Dernière édition par Le Malin le Mer 17 Mai - 12:28, édité 1 fois

Mes yeux verts clignent machinalement pour essayer de comprendre ce qui est actuellement en train de se dérouler devant moi.

Lever de bon matin pour aller prendre ma quête de passage rang Or directement à l'accueil de la Guilde à l'ouverture. La mésaventure de ma quête de passage rang Argent me pousse à plus de rigueur pour savoir à qui je m'adresse pour avoir cette information importante. Un brouhaha ambiant embrume l'entièreté de la pièce aux mesures pourtant colossale. L'atmosphère chaude et sonore, même si adouci par la fraicheur et la paresse matinale, m'enveloppe à la descente des escaliers depuis mon modeste appartement. J'avance d'un pas fier et déterminer vers l'un des bureaux de l'accueil, vers une Dryade que je ne connais que trop bien, elle et sa délicieuse sœur jumelle en outre.

Arriver à la hauteur du meuble de bois, je me pose avec flegme et désinvolture, mon visage est radieux, ça va être une bonne journée, ça ne peut être qu'une bonne journée, je vais enfin passé rang Or.

« Bonjours, ma douce, quelle belle et agréable journée qui s'annonce ! Comble du bonheur, c'est sur toi que mes yeux se posent en cette printanière et satinée matinée. »

Le phloème sous la fine écorce de la jouvencelle dryade se gorge de sève et jauni sur l'afflux, ne pouvant cacher ses émotions.

« Bien le bonjour Aleksander, ça fait longtemps qu'on ne sait pas vue ! »

Mon front se plisse sous l'incrédulité.

« On c'est parler la semaine dernière, au Rex. Patoche essayait une nouvelle fois de te faire boire de la bière, mais il ne comprenait pas que c'était quasiment du cannibalisme pour toi. Alors, je lui ai fait comprendre poliment et avec un tirage d'oreille très professionnel, l'information a fini par rentrer dans le vide entre ses deux oreilles. »

« Ah, oui, ça me m'en souvient, mais c'est bizarre, je ne me rappelle pas toute la soirée après. »

Sa voix fluette et mélodieuse semble soudainement inquiète, elle se tient le menton avec appréhension.

« Très simple, on a parlé, on a dansé, tu as bu quelques verres d'eau pétillante de trop et je t'ai raccompagnée jusqu'à ta chambre. Rien de plus. »

Me mes mots sont clairs et précis, je ne veux pas qu'elle se fasse une mauvaise représentation de ce qui s'est passé. Je ne suis pas un homme de basse besogne qui creuse dans la fange de son déshonneur.

« Ouf, tu me rassures ! »

L'afflux de sève remonte à ses joues.

« J'espère que ça n'a pas baissé ton opinion de moi ? »

D'un simple geste de la main, je balaye ses appréhensions.

« Mais non, ne t'inquiète pas, ça arrive à tout le monde, le plus important, c'est que tu ailles bien. »

Finir une phrase stylée sur un petit clin d'œil et l'un de mes spécialités. Je tape d'un coup léger sur la table pour changer le sujet.

« Je ne vais pas te faire languir davantage sur la raison de ma venue à ton bureau. Après test à la Guilde, un officiel m'a annoncé que j'avais atteint la puissance d'essence suffisante pour passé rang Or. Incroyable, je sais. Il est vrai que j'ai un peu tardé à atteindre ce niveau, que je suis resté légèrement trop longtemps Argent à mon gout, mais me voila. Prêt à combattre à mort contre n'import quel monstre, prêt à secourir toutes les tribus d'une communauté de l'Ordre, sauver la veuve et l'orphelin des flammes d'une reine Slivoïd Bladeback. En plus, sans vouloir tirer dans les pattes de la guilde ou quoi, mais la dernière fois, pour mon passage rang Argent, un gus m'a demandé de faire son boulot à sa place, avec les enfants de l'orphelinat. L'expérience était forte agréable avec du recul, mais le contexte de la quête était vraiment bizarre, c'est pour ça que je viens devant tes feuilles pour avoir l'intitulé officiel de ma quête de passage rang Or, merci mon cœur. »

Je lui souffle un baiser sur la qui ponctue mon monologue.

La jolie plante verte me regarde avec des yeux ronds comme des soucoupes après ma tirade, je me demande si je l'ai cassé. Elle commence frénétiquement à chercher dans ses dossiers dans les cassiers sous son bureau.

« Alors... euh... oui... euh... quête passage rang Or... tout de suite... j'ai ça... là ! »

Elle sort fièrement un pense-bête froissé écrit à la main, une tache de café sur un tiers du papier, tousse pour s'éclaircir la gorge et commence à déclamer ce qui est écrit.

« Vous savez que pour faire de la farine, cela se fait dans un moulin ? Je ne sais pas très bien comment ça fonctionne, mais je crois que les ailes du moulin permettent de faire fonctionner des machines à l’intérieur du truc. Vous voyez le genre ? Non ? Moi non plus ! Mais ce que je sais, c’est que quand le vent souffle trop fort et bien le moulin va trop vite ! Et du coup, craque ma poule, voilà deux œufs ! Du coup ça se casse et il y a plus de farine ! Et s’il y a plus de farine, il y a plus de gâteaux.

C’est pour ça que le fermier, vient régulièrement nous demander de l’aide pour réparer les ailes, ou hélice… Enfin bref le machin qui tourne quoi ! Et je ne suis pas très manuel, il faut l’avouer. Je suis plutôt un danger ambulant même, alors pour éviter de faire cramer le moulin, et bien, c'est toi qui vas-t’en charger !

Crois-moi, "insérez nom du larb..." Aleksander Rex !! Quand tout le monde saura que c’est toi au lieu de moi, tu vas être un héros. Voilà, voilà. »

Mes yeux verts clignent machinalement pour essayer de comprendre ce qui est actuellement en train de se dérouler devant moi.

Elle retourne le papier et me montre un plan dessiné à la main pour trouver l'endroit en question, ainsi qu'une signature, Lock Lamora. Lui... Une image m'envahit l'esprit, celle d'un homme, la trentaine, mal rasé, mal lavé. En concentrant mon essence dans mon système olfactif, j'arrive à sentir l'odeur de vinasse de mauvaise qualité et le parfum bon marché qui imbibe le dos du pense-bête. Un fier membre de la guilde... Et comble de l'infamie, c'est le type qui m'a donné son boulot pour ma quête de passage de rang Argent.

« Euuuuuuh, tu n'aurais rien d'autre comme quête pour passage rang Or ? »

Son visage se confond en excuse avant qu'un seul son ne sorte de sa bouche.

« Désolé, on est un peu limité en quête de passage de rang en ce moment, d'habitude, il n'y a pas beaucoup de demande, mais récemment, il y a eu un pique. Encore désolé. »

La main tendue avec le pense-bête, un sourire timide se dessine sur son doux visage. Un long soupire plus tard, je pose le doigt sur le papier et l'absorbe de dépit.

« Très bien, je vais faire ça, mais si je tombe sur Lock, je lui mets un pied au derche si puissant qu'il atterrira sur le toit de la plus haute salle, de plus la plus haute tour de la cathédrale. Allez j'y vais, à la prochaine Aphylla ! »

Je m'éloigne d'un pas bien moins enjoué que tout à l'heure en faisant un signe de main à la dryade. Même si ça me fait chier d'aider ce sac à fiente de Harpie, je passerais Or avec cette mission, alors autant avoir le sourire et oublier ce philistin et me concentré sur ma quête.

« Bonne chance Aleks ! »

Sur ses paroles d'encouragement, je franchis le seuil de la grande porte de la guilde.

À peine le seul franchit, les rayons du soleil s'attaquent directement à mes yeux. On a beau être de bon matin, la température des pavés commence doucement à monter et le peu de rosé restant de la nuit s'évapore rapidement des plantes aux alentours. Le vent se lève, mais l'air est chaud et sec.

Je fais apparaitre et regarde de plus près le "plan" que m'a donné Aphylla, ce sont des gribouillis qui représentent certains lieux connus de Portalia, mais dessiner par un enfant, un enfant avec des problèmes, beaucoup de problème. Si ce truc en forme de... c'est la tour de la guilde, ca ca doit être la Cathédrale, ensuite ça doit être... l'entrée des égouts. Oh, la grande classe, il a fait un beau caca... L'orphelinat... si j'ai bien compris, c'est pile entre la porte ouest du centre d'entrainement et la cabane du mage fou ou alors c'est un gros caillou... Je verrai bien.

Le précieux papier tout juste réabsorbé, au moment où je relève la tête, je me fais emboutir par une personne qui ne regardait pas devant elle, bon, il est vrai que j'étais en plein milieu du chemin, mais quand même. La personne tombe le fessier sur les pavés alors que je n'ai pas bougé d'un centimètre, comme un rock. Je relève un peu mon regard pour qu'il se pose sur la créature au sol.

Oh non... C'est Kat, une humaine sans rang, blonde, pas très grande, la quarantaine, le style hippie poussé à l'extrême, si c'était juste le visuel... mais elle croit à des choses... bizarre, même pour un monde remplit de magie comme Portalia. La dernière fois, elle a essayé de me vendre une potion anti-pneumonie, composé l'eau qui semblait sortir directement des égouts et des herbes, des herbes normales, même pas moud ou traiter par quelque chose de spécial. Un charlatan de bas étage qui croit dur comme fer à ses inepties infondées.

La gueuse se relève sans assistance aucune et son visage est transformé quand elle se rend compte de la personne en fasse d'elle.

« Oh Aleksander ! Tu tombes bien ! »

Pas autant que toi...

« Je viens pour prévenir la guilde, j'ai trouvé un de mes nouveaux pouvoirs ! Je communique avec les chats, les rats et les autres animaux ! Sur des kilomètres avec juste une image d'eux ! C'est incroyable non ! »

Ah oui, incroyable...

« Du coup, tu voudrais bien m'aider avec les papiers de la guilde ? »

« Ah c'est dommage, tu n'as pas entendu parler de la nouvelle, je ne fais plus partie de la Guilde, je suis un aventurier à part entière maintenant. » Le ton de ma voix est si faux que je me fais presque rire, je me mords l'intérieur de la bouche pour m'aider à garder un minimum de sérieux.

« Oh... d'accord... mais tu connais encore la paperasse, tu pourrais... »

Je fais apparaitre et montre vigoureusement mon "ordre de mission" comme preuve de ma bonne fois, tout en commençant doucement à m'éloigner de la scène, une sorte de fuite.

« Désolé, j'ai une mission urgente qui vient de m'être confié, quelque chose d'important, je ne peux pas être en retard, c'est très officiel. Bonne chance pour ton pouvoir ! »

Sur ces excuses aussi ridicules que bidon, je m'enfuis du parvis de la tour de la guilde sans regarder ma véritable direction.

Pfffiou... Quel début absurde de matinée.

Je finis ma folle chevauché sauvage au niveau de la place des portails, malgré l'heure matinal et la chaleur qui se fait de plus en plus pesante, l'endroit est toujours aussi peuplé. Je prends quelques secondes pour me poser sur un banc en bois sous l'ombre bienvenue des arbres. Maintenant que j'ai enfin réussi à trouver un peu de calme. Je ressors le plan pour voir si j'arrive à avoir une idée plus précise de l'endroit où aller. Parce que entre le centre d'entrainement et la cabane du mage fou, y a quand même une sacrée trotte et je n'ai pas spécialement envie de passé le reste de ma matinée à chasser les moulins.

Alors... en regardant de plus près, ce que j'ai pris pour un cheveu pourrais être un chemin de terre... et d'un œil attentif, j'arrive à reconnaitre un mot dans la tache de vin, ou plutôt sous la tache de vin : "Ferdosr". J'espère que les instructions de l'autre benêt sont exactes, parce que j'ai moyen envi de me taper tout le trajet à pied. Tout ça pour me rendre compte que c'est au mauvais endroit, ou que c'est une nouvelle blague de très très mauvais gout.

Après quelques minutes de réflexion, les yeux et l'esprit fixé sur l'énigme que représente ce pense-bête justement écrit par un. Je décide que le chemin le plus court et surtout ou j'ai le moins de risque de me perdre, c'est de passer par le centre d'entrainement et de continuer vers l'ouest. Jusqu'à trouver le chemin de terre qui fait de vagues avec sur le bord un rocher en forme de... de...Shai Hulud.

Le chemin tracé dans mon esprit, j'entreprends d'en faire une réalité. Le chemin jusqu'au centre d'entrainement n'est qu'une simple formalité vu le nombre de fois où j'y suis allé. En arrivant près des portes du hall sud, je remarque une belle paire de joyeux lurons, les Croute. Ils sont toujours là depuis mon dernier entrainement ici, j'étais Bronze à l'époque, ce n'est pas plus mal qu'ils n'aient pas eu de promotions. C'est deux cousins seraient capables de mettre l'ensemble du centre d'entrainement à feu juste pour faire un barbecue. Je n'ai aucune envie de passé par l'extérieur du bâtiment, la seule chose que ça m'apporterait serai de me faire agresser d'autant plus fort par le soleil. Donc, je décide de passer par l'intérieur et par les Croute. Remarquant leur manque de professionnalisme au travail par le simple fait qu'ils dorment l'un contre l'autre, lance comme simple soutient, je décide de leur faire une petite farce de mon nouveau cru. Je me concentre sur mon pouvoir et mes souvenirs pour prendre ma voix la plus ressemblante à celle du vieux monsieur, aussi connu sous le nom de Sergent Rex.

« Antoine ! Daniel ! C'est comme ça que vous montez la garde ! Bande de Frokustule indisciplinés ! »

Les deux compères sursautent d'effroi en reconnaissant la voix du Sergent, ce qui les perturbent grandement dans le peu d'équilibre qu'ils avaient et finissent par s'effondrer l'un sur l'autre dans un fracas de métal assourdissant. Non sans une tentative au moins burlesque de se maintenir debout, du vrai patinage... pas artistique.

« Bah alors les Croute, on tient plus de bout ? »

Un ton légèrement moqueur s'empare de mes mots qui s'accompagnent d'un geste charitable, remettre droit le casque d'Antoine dont la lanière de cuir avait lâché, tout en rentrant dans l'immense hall. Les idiots, toujours sous le choc et dans l'incompréhension, me laissent rentrer.

« À plus les Croute ! »

Un geste de la main en signe d'au revoir de dos aux cornichons.

Parcourant le long corridor qui sépare la porte sud et ouest du centre d'entrainement, je profite de la fraîcheur de l'intérieur des murs. L'immense structure de pierre garde de tout temps un air frais, les rocks qui la composent protégeant du climat ambiant peu enviable.

L'endroit est particulièrement calme, le bruit de mes pas résonnent en écho toutes les parois de la galerie. L'accalmie permet aux ombres de mon esprit de refaire surface et mes pensées se tournent vers Gemini. Mon cœur et mes poings se serrent à ces simples pensées. Je revois encore le déroulement du tribunal, le peu de sérieux que j'y accordais dans un premier temps, la jeune demi-elfe aventurière, le vampire à la solde de l'Église... Ensuite mon plaidoyer, l'humanoïde au trait de dragon... Ils semblent toujours revenir dans mon histoire, les dragons... La lave... le chaos et enfin... l'ombre blanche... et les armes en os... le sang et la tête de Gemini roulant au sol... Je n'arrive pas à m'enlever cette vision d'horreur de la tête, fondue sur ma rétine par la chaleur de la lave.

Malgré mes progrès, je n'ai rien réussi à faire. Je devais la protégée, mais même ça je n'ai pas été capable de le faire correctement. J'ai tellement essayé et je suis allé si loin. Mais au final, ça n'a même pas d'importance. J'ai dû tomber pour tout perdre. Mais au final, ça n'a même pas d'importance. Ce sont peut-être ceux qui me traitent de bon à rien qui ont raison, je n'arrive pas à protéger les personnes qui me sont chères, à quoi je suis bon ? Je n'ai eu ni la force, ni l'intelligence de régler la situation.

Tu parles d'une situation d'ailleurs, regarde qui était en charge, la Guilde et l'Église et à quoi ils ont servi, à rien. À si, ils ont réussi à m'endormir alors que j'étais en chasse de l'ombre blanche, bravo la garde, bravo les templiers. Je savais déjà que l'église n'était qu'un ramassis de croyant aveugle ou de serpent avide de pouvoir et pas grand-chose d'autre entre les deux.

Et la Guilde... la Guilde, ce n'est pas pour rien que je l'ai quittée. Pour plus d'indépendance, oui, mais pas seulement... l'odeur de pourri qui émane de cette instance se répand un peu plus chaque jour. La corruption ronge tous les bataillons, peut-être que si une main avait été moins graisser, un pot-de-vin de moins et Gemini serait peut-être encore en vie. C'est bizarre d'ailleurs que l'ombre blanche ait pu faire son méfait sans être arrêtée...

Ces questions m'accompagnent et embrument mon esprit jusqu'à ce que les ratons du soleil viennent chatouiller mon nez et me fasse bruyamment éternuer, je suis arrivé à la porte Ouest.

Enfin, sorti de l'ombre du bâtiment et de mes pensées, je ressors le plan pour voire ou j'en suis dans mon périple. Porte ouest du centre d'entrainement, tout droit vers l'ouest jusqu'au chemin de terre avec... le caillou. Je prends le temps de regarder plus en amont de ma destination, mais rien. En fin, pas rien techniquement, du maïs, beaucoup de maïs, géant qui plus est, le double voir triple de la taille normal, impossible de voir au-dessus sans voler et je ne sais pas voler, pas encore. Bon, je ne suis pas venu là pour rien, j'entame la traverser sans crainte, aucun monstre du chaos ne sort du centre et encore moins de part delà la muraille extérieure. Ou en tout cas pas depuis des lustres, la chance que ça se produise sont ... très mince.

Le parcourt se trouve assez difficile, je cherche à avancer le plus rapidement possible, mais sans rien cassé de la végétation, je n'ai aucune envie de me faire chopper par un fermier en colère. Et si ça se trouve, ce maïs est destiné à l'orphelinat ou un truc du genre. Soudain, une idée me vient, au lieu de voir ce champ comme un élément pénible à passé. Autant en faire un entrainement, arriver le plus vite possible au chemin de terre en esquivant tous les plants de maïs, si j'en casse un, je perds.

Je m'arrête, respire un grand coup, visualise le champ en amont, prépare mon essence, mes muscles, mon système circulatoire et respiratoire et le plus important ma coordination œil corps pour ne pas me prendre les graminées. J'inspire profondément, j'expire, ressens mon essence dans tout mon corps et boom. Mon corps se déplace si vite qu'une trainée de terre en suspension suit mon trajet, je vois presque ce qui m'entoure au ralenti. Les tiges, les feuilles, mes pas dans la terre, gauche, droite, droite, gauche, me baisse et me relève à grande vitesse. En très peu de temps le champ s'éclaircit et j'arrive jusqu'au chemin de terre sans encombre, même pas une branche plier, cette sensation est ... grisante et nouvelle. L'essence qui parcourt tout mon corps, j'ai encore du mal à m'habituer à cette sensation.

Sur le chemin qui sent la noisette, je repère rapidement le rocher et sa forme typique et je n'ai plus qu'à marcher vers le nord dans la direction du moulin. Quelques minutes plus tard, j'arrive au pieds d'un immense moulin en très mauvais état. L'ombre du grand bâtiment de pierre se pose sur moi au fur et à mesure que mes pas se rapproche de lui. Le géant est en mauvais état, deux des quatre toiles sont déchirées, une autre est détachés au sol. L'armature en bois qui les supportent est aussi en piètre état, craqueler et fracturer à de nombreux endroits et l'un bras est au sol avec sa toile. Les tuiles du toit sont éparpillées en grand nombre au sol et quelques grosses pierres du dernier étage sont manquantes, certaines des fenêtres sont rayées.  Quand le vent souffle trop fort et bien le moulin va trop vite ! Et du coup, craque ma poule. Bah tient, craque ma poule. Bordel, ça va me prendre la journée... au moins.

Pas le temps de palabrer sur la quantité de travail, mes poils se hérisse et mes oreilles frémissent, un clic, le message que je ressens est clair. Je lève mon bras gauche au niveau de ma tête et fait apparaitre ma targe juste à temps pour intercepter un projectile après un grand boom. Le tir n'est pas très puissant, mon bras n'a même pas bouger sous l'impact.

« Sortez de ma propriété, espèce de chtiou de vaurien de monstre ! »

La voix est vielle, masculine, rocailleuse et non sans un fort accent.

Je lève ma deuxième main en l'air afin de démontrer mon innocence du crime d'être un monstre et me retourne lentement vers la gauche en direction du mystérieux tireur.

« Je ne suis pas un monstre, je suis envoyé pas la guilde pour aider à la reconstruction du moulin qui se trouve ici, j'ai une demande d'aide qui peut le prouver. Ne tirez pas s'il vous plait. »

En évaluant la puissance du tir, le peu d'impact qu'il a eu sur un simple bouclier en acier non infusé et le fait que j'arrive à percevoir son essence en ne me concentrant pas très fort, il doit être bronze ou peut-être tout juste argent. Mais impossible qu'il soit sans essence au vu de l'utilisation d'arme à essence.
Maintenant face à celui qui me tient en joug, je commence à comprendre pourquoi l'angle de tir venait d'en bas. Un gnome à première vue, d'âge mûr, une belle moustache ainsi qu'une barbe bien fourni, comme ses sourcils et que le reste de ses cheveux. Le seul endroit vierge de follicule pileux se trouve être la tonsure de son crane qui luit sous le soleil de plomb.

« Tenez, voici le papier. »

Ma voix ne tremble pas une seule seconde, je pourrais le désarmer et le mettre hors d'état de nuire sans qu'il ait le temps de réagir. Néanmoins, je ressens une autre essence à l'intérieur du moulin qui se rapproche. Je ne voudrais pas être pris dans un combat en ma défaveur alors que je viens pour aider. Je fais ainsi apparaitre le pense-bête qui me sert de demande officielle par rapport à la mission qui m'a été demander.

L'œil du gnome s'arrête sur le papier que je viens de faire apparaitre magiquement et il n'aime pas ça. Ses doigts se resserrent sur son arme et j'arrive à entendre le cuir de la poignée de son tromblon craqueler sous la pression. Je suis de nouveau en joug.

« Ce serait ti pas une ruse de monstre pour me faire baisser ma garde ça ? J'me rapproche et paf ! En plus, c'est pas normal de faire apparaître un papier comme ça, ça pourrait être un pouvoir de monstre. »

Qu'est-ce que je dois faire ? Vu la situation, je devrais pouvoir le prendre de vitesse sans mal. Faire la distance qui nous sépare avant qu'il n'ait le temps de tirer plus d'une fois et je suis plutôt confiant sur ma capacité à esquiver un tir de tromblon à essence à cette distance. Je fais sauter l'arme de ses mains, coup de pied retourné, je l'envoie dans le maïs qui amortira sa chute et absorbe la pétoire avant qu'elle ne retombe au sol et le mets en joug. Je pense que c'est un bon plan et je ne devrais pas trop lui faire mal dans tous les cas, il est clairement... perdu. J'attends que l'autre essence descende les escaliers du moulin ou j'attaque préventivement ?

« Si vous le voulez, je laisse le papier au sol et je m'éloigne. »

« Tu me prends pour un bleu, je sais très bien que tu es plus rapide que moi, j'tai vu dans le champ, te battre contre le maïs. Tu pourrais facilement faire la distance en toi et le papier. »

Ok, je ne l'avais pas vu venir, en même temps, il a clairement un minimum d'expérience et être équipé d'une arme à essence indique une certaine expérience de terrain, je n'arriverais pas à baisser sa garde si facilement.

Le flot de mes pensées est insidieusement interrompu par une odeur de paille fraiche, de framboise mûre et de Lila en fleur. L'effusion de senteur se répand avec le claquement de la porte du moulin qui s'ouvre à la volée. Une voix cristalline, clair, mais forte s'élève de mon angle mort droit.

« Arrête papa, c'est moi qui ai demander de l'aide à la guilde ! Baisse ton arme, ce n'est pas un monstre ! »

Je ne suis pas un monstre... ?

Papa ? Je suis toujours là, les bras en l'air comme un idiot, à me faire menacer par un inconnu à la gâchette facile que je suis venu aider. La nouvelle venue, qui a probablement fissurer la porte vu l'ampleur du bruit quelle a fait sur la pierre, se déplace à grand pas vers moi. Pour éviter de contrarier encore plus le tireur, je reste là sans bouger, je baisse juste mon regard pour le mettre à la hauteur de sa fille. Grosse erreur, à cette hauteur, je ne vois que ses jambes, habillé d'un pantalon noir en tissu usé par le temps et de haute botte noires à lacets encore plus abîmer. À peine ma tête redresser, la jeune femme accapare mon titre de mission et commence à le lire sans attendre.

La créature qui vient de désamorcer la situation est une elfe, la vingtaine, cheveux mi court, blond, presque blanc qui flottent énigmatiquement à la faible brise, comme les lanières élimer de son haut léger et oranger. Oreilles pointues, classique, yeux ambrés fixer sur le pense-bête, une peau légèrement halé parsemé de tache de rousseurs et recouvert ci et là de terre. Je me perds quelques instants, comme absorbé par un tableau de maître. Mais vite de retour à la réalité quand elle se tourne vers moi, la mine froncée.

« C'est comme ça que la guilde transmet les demandes ? Vraiment ?! Aucun respect pour les petites gens, ils réservent leur respect pour les autres lèches-cul de la guilde et de l'église. " Quand le vent souffle trop fort et bien le moulin va trop vite ! Et du coup, craque ma poule, voilà deux œufs ". Qui a écrit ça ? Un enfant, on laisse des enfants travailler à la guilde ?! Si c'est réellement comme ça qu'ils voient nos problèmes, pas étonnant que si peu de personnes viennent ! »

Elle est plutôt mignonne quand elle est fâchée, mais, trêve de bêtises, je dois répondre.

« Ce n'est pas pour défendre la guilde, mais celui qui a écrit ça, est un sacré demeuré et il a en effet l'intelligence d'un enfant et les mêmes talents en dessins, si vous voulez bien retourner le papier. »

Elle s'exécute sans attendre et sa colère se transforme en rire, amer serte, mais c'est déjà un peu plus positif.

« Par l'Ordre, que c'est laid et mal fait ! Votre chef est un imbécile, ignare qui se moque des difficultés des autres, surtout des paysans, il me semble. »

Sa voix faisait passer l'agression qui bouillonnait en elle de manière acide. Je souffle bruyamment avant de répondre.

« Heureusement pour moi, cette pathétique excuse de forme humaine n'est pas mon chef. Je n'ai pas de chef. Je viens pour ma mission de passage rang Or. »

L'elfe me regarde avec des yeux ronds et j'entends le métal de la pétoire tomber au sol.

« Ce truc ne servira à rien contre vous de toute façon... »

La jeune elfe se tourne vers son père et ses traits s'adoucissent.

« Tu vois, je t'ai bien dit que ce n'était pas un monstre, c'est ... Qui êtes-vous ? »

Perturber par la situation, j'abaisse finalement les bras au vu de la menace écarté, je racle ma gorge et dégaine mon sourire de charmeur.

« Enchanté, je suis Aleksander, Aleksander Rex et je viens pour vous aider à réparer votre moulin, la guilde m'envoie ici pour ma mission de passage rang Or. »

Le père s'est rapproché de nous pendant ma présentation, sa mâchoire tombe de plus belle quand il entend mon nom complet.

« Rex, comme le Sergent Tyson Rex ?! La légende ? »

Je pousse un soupir discret.

« Oui, comme lui, c'est mon père. »

Le gnome lâche pour de bon son arme qu'il trainait avant de mettre ses mains sur sa tête.

« Par l'Ordre, v'là ti pas que j'ai tiré sur le fils de Rex. Désolé de t'avoir pris pour un monstre mon ptit gars, on est sur les nerfs depuis quelque temps. J'm'appel Angor, Angor Havagun et elle c'est ma fille Leitha. »

« Enchanté ! Et TU es sur les nerfs depuis quelque temps, toi et ton imagination débordante. »

La frustration de l'elfe est passé de moi à son père en un instant.

« Pour la énième fois, j'te dis que c'est un monstre qui fait ça ! »

Le père s'énerve vite contre sa fille, ce n'est pas la première fois qu'ils ont cette dispute.

« Je me demande quelle solution ça peut bien être, les tempêtes récentes qui ont eu lieu avec de fortes bourrasques ou un monstre que personne n'a vu ? »

Le sarcasme de sa phrase est à couper au couteau. Le père change vite de couleur pour passer au rouge.

« Fille dans ta chambre, je ne veux pas avoir cette discussion maintenant ! »

« Non, je ne crois pas, je vais plutôt aller commencer les préparatifs pour réparer, tu sais ce qu'on devrait faire après un orage. »

Et la jeune elfe disparait d'un pas gracieux en contournant l'imposant moulin de pierre par la droite.

Le gnome se laisse tomber au sol sur les fesses comme une pierre au fond d'un lac. La main sur le front pour contenir un tant soit peu les perles de sueur de son front. Le court échange avec sa fille semblait l'avoir fatigué, plus mentalement que physiquement, mais les faits étaient là.

« Ce n'est pas tous les jours facile d'élever une fille de son âge, d'autant plus quand on est seul et qu'on doit s'occuper d'une ferme qui tombe en lambeau à chaque fois tempête. » Ses mots s'échappent de sa bouffe quand dans un seul et long soupire d'épuisement.

Bon, la situation semble s'être calmé, je n'ai jamais réellement été en danger, mais si ça avait mal tourner... J'entends déjà les critiques de ma sœur.

« Tu vois bien que tu attires les ennuis comme les excréments attire les mouches ! »

Je chasse ses pensées d'un geste de la main et viens m'asseoir à côté du fermier.

« Je veux bien vous croire, après ce n'est pas pour me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais elle paraît assez âgée pour s'occuper d'elle-même. Et pour ce qui est de réparer le moulin, c'est pour ça que je suis là. Je croyais que vous pensiez que c'est un monstre qui endommageait votre moulin. » J'essaye d'avoir un ton amical, sans trop mettre les pieds dans le plat.

« Peut-être, mais qu'importe son âge, elle reste ma fille et tant qu'elle aura pour obsession de devenir aventurière, je la considèrerais comme immature. Et je ne suis pas bête, ça se passe pendant les tempêtes, mais c'est autre chose qui fait des dégâts, je le sens au fond de moi. » Il parle autant avec la bouche qu'avec les mains, tout le propos est très imagé, c'est une petite scènette à voir.

« Je suis aventurier, ce n'est pas pour ça que je passe mon temps à massacrer des monstres dans des zones extrêmement dangereuses. Il y a le centre d'entrainement dans un premier temps et elle pourrait être accompagnée (par moi, par exemple). Et en plus, je peux me tromper, mais à votre accoutrement, vos réflexes et vos connaissances, je suppose que vous êtes déjà sorti des murs vous-même. »

La colère dans les yeux du gnome se fane en tristesse.

« C'est vrai, j'étais aventurier... avant. Sa mère aussi et c'est comme ça que nous l'avons perdu... »

« Je suis désolé, toutes mes condoléances. »

« Ne t'inquiète pas gamin, c'était y a longtemps maintenant, mais je refuse de la perdre, elle aussi... »

Je me relève doucement et m'époussète un peu.

« J'vais pas faire le père la morale ou ce genre de conneries. Mais s'il y a une chose que je sais, c'est qu'en forçant une personne à rester, c'est là qu'on la perd pour de bon. »

Bon aller, ce n'est pas tout ça, mais on a un moulin à réparer, mes pas empruntent ceux de l'elfe pour contourner le bâtiment.

Quelques secondes après avoir quitté le père en pleine rétrospection, je retrouve la fille en pleine effervescence. Elle tire sur un cordage pour remonter une partie d'un montant en bois qui tient une voile. Au vu de la sueur qui perle sur son front, de l'énervement de son visage et du fait quel ledit montant est à peine maintenue à la verticale. Je suppose facilement que c'est plus pour passer ses nerfs sur quelque chose que de réellement réparer le moulin. Je m'approche avec flegme, les mains dans les poches, en regardant l'ensemble de l'outillage et des poulies du mécanisme. Je sors avec mon meilleur ton de "je m'en bats les couilles" :

« Alors, ça galère ? »

L'elfe se tourne brusquement vers moi en lâchant la corde qui maintenait le montant, l'ensemble s'écrasant au sol dans un fracas audible. Ses yeux me transpercent de rage et la furie se dirige vers moi en écrasant la terre sous ses pas, avant de se retrouver quelques centimètres de mon visage.

« Alors vous là, l'envoyer de la guilde, fils de la légende de mes fesses, premièrement je vous ai sauvé la vie, le minimum serais de me remercier. Deuxièmement, ce n'est pas pour recevoir des commentaires sarcastiques que j'ai demandé de l'aide à la guilde. Et troisièmement, si vous avez assez de souffle pour parler, c'est que vous ne vous donnez pas assez. »

J'avoue que c'est plus ou moins la réponse à laquelle je m'attendais, chacun de ses points s'accompagnant d'un coup agressif du doigt sur mon torse. Ses rouges sont gonflées et rouges comme un écureuil qui aurait abusé des noisettes, mais ses narines ressemble plus à celle d'un Béhémoth prêt à me charger dessus.

J'attrape fermement le doigt qu'elle a essayé d'enfoncer vers mon cœur avec son dernier point sans le relâcher.

« Tu ne m'as sauvé de rien du tout, à vous deux, vous n'auriez même pas réussi à m'égratigner, néanmoins vu que j'ai été bien élever, remercie Delavigne pour ça : Merci de m'avoir aidé dans cette situation délicate. Ensuite, si tu pouvais ne pas associer mon père avec tes fesses, je t'en serais grès. Je fais les commentaires que je veux, surtout vu que tu sais aussi bien que moi que seule, tu n'as aucune chance de monter ce truc. Donc, tu le fais juste pour passer ton énervement, rien de productif, j'ai donc le droit d'être sarcastique. Enfin, tu parleras de ça quand tu m'auras réellement vu me donner à fond. » Ma dernière phrase est accompagnée d'un lever de sourcil équivoque.

Je relâche enfin son doigt, ce qui met fin à la gène de la tension créé par le peu de distance entre nous. J'ai réussi mon coup, elle est encore plus rouge qu'avant, je dois réprimer un sourire qui se glisse de plus en plus au coin de mes lèvres.

« Alors, vous, vous êtes facilement le membre de la guilde le plus ingrat, le plus borné, le plus insupportable auquel j'ai eu le déplaisir de parler. J'aurais dû laisser mon père, vous tirez dessus jusqu'à ce que vous finissiez en lambeaux. Je fais de mon mieux pour réparer les dégâts causés par la tempête, vous savez ce pour quoi vous avez été engager. Et pire que tout, vous êtes un Groll. »

Sur ces mots, elle s'empare d'une planche en bois au sol avant de la diriger avec force vers mon doux visage. Le mouvement est lent au vu du poids du morceau et de mes capacités au combat, surtout en utilisant un peu mon pouvoir pour la perception et mes réflexes. Je pourrais amplement l'esquiver, mais décide de la prendre par surprise. La planche se rapproche de plus en plus, au dernier moment, j'active ma compétence et absorbe le bois avant qu'il ne me touche. Prise dans l'élan de son coup et surprise de la disparition de son arme, Leitha tombe en avant directement dans mes bras, les yeux remplis de questions.

« Lâchez-moi Groll ! »

« Très bien. »

Je lâche la belle qui tombe au sol de la même manière que le montant de bois quelques minutes avant. Elle se relève, s'époussète en murmurant de manière peu discrète "Imbécile".

« Pardon ? »

« Non, rien. »

« Je peux vous poser une question ? »

« Je peux vous en empêcher ? »

« Non, vous n'êtes pas particulièrement forte physiquement, si vous aviez des capacités magiques, vous les auriez utilisées, vous gérez mal la colère, l'imprévue et les changements de situations. »

« J'attends toujours une question derrières vos insultes. »

« Pourquoi veux-tu être aventurière ? »

« Parce que c'est mon choix ! Je suis recluse ici depuis ma naissance, j'aime mon père terriblement, mais ce n'est pas la vie que je veux et surtout, je désire pouvoir la choisir librement. »

Je reste pensif quelques secondes.

« Argument valable ! Si tu le veux, je pourrai te donner un coup de main avec la paperasse et te trouver un entrainement pour que tu arrives au moins bronze. »

« Vous... tu me testais ? »

« Désolé, c'est comme ça qu'on m'a mis la tête dedans pour la première fois et c'est comme ça pour les recrues à la guilde, je voulais voir ce dont tu étais capable. Et je ne fais pas partie de la Guilde, mais si je connais quelque personnes là-bas. Mais si j'étais toi, je mettrais les choses au clair avec ton père avant de faire tout ça. Parle avec ton cœur ou des conneries du genre. »

Je passe à côté d'elle avant d'attraper la corde et hisser le montant en bois jusqu'en haut du moulin sans transpirer.

« Et au fait. Je suis plus de la Guilde, je suis Aventurier. »

Le reste de la journée consiste en moi qui porte ou absorbe des trucs lourds sous un soleil de plomb. Leitha et Angor qui me disent quoi en faire et surtout de beaucoup de discussion entre la fille et le père. Je martèle une poignée de clous dans ce qui reste du montant brisé, tenu par toute une jungle de cordage quand j'entends la voix calme de Leitha une dizaine de mètres en contre bas.

« Hey Aleks, tu veux de l'eau ? »

J'absorbe mon outillage pour éviter qu'il ne finisse au sol ou pire la tête de quelqu'un, avant de poser mon regard sur la jeune elfe, une gourde métallique tenu par une lanière de cuir à la main. Je réfléchis quelques secondes. Je lui dis que j'ai déjà de l'eau en moi et que ma compétence stase les objets que j'aborde où je continue de l'emmerder ? Le choix est facile.

« Vas-y ! Fait moi rêver ! »

Je me penche légèrement en arrière et ouvre et ferme mes mains de manière enfantine, feignant d'être prêt à rattraper ce qu'elle m'enverrait tout en montrant clairement mon manque de confiance en ses capacités.

« Oh toi ! »

À cet instant, mes yeux sont éblouis par un reflet du soleil qui vient du milieu du champ de maïs. Timing parfait. Bong. Je me prends la gourde en pleine poire, le bruit indique bien que la gourde est pleine à l'inverse de mon crâne. Je glisse le dos contre le bois sur quelques centimètres avant d'attraper le récipient du bout des doigts par la lanière avant qu'il ne dépasse ma portée.

« Oh pardon ! Je suis désolé, je pensais que tu allais l'attraper sans mal ! »

Toujours allongé, une vive douleur sur l'ensemble du visage, un filet de sang s'écoule de mon nez. La lanière en main droite, j'utilise ma main gauche pour lui indiquer que tout vas bien d'un pouce en l'air.

« Je vais bien ! J'ai été distrais ! »

Je suis trop distrait en ce moment.

Je pourrais rester ici à sentir le soleil et le vent sur mon visage pour l'éternité.

Je concentre mon pouvoir pour faire un examen complet. Trauma léger et une veine de mon nez a été sectionner par l'impact. Je commence par stopper la douleur et répare les légers dégâts, rien de très compliqué. Je finis par faire réabsorber le sang sur ma joue par les cellules adjacentes et voila le tour est joué, aucune cicatrice, comme ci rien ne s'était passé.

Mais il s'est passé quelque chose.

Je me relève et fait un petit geste de la main à Leitha.

« Merci pour l'eau ! J'ai sous-estimé ton talent au lancer, il faudra que j'en parle aux entraineurs ! »

Je prends une bonne gorgée tout en cherchant du regard la raison de ma perte de vision momentanée. Je trouve sans mal le responsable, au milieu du maïs se trouve un grand épouvantail en grande partie métallique. Je concentre mon essence sur ma vision pour avoir une vue plus précise, mais à part un épouvantail effrayant et une sensation de malaise à sa simple vue, rien. Un amas de métal à peine de forme humaine, deux bras entouré de toile de jute ainsi que sa tête et son torse, qui semble être composé d'une cage. L'une de ses mains tient une faux dentelée et l'autre une lanterne et... un troisième bras pourvu de griffe métallique comme une serre d'oiseau. Il a quelque chose d'intriguant et de terrifiant.

« Ça fait combien de temps que vous avez cet épouvantail ?! »

Je pointe du doigt dans la direction de la monstruosité mécanique pour que Leitha sache de quoi je parle.

« Le tas de ferrailles ? Pap's l'épouvantail, on l'a depuis quand ? »

Le vieux se gratte la barbe en réfléchissant.

« Ça doit bien faire plusieurs mois maintenant, c'est une familia qui l'a installé, mais je ne me souviens plus laquelle ! Pourquoi ?! »

« Pour rien ! »

Je jette un dernier coup d'œil dans sa direction et un quatrième corbeau vient se poser sur ses bras.

« C'est pour quand la prochaine tempête ? Je vois des nuages assez méchant par là-bas et le vent les dirigeants vers nous, il me semble. »

« Bien vu gamins ! Pour cette nuit ! C'est pour ça qu'on devait se dépêcher, pour éviter encore plus de dégâts et les infiltrations d'eau ! »

« J'ai bientôt fini là-haut, c'était le dernier montant endommagé, vous avez fini avec la toile ? »

Après quelques clous supplémentaires, je saute du haut du moulin avec de quoi attaché la voile. J'atterris sans mal et en me la pétant un peu, ce qui me vaut une petite tape derrière la tête pour me remettre les idées en place de la part de l'elfe.

On hisse ensemble la dernière voile, l'ensemble commence à tourner doucement avec la brise du crépuscule. Une journée complète d'effort en pleine chaleur, mais on a réussi à réparer ce vieux moulin juste avant la tombée de la nuit.

« Ça vous dérange si je reste ici pour la nuit ? J'ai un peu peur que l'orage réduise nos efforts à néant, même si maintenant ça doit être bien plus solide qu'avant, je dormirai mieux si je savais que demain matin, je pouvais me lever pour voir un moulin intact. Et s'il ne l'est pas, réparer à nouveau, je ne voudrais pas qu'on m'accuse de ne pas avoir rempli ma mission. »

« Pas de soucis pt'it, c'est bien assez grand pour trois là-dedans, mais j'ai vu comment tu regardes ma fille et je préfère te garder à l'œil alors, tu dormiras dans ma chambre. »

Je lève les mains pour montrer ma bonne foi.

« Je suis innocent de tout crime et j'accepte tes conditions. »

Le gnome éclate de rire alors que je remarque le léger rougissement des joues de la jeune elfe à ses mots. J'avoue qu'elle ne me laisse pas indifférent.

La suite de la soirée est rythmée par les grondements de plus en plus rapprochés de l'orage à venir. J'aide le père dans la cuisine à éplucher les patates pendant que Leitha est parti chercher la vaisselle des grandes occasions à la cave. " On n'a pas tous les jours un Rex à sa table. " Je ne suis pas fan de ce genre de cérémonie, surtout pour quelque chose que je ne maitrise pas. Mais je ne me voyais pas briser dans son élan le plaisir de cet ancien guerrier.

« Hé gamin, on a pas mal parlé avec la p'tite et moi, on s'est mis d'accord pour un 50/50 ferme - aventurière. À la condition de rester toujours prudente et de faire petit pas par petit pas et surtout sous surveillance et qu'elle écoute les conseils de son vieux père. »

Je finis d'éplucher une pomme de terre et la pose dans le saladier approprié.

« Ça me semble juste et ça évite des ennuis à l'avenir. Si jamais il y a besoin, mettez une demande à la guilde, je jetterais un œil de temps en temps. Mais évitez Lock Lamora, c'est un trou de balle de Groll. »

Angor rigole de bon cœur avant de m'imiter avec sa propre patate.

« Je m'en souviendrai gamin. Merci... pour le moulin. »

« Pas de soucis, c'est plus ou moins mon métier. »

La table est mise avec soin et le repas servit et mangé bien chaud, la soirée se fait de plus en plus froide au fur et à mesure que la pluie commence à tomber.

Leitha monte tôt dans sa chambre et Angor me mène à sa chambre. Il a préparé un sac de couchage de fortune et une couverture rapiécé de nombreuses fois par des morceaux de tissus de toutes les couleurs, l'ensemble parait très confortable.

« Encore merci de me laisser dormir ici cette nuit. »

Je déplace le tout du pied du lit jusque sous le rebord de la fenêtre.

« Pas de soucis, on n'a pas de la visite souvent. »

Sa voix prend un ton très sérieux.

« Qu'est-ce que tu comptes faire cette nuit ? »

Mon regard se reflète sur la fenêtre et j'ai du mal à reconnaitre mon propre visage.

« Je ne sais pas encore, mais quoi qu'il arrive, restez à l'abri dans le moulin. »

« Pas de soucis, essaye de te reposer gamin. »

Je me suis déjà assez reposé.

Assis dans l'alcôve de la fenêtre et emmitouflé dans la couverture de carnaval, la pluie tombe de plus en plus fort contre la vitre que les bourrasques font vibrer.

À la vue des ronflements du gnome, je n'avais aucune chance de dormir de toute façon, je n'arrive même pas à savoir si c'est le vent ou lui qui fait vibrer les vitres. Alors, j'attends et je scrute les alentours. Même avec mes capacités de vision améliorées, ce n'est pas facile de repérer quoi que ce soit dans ce capharnaüm visuel et auditif, surtout dans un champ de maïs aussi grand.

Quelques heures d'ennui plus tard, il me semble repéré un éclat dans la haute végétation, soit mon instinct a raison, soit je suis devenue fou. Je descends l'escalier du moulin pour aller vérifier moi-même cette théorie, je referme solidement la grande porte en bois de l'entrée avant de commencer à m'avancer vers l'endroit que j'avais repéré. Le sol commence à être boueux et mes bottes font un bruit de sussions à chaque pas que je fais, je ne vais pas être très discret, mais ça n'a aucune importance avec le vent et la pluie qui couvre tout autre son.

Je m'engouffre dans une des nombreuses rangées en me dirigeant vers ma cible, à 53 m au nord, nord-est de ma position actuel. Je marche dans une allée lugubre éclairée uniquement par les pâles rayons de la lune qui peine à traverser les nuages.

« Hi ! Hi ! Hi ! »

Un rire discret et une ombre font bouger quelques épis à ma droite, mes sens sont en alertes, ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais. On dirait la voix d'une jeune femme.

« Hi ! Hi ! Hi ! »

Une nouvelle fois, mais sur ma gauche cette fois-ci, ils sont plusieurs ? Non, c'est la même voix... cette voix, j'ai du mal à l'entendre, mais elle me dit quelque chose...

« Aleksander ! »

Un cri derrière moi et du fond de la nuit me pétrifie d'effroi. Je connais cette voix... c'est ... impossible...

« Où es-tu ? »

Impossible ! La voix se fait de plus en plus forte, elle semble être tout autour de moi... ou elle est dans ma tête...

« J'ai besoin de toi ! »

Le vent se fait de plus en plus fort, je sens chaque goutte d'eau tomber sur ma peau comme au ralenti.

« J'ai si froid ! »

Est-ce un rêve ?

« Tu m'as abandonnée ! »

Est-ce un cauchemar ?

« Tout est ta faute ! Tout est ta faute ! »

Suis-je mort ?

« Sauve-moi ! »

Je n'en peux plus, je couvre avec force mes oreilles pour ne plus entendre ce fardeau.

« ARRÊTE ! »

Je ressens un tremblement dans le sol derrière moi et me retourne par réflexe et me retrouve face à un spectacle terrifiant. Une faux converge à toute vitesse avec la ferme intention de me couper en deux. J'ai à peine le temps d'esquiver, si on peut appeler ça esquiver. Je perds l'équilibre pour tomber en arrière et évite le gros de l'attaque verticale, mais pas assez pour m'en sortir indemne. La pointe de la lame à le temps de pénétré la chair de mon coin droit de lèvre. Je suis sur le sol quand un éclair vient fendre le ciel et me permet de contempler toute l'horreur de ce que j'ai sous les yeux. Le monstre mécanique du champ.

Il attaque de nouveau sans attendre et tente de m'empaler au sol, je roule sur le côté pour éviter un nouveau coup de la faux aiguisée qui vient se planter dans la terre humide. Je profite de ce bref instant pour me remettre sur pied, même si la boue qui colle à mes vêtements m'alourdi.

Dans un hurlement guttural et métallique, l'épouvantail m'envoie sa serre contre mon torse, je fais apparaître mes dagues dans chaque main pour absorber le coup, lame contre lame. Le choc me fait décoller du sol et j'atterris sur mes jambes quelques rangées plus loin après avoir endommagé un bon nombre de pieds sur mon chemin. La créature ne s'arrête pas une seule seconde. Son râle d'agonie métallique perce la nuit quand il me charge à quatre... cinq pattes. Il saute en avant, prêt à me frapper avec sa faux, je me prépare pour la parade et la contre-attaque, je devrais pouvoir bloquer sa lame et endommager son poignet. Au moment où il retombe sur le sol pour porter son coup, il semble avoir lu dans mes pensées, car il retient son coup avec la faux, pour faire un tour sur lui-même, et ses serres m'entaille le ventre et me propulse à terre dans la boue, hors de portée visuelle de l'épouvantail.

La douleur est atroce, mais la blessure est superficielle, je concentre mon essence sur mon corps pour bloquer l'hémorragie, mais laisse la douleur, elle m'aidera à rester concentré. L'amas de métal n'a plus rien de discret, une nouvelle charge se fait entendre. Je vais devoir être plus malin. Le même scénario est en train de se répéter, il se prépare à porter un coup avec la faux et se rétracte, mais cette fois si j'aborde mes dagues et agrippe sa faux à deux mains pendant son tour sur lui-même. À la fin de sa danse, j'essaye d'aborder la faux, ce qui fonctionne, parfait, elle ne faisait pas partie intégrante du monstre, mais bien une arme à sa disposition. Un nouveau cri strident pourfend la tempête alors qu'il s'appète à abattre sa serre sur moi. Je fais réapparaître la faux juste à temps pour dévier son attaque au sol, lâche ma main gauche du manche de l'arme pour faire réapparaitre une dague et la planter dans l'épaule de la bête. Je tourne encore et encore pendant que le monstre semble souffrir, jusqu'à ce que l'articulation lâche. Désarmé, littéralement, il se jette sur moi, sa gueule d'acier en avant. Je bloque ses crocs avec le manche de la faux, mais la puissance de la bête me fait tomber au sol, ses dents de métal se rapprochent de plus en plus de mon visage. Je n'ai pas le temps de réfléchir, ce truc est plus fort que moi. Je concentre mon essence pour donner tout ce que j'ai dans mon bras droit et je lâche ma main gauche pour faire réapparaitre ma dague et la planter dans son œil luisant. Le râle de la bête s'éteint et le métal roule sur le côté, seul le vent et la pluie continue. Je reste quelques instants au sol, respirant bruyamment, regardant les gouttes d'eau tombé sur mon visage, la douleur de mes plaies, le sang de ma lèvre qui s'écoule.

« A...leks ! »

Sur la dernière syllabe, je sens des pointes de métal pénétré la chair de mon bras droit, je me retourne vers une vision abjecte. Toujours la dague plantée dans ce que je pensais être son œil, la mâchoire du monstre s'est refermé sur mon bras. Je réagis d'instinct, fais apparaitre mon autre dague en main gauche et vais pour le frapper une nouvelle fois à la tête. Quand j'aperçois dans une fente de la toile de jute de son torse, sûrement due au combat, un reflet rouge similaire à celui de ses yeux. Je change la trajectoire de mon coup au dernier moment, la lame traverse le tissu, mais bloque contre le métal de la cage en dessous. Néanmoins, la lame à toucher quelque chose de très solide à l'intérieur, que je sens se fissurer sous mon coup. La bête relâche sa prise et ses yeux comme son torse s'éteigne, j'espère, une fois pour toutes.

Je n'aurais jamais pensé réentendre la voix de Gemini.

Je me remets de mes émotions, bloque toutes mes hémorragies et me maintient debout tant bien que mal. J'observe la créature inerte, gisant au sol comme un pantin désarticulé. J'enlève le sac sur sa tête pour m'apercevoir que les orifices de ses yeux sont vides, comme le reste d'ailleurs, sauf dans la cage. Derrière, la toile et le métal, un cristal d'essence est logé dans l'armature. Mais il semble altérer, si on ne compte pas la fracture au milieu, des veines rouges artificielles qui n'ont rien à faire là et qui attache le cristal au reste de la carcasse. Je préfère ne rien laisser là et absorbe le tout, plus rien n'est magique là-dedans et ma compétence fonctionne donc.

Je retourne au moulin, le visage et le pas lourd, l'esprit embrouillé par ce qui vient de se passer. Je n'en peux plus, je pense que je suis capable de ne pas dormir pendant très longtemps si je le voulais, mais là, je n'ai plus très envie d'être conscient. Même si l'idée de mes cauchemars ne me réjouisse pas, au moins je ne risque pas de mourir dans mes rêves, enfin, je crois.

J'arrive au moulin, tremper, boueux et plein de sang. Je m'effondre sur un canapé et m'endors presque aussi tôt, la pluie berçant mon sommeil.

Le lendemain matin, je me fais réveiller par la voix d'une elfe qui semble très inquiète, suivi de près par son père qui n'hésite pas à me réprimander.

« Regarde qui est en train de saigner et de saloper mon beau fauteuil ! »

« J'ai réglé votre problème de tempête, surtout ne me remerciez pas ! Oh et Leitha, si tu veux vraiment devenir aventurière, il faut écouter son instinct de temps en temps, comme ton père. »

Son visage se remplit d'incompréhension.

« Du coup, vous vous rappelez, c'est quelle guilde qui vous a installé l'épouvantail ? »

« Shadow Gear, pourquoi ? »

« Pour connaitre ma prochaine destination. »