devant les enfants, alors que tu t'es fait passer pour leur héros quelques minutes auparavant.
-Et puis vous savez, l'histoire de mon monde n'a rien de bien palpitant. C'était assez ordinaire, par rapport au votre !
Deuxième stratégie : le désintérêt. Parce qu'on ne couvre jamais assez ses arrières.
Finalement, ce sont les enfants, qui viennent te sauver de ce mauvais pas, alors qu'ils cherchent différentes raisons à leur admiration pour leur héros. Au final, ce sont des réponses d'enfants, qu'ils te donnent. Rien d'étonnant à cela.
Et c'était tant mieux. Au moins avaient-ils gardé cette part d'innocence en eux qui leur permettait de ne pas voir tous les côtés sombres qui se cachaient. Elles étaient très bien, leur raison. Enfin, tu espérais quand même qu'ils ne prennent pas n'importe qui avec une épée trop coolpour un héros non plus.
En tout cas, ça réussit à te faire sourire. Sincèrement. Il faut dire que même si ce n'est pas ton intention, ton visage a tendance à être fermé de manière naturelle.
Étrange, l'effet que te fait cet orphelinat.
-Tu n’as pas à être à la hauteur de qui que ce soit Ignis. Personne ne te demande cela. Tu as ta propre identité et toi aussi tu as ton propre côté cool et héroïque j’en suis persuadée. Tu te sous-estimes.
Tu la regardes avec des yeux ronds, pris au dépourvu. Tu ne t'attendais pas à ce qu'elle te dise quelque chose comme ça - que personne ne te dise ça.
Et ça te fait sourire, aussi. Mais d'un sourire un peu plus triste, cette fois.
C'est elle, qui te surestime.
-Merci, Elizabeth. Mais...
Mais.
Il y a des choses à ne pas dire.
Des secrets à ne pas révéler.
C'est le propre des Dark Souls.
Alors, encore une fois, tu choisis la fuite, pour ne pas décevoir. La distraction. Le feu. Une distraction suffisante, tu l'espères, pour faire oublier la conversation. En tout cas, les enfants sont bien pris dedans, et eux aussi, te surestiment.
-Haha... malheureusement je ne peux pas faire tout ça. Je... brûle tout, c'est tout. Ah, mais je peux faire ça.
Tu fronces les sourcils, et d'un coup, de la fumée s'échappe de tes oreilles. Tu ne vas pas leur montrer tout le processus par contre, quand ta tête entière prend feu. Non seulement tu ne te contrôles pas, quand tu es en colère, mais en plus, ça risque d'être bien trop dangereux, autour de petites boules d'énergie surexcitées.
Tu ris toi aussi, en même temps qu'Elizabeth. Les enfants étaient tous très différents, tu l'avais déjà remarqué. Et pourtant, ils partageaient tous des yeux innocents.
Sans doute grâce à la doyenne de ces lieux, qui les avait sauvés de ce monde inconnu.
Tu te tournes d'ailleurs vers elle, gardant ton sourire. Ce n'est pas non plus rare que tu sympathises avec quelqu'un le temps d'une journée, pourtant, tu n'as jamais rencontré quelqu'un qui avait la générosité et la compréhension du spectre. Ni sa singularité, d'ailleurs.
Tu n'aimais pas trop non plus quand les gens te prenaient pour leur cadet. Mais avec Elizabeth, c'était différent.
Décidément, c'était elle, qui était différente.
-Elizabeth, j'ai été vraiment ravi de faire votre connaissance. Et merci beaucoup de m'avoir emmené dans cet orphelinat. J'ai... c'était une expérience nouvelle, pour moi. Mais j'ai apprécié.
Enfin, il faut bien l'avouer aussi : encore une heure en compagnie des petites têtes, et tu aurais été vidé de ton énergie.
-Je dois me retirer. Mais je serai ravi de pouvoir vous revoir à nouveau, si je passe par là ? Si je ne dérange pas, bien sur.
Le temps était aux adieux, pour aujourd'hui. Tu t'es trop fait remarquer, tu as commis trop d'erreurs.
Mais bon, tu as rencontré une bonne personne, donc ça compense bien.
Tu inclines légèrement la tête en signe de respect et de salut.
-Merci pour tout ! Au plaisir !
Au moins si tu n'avais pas la patience, tu as la politesse et la reconnaissance.
Et ces mots, eux, ils sont sincères.
Tu espères pouvoir la revoir.
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