L'art et La manière (pv)

Autant j'peux être la pire des crapules, autant j'ai été bien élevé. Soit respectueux si tu veux qu'on te respecte. Tout ça, c'est oeil pour oeil dent pour dent. Et dans cette taverne, ça me semblait reluire comme la cuisine d'une ménagère, voir même un peu trop. Je rentre dedans comme dans du beurre, la sonnette annonce joyeusement ma venue, mais la faune locale me jette ce genre de regard, genre "T'es sur de vouloir rentrer ?" Et les discussions s'arrêtent un moment. Pas grave. Je me met dans un coin, face à la porte, le mur dans mon dos. Il fait faim et il fait soif en cette journée chaude, j'arrête pas de dégouliner, et puis c'est vraiment la dalle qui m'amène. Ca et un gars qui a fait la promotion de la Tavernes des Miracles, une pancarte comme seul costume, et criant la direction de cet établissement, qui a l'air trop beau pour être vrai. D'habitude, dans mon pays d'origine du moins, les prix de ce genre d'établissent sont prohibitifs. Excessifs. Ne connaissant pas la tradition locale, mais ayant délesté les poches à quelques bonnes gens j'ai quelque "gils" (monnaie locale) sur moi, dont je compte bien profiter.

Une aubaine, que même mon flair ne détecte pas comme mauvaise, ça doit être une vraie. On me demande ce que je veux : "Un steak, des pommes de terres vapeurs au beurre, et un demi litre de bière" Fais-je au serveur qui note tout consciencieusement. Un vrai pro. Je reconnais, que pour le coup, j'ai pas venu voir l'arnaque.

Une dame arrive, le carillon tintinnabule de sa meilleure tonalité. La fille est blonde, mignonne. Elle s'installe et sa commande est prise. La mienne arrive. Je bois le demi-litre de bière d'abords. Et en redemande un. Puis j'sais pas, elle n’est pas super addictive cette boisson ? Je suis plutôt alcoolique, mais quand je vois que j'veux en commander une troisième. Je me questionne... Puis y'a ce sentiment, cette sensation. Comme si j'étais fatigué.

Et là, je pige l'arnaque. Je comprends l'entourloupe. J'ai trouvé l'astuce pour tiré autant les prix vers le bas. Sûrement que y'avait un trafic derrière tout ça, et pas du joli. J'commence à m'endormir. Rien de louche jusque là pour la demoiselle qui se tiens non loin de moi.

C'est quelques secondes plus tard, alors que mon pouvoir à finit de purger la drogue dans le verre que je me relève d'un bond. C'EST UN PIEGE, MISS, NE BUVEZ NI NE MANGEZ RIEN ! Que je fais.

Et là, c'est bon, j'ai cassé l'ambiance. Le barman sort une batte, et à qui mieux mieux est armé en annonçant de la bonne vieille baston à l'ancienne.

- Eh patron, t'avais pas dis que cette bière pouvait endormir un cheval en 25 cl ?
- Si, mais il doit être spécial.

Les portes se ferment, les rideaux et les volets se tirent. J'regarde ma compagnonne de galère ... Dans quelle état est-elle ?

Bouche grande ouverte, fourchette à la main, Allys observait d'un air ahuri l'homme qui venait interrompre son repas en lui hurlant dessus. Pour seule réponse de la blondinette, un gargouillement mécontent agita son ventre désespérément vide. C'était quoi son problème à celui-ci ? L'instant d'avant il était sur le point de sombrer, ses yeux se croisant irrésistiblement, et là il s'était levé d'un bond comme un possédé.

« …. Hein ? » papillonne-t-elle des cils, confuse.

Pour une fois que l'ingénieure avait suffisamment de gils en poche pour se payer autre chose que du gruau infâme. A vrai dire, elle commençait à se dire que ce n'était pas si mal de vivre à Portalia. Bizarre et surréaliste, mais faisable. En quelques jours son esprit s'était accommodé de cette réalité. Le fait est que tous ici étaient dingues, loufoques ou étranges.

C'était sans compter sur la réaction du barman. Il se saisit d'une batte - sérieusement ? - et entama une conversation non moins charmante avec un acolyte. C'est sans détours qu'ils venaient tout juste d'annoncer la couleur de ce qu'ils espéraient de leurs clients.

« Vous avez cherché à m'endormir ? » questionne-t-elle, le timbre de voix tendu.

Au lieu de prendre peur tandis que les portes se referment et les volets se tirent, c'est une toute réaction qui anime la nouvelle venue. Ses doigts, crispés sur le métal de son assiette, n'en furent que les assistants agiles du mouvement de son bras. Dans un "sprotch" sonore la coupelle et son contenu venait de s'écraser sur le visage du tenancier. Le bruit métallique qui s'ensuivit lorsque le contenant rencontra le sol attira de nombreux regards vers la tête couverte de purée fromagère.

« Bandes de pervers. C'est trop demandé de bouffer en paix ?! Une semaine à trimer pour pouvoir enfin goûter à ce putain d'aligot trop cher et non, je ne peux même pas n'en prendre qu'une seule bouchée à cause de gros porcs ?! »

Mauvais réflexe venu d'une vie oubliée. Allys avait de toute évidence une capacité niveau or en matière de provocation mais est-ce qu'elle serait vraiment capable aussi de s'en sortir avec autant de brio ? Il ne s'agissait pas juste de traverser le chaos d'une bagarre généralisée. Là, visiblement, c'est tout un établissement qui souhaitait lui refaire le portrait.