*shtong* *shtong*  

« Encore raté ! »

Ça faisait quatre jours que je m’entrainais à cette nouvelle technique de rechargement rapide avec l’arbalète. Quatre jours depuis ma première visite au centre d’entrainement, là où j’ai réussi pour la première fois à l’utiliser.

Je continuais mes exercices pour réussir à tirer deux fois au même endroit avec deux carreaux différents, en moins d’une seconde. Facile à dire, difficile à faire, mon premier tir est toujours en pleins dans le mille, mais le deuxième part éternellement dans les choux. Je n’arrive invariablement pas à envoyer deux carreaux au même endroit, où au moins pas loin. Dans le cas présent le deuxième par généralement à bien 30-50 cm de la cible initial, je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Ce fichu carreau ne se plante que là où je ne veux pas qu’il soit et avec autant d’écart avec là ou je veux l’envoyer autant dire que c’est presque inutile.

« Si ta flèche n'arrive pas là où tu vises, pourquoi vise tu ? »

Les mots du vieux résonne dans ma tête comme s’il était derrière mon épaule à regarder mes "progrès"

« Ça m’énerve ! »

Bon sang, quatre jours en zone d’entrainement au tir de la guilde et je n’y arrive définitivement pas ! Je ne rate jamais mon premier carreau, mais le deuxième TOUJOURS !

« Oh j’en ai marre ! »

Je décide de faire une pause, je réabsorbe mon arbalète et m’assoie par terre contre le muret de bois clair qui sépare chaque personne qui s’entraine. Dans cette grande cour construite, conçu même, pour l’apprentissage et la maitrise du tir en général. Cet espace est une grande étendue d’herbe finement coupée avec de nombreuse cibles en bout de parcours. Chaque tireur à un couloir de tir propre, ainsi qu’une zone personnelle séparer par des murets en bois pour ne pas se gêner. Tous sous un petit toit en bois pour protéger leurs yeux du soleil, très brillant aujourd’hui d’ailleurs.

De nombreuses personnes étaient là pour s’entrainer au tir, certain à l’arc, d’autre à l’arbalète et d’autres… avec leur appendice propre. Un petit nombre d’invoqué on la capacité d’éjecter certains… projectiles, on va dire ça comme ça, de leur corps, mais ils n’ont pas la visée qui va avec. Souvent cette capacité est nouvelle et liée à leur arrivée dans ce monde, et même s’ils l’avaient avant ils doivent reprendre les bases. Tout change après le portail, enfin c’est ce que j’ai réussi à comprendre en travaillant à la guilde.

Aujourd’hui comme lors de mes autres jours d’entrainement, je n’étais pas seul. Ils y avaient au moins six autres personnes, des aventuriers débutants, des gardes en entrainement et même des civils. Chacun avait plus ou moins de succès, surtout cette aventurière à moitié araignée qui semblait particulièrement douée avec un arc… et en plus elle est plutôt mignonne, mais je digresse…

Combien de temps encore je vais passer à m’entrainer à un truc aussi simple ? Qu’est-ce que je ne comprends pas ? C’est mon contrôle de l’essence qui foire ? Aucune chance d’avoir une réponse a ces questions maintenant, surtout qu’une personne de la guilde se dirige vers mon box… Qu’est-ce que j’ai encore fait…?!

Moi, grand, moche et méchant, j’aime bizuter les nouveaux venus…J’avais entendu parler d’ailleurs d’un nouveau gars qui devait passer argent bientôt. J’avais justement un truc à faire dont je ne voulais pas donc il allait le faire pour moi, ce serait sa fameuse mission de passation de rang et moi je pourrais aller boire à la taverne et courir la gueuse ~

Je le cherche dans la guilde et finit par le trouver au niveau de la grande cour. Il s’entraînait comme les autres débutants. Je souris me disant que ça allait être exactement le genre de pigeon qu’il me fallait. Le mec qui veut bien faire et prouver à son popa qu’il peut le faire. Car oui c’était Aleksander Rex le fils du Sergent. Il voulait sûrement prouver à son vieux qu’il valait quelque chose donc juste à dire que ça venait de lui la mission et ça passerait crème ~

Je m’approchais donc de lui. On m’avait donné rapidement sa description physique donc ce n’était pas trop dur de savoir lequel c’était. Une fois non loin de lui je le saluais rapidement.

Salut le bleu ! Tu dois passer rang Argent il me semble, non ? Justement j’ai la mission parfaite pour toi gamin !

Je souris de toute mes dents.

Suis moi le bleu !

Je le fais venir avec moi et ne regardes pas s’il me suit mais penses qu’il va le faire. Après tout il veut devenir rang Argent je penses. Je l’amène jusqu’à l’orphelinat de la ville et m’arrêtes devant les grilles de celui-ci.

Tu vas encadrer un groupe d’enfant de cet orphelinat aujourd’hui. Ils sont passés par la boutique de ta sœur et ils ont choisis chacun un livre représentant un grand héros car ils veulent devenir Aventuriers un jour prochain. Ils veulent faire une pièce de théâtre maintenant. Tu vas les aider. Et s’ils sont satisfaits de leur journée tu passeras officiellement rang Argent. Je te laisse voir avec eux après pour les détails savoir quelle pièce, apparemment ils n’arrivent pas à se décider. Sur ce, bonne journée à toi et je le saurais si tu t’es défilé le bleu… dis-je de manière sournoise avec un sourire en coin.

Je me rapproche de lui et lui murmure à l’oreille.

Ce serait dommage que ton échec arrive aux oreilles de Papounet ~

Je m’écarte doucement de lui et lui tourne le dos le saluant de la main tout en partant.

Oh nan, ils ont appris une des conneries que je cache si bien, je vais soit me prendre un sermon, soit… pire. Le type qui s’approche est clairement un membre de la guilde, je l’ai déjà vu donné des ordres à tout le monde. Enfin, surtout à refiler des trucs dont il avait pas envie au nouveau ou aux gens impressionnable par ce genre de type. Il ne cherche qu’à boire et éviter autant que possible le travail. J’ai autant envie de lui parler que d’embrasser une Frokustule adulte… Je ne sais pas pourquoi il vient, mais quoi que ce soit, c’est pas bon signe pour moi.

« Salut le bleu ! Tu dois passer rang Argent il me semble, non ? Justement j’ai la mission parfaite pour toi gamin ! »

Il avait la trentaine, mal rasé, mal laver et probablement avec déjà une bouteille dans le nez. Il ne fait pas vraiment honneur aux membres de la guilde, mais bon leur image c’est plus mon problème maintenant que je suis aventurier. Attends une minute, il a dit…

« Argent ? Vous êtes sûr que vous vous êtes pas trompés de gars, j’ai pas tant bastonné que ça. »

Il me sourit de toutes ses dents jaunes et me montre un grand sourire malsain.

« Suis-moi le bleu ! »

OK, donc il ne c’est pas tromper de personne, mais c’est bizarre. C’est vrai que je me sens différent depuis mon entrainement au centre, mais pas à ce point là. J’ai profité de mes exercices au tir de ses derniers jours pour méditer sur mon contrôle de l’essence pendant mes pauses. Même si j’arrive mieux à la maitriser et que je me sens plus fort, je ne pensais pas en être arrivé aussi vite au rang argent. Soit il me baratine, soit le vieux va être vert de voir mes progrès. Dans tous les cas je n’ai pas vraiment le choix que de le suivre pour connaitre le fin mot de l’histoire.

Il se retourne et part sans même vérifier si je le suis, il est sûr de lui où il est complètement con, pour ma part je penche vers la seconde option. En sortant du champ de tir il siffle la femme araignée qui se retourne et le regarde avec un certain dégout, le cafard qui drague l’araignée ont aura tout vu. Dans le dos du mec de la guilde, je fais comprendre, par quelques gestes maladroits, à la milady que je n’approuve pas du tout le comportement porcin du monsieur.

Elle essaye de cacher sa réaction à mes bêtises rapidement. D’un geste d’une de ses pattes avant elle tente d’éclipser son beau sourire et ses joues devenu rouge. Mission réussie ! je sors du centre les bras sur la nuque, tête haute accompagnée d’un grand sourire satisfait… et du nullos aussi.

Sans même me dire où nous allons, il poursuit son chemin. D’abord hors de la guilde, puis au limite de la ville, sans un mot. Une vraie crème ce type vraiment. Je devrais lui apprendre les bonnes manières un de ces jours, quand je serais devenu plus fort… pour l’instant ce serait juste stupide. Je suis l’idiot sans grande conviction jusqu’à ce que nous arrivions près d’un chemin qui m’est bien familier, l’orphelinat de Portalia.

Quelques pas plus tard, nous arrivons jusque devant la grille de l’orphelinat. Je n’arrive pas à savoir s’il sait que j’ai passé plusieurs années de ma vie ici ou s’il n’est absolument pas au courant de cette partie de mon existence. Pour être franc, je suppose qu’il n’y a quasi aucune chance qu’il ne connaisse autant de chose sur moi. Il doit juste penser que je suis un nouveau parmi d’autre, je ne lui ai jamais parlé avant aujourd’hui. Il brise son mutisme en arrivant devant les barreaux d’acier de l’établissement.

« Tu vas encadrer un groupe d’enfants de cet orphelinat aujourd’hui. Ils sont passés par la boutique de ta sœur et ils ont choisi chacun un livre représentant un grand héros, car ils veulent devenir Aventuriers un jour prochain. Ils veulent faire une pièce de théâtre maintenant. Tu vas les aider. Et s’ils sont satisfaits de leur journée tu passeras officiellement rang Argent. Je te laisse voir avec eux après pour les détails, savoir quelle pièce, apparemment ils n’arrivent pas à se décider. Sur ce bonne journée à toi et je le saurais si tu t’es défilé le bleu. »

Je n’ai jamais entendu parler de s’occuper d’enfant pour la mission de passage de rang argent, ou d’autre rang d’ailleurs, je commence à soupçonner qu’il me mène en bateau. Quand il parle de la boutique de ma sœur je suis sûr à 100% qu’il sait exactement qui je suis, il ne s’est pas trompé de personne, ça ne veut pas dire qu’il ne se fiche pas de moi. Devenir aventurier ? Plutôt bizarre, un bon nombre d’enfant présent ici le sont exactement par ce que leurs parents étaient aventuriers et qu’ils leur sont arrivé malheurs. Un grand héros ? Oh là là… les histoires de héro c’est pas mon truc, je n’en suis clairement pas un. Une pièce de théâtre en plus ?! J’ai vraiment de la chance… Ils n’arrivent pas à ce décidé et c’est en fonction de leur contentement que je pourrais passer rang argent.

Toute cette histoire semblait très, mais alors très suspecte. Son sourire pendant qu’il me lâchait les infos ne trompait pas, il pensait avoir l’ascendant sur moi. Je l’écoutais, un sourcil levé, avec un air surpris sur le visage. Il se rapproche de moi pour murmurer :

« Ce serait dommage que ton échec arrive aux oreilles de Papounet. »

Il s’éloigne alors en me saluant de la main, surement un air triomphant sur son visage. Je ne suis pas vraiment du genre à me laisser faire, surtout par un petit crétin comme lui. Alors je réponds d’un ton à glacer le sang :

« Si jamais tu m’as menti… Je te retrouverais… et tu sais déjà ce qu’il se passera. »

Il me laisse seul face à la grille de l’orphelinat et à ce dilemme. Bon sang quelle raclure ! Pas vraiment le temps de penser à ça, s’il y a effectivement une mission à remplir pour mon passage de rang, enfin c’est ce qu’il dit, je me dois de la faire. Chaque passage de rang est une expérience importante pour chacun, une épreuve solitaire pour renforcer ton propre lien entre ton essence et ton être. Enfin selon les dires de la guilde, là je le vis en direct, et c’est pas vraiment à ça que je m’attendais. Pour être honnête, je supposais que j’allais plutôt tuer ce monstre-ci ou obtenir les griffes de celui-là, comme dans une quête lambda du panneau de la guilde.

Je passe la grille et me dirige vers la seule personne de la cour qui à l’air d’être adulte, le reste étant rempli d’enfant de tous âges. Même si ce n’est pas une quête de passage de rang, l’orphelinat doit être cruellement en manque de personnel pour demander de l’aide à la guilde.

Je pousse les barreaux noirs et froids de la grille qui sépare le reste du monde de cette cage à enfant. Inutile de dire que je n’apprécie pas beaucoup cet endroit. Une personne qui semble adulte se tient près de la grille de l’autre côté, comme pour éviter qu’un enfant ne décide de s’en aller sans dire au revoir. Cette personne est de dos, quand le grincement de la grille se fait retentir elle se retourne dans ma direction. Je ne l’ai jamais vu ici avant, elle doit être relativement nouvelle.

De ce que j’arrive a voir c’est surement une humaine, 1m60, la peau très claire, des taches de rousseur sur les joues et un grain de beauté sur la gauche de son menton. Elle porte une capuche blanche qui continu en veste et s’attache au niveau de sa poitrine. Le reste de sa tenue comporte une sorte de robe blanche avec trois rayures dorée qui tombent de son cou à ses genoux, avec au niveau de sa taille une sorte de ceinture en tissu grise noué solidement. Pour finir, elle porte des bandages autour de ses avant- bras ainsi que des bottines marron clair à lacet noir très épais qui remonte jusqu’à ses genoux.

Assez clairement des habits d’aventurier ou d’ex-aventurier, la plupart des gens qui sont ici ne sont pas autant vêtu pour les combats. Dès qu’elle me voit elle fait tomber la capuche qui découvre ses cheveux noir et touffu, elle n’a clairement pas le temps de les brosser, mais perso j’aime bien le style sauvage, mais je digresse encore… Je me suis trompé ce n’est pas une humaine, enfin au vu de ses longues oreilles pointue je parie maintenant sur une elfe, ou semi-elfe. Surtout quand s’approchant de la charmante demoiselle je remarque ses yeux jaune-orangé, plutôt rare chez la plupart des humains.

Mais c’est surement une ex-aventurière, rapport à la grande cicatrice qui parcourait son visage de son oreille droite au bas gauche de sa lèvre supérieur. Mais elle a l’air fatigué, très fatigué. Relativement logique si l’orphelinat demande de l’aide à la guilde. Je me détends un peu à la vision de la jolie jeune femme, mais elle, c’est une autre histoire. Elle a l’air de m’accueillir comme le sauveur de son monde, elle se précipite sur moi, les yeux pleins d’espoir, en m’attrapant les mains.

« Merci ! Merci beaucoup de vous êtres déplacé ! Je n’osais plus vraiment y croire. L’orphelinat est débordé, je suis seule à m’occuper des enfants en ce moment et ils sont trop nombreux pour moi seule. »

Un léger sourire se dessine sur mon visage. Je suis assez fier de pouvoir aider une jeune femme dans le besoin et de faire d’une pierre deux coups avec ma quête de passage de rang argent. Mais je n’occulte pas la possibilité que l’autre idiot m’a manipulé juste pur faire son boulot.

« Mais de rien, je suis envoyer par la guilde pour vous aider. Pouvez-vous juste me rappeler l’intituler exact de la demande ? Et est ce qu’il y a un rapport entre cette mission et un passage de rang ? »

Ajoutais-je avec un sourire chaleureux. Sans me lâcher les mains, la damoiselle rajoute :

« Bien sur, nous avons fait une demande à la guilde pour envoyer un membre s’occuper de certains de nos jeunes qui veulent faire une pièce de théâtre. Si vous pouviez vous occuper de ces éléments, j’aurais une chance de pouvoir encadrer les autres pendant ce laps de temps. »

Elle lâche mes mains, son regard s’éteint un peu et rajoute d’un ton grave :

« Désolé, je ne pense pas que cette mission soit en lien direct avec un passage de rang. »

Elle est rapide, car elle comprend vite la raison de ma question et rajoute :

« Je comprendrais que si vous ne veniez que pour le passage de rang, vous vouliez reparti… »

Je la coupe dans son élan en répondant :

« Ne vous inquiétez pas ! Je ne vais pas vous laisser tomber, même si ce n’est pas à moi qu’incombait cette mission à la base »

En rajoutant un petit clin d’œil à la réponse héroïque.

Le visage de la jeune aventurière s’illumine à nouveau sur mes mots, elle avait déjà perdu espoir d’obtenir mon aide sans récompense à la clef. Je suppose que si c’est à l’autre dégénéré a qu’ils demandent de l’aide d’habitude, ils ne doivent pas souvent en voir la couleur.

Je pousse un long soupir en pensant au travail que ça va me faire en plus, mais bon je ne vais pas la laisser seule. J’arrive à estimer la présence d’une trentaine d’enfants dans la cour avant de l’orphelinat, bien trop pour une seule personne. Surtout qu’ils ont entre cinq et dix ans, qu’ils courent partout et mettent un bazar pas possible. Je vois même trois jeunes centaures qui font la course si vite qu’il dégagent un nuage de poussières derrière eux.

Un orphelinat composé uniquement d’une seule espèce ça ne doit déjà pas être facile a gérer, mais en prenant en compte l’ensemble des espèces qui arrivent par portail et qui maintenant vivent à Portalia, on arrive vite à une situation critique. Sans oublier que la mission principale des gens envoyer ici, c’est de tenter de tabasser des trucs qui peuvent t’arracher en deux d’un simple coup de patte , ou de croc, ou de liane, ou de tentacules… bref. L’un des métiers les plus courants et aussi l’un des plus dangereux, donc un haut potentiel de décès, ce qui entraine… Je passe un coup d’œil sur l’ensemble de la cour d’un regard un peu triste. Beaucoup d’orphelins.

L’aventurière a clairement besoin d’autant d’aide que possible, les poches que j’aperçois sous ses yeux ne trompe pas. Son corps tout entier n’envoie qu’un seul message : « Je dois me reposer ». Elle se penche légèrement en avant comme signe de respect, mais moi j’ai juste peur quelle tombe en avant si ses jambes lâchent au mauvais moment.

« Merci infiniment de bien vouloir rester avec moi pour cette mission. J’en connais un certain nombres qui auraient refusé tout net sans gain potentiel. »

Je passe ma main sur ma nuque d’un air un peu gêner et lui montre mon plus beau sourire pour lui redonner du baume au cœur.

« Aller, on n’en parle plus, enchanté de faire votre connaissance je suis Aleksander, et on peut se tutoyer si cela ne vous dérange pas. »

En général je ne donne pas mon nom de famille, je n'aime pas vraiment être juger ou traiter différemment en fonction de qui est mon paternel.

« Oh… euh, je n’ai pas l’habitude de tutoyer les aides venus de la guilde, mais je veux bien essayer si vous… tu veux Aleksander. Mon nom est Nilynn, Nilynn Liaris »

Elle est très gênée et elle n’a pas du tout la force de le cacher. Elle se tient le menton et ses joues rougisse légèrement quand elle prononce mon nom, elle est plutôt craquante… mais je digresse encore de la mission.

« Allons nous assoir, pour que tu me parles de la mission en détails. »

Et surtout pour éviter qu’elle ne tourne de l’œil et atterrisse dans mes bras… encore que…

Derrière le portail de métal, une grande cour couverte de gravier blanc, border de banc de bois claire, mène aux grandes portes en bois sombre gravé du bâtiment principale de l’orphelinat. Je montre alors le banc le plus près de nous et qui est libre d’enfant. Nous nous posons calmement quelques instants, elle en avait clairement besoin, je vois ses genoux trembler.

« Alors parle-moi de toi, parle-moi de la mission et parle-moi des enfants. »

Une expression étonnée se dessine sur son visage quand je finis sa phrase.

« Vous parler Draconique ?! »

Je pose mes avant-bras sur mes cuisses en me penchant légèrement en avant, un peu dans le but de m’écarter de son regard. Je commence à frotter mes mains mécaniquement et le regard dans le vide, je laisse passer quelques secondes.

« Quelqu’un m’a appris il y a longtemps maintenant… mais apparemment j’ai toujours eu un accent humain a coupé au couteau ! »

Je remets mon grand sourire pour essayer de détendre l’atmosphère après ce moment de flottement. Elle sourit à ma blague, mais elle a remarqué que je cachais quelque chose. Néanmoins, elle a la politesse de faire comme moi tout à l’heure et de ne pas trop pousser les sujets sensibles.

« C’est un jeune courageux, il ne veut pas juste devenir aventurier, mais un héros. Il a bon fond, il est passionné et il est très très persévérant, comme tu as pu le remarquer. Mais il ne veut toujours être au centre de l’attention, et seul au centre de l’attention. Il est solitaire malgré le fait qu’il veut aider tout le monde, il repousse tout lien avec les autres. Il n’a pas vraiment d’amis, il n’a pas l’air d’en vouloir. »

Elle se détourne de Krein, elle commence à chercher quelqu’un d’autre du regard en tirant un peu le haut de sa capuche pour protéger ses yeux clairs du soleil.

« Là, tu vois cette fille qui… Hé Inukou descend de cet arbre tu vas te faire mal. Bon bah je suppose que tu la remarqué. »

En effet, difficile de la manquer elle aussi, elle essaye de grimper sur tout ce qu’elle peut depuis tout à l’heure. Elle a entre 8 et 10 ans, un peu plus jeune que Krein je dirais, mais c’est difficile à dire. C’est une orque, sans aucun doute. La peau grise parsemé de tache de "rousseurs" vert foncé, les grandes oreilles pointues qui remonte fièrement vers le haut. D’ailleurs il manque un bout de son oreille gauche, comme si quelque chose avait été arraché. Ces yeux ont la sclère grise et son iris est noir, ça fait un sacré effet quand on la regarde dans les yeux. À part ça, elle a les très fins, comme une enfant, surtout son nez  et ses lèvres, même si ses canines ressortent quand elle a la bouche fermer. Je ne sais pas si c’est son caractère, ou son espèce, mais elle a toujours les sourcils froncer. Elle a les cheveux noirs, mi-long attaché en arrière par un chignon, quelques mèches rebelles descendent sur son visage. D’ailleurs… Je ne suis pas sûr, mais je crois qu’elle a des mèches blanches. Elle porte une tenue grise légère qui laisse ses avant-bras et le bas de ses jambes a découvert, même si aux pieds elle porte des sandales à lanière épaisse. Tous les endroits à découvert son recouvert de traces de terre, de bleus, de croutes et autre joyeuseté du genre.

« La deuxième jeune c’est elle, son prénom complet c’est Inukoumiuk, mais la plupart des adultes l’appel Inukou et les autres élèves l’appel Inu. »

« Enfin, elle nous a dit que c’était comme ça qu’elle s’était appelée elle-même. Elle a été invoquée ici il y a plus de trois ans, et vu dans l’état dans lequel elle a été trouvée, c’est peut-être mieux ainsi. »

Je me retourne vers elle, avec un sourcil lever et un air interrogateur. Elle semble un peu hésitante, mais continu.

« Quand elle est arrivée sur la place des portails, elle était complètement ensanglantée, inconsciente et famélique. Elle n’a jamais voulu parler de sa vie d’avant, mais c’était clairement des marques de fouet et ce n’était pas les premières. Aujourd’hui encore son corps est parsemé d’une multitude cicatrices qu’on peut clairement associer à de la torture. Entre le fouet, les brulures, et les marques de menottes à ses poignées… pour une fois le portail était une bénédiction pour la pauvre petite. »

C’est un peu ça le portail, parfois il t’enlève à un monde idyllique, loin de ta famille et des êtres qui te sont cher. Parfois il t’enlève d’un monde de merde où tu allais mourir, sans que personne ne le sache ou même ne soit au courant de ton existence. « Elle ne se sent toujours pas intégrée ici je pense, elle cache encore des choses, autant aux membres de l’orphelinat qu’aux autres élèves. Pareil que pour Krein, mais pour d’autres raisons, elle ne semble pas avoir beaucoup d’amis. Surtout aucun ami masculin en fait… » Pas vraiment besoin de mots supplémentaire, le message est passé.

« C’est une petite curieuse, indépendante et qui est motivé par l’amélioration de sa condition. Elle a de la ressource, mais elle ne respecte aucune des règles de l’établissement et surtout elle ne les reconnait pas comme légitime. Elle repousse sans cesse les limites qu’on lui impose, déteste le statu quo et cherche sans cesse à sortir d’ici. Elle ne veut pas être un héros, mais une exploratrice, elle se sentirait mieux dans l’inconnu comme elle dit. »

Nilynn semblait fatigué rien que de parler d’elle, ça ne devait pas être simple tous les jours de garder un œil sur une enfant qui ne vit que pour échapper à ta surveillance. Elle ferme les yeux quelques instants et repose sa tête contre le dossier en bois du banc, j’espère qu’elle ne va pas s’endormir… Impossible, une dispute bruyante viens d’éclater tout près de nous. Un satyr et une… élémental (?) sont en train de se prendre la tête. L'élémental ne semble pas très contente du comportement actuel du satyr.

« Je t’avais prévenu que si tu continuais tes pitreries je te tomberais dessus, et qu’est-ce que tu fais toi, des pitreries. Tu t’attendais a quoi ? Que je te laisse faire ? Je m’en fiche que ton pote soit en colle, c’est interdit de lancer des cailloux sur les fenêtres de l’orphelinat. »

Les deux se font face et non pas du tout l’air d’en démordre.

« Et moi je te répète que je me fiche de ce que tu dis, que j’ai envie de lancer des cailloux et que c’est pas toi qui vas m’en empêcher. »

C’est sous un soleil de plomb que la foule d’enfant commence a rentré à l’intérieur, sous la surveillance de Nilynn. Elle arrive très bien à discipliner ceux qui font les malins, et tous arrivent rapidement à rentrer au frais. Bientôt le brouhaha de la cour se transforme en un silence presque gênant, avec pour seule interruption les échos des enfants qui s’éloignent dans le bâtiment. Je suis toujours assis sur le banc pour regarder ce spectacle, je ressens une pointe de nostalgie en repensant au fait que c’était souvent moi qu’on devait remettre dans le rang, ou qui faisait le bazar avec Harmonie.

Cet endroit n’a pas vraiment changé, rien ne change jamais vraiment à Portalia. Ce sont les mêmes bâtiments, les mêmes histoires, les mêmes personnalités. Le temps passe, mais seule la météo change. Un peu perdu dans mes rêveries, je me surprends à poser les yeux près de la grande porte. Krein, Sauru et Nina m’attendent. Au vu des descriptions, ça m’aurait étonné que les deux autres soit là. Je souffle un bon coup et me dirige vers les enfants.

« Bonjour, je suis Aleksander, le membre de la guilde envoyer pour votre pièce de théâtre. On m’a dit que vous étiez cinq, vous savez ou sont les deux autres ? »

Je n’ai presque pas le temps de finir ma phrase que Sauru s’empresse de répondre.

« J’ai vu Katraei, il est reparti jeter des cailloux contre les fenêtres et Inukoumiuk essaye de partir en passant par-dessus le portail. »

Il faut faire vite, je n’ai pas très envie qu’une enfant s’échappe sous ma surveillance, ou qu’une vitre finisse briser.

« Très bien, Krein et Nina aller voir Katra, dites-lui que s’il ne vient pas tout de suite son histoire est définitivement éliminé de la liste pour la pièce. Sauru avec moi, on va chercher Inukou. »

Elle a envie de s’enfuir et elle a déjà du mal avec les hommes, alors autant prendre Sauru avec moi, elle est plus rapide que Nina. Nous nous précipitons vers la grille, pendant que les deux autres longues le bâtiment. Nous arrivons rapidement au lieu voulu et sur un spectacle plutôt cocasse. Inukou est là, la tête a l’envers, complétement coincer dans les barreaux de la grille à cause de la ceinture de son vêtement.

« Ha ha ha, maintenant qu’on a tous bien ris, faites-moi descendre. Pas toi le grand, j’te connais pas ! »

Sauru se tourne vers moi en attente d’une approbation.

« Va l’aider ! »

En une dizaine de minutes, les deux groupes se retrouvent à nouveau devant la grande porte en bois. Cette fois-ci, accompagner des deux éléments manquant tout penaud.

« Alors, je me re-présente, je suis Aleksander, et c’est moi qui m’occupe de vous et de la pièce que VOUS voulez faire. Alors, on va tous rentrer se mettre dans une salle au frais et on va parler calmement. Personne ne va s’enfuir. »

Je pose mon regard sur Inukou.

« Personne ne va casser quoique ce soit»

Je pose mon regard sur Katra.

« Et on va tous passer une bonne journée et faire une belle pièce de théâtre dont vous serez content. Allez, en avant ! »

Notre petit groupe rentre dans le grand hall de l'orphelinat, l’air y est bien plus agréable qu'au-dehors. Rien n'a changé depuis mon départ, le hall est une grande salle haute de plafond. Le sol est dallé et la grande porte est dans l'axe d'un grand escalier central qui mène au premier étage, toujours le même tapis dégueu dessus d'ailleurs. Au mur je crois qu'il y a quelques changements pour les tableaux, mais rien de transcendant. Sur les côtés de nombreuse porte qui s'ouvrent sur des salles de classes, sauf les deux plus grandes de chaque côté qui continue sur des couloirs qui longent tout le bâtiment. Je crois que c'est impossible que je me perde ici.

« Bon, je pense que le mieux c'est qu'on aille directement dans la salle de spectacle, on y sera au calme pour discuter. »

Inu croise les bras et avec un ton interrogateur et un regard de défi me lance.

« Ah, pas ce que tu sais ou elle est peut-être ! »

Je la regarde droit dans les yeux, penche ma tête sur le côté et un sourire en coin se dessine sur mon visage.

« Le plus court d'ici c'est de prendre le long couloir de gauche derrière cette porte, de continuer tout droit jusqu’à l'angle du bâtiment, tourner a droite et c'est là cinquième porte à droite, celle a double battant avec les poignets en laiton. »

Elle a les yeux comme des soucoupes et sa mâchoire c'est décrocher sous le choc de mon savoir.

« On y va où tu restes ici à gober les mouches ? »

Après avoir emprunté la direction précisée précédemment, nous arrivant devant les grandes double porte à poignées en laiton. Ça va, je dois avouer que j'avais un peu peur qu'ils aient changé les poignées, mon coup d'éclat de tout à l’heure aurait eu moins d'effet. Je pousse les imposantes porte, même l'odeur n'a pas changé, cette salle de spectacle est la depuis… bien avant mon arrivé, aucune chance qu’elle ne change beaucoup.

Une très grande salle s'ouvrent à nous, de nombreuses et longues lignes de fauteuil aussi vieux que l'établissement lui même s'étendent devant nos yeux. Une grande allé centrale mène directement à la scène en bois, deux escaliers sur chaque côté permettent de monter sur les planches. Je me dirige vers la scène à grands pas, il y en a eu des spectacles ici, de nombreux enfants ont fait un nombre incalculable de pièce sur ses planches. À la fois pour développer le sens artistique de chacun, à la fois pour avoir quelque chose qui captive le reste des enfants pendant une soirée. J'arrive près de la scène, me tourne, et saute pour m'assoir dessus.

« Asseyez-vous ! »

Inukou ronchonne un peu dans son coin avec Sauru qui ne l'écoute pas. Tout ce beau petit monde s'assoie, Sauru au plus près de moi Inukou au plus loin, à zieuter la sortie. Le reste des jeunes se positionnent entre ses deux là.

« Bon, on a pas forcément beaucoup de temps, et j'ai envie qu'on fasse un truc stylé, alors première étape j'aimerais que chacun me décrive l'histoire qu'il a choisie chez Harmonie en quelques phrases. Et aussi pourquoi avoir choisi cette histoire-là est pas une autre. Allez ! »

Les enfants me regardent d'abord d'un œil étonné, puis échangent des regards entre eux, comme pour essayer de chercher l'approbation des autres. Finalement, Sauru brise le silence et le calme en levant la main très haut et en criant presque.

« Moi Monsieur, moi !! »

C'était à prévoir, j'espère que les autres seront aussi coopératifs en matière de résumé de leurs histoires. La petite Sauru attend avec une grande impatience que je lui dise de poursuivre.

« Vas-y raconte nous l'histoire que tu as choisie et pourquoi celle-ci en particulier ! »

Sauru se lève, racle ça gorge et commence.

« Merci monsieur, pour faire simple. L'histoire que j'ai choisie est celle d'un héros de la justice, un paladin. Il est missionné par le roi pour vaincre le roi démon qui veut assouvir le peuple. Mais il est obligé pour réussir de travailler avec des bandits. De nombreuses aventures s'abbatent sur le groupe avant d'arriver au roi démon. Et le paladin parvient à faire changer les bandits. Ils rejoignent le héros paladin dans la bonne voie et ensemble ils arrivent à vaincre le roi démon. Je l'ai choisi parce qu'il montre qu'avec de la détermination et de la volonté on peut remettre n'importe qui dans le droit chemin et que la justice prévaut toujours à la fin. »

Je me gratte le menton d'un air pensif tout en l'écoutant très attentivement.

« Très bien, très bon choix, je comprends ta logique, tu peux t'assoir. À qui le tour ? Pas la peine d'avoir peur vous allez tous passer. »

Inukou se lève d'un bon après m'avoir entendu mentionner la peur. Elle se racle la gorge fortement et soutiens mon regard avant de commencer.

« Alors, mon histoire est celle de la fille d'un chef de clan qui cherche à partir de l'endroit ou elle se trouve pour explorer le monde. Elle veut devenir la première à explorer des régions inconnues que son peuple estime trop dangereuse. Mais elle doit obéir aux règles de son père et elle fini par oublier ses rêves d'aventures pour se concentrer sur son devoir.  Elle finit par partir en expédition quand son peuple vient à manquer de nourriture et elle fait plein de rencontre, des gens intéressants, des grands monstres et surtout des endroits merveilleux. L'aventure la fait grandir et elle revient sauver son peuple de la famine. Je l'ai choisi parce que l'héroïne est trop cool et que les endroits décrits sont magnifiques et j'ai envie de faire pareil, voilà ! »

« Très bien, ça te correspond parfaitement, cette envie d'émancipations, de nouveaux horizons et surtout de prendre les choses en mains. Je comprends totalement ton choix, et tous ça commence à me donner une idée. À qui le tour ? »

Krein se lève, il essaye de se tenir très droit malgré une peur qui est relativement évidente.

« Mon histoire est celle d'un héros, il doit accomplir une quête en solitaire. Il lui arrive plein de péripéties, il lutte beaucoup et c'est très difficile pour lui. Arrivé dans la tanière du méchant il est à bout de force, mais il arrive à vaincre les généraux du prince des ténèbres. Mais devant le prince il n'en peut plus, il est n'avance plus, alors c'est à ce moment-là qu'il se rappelle tous les gens qui comptent sur lui, tous les paysans ou les marchands qu'il a rencontrés. Il sait que s'il échoue a sa quête ils vont tous mourir. Alors pour sauver les autres membres du royaume le héros se sacrifie et il arrive a vaincre le prince. Je l'ai choisi parce que l'histoire nous apprend qu'il y a des choses plus importantes que soit et un vrai héro est près a se sacrifier pour les innocents. »

« Très bien, très héroïque, dans un esprit de sacrifice pour le plus grand bien, bravo champion ! À qui le tour ? »

Krein se rassoie à sa place, un petit sourire emplie de fierté sur le visage. Et là, le silence, en toute honnêteté je m'en doutais. Les deux derniers ne sont pas du genre bavards, surtout devant les autres et pour une présentation d'histoire qui plus est. Katra évite mon regard en tournant la tête presque à ce la disloquer et Nina regard le bout de ses chaussures. C'est Krein qui arrive à briser le silence en donnant des coups de coudes de plus en plus insistants dans les côtes de Katra.

« Ah, mais aie, c’est bon, c’est bon, je le fais. »

Katra se lève lentement et se gratte les cornes.

« Nous t’écoutons ! »

« Alors, hmm, c'est l'histoire de… de… d'un guerrier très agile, qui résous tous pleins de problèmes avec son intelligence. L'empereur le fait demander, parce que c'est son sujet le plus loyal, pour qu'il retrouve un trésor cacher qui détiens un immense pouvoir. Il part à l'aventure et il résout plein d'énigmes. Il trouve le grand trésor et il l'apporte a l'empereur. Mais quand il met la main sur le trésor, il dévoile son plan d'asservir les royaumes voisins au prix d'un grand sacrifice d'innocent. Alors au moment où l'empereur va pour utiliser le trésor, le guerrier lui plante ça lame dans le dos, pour sauver les innocents. Après il s'enfuit et devient un exilé. J'ai tout dis je pense, je l'ai choisi parce qu'on ne sait jamais qui va nous trahir et que ce n'est pas parce que tu es l'empereur que tu ne peux pas faire de mal. Parfois les règles vont à l'encontre de ton devoir. »

Il se rassied d'un coup tout penaud.

« C'est très bien, une histoire pleine de rebondissement et de dilemme moraux, parfait ! Il ne nous reste plus que… Nina ! »

Elle sursaute au bruit de son nom.

« Ou… oui, mon… monsieur. »

Elle commence à trembler et ses lèvres frémissent, ça n'a pas l'air simple pour elle. Je descends de l'estrade d'un bon et m'approche doucement de la jeune fille. Je m'accroupis en face d'elle et lui tend la main, quelle attrape vigoureusement.

« Du calme, tu n'as rien n'a craindre, pas la peine de stresser. On est tous là pour passer un bon moment, pas de raison que tu ne participes pas aux jeux. J’ai confiance en toi et je suis sûr que ton histoire est superbe. Vas-y, grand frère Aleksander est là pour t'écouter ! »

Elle arrête de trembler, lâche ma main et ferme ses deux poings avant de se lever. Je fais de même et me recule un peu pour garder une vue d'ensemble sur l'assemblé.

« C'est l'histoire d'une princesse dans un royaume ou il y a beaucoup de problèmes. Son papa le roi il a du mal a tout résoudre et il ne passe pas beaucoup de temps avec elle. En plus sa maman est morte il y a longtemps, mais elle lui manque beaucoup. Un jour en essayant d'aider une servante elle comprend qu’elle a le pouvoir d'empathie. En touchant les gens, elle comprend exactement leurs problèmes et pourquoi ils agissent comme ça. Alors elle va commencer à essayer d'aider tout le monde dans son royaume, un peu aussi pour revoir son papa si tout est réglé. Et même que à la fin elle est la seule qui réussisse à comprendre le prince d'un royaume avec qui ils allaient faire la guerre et elle l'évite. Et même que le prince il est très beau et qu'ils se marient. Je l'ai pris parce que je crois que quand on essaye de se mettre à la place des gens, c'est plus facile de comprendre leurs souffrances et de régler les conflits. »

Elle se rassied délicatement et je l'entends à peine murmurer.

« Merci, grand frère Aleksander. »

Avec un petit sourire de fierté je reprends pour toute l'audience.

« Parfait, la dernière pièce du puzzle, j'ai tout ce qu’il me faut. Toutes vos histoires sont intéressantes et ça me donne une idée ! »

« Très bien, alors qui veut que son histoire soit dans la pièce de théâtre ? »

Chaque bras se lèvent plus ou moins vite, avec plus ou moins de confiance.

« Très bien ! Et si je vous disais qu'on pouvait adapter toutes vos histoires, vous me faite confiance ? »

Les petits ont l'air à la fois intrigué et méfiant, normal vu la bombe que je viens de leur lancer.

« Mais monsieur, la directrice a été très stricte, elle a dit qu'on ne pouvait faire qu'une seule pièce. »

« Je compte bien jouer là-dessus. J'ai une idée pour adapter tous vos récits en une seule pièce, mais il va falloir me promettre que vous allez faire tout ce que je dis… et sans ronchonner »

« Promis. »

« Promis ! »

« Ouai… promis. »

« Pro… promis. »

La plus récalcitrante pour la fin.

« Promis. »

Accompagner d’yeux au ciel si intense qu'elle aurait presque retourné ses orbites.

« Je vous explique mon plan, on va adapter chaque livre l'un après l'autre, comme ça chacun sera le héros une fois. On va devoir couper par-ci, par-là, mais le principal de l'histoire sera garder. À la place d'une seule grosse histoire, cinq moyenne. »

« Mais ça n'a aucun sens, avec cinq histoires, on a cinq héros différents. Il n'y a aucun moyen pour que ce soit le même personnage. »

« C'est là ou tu te trompes Inukou ! Personne ici ne connait un moyen qui permet de changer de monde et potentiellement d'apparence ? »

À nouveau un grand silence s'installe dans la salle, quelques chuchotements du côté de Krein et Sauru, mais rien.

« Personne ? »

« Le… le portail ? »

Au son de ses mots un sentiment de fierté m’emplit, je me tourne alors vers la petite Nina.

« Bingo ! Je propose qu'a la fin de chaque histoire le héros passe un portail et un autre d'entre vous endosse le rôle du prochain personnage principal. »

« Mais c'est génial et techniquement on va pouvoir tous être le héros de notre histoire, ça n'arrive jamais ça ! »

« Hmm, ça par contre c'est non, le héros de l'histoire que vous avez choisie sera interprété par un autre que vous. »

« Quoi ? Mais pourquoi ? Ça n'a aucun sens qu'on se démène à faire autant si c'est même pas pour être le héros. »

« Chacun sera le personnage principal, juste pas du récit qu'il a choisie. Je pense que vous avez tous quelque chose à gagner à vous mettre à la place du héros des autres. On est toujours d'accord ? C'est la condition pour qu'on le fasse, je ne vous force pas, je vous propose un marché. Alors, vous signez tous en bas du contrat ? »

Des regards échangés, des chuchotements relativement bruyants. Ils n'ont pas vraiment l'air de se décider en fin de compte, je les pensais plus déterminer pour la pièce. A ma grande surprise, c'est Nina qui c'est approché de moi et qui me tire la manche.

« Je…je veux le faire grand frère Aleksander ! »

Ému par l'acte de courage de Nina, les autres viennent nous rejoindre, même Inukou.

« Eh bien, qu'est-ce qu'on attend, au travail ! Je sais qu'il y a déjà beaucoup de vieux décors et de costumes derrière, il va falloir faire des choix. Et laisser les livres d'histoire sur la scène, je sais que la plupart des livres pour enfants de chez Harmonie ont une version pour le théâtre à la fin. Je vais juste faire quelques ajustements pour que tout rentre dans le temps qui nous est impartit ! En avant ! »

« Tout le monde jette un œil au costume, pendant que je fais l'adaptation de la première partie. Je veux quelque chose qui brise les codes et qui surprend. Sauru ce sera toi la première héroïne avec l'histoire de Katra. C'est toi qui vas incarner la guerrière qui résout les énigmes, mais qui doit faire passer la morale avant le respect de l'autorité. Ça va te faire du bien de te lâcher un peu. »

Sauru à l'air un peu perplexe, mais accepte sans broncher. Un petit quart d'heure plus tard les enfants revienne avec quelques costumes qui correspond à l'histoire. Krein m'annonce plein d'entrain qu'ils ont trouvé cinq décors qui pourront servir pour plusieurs histoires, y compris celle de Katra.

« On a même deux portails qui pourront faire le lien entre les histoires ! »

« Parfait, j'ai fait les principales retouches pour le premier récit, que personne ne s'inquiète, chaque partie ne feras pas plus de 10 minutes max et j'ai fait en sorte que le texte soit le plus simple. Et bien sur je serais là pour faire souffleur tout le long de la pièce. Tenez prenez les copies du texte et répartissez-vous les rôles secondaires. Je vais continuer de faire les retouches des scriptes pendant les premières répétitions. L'histoire d'après ce sera celle de Sauru et ce sera Krein le protagoniste. Le récit du brave qui est obligé de faire équipe avec les bandits et qui fini par comprendre que travailler en équipe ca a du bon, ca t'ira comme un gant. Commencer la première partie, je vous regarde.»

Tout ce passe plutôt bien, j'avance rapidement sur l'adaptation de la deuxième partie, jusqu’au moment où Sauru s’arrête avant la scène finale avec l'empereur.  Elle descend de la scène pour me voir directement.

« Monsieur, je ne comprends pas. Pourquoi est ce que le personnage est obligé de tuer l'empereur. Il n'y avait pas d'autre moyen de l'empêcher que de briser l'ordre établi ? »

« Parfois la situation nous échappe, le plus important dans ses cas là, c'est ce que tu mets en haut de ta liste de tes priorités. Tu préfères suivre les ordres, ou sauver les innocents ? »

 «… Sauver les innocents… »

« Alors tu as ta réponse. »

« Je crois que je comprends, merci monsieur. »

Ses jeunes apprennent vite, ça fait plaisir à voir. J’ai le temps de finir l'adaptation de la seconde partie pendant les répétitions de la première, que j'arrive a suivre. C'est bizarre en ce moment j'ai l'impression que je suis plus rapide.  Les répétitions du premier récit s'achèvent et je leur tends le scripte du deuxième.

« C'est à Krein d'être le héros de l'histoire de Sauru. Allez ! En piste ! »

Toute cette histoire ne va pas être simple, mais pour une raison inconnue, j'arrive à écrire si vite et dans un même temps à suivre l'ensemble des répétitions en faisant des remarques par-ci, par-là. Je vais si vite, je ne sais même pas ce qui m'arrive.

J'ai presque l'impression d'aller de plus en plus vite à adapter et couper les scriptes de théâtre. J'ai juste le temps d'en finir deux, le temps que les répétitions du deuxième récit s'achève. Cette fois-ci pas d'accroche, Krein commence à comprendre, comme son personnage, qu'il n'est pas un héros solitaire. Il aura besoin d'amis et de soutiens, comme nous tous d'ailleurs. Mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur ca, le troisième récit est près. L'histoire centrale, le pivot de toute la pièce, le retournement de situation. Et pour ça pas mieux que…

« Inukou, tu seras le personnage principal de l'histoire de… Nina ! »

« Quoi ??? Hors de question ! Aucune chance que j'incarne cette petite princesse née avec une cuillère en argent dans la bouche. Qui plus est, une princesse avec le pouvoir d'empathie et qui se marie à la fin. C'est bon pour les bébés. »

Aie, sa réponse est dur, très dur… trop dur pour Nina qui part en pleurant se cacher derrière les grands rideaux rouge. Inukou ne devait pas s'attendre à cela, car elle est très surprise de là réaction de Nina et baisse immédiatement les yeux.

« Non, c'est pas ce que je voulais dire… »

« Tu lui as fait de la peine, elle tient à son histoire tout autant que toi à la tienne. Elle croit réellement au pouvoir de l'empathie et qu'aider les gens n'est pas vain. Et je pense qu'au fond de toi, toi aussi tu le penses, sinon tu ne serais pas aussi triste d'avoir fait du mal à Nina. Alors va la retrouver et va t'excuser sincèrement, je suis sûr qu'elle te pardonnera. »

Inukou s'éclipse rapidement en direction des grands rideaux rouges, et les deux jeunes filles ne reviennent que plusieurs longues minutes plus tard. Mais au moins elles reviennent avec le sourire aux lèvres, bras dessus, bras dessous.

« Je vais le faire, je vais faire en sorte que la princesse soit super cool. Et j'espère que Nina pourra m'aider avec le côté empathie. »

Les deux jeunes filles collées l'une a l'autre comme deux sœurs. Comment leur dire non.

« Allez ! Que le spectacle continu, que les répétitions pour la troisième partie commence ! »

Inukou s'en sort bien mieux que ce que j'espérais, le petit choc avec Nina a dû lui remettre les idées en place. Mais je n'arrive pas à m'empêcher de sourire quand je la vois essayer une robe, c'est presque aussi naturel qu'un chat qui parle. Le reste de la répétition pour cette partie là se passe sans encombre. De temps en temps, des pauses se font nécessaires pour que Nina explique le comportement de l'héroïne à Inukou, mais rien de bien compliqué. C'est bien, même Nina apprends quelques choses a quelqu’un, alors que de base la leçon est plutôt pour Inukou. Enfin techniquement ils vont tous avoir une leçon avec cette histoire de pièce de théâtre.

«La prochaine partie c'est le récit de Krein et ce sera Katra le héros. Prenez le texte, et commencez a répété dès que possible, on a pas beaucoup de temps avant ce soir. Tout va bien, toutes les parties d'avant vous avez gérés comme des chefs, aucune raison que ça change. Je sais qu'on peut le faire ! On continue !»

Pff, c'est encore plus compliqué que ce que je pensais, mais j'arrive au bout des adaptations. Les répétitions pour la troisième partie s'achève en même temps que je finis d'arranger les deux derniers scénarios.

« Ca c'est fait, j'ai fini les deux derniers scénarios les enfants. Le prochain, c'est Katra qui sera le personnage du livre de Krein. Le héros solitaire qui apprend à mettre son égo de côté pour se sacrifier pour le bien des innocents du royaume. »

« Mouai, mouai… »

Il n'a pas l'air convaincu au début, mais de scènes en scènes, de répliques en répliques, il se prend de plus en plus eau jeu du héros. Et comble de l'ironie c'est Krein qui fait le roi des ténèbres contre lequel Katra va se sacrifier. Tout ce passe bien, et même que ses deux là se rapproche pas mal entre les répliques. Parfait, il ne peut pas y avoir de problèmes à chaque fois après tout.

« Alors pour la dernière histoire, et non des moindres c'est Nina qui sera l'héroïne de l'histoire de Inukou. Tu vas incarner l'exploratrice, la pionnière, celle qui ose aller plus loin que les autres et qui sauve son peuple grâce à son courage. »

« Je… J'ai un peu peur grand frère Aleksander, je ne sais pas si je suis capable de faire ça. Je voulais juste que mon histoire soit dans la pièce, pas besoin que je sois une héroïne ou une explotatrice. »

« Une exploratrice, ne t'inquiète pas, j'ai adapté le texte de ton personnage pour qu'il soit encore plus simple. Mais je ne vais pas te forcer, mais par contre si tu ne le fais pas c'est Inukou qui sera très triste. Et oui, parce que c'est le récit auquel elle tient le plus. »

« Je ne veux pas t'obliger non plus, mais je suis sûr que tu peux le faire. Je peux même t'aider si tu veux, je connais les répliques par cœur. Ça me ferait très plaisir si c'était toi l'exploratrice. » « On a tous envie que toi aussi tu sois le personnage principal ! »

« Oui, ce serait dommage qu'on le fasse tous et pas toi. »

« Ce ne serait pas juste d'ailleurs, tout le monde a le droit à une chance, toi comme les autres. »

« Tu n'es pas seule, et tout le monde a envie de t'aider pour que tu puisses partager ce moment avec tout le monde. On sait tous que tu peux le faire. Viens essaye et tu verras, c'est plus simple que tu ne le crois. »

Nina est très gênée d'avoir autant de regard sur elle, mais quand Inukou lui prend la main et lui souris, ses doutes se dissipent.

« D'accord… je vais le faire, avec vous tous alors. »

Tous reprennent leur place sur la scène et commence à jouer les premières répliques de l'histoire d'Inukou. Nina est un peu hésitante au début, normal, mais avec l'aide d'Inukou et de ses nouveaux amis elle arrive de mieux en mieux à prendre ses marques dans son rôle exotique pour elle. Et comble du bonheur, le reste des répétitions se passent sans accro.

J'ai réussi à faire en sorte que chaque petite partie fassent à peu près dix minutes. Donc, l'ensemble fait moins d'une heure, pour ne pas courir le risque d'assommer ni les enfants, ni le public. Et en plus c'est plus facile pour retenir le texte, et puisque chaque enfant incarne le personnage principal, la quantité de répliques est très bien répartie. Ils ont presque tout réussi du premier coup, toutes les parties ont bien été comprises et approprier par chaque "héro". Surtout avec Nina ou j'ai encore plus simplifié le texte. Je pense que c'est là, ma vraie victoire.

Au final les petits ont eu très peu d'incompréhension ou de maladresse, ça ne doit pas être la première pièce que les plus âgés font ici. C'est une sorte de tradition à l'orphelinat, le théâtre, et plus récemment avec des aventuriers pour les supervisés et surement aussi pour alléger le travail du personnel qui gère l'établissement. Après quelques répétitions supplémentaires en costumes et un bon repas, le soir se pose calmement.

Tout est près, les décors sont là, les enfants connaissent leur texte, et au cas où je suis là pour leur souffler, la salle commence à se remplir doucement. Les enfants et les encadrants commence à parler entre eux, pendant que je fais les derniers récapitulatifs pour la petite troupe.

« Allez venez ici ! J'ai vu comment vous avez répété, j'ai vu l'ardeur que vous avez mis a faire cette grande pièce, je sais que vous allez gérer ! J'ai confiance en vous, allez leur en mettre pleins la vue, je suis déjà fier de vous !»

Et le spectacle commence. Toutes les histoires s'enchainent facilement, tout le monde a compris la référence au portail. J'arrive à voir la directrice qui est verte que la pièce comporte plusieurs histoires, pour moi c'est la cerise sur le gâteau de faire rendre son quatre heure à la vieille aigrie. J'ai jamais pu la saquer de toute façon. Je ne souffle presque aucune réplique, ils ont tous une bonne mémoire. Viens la dernière partie, celle qu'ils ont le plus répété. J'arrive à peine à reconnaitre Nina, sur les planches elle ressemble presque à Inukou tellement elle change de personnalité. C'était épuisant, mais ça valait le coup.

À la toute fin, nous allons tous saluer le public et nous somme accueilli par un tonnerre d'applaudissement, autant des enfants que des adultes, ces petites nouveautés ont dû faire du bien à tout le monde. Les petits de ma troupe commencent à avoir les larmes qui monte aux yeux et c'est Inukou qui craque en premier et viens se réfugier contre moi et lâche des larmoiements de joies.

« Merci… merci. »

Très vite rejoins par tous les autres dans une grosse mêler de joie et de pleures. Même moi, je laisse une petite larme de joie, je me dis quelque part qu'a leur place j'aurais été très content qu'un adulte nous laisse faire autant de choses et d'avoir pu les faire avec des amis. Au final, c'était plutôt mal parti, mais c'est une merveilleuse journée.