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Le soleil s’est levé trois fois depuis la mort d’Aster à la cathédrale. En une soirée, les évènements se sont vite enchaînés. Dorénavant, le temps semble tourner au ralenti. Tu estimes avoir fait ce qu’il fallait, en faisant ton rapport à la Guilde. Tu t’attendais quelque part à te frotter à une certaine lenteur administrative au vu de toute l’ampleur de l’organisation. Cela n’en reste pas moins frustrant comparé à votre rapidité de réaction. Peut-être as-tu contribué à donner une certaine ambiguïté dans les relations entre la Guilde et l’Eglise. Peut-être s’agira-t-il d’une faille intéressante à exploiter par la suite, mais il est encore bien trop tôt pour céder aux conclusions hâtives. Le discours d’Hypanatoi sur l’organisation millénaire t’a presque donné des frissons. Oui, l’Eglise, tout comme la Guilde n’est plus que l’ombre d’elle-même. Si elle était restée aux racines de sa fondation, l’avenir ne serait que plus glorieux pour Portalia. Bien sûr, la Guilde n’est pas en reste de ton point de vue. Comment des organisations si respectées par le passé ont-elles pu ainsi sombrer dans une telle décadence ? Si tu ne peux refaire le passé, au moins peux-tu te focaliser sur l’avenir et t’efforcer d’améliorer la situation. Connaître les noms de ceux qui ont fait subir un tel supplice à Kemat est sans doute le début à tout.

Bien sûr, tu t’es particulièrement impliquée dans cette affaire. Ton zèle, en plus de ta promesse faite à Hypanatoi, ne te font guère défaut. Un haut représentant de l’Eglise est mort alors qu’il aurait pu parler concernant la traque de Kemat. De ton côté, tu as précieusement conservé les preuves pour les montrer à la Guilde. Quand bien même cette dernière ne serait animée de bonne foi, elle ne peut étouffer cette affaire, cela aurait fait grand scandale. Ta présence a sans doute déjà permis de mêler la Guilde à tout ceci, là où l’Eglise voulait régler ce problème en interne. Tu ignores pour le moment si cela serait susceptible de provoquer des tensions à l’avenir, mais c’est pour toi une nécessité. Tu es une femme de parole, et pour déterminer la vérité, tu sais que tu auras besoin de l’aide de ton organisation afin d’accéder à la prochaine étape. Aster est malheureusement ta seule piste, mais tu ne perds pas espoir de remonter la source du mal.

Ces trois derniers jours, tu n’es pas partie en mission. En réalité, tu n’es guère sortie de Portalia pour aider tes camarades dans cette sombre affaire. La femme à la capuche qui vous avait accueillis Hypanatoi et toi, une certaine Gilda, était interrogée ce matin. De loin, tu l’as vue sourire face aux questions des enquêteurs, et répondre avec le plus grand calme. Tu ne crois guère en son innocence, mais c’est ton intuition qui te le dicte ; tu ne possèdes aucune preuve à son encontre. Alors que le soleil est à son zénith, tu as demandé des nouvelles à la personne en charge de l’interroger.

« Toujours rien ?
- Elle est tenace. »

Tu as froncé les sourcils sans rien ajouter. Ce que tu crains ? Que la Guilde finisse par jeter l’éponge ou croire à son innocence, ce qui te compliquerait singulièrement la tâche car cela signifierait que tu devras agir sans pouvoir compter sur elle. Une voix te sort de ta contrariété, une voix qui t’informe qu’un aventurier t’attend à l’entrée de la tour de la Guilde. Tu as presque oublié que tu as donné rendez-vous à Hypanatoi après avoir promis de le mettre au courant de la suite de l’affaire. Te hâtant dans les escaliers, tu arrives bien vite devant le paragoï.
« Hypanatoi. » le salues-tu.

Il s’attend à des nouvelles, à des résultats. Tu espères donc ne pas le décevoir en annonçant l’avancée de la situation.

« Te souviens-tu de la femme qui nous a accueillis à la cathédrale ? Elle se nomme Gilda et fait partie de nos principaux suspects. Nous sommes en train de l’interroger mais nous n’avons obtenu pour le moment aucune information d’elle. » tu marques une pause, « Il est possible que la piste soit froide. » le préviens-tu, « Mais je pensais que cela pourrait t’intéresser. »

Bien sûr, tu n’as pas oublié ta promesse de l’aider dans sa quête de vengeance. Votre alliance permettra peut-être de soulever des montagnes à l’avenir, mais tu dois t’en montrer digne. Si tu as déployé toutes les ressources nécessaires pour cette enquête, tu ne comptes pas t’arrêter là alors que tu constates que ce n’est guère suffisant. Le tenir au courant de ce qui se passe est la moindre des choses, d’autant plus que le paragoï est le premier impliqué dans cette affaire, Kemat étant avant tout de son monde. Alors que tu commences à monter les escaliers en compagnie du guerrier, tu t’interromps dans ta marche, pensive. Tu sembles avoir une illumination.

« Suis-moi, j’ai une idée. »  

Tu penses à quelque chose, ou plutôt à quelqu’un. Qui de mieux placé qu’un télépathe pour percer ce mystère ? Tu ne comprends pas pourquoi tu n’y as pas pensé plutôt. Morrigan ne refusera pas, du moins tu le penses. Après tout, vous avez des idées similaires concernant la Guilde, et il t’a bien arrangé une rencontre avec Derek. Frappant à la porte de la pièce où il travaille habituellement pour t’annoncer, tu es satisfaite de voir qu’il est bien là. Peut-être sera-t-il de mauvaise humeur d’avoir été interrompu dans son travail, mais c’est une toute autre histoire.

« Morrigan ? La Guilde aurait besoin de vos talents, c’est pour une affaire de la plus haute importance. »  

Fidèle à toi-même, tu as une pointe d’autorité dans la voix lorsque tu parles. De toute évidence, certaines habitudes ont la vie dure.


Dernière édition par Freya Bloodjörn le Mar 11 Juil - 18:02, édité 1 fois
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Hypanatoi Konostinos
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Il savait ce qu’était la vengeance. Tout paragoï le savait. Tout membre de son peuple le savait. Leurs histoires étaient pleines d’histoires parlant de ce sujet. Certaines mettaient des rois sur des trônes. Montraient des héros qui se débarrassaient des affres de la mortalité et purifiaient plusieurs centaines d’hectares réclamés par les forces du désordre. Certaines parlaient de la faiblesse de la conviction. De la honte éternelle du sang qui n’était jamais vengé, et des ombres gémissantes des ancêtres qui ne pouvaient trouver la paix. D’autres mettaient en garde contre l’excès, ou au contraire contre l’hésitation ou le manque de complétion. Leurs professeurs parlaient de ce thème : il était important pour la préservation de la stabilité de leur société. Leurs parents parlaient de ce thème : il était essentiel pour la préservation de l’honneur d’une lignée. Somme toute, il était prévalent, comme l’étaient ici peu de choses.

Mais lui le vivait. Il l’avait vécu, plusieurs. Il savait ce que cela était, que de poursuivre une vengeance, que cela soit pour soi ou pour quelqu’un d’autre. Il comprenait l’impératif que cela représentait. Ses exigences. Il savait se mettre entre parenthèse, fondre son identité dans cette volonté magmatique. Il savait tourner ses pensées vers cet unique horizon, sachant qu’il n’était pas assuré qu’une fois résolu, il puisse dévoiler autre chose. Il savait faire. Le sang de son frère de serment, glorifié par la vengeance, était sur ses mains. Il en souffrait, intimement. Mais il savait que le regret tempérait son âme, et que cet acte était juste, et plus encore, glorieux. Il avait celui qui avait assuré son ascension vers le divin, avant que ce monde n’ose arracher hors de lui les lumières de l’immortalité.

Les gens d’ici ne vivaient pas. Ils existaient. En eux s’alignait des choses petites. De petits sentiments, de petites ambitions, de petites valeurs, de petites qualités, de petits défauts. Tout cela était aisément balayé, chaque jour. Par de petites choses. Ici, la source du mal véritable n’était pas les machinations incompréhensibles des dieux jumeaux. Ce n’était pas l’ennemi héréditaire de son monde. C’était, tout simplement, la médiocrité.

Il se planta devant le grand bâtiment de la guilde. Sa façade borgne s’ouvrait sur un grand boyau sale, duquel giclaient des gens sans but. Freya Bloodjörn l’avait convoqué ici. Pendant trois jours, lui-même avait cherché. Il avait encore fait couler le sang. Il avait interrogé. Il s’était confronté à la laideur de ce monde, ne réclamant plus comme avant des noms, mais proférant des demandes précises comme autant d’invocations talismaniques. Peu de réponses. Rien de bon. Cela ne l’avait pas étonné, ni découragé. Cela importait peu. Il pouvait recommencer, encore et encore et encore, sans jamais se lasser, jusqu’à ce qu’il soit le seul être encore vivant sur ce monde.

Jusqu’à ce qu’une alternative crédible se manifeste.

Se manifestant devant l’un des nombreux serviteurs timorés de la Guilde, il précisa la raison de sa visite. Sans doute était-il attendu. On fit rapidement son alliée, et cette dernière le salua prestement, sans l’encombrer de rituels superflus. Elle lui expliqua interroger Gilda. La femme de la cathédrale. Elle avait un nom, maintenant : elle existait. Cela était dangereux, pour les gens comme elle. Il manifesta son assentiment d’un hochement de la tête et d’un geste rapide de la main, quand elle lui expliqua penser que la situation pouvait l’intéresser, et il recommença quand elle lui intima avoir une idée. Il avait confiance en elle ; elle avait gagné ce privilège, en démontrant sa volonté et la solidité de son engagement.

Il la suivit, donc, silencieux, redressant sur son épaule le pli du tissu qui le drapait. Peut-être n’aurait-il pas du venir ici habillé de ses habits civils. L’occasion, avait-il compris, n’appelait pas au conflit armé. Cela, cependant, pouvait toujours changer. Il retint un grognement circonspect. Il verrait. Il ne pensait ses adversaires assez pervasifs pour pouvoir frapper au cœur de la Guilde en toute impunité. L’organe était incompétent, cela était certain. Quant à la question de la corruption, il fallait simplement déterminer l’étendue de celle-ci. Elle était avérée. Malgré cela, la nature désorganisée de l’établissement faisait que toute tentative de subversion était impossible au niveau global.

Ses adversaires ne s’en rendaient de toute évidence pas compte, ou ne l’expliquaient avec autant de précision. Cela ne changeait rien à leur action. Seule la raison fondamentale de cette dernière s’en trouvait affectée.

Finalement, ils arrivèrent devant l’endroit où se trouvait apparemment la solution. Morrigan. Un nom étrange, qui ne lui disait rien de particulier. Un autre atome de la guilde, dont il restait à déterminer l’orbite.
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Quand chacun se mêlait de ses affaires, les interactions étaient moins pénibles. Mais Morrigan savait que ce n’était certainement pas le genre de la guilde, ni même des agents qui l’a constituait. Il suffisait pour ça de voir la manière dont étaient traitées les informations. Les nouvelles, scandées comme de vulgaires cancans, étaient rarement sourcées et uniquement focalisées sur l’emphase et les révélations scandaleuses. Le télépathe en avait fait les frais, avec son attachement à Derek et la rétribution de ses pouvoirs. On lui attribuait des histoires rocambolesques, qui réussissaient le double exploit d’être aussi indécentes que mièvres afin de mettre les plus crédules en haleine. Des racontars qui étaient même venus aux oreilles de l’outrecuidante Freya, pourtant si droite dans ses bottes. Quand elle était venue la première fois mander ses services, l’érudit ne s’était pas privé de l’accuser de tous les maux qu’il était habitué à recevoir, avec un certain nombre de demandes exotiques et triviales. Morrigan était un télépathe, pas un marabout ou le garant d’une quelconque santé émotionnelle et mentale. La dragonne l’avait bien compris, assez pour que le mage juge ses demandes sérieuses à l’avenir.

Malgré la profonde antipathie qu’elle lui inspirait de par ses airs impérieux d’enfant gâtée, cette femme avait su gagner son respect en se montrant tenace et douée d’esprit critique. Contre toute attente, le télépathe avait réussi à partager ses idées avec l’inflexible guerrière, au point d’établir entre eux une connivence d’ordre politique. Son allégeance était toute tournée vers Derek, qu’il avait rapidement identifié comme étant un parangon de la justice. Morrigan n’avait pas eu à attendre ses explications pour savoir que le crime qu’on lui attribuait cachait sans doute un méfait encore plus grand. Hypanatoi et Derek n’étaient pas les mercenaires les plus discrets de la guilde des aventuriers, ni les plus tendres, de toute évidence. Et ce simple fait suffisait à faire d’eux les coupables idéals, les figures sacrificielles d’un système corrompu et gangrené. Le mage ne s’en serait certainement jamais mêlé, conformément à la neutralité qu’il souhaitait exercer à Portalia, si le tort qui était fait ne l’atteignait pas directement. En tant que membre de cette institution et compagnon de l’homme qu’on voulait mettre au pilori, l’indifférence n’était plus de mise.

Alors qu’il était en train de mettre au propre et de rassembler ses derniers travaux de recherche sur les cristaux à essence, un pas trop assuré et un coup assertif donné sur la porte, suffirent à lui signaler qu’il n’achèverait pas ce projet aujourd’hui. Morrigan avait une sainte horreur des imprévus, d’être dérangé dans son planning rondement organisé. Sans lever les yeux de son ouvrage, bien déterminé qu’il était à finaliser les dernières esquisses de son croquis, le télépathe répondit à l’empressement ampoulé de la dragonne avec un flegme ostensible.

« Bonjour, Freya. Je vois que votre intarissable zèle ne vous a toujours pas appris les bonnes manières. C’est regrettable. » dit-il platement et sans animosité particulière.

Il n’y avait qu’une personne assez effrontée pour se présenter de la sorte en déboulant dans ce qu’il estimait être son bureau. Un rapide coup d’œil suffit à lui faire identifier sans aucune surprise sa consœur. Freya. Encore elle. A débarquer ici comme si le monde lui appartenait et que le temps d’autrui n’était qu’une donnée qui pouvait être mise à profit d’une cause fondamentale et décisive.

« Vous savez, quand la guilde me soumet une affaire de la plus haute importance, il s’agit en réalité de servir le thé à je ne sais quel pontife, ranger une bibliothèque laissée à l’abandon ou d’arracher quelques mauvaises herbes. » soupira t-il calmement en entreprenant de ranger méthodiquement les feuillets de son ébauche. « Si je ne vous connaissais pas, je dirais que vous êtes en train de vous payer ma tête. » dit-il cette fois-ci en la toisant, comme s’il n’excluait pas totalement cette possibilité.

Maintenant que son attention était toute dirigée vers son interlocutrice, le télépathe remarqua enfin la présence d’un autre individu, qui avait exprimé plus de retenue que l’intrépide dragonne. Son regard curieux se glissa vers lui et son imposante stature qui ne passait pas inaperçu. L’érudit haussa un sourcil circonspect en jugeant son air grave et solennel. Bien que ses vêtements n’étaient pas à la dernière mode, Morrigan pouvait identifier la rigueur avec laquelle il les entretenait. En se levant pour saluer ses hôtes en bonne et due forme, l’érudit remarqua également ses ongles brossés. En dépit de son apparence patibulaire, cet homme lui donnait l’impression d’une grande discipline et exigence, des points communs qu’ils partageaient.

« Pardonnez mon manque de politesse, qui a été irrémédiablement conditionné par le sien. » déclara t-il en désignant Freya du regard. « Je suis Morrigan. Je ne reçois pas sans rendez-vous habituellement mais je suis disposé à vous écouter. En dépit de ses manières, Freya a su se montrer directe, expéditive et pertinente lors de notre précédente discussion. Je vous invite à l’imiter. »

Il ignorait qui était cet homme et pourquoi la dragonne l’avait emmené à lui. Mais la résolution qu’il lisait sur son visage lui laissait croire qu’il ne venait pas l’importuner d’une demande insignifiante.


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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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La politesse n’est pas dans tes cordes en ce jour. Tu as choisi une approche directe, comme lors de votre dernière rencontre, ce que ton camarade de Guilde fait très justement remarquer. As-tu seulement du temps à perdre en formalités alors que l’enquête est en cours ? Tu as bel et bien une idée derrière la tête, mais pour cela, il te faudra convaincre le télépathe de vous suivre. Acceptera-t-il de vous aider ? Tu n’en doutes pas dans la mesure où il t’a arrangé une rencontre avec Derek, un guerrier qu’il tient en haute estime. Et sans doute connaît-il Hypanatoi, faute de l’avoir déjà rencontré. Si votre dernier échange s’est relativement bien déroulé malgré l’étonnante tournure qu’il a prise, tu ne saurais dire si tu apprécies Morrigan ou non. La question a-t-elle pourtant un semblant d’importance ? Malgré la méfiance qu’il t’a tout de même inspirée la dernière fois, vous vous êtes livré des informations. Vous avez échangé sur les méthodes désastreuses de la Guilde. Et surtout, vous êtes tombés d’accord sur bien des points, ce qui est un phénomène rare à Portalia. Si tu avais des doutes, tu penses dorénavant que vous avez effectivement tout intérêt à envisager une alliance.

« Je ne me moque pas de vous. La Guilde ne vous reconnaît pas à votre juste valeur, et vous le savez très bien. »

Tu penses être dans le vrai en disant cela. La Guilde se préoccupe beaucoup du rang de l’individu dans la hiérarchie sans nécessairement tenir compte de l’expérience passée. C’est ainsi que certaines personnes de rang élevé se trouvent relativement incapables malgré leur grand pouvoir, ou que des personnes expérimentées se trouvent rabaissées. Tu estimes être différente. Tu n’as pas perdu ta rigueur ni ton esprit tactique en quittant Drakenmarg. C’est d’ailleurs lui qui te souffle que Morrigan serait d’une très grande aide pour cette affaire. Il a retrouvé ses pouvoirs, c’est un télépathe. Tu ne comprends pas pourquoi la Guilde s’évertue à le laisser ainsi s’occuper de petites tâches au vu de l’énorme potentiel de son don. Votre interlocuteur n’est peut-être ni guerrier ni combattant, mais tu arrives tout de même à éprouver un certain respect pour cet érudit. Les choses fonctionnent différemment ici qu’à Drakenmarg ; tu n’es donc pas au bout de tes surprises et ne rencontres pas le même genre de personnes. Morrigan possède une force d’esprit certaine, différente de la force physique. Sera-t-il de ceux qui agissent plutôt que de ceux qui se laissent vivre ? Telle est la question.

« Kemat, une femme du monde d’Hypanatoi a été traquée comme une bête, violée et tuée. Nous enquêtons pour connaître l’organisation derrière ses supplices. » résumes-tu, « Nous avons pu remonter la piste d’un homme de l’Eglise nommé Aster, mais il a été tué avant que nous ne puissions l’interroger. » tu marques une pause, « Une battue a été organisée, mais l’assassin n’a pas été trouvé, quelqu’un a de toute évidence cherché à le faire taire. »

Tu lui dois évidemment des explications, un résumé de la situation. Tu n’en dis pas plus, laissant le soin à Hypanatoi de compléter tes propos s’il le souhaite. Tu veux ainsi faire comprendre au télépathe toute l’ampleur de la situation. Peut-être a-t-il déjà eu des échos de cette affaire, sans doute se demande-t-il où tu veux en venir et ce qu’il peut bien avoir à faire avec tout ceci. Tu n’exclues pas la possibilité que l’interrogée soit innocente et ne sache rien. Peut-être mises-tu beaucoup sur une simple intuition, mais tu penses que cela peut porter ses fruits. Hypanatoi t’a fait confiance lorsqu’il est venu et t’a suivie, tu n’as donc aucune envie de lui faire perdre son temps. C’est avec un regard déterminé que tu reprends la parole.

« Nous sommes en train d’interroger une proche d’Aster, une femme nommée Gilda. Nous n’avons pu extraire aucune information d’elle, c’est donc là que vous intervenez. » tu marques une pause, « Je pense que vous seriez la bonne personne au bon endroit. Vous êtes télépathe et donc sans doute l’un des plus capables d’entre nous pour une telle tâche. »

Tu appuies bien sur ces derniers mots. Tu jettes un coup d’œil à Hypanatoi, avant de reporter ton attention sur votre interlocuteur. Tu te doutes que le paragoï risque d’être intéressé à la mention du don de Morrigan. Tu te demandes encore pourquoi personne de la Guilde ne l’a appelé, mais peut-être le zèle de résoudre cette affaire au plus vite n’est effectivement guère présent. La Guilde est une institution en déclin, vous le savez tous les trois. Quant à toi, tu veux relever le niveau en mêlant le télépathe à cette enquête. Tu as tout à gagner d’une expérience fructueuse.

« Sauf si vous souhaitez retourner à ces besognes que l’on vous confie ? Réfléchissez Morrigan, je vous donne une occasion de montrer ce que vous valez. »

Une pointe de défi perce dans ta voix lors de tes dernières paroles. Tu penses voir le potentiel de Morrigan là où les autres le voient comme un énième subalterne. Ils ne croient pas en lui tout comme ils n’ont pas cru en toi. Tu penses vos situations respectives comparables. De ton côté, tu souhaites prouver ce que tu vaux. En est-il de même de celui de Morrigan ?

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L’entretien qui s’annonçait semblait au moins l’épargnait des poncifs habituels. Si cela ne l’étonnait aucunement de la part de Freya Bloodjörn (la femme-drakon avait plusieurs fois démontré son esprit de concision et son appréciation des conversations courtes et efficaces), c’était plus étonnant de la part de l’autre interlocuteur. Il connaissait les employés de la Guilde. Cette dernière tentait depuis sa réincarnation de trouver un moyen de le manier, de l’intégrer à la machine portalienne, et malgré l’accumulation de ses échecs, continuait avec une persistance qu’il ne pouvait pas louer. Les méthodes de l’organisme étaient doucereuses et indirectes, et ses affidés reflétaient cet amour invétéré des circonvolutions incessantes et des sous-entendus à la subtilité débattable. Ce n’était pas, cependant, ce qu’il avait en face de lui. L’homme se démarquait par une composition soignée, et un contrôle évident de ses paroles et de son ton. Il arborait clairement la retenue propre à l’organisation dont il était l’émanation, mais celle-ci lui semblait se rapprocher plus de l’austérité et du sérieux sévère que de la façade de convenance. Il s’autorisa une pique, et le paragoï ne commenta pas sa dernière intervention. Si sur son monde une personne utilisant comme excuse, même avec ironie, le manquement d’un pair pour justifier le sien aurait accueilli avec le plus grand mépris, il comprenait qu’il n’avait pas en face de lui quelqu’un qu’il pouvait juger avec les mêmes attentes.

Au moins ne lui inspirait-il pas le même mélange fatigué de dégout et de lassitude que la plupart des gueux de ce monde faisaient remonter en lui, lorsqu’ils réclamaient son attention.

« Hypanatoi Paragoï, Konostinos, répondit-il. Hypanatoi suffira. »

Il hocha de la tête pour ponctuer la formule de présentation maintenant tristement usuelle, et laissa à Freya le soin de résumer la situation. Elle était l’instigatrice de cette journée, et connaissait mieux leur interlocuteur que le paragoï. Malgré la sympathie que son attitude provoquait, il n’oubliait qu’il convenait de rester méfiant. La Guilde était rongée par les factions et les intérêts discordants : c’était là un mal typiquement Portalien, issu du manque de vision des personnes chargées de lui imposer une direction. Plus important, peu de groupes au sein de ce vieux pachyderme vacillant considéraient avec bienveillance son action. Son alliée résuma avec la concision attendue leur situation, et lui se contenta de hocher la tête à divers endroits, ne voulant pas l’interrompre. Elle en termina rapidement, et il se contenta simplement d’apporter une unique précision :

« Je ne traque ce groupe que pour obtenir rétribution. Malgré cela, j’ai eu à constater son caractère tentaculaire. Ils vendent leurs proies avec la complicité manifeste de nombre de personnages importants. Des gens de l’Eglise, sans doute, mais également des personnes capables d’imposer aux gardes de la place des portails de ne pas intercepter une bande de mercenaires chassant une jeune femme. »

Il marqua une courte pause, voulant laisser le temps à ses paroles de correctement s’imprimer dans l’esprit de l’officiel. Si ce que lui inspirait ce nouvel individu était avéré, sa coopération n’était pas hypothétique. Il aurait sans doute des demandes la conditionnant, mais cela était attendu. Le contraire, en vérité, aurait été plus qu’étonnant. Suspect, même.

« Freya a déjà eu à subir certaines pressions, et nous avons été intercepté sur notre chemin par des maraudeurs. Ils avaient pour but de nous tuer. Aster lui-même a été assassiné, avant qu’il n’ait le temps de parler. Prépare-toi à ces éventualités. »

Là encore, on quittait le champ de l’hypothèse ; la question n’était pas de savoir si cet homme, une fois son aide acquise, subirait les outrages dont étaient friands leurs adversaires ; il fallait savoir quand cela arriverait, et possiblement en tirer parti. Ils se rapprochaient après tout du but, et leur avancée se faisait maintenant rapide. Hypanatoi le sentait, après six longs mois de traque et de massacres. C’était une saveur dans l’air, qui se déposaient en grappes sucrées sur le bout de sa langue. C’était un tremblement dans l’air, une vibration subtile qui faisait écho aux percussions qui l’agitaient quotidiennement. C’était une odeur d’ozone qui s’unissait à un parfum d’encens. C’était beaucoup de chose, dont la plupart n’avaient pas l’intangibilité des symboles et des pressentiments.

L’homme en face de lui, apparemment, pouvait percer les esprits. Il doutait que ses capacités soient illimitées. Il se demandait s’il lisait en lui, en ce moment. S’il entrevoyait tout ce que le paragoï savait devoir advenir, s’il comprenait les changements qui allaient venir. Ils se trouvaient, tous les trois, au bord du précipice de l’histoire de ce monde, et ils parlaient en ce moment d’interroger une personne. Si prêt du but, même l’acte le plus trivial se parait d’aspects chatoyants, et happait goulument les rayons du soleil. Expirant doucement, le paragoï se force à maintenir son calme et à rester entièrement dans le présent. L’importance démultipliée du détail même le plus modeste s’appliquait aussi à l’individu qu’il avait en face de lui. Il devait finir de le comprendre, affiner ce qu’il voyait de lui. Son don faisait de lui un outil précieux, et cela voulait dire que son maniement devait être minutieux, et qu’il méritait une attention particulière.
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Pendant l’espace d’un instant, l’érudit songea à demander une dérogation spéciale pour Freya, afin qu’elle soit entendue une première fois à l’accueil avant d’exiger quoi que ce soit de façon péremptoire dans son bureau. Il imaginait ainsi corriger cette fâcheuse habitude à se passer des convenances élémentaires, tout en ne manquant pas une opportunité de l’agacer comme elle pouvait si bien lui rendre dans ces instants. Puis ses fantasmes s’évanouirent rapidement quand il réalisa que leurs conversations étaient toujours compromettantes et que la plupart de ses pairs se liquéfiaient devant les demandes autoritaires de la dragonne. Un tel système ne saurait s’accorder avec ces états de fait. Malgré tout, la thèse d’une collaboration s’était très vite imposée entre les deux agents de la guilde. Parce qu’ils partageaient la même vision de ce monde d’une part, mais aussi parce que Derek avait besoin de toute l’influence nécessaire pour sortir de cette situation inextricable. Morrigan n’était pas en position de faire l’enfant et de congédier chaque adjuvant sous prétexte qu’il lui était désagréable. D’autant plus quand il était forcé de reconnaître l’intelligence et l’efficacité de ses potentiels alliés. Freya était une femme rigoureuse qui savait suivre une piste et s’y tenir. Peu de Portaliens pouvaient se vanter d’une telle détermination.

La réponse de son interlocutrice lui arracha un sourire. Voilà qu’elle passait aux figures de rhétoriques, faisant l’étalage de ses armes de persuasion. Le mage n’était pas encore tout à fait habitué aux finesses de son discours. Il ne s’en moqua pas pour autant, car leur dernière entrevue avait fait une large mention du système arbitraire de puissance portalienne. Bientôt, la réalité de cette échelle s’imposa à nouveau à lui quand l’homme qui accompagnait la dragonne se présenta à son tour, après des invectives de circonstance. Hypanatoi, le guerrier de la cité connu pour avoir franchi récemment le rang obsidienne. Ainsi, c’était lui, le frère d’arme de Derek.

« J’ai beaucoup entendu parler de vous, Hypanatoi. » dit-il simplement d’un geste humble de la tête sans tomber dans une déférence absurde.

L’érudit savait qu’il serait inévitablement amené à le rencontrer un jour, sans savoir que l’opportunité se présenterait aussi rapidement. Ne pas l’avoir remarqué directement suite à l’intrusion de la dragonne était presque aberrant. Aussi était-il étonné, mais le changement subtil de son comportement s’arrêtait là. Morrigan méprisait le système de rang, ayant lui-même commencé au plus bas de l’échelle en dépit de ses capacités. Sa distinction d’obsidienne lui donnait un pouvoir certain, à la fois physique et politique. Mais le télépathe était assez habitué aux jeux d’influences pour ne pas se laisser intimider facilement par le statut d’autrui. Comme il s’agissait du combattant impliqué dans l’affaire qui causait du tort à Derek, doublé d’un homme que son mercenaire respectait grandement, Morrigan avait mené quelques recherches à son sujet. Hypanatoi était, tout comme Freya, le genre d’élément qu’il vallait mieux avoir de son côté plutôt qu’en tant qu’ennemi.

Son passé importait peu, car la valeur d’un Portalien se résumait bien souvent à ses actes et ses objectifs dans ce monde où les pendules étaient remises à zéro pour la plupart des aventuriers. On dépeignait Hypanatoi comme un guerrier fier et puissant, qui ne passait pas inaperçu avec sa grosse voix, sa stature et sa sévérité. Malgré tout, cet homme s’était impliqué dans le développement de la cité en partageant à qui voulait bien l’entendre les grandes réformes qui devaient s’y mener, puis en devenant actionnaire d’une des tavernes les plus populaires de la capitale. Morrigan comprenait sans mal, en voyant le Paragoï en chair et en os, qu’il était tel qu’il se le figurait : un personnage grave et solennel qu’on ne pouvait décemment pas sous-estimer. Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer la drôle d’association qu’ils devaient former avec son grand brun, qui devait être du genre à l’assaillir de questions avec un manque de tact évident. Peut-être qu’Hypanatoï avait bien plus de patience que ce que les rumeurs disaient à son sujet ?

Le discours de Freya ne l’étonna guère. Maintenant qu’il connaissait l’identité de l’homme à ses côtés, l’érudit présentait que sa demande serait liée à l’affaire pour laquelle elle l’avait déjà interrogé. Les faits ne lui étaient pas inconnus puisqu’il les avait déjà entendus de la bouche de Derek, qui avait eu droit à une scène magistrale en conséquence de son silence. La suite, en revanche, eut le mérite de l’interloquer. Il ignorait que l’Église était aussi impliquée dans le trafic évoqué. La confirmation d’Hypanatoi à ce sujet eut tôt fait de le faire grimacer. Morrigan n’était pas du genre à foncer tête baissée. Loin de rejoindre le camp des guerriers téméraires qu’ils formaient, le télépathe était un homme de sciences et de calculs. Sa vie ne laissait que peu de place à l’imprévu et l’aspect aussi protéiforme qu’imprévisible de cette enquête l’alarmait. Néanmoins, il se contentait pour l’heure de noter silencieusement l’exposé de Freya et les ajouts de son acolyte pour identifier clairement leur demande.

« Admettons que je parvienne à soutirer les informations qui vous intéressent à cette Gilda. Que feriez-vous en conséquence ? Quelles sont objectivement vos chances de réussir face à non pas une mais deux des plus grandes institutions de la ville ? » argumenta t-il dans un premier temps.

Le mage comprenait sans mal le désir de vengeance puisqu’il était lui-même animé des mêmes desseins. Mais qu’en était-il de leur plan, de la sacro-sainte organisation qui était la seule garante de leur triomphe ?

« Votre but est louable mais les résultats importent tout autant. Votre nom est déjà difficile à laver en l’état actuel des choses, qu’en sera t-il lorsque vous irez encore remuer davantage la fange de leurs machinations ? » dit-il cette fois-ci à l’intention du guerrier.

Voilà ce qui était le plus préjudiciable à ses yeux. Rendre sa liberté d’action et de mouvement à Derek était ce qui l’intéressait le plus dans ce procès. Et c’est justement ce qui l’inquiétait. Cette affaire devenait personnelle, contrairement à ce que ses principes exigeaient. Mais c’est justement parce que ça l’était qu’il ne pouvait se détourner. Son instinct et les logiques de sa propre discipline l’intimaient pourtant à ne pas s’en mêler. C’était justement ce genre d’intrigue qui avait causé sa perte. N’avait-il pas appris la leçon ? Non, cette fois-ci les circonstances étaient différentes. Il n’était plus question de faire pression, de redistribuer le pouvoir au moindre mal contre une rétribution. Il s’agissait de s’insurger contre une mécanique monstrueuse, contre le tort qui était fait à une personne chère et contre l’hypocrisie de ceux qui accueillait les vagabonds en grandes pompes pour finalement les renvoyer à un sort sordide. S’il participait à cette vendetta, le télépathe lutterait contre un système qu’il avait autrefois subi et facilité, en se mettant parfois à la solde ou en porte-à-faux des nobles concupiscents.

Une chose était certaine en l’état actuel. Morrigan ne pouvait admettre explicitement que son principal intérêt portait sur la situation de Derek. En leur donnant un levier aussi important, il laissait la porte ouverte à la manipulation. Même s’il existait un lien fort entre lui et Hypanatoi, le mage ne le connaissait pas suffisamment pour lui faire confiance. Méfiance était mère de sûreté. Il considéra un instant ses deux interlocuteurs qui tentaient de balayer leur projet de manière exhaustive avant de rebondir à la dernière remarque de Freya.

« Ne soyez pas ridicule, vous savez que c’est plus compliqué que cela. » répondit-il sur la défensive.

Comme si l’appel de la gloire avec un quelconque intérêt pour le mage qui n’aspirait qu’à la tranquillité et au minimum de respect qui lui était dû. Son intervention eut au moins le mérite de lui offrir une bonne transition pour le dernier point qu’il restait à soulever.

« Et enfin, je m’interroge sur les avantages de mon intervention. Vous me demandez de mettre en gage ma place dans l’institution, que vous savez bien moins établie que la votre. » lança t-il à la débottée en évoquant sa puissance d’essence et son parcours particulier qui le rendaient moins digne d’intérêt dans cette société. « Sans compter que je serais immanquablement taxé de complicité si cette affaire venait à tourner au vinaigre. Alors quelles sont mes garanties ? »

La question était légitime, au-delà du lui servir de prétexte de dissimulation. Même s’il ne s’attendait pas à grand-chose, Morrigan ne dérogeait pas à sa règle de prudence tout en essayant de brouiller les pistes sur ses véritables intentions.


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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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Tu écoutes tour à tour les interventions du paragoï et du télépathe. Si cela n’avait dépendu que de toi, sans doute n’aurais-tu pas mentionné les tentatives d’intimidation que tu as reçues, en bonne manipulatrice que tu es capable d’être, mais tu comprends le besoin d’honnêteté au sein de cette scène. Morrigan et toi aviez eu une conversation pleine de sous-entendus la dernière fois que vous vous êtes rencontrés, chacun essayant de deviner les intentions de l’autre. Pourtant, il t’a arrangé une rencontre avec Derek et il n’a pas eu tort dans son jugement de l’aventurier, tu t’en es bien vite rendu compte. Alors que le nom de Derek est sur de nombreuses bouches, beaucoup ignorent ce qu’il s’est réellement passé. Et ce sont sur des informations partielles et lacunaires que les autorités se sont permises de trancher sur son statut, ne le considérant guère plus que comme un vulgaire hors-la-loi. Hypanatoi a eu son passage rang obsidienne en guise d’explications sur ses intentions et ses plans. Tout ceci combinée à sa notoriété et sa puissance, tu as l’impression qu’on le laisse dorénavant circuler relativement tranquillement, mais peut-être te trompes-tu. Toujours est-il que son partenaire est toujours activement recherché.

« Vous pouvez faire tomber le masque Morrigan, je sais que vous tenez à Derek. »

Oui, tu estimes qu’il est temps de vous parler franchement. Plus que de l’estime, tu devines qu’il existe une certaine affection entre les deux hommes. Peut-être plus, mais tu n’as pas d’autre preuve que ta bonne vieille intuition qui avait déjà mis tes sens en alerte pour Harmonie du temps où Ryuusei était encore ton oméga. Tu as abaissé tes barrières pour venir chercher Morrigan en ce jour, il est temps de faire de même. Vous avez tout intérêt à vous allier et à agir, tous les quatre, tu le sais. Quand bien même tu penses qu’il serait logique que Morrigan s’implique d’avantage dans cette histoire, cela ne relève pas de ta décision ; peut-être une rencontre ultérieure avec le mercenaire détruira-t-elle ses dernières réticences. Ce n’est pas pour rien que tu as souhaité voir l’homme aux cheveux bleutés. Non seulement ses talents de télépathe vous seront certainement utiles pour parvenir à la fin de cette enquête, mais en plus tu décèles un certain potentiel en lui. Un potentiel que la Guilde ne perçoit pas pour le moment, et ce bien qu’il s’agisse d’un érudit et non d’un preux combattant.

« Rétablir la vérité dans cette affaire reviendrait à laver sa réputation. Il ne mérite pas d’être traité comme un vulgaire criminel après avoir rendu justice et sauvé des âmes innocentes. » tu marques une pause, « Sachez que j’aiderai Derek, même si cette piste est froide, car je compte chercher et recueillir le témoignage de l’une des femmes qu’il a sauvées. »

Peut-être Derek n’a-t-il pas eu le temps de lui raconter la tournure de votre rencontre. Sans doute aurait-il été trop risqué de livrer ce genre d’informations par le biais de lettres lorsque ces dernières sont susceptibles d’être interceptées. Toujours est-il que Derek en ce jour, est également devenu ton allié. Vous êtes en accord sur bien des points, partagez un objectif commun. Tu souhaites faire voir à la Guilde le sombre chemin qu’elle entreprend, tu souhaites lui faire admettre ses torts. Laver le nom de Derek te sert tout autant que cela aiderait les deux hommes. De plus, tu ne peux rester immobile face à ce que tu juges être une injustice. Hypanatoi et Derek ont rétabli la justice là où la Guilde et l’Eglise en ont été incapables. C’est un combat qui doit continuer ; un combat auquel tu comptes bien prendre part. Tu es consciente des risques, mais tu es prête à les prendre. Comme toujours, tu es digne de ton caractère revanchard.

« Je ne pense pas que l’Eglise soit derrière tout ceci. Elle est certes impliquée en raison de la corruption de l’un de ses membres, mais je ne crois pas qu’Aster soit à la tête de ce trafic. » tu marques une pause, « Si vous voulez mon avis, il s’est simplement fait graisser la main, ce qui expliquerait que les gardes n’aient pas agi. » nouvelle pause, « Je pense qu’une autre organisation est derrière tout ceci, mais reste encore à savoir qui. Ce ne sont que des suppositions bien sûr, mais vous êtes le seul à pouvoir me les confirmer ou me les infirmer. »

Comme toujours, Morrigan a soulevé une question intéressante. Que se passerait-il si la Guilde et l’Eglise étaient effectivement derrière tout ça ? C’est un scénario qui te semble peu probable tant il serait apocalyptique pour le futur de Portalia. Tu penses que tout ceci n’est que le signe de la corruption qui règne depuis des années. Qu’un membre de l’Eglise ait oublié ce pour quoi il se battait initialement ne te semble guère si surprenant maintenant que tu connais bien le travers de la cité-forteresse. Si tu te méfies des natifs et des plus anciens, tu penses que tout n’est pas encore pourri dans ces organisations, et ce malgré tes nombreux désaccords avec l’Eglise. Certains ont des intentions pures et ne désirent rien de plus que de faire leur travail, tu le sais. Il y a donc encore de l’espoir. Peut-être une branche extrémiste des Dark Souls ou même la Secte du Chaos sont-elles réellement derrière tout ça. Mais une fois de plus, tu ne possèdes guère de preuves, ce ne sont pour le moment que des hypothèses.

« Je doute que l’on vous fasse la moindre remarque parce que vous avez fait passer un interrogatoire ou parce que vous avez fait votre travail. Si cela se produit, invoquez mon nom et dites que je vous l’ai demandé, je m’accorderai avec les conséquences. »

Après tout, c’est bien ton genre de donner des ordres. La situation ne surprendrait guère si l’on affirme que l’idée vient de toi. Une fois de plus, tu prends les devants, tu prends les initiatives. C’est autant susceptible de te retomber dessus que de t’élever selon toi.

« Avez-vous d’autres questions ? »

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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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Le fonctionnaire de la Guilde s’avérait prudent, et cela n’était en rien surprenant : il aurait été plus qu’inquiétant qu’il s’engage sans réfléchir dans cette affaire. Cependant, il semblait au paragoï que cette prudence était moins empreinte des glissements timorés des exemples standards que la Guilde fournissait régulièrement. Il avait plutôt l’impression, au vu de ces questions, que l’homme tentait de se dresser un schéma mental des forces en présence, qu’il soupesait la situation avec attention et minutie. Et si cela, là encore, n’était pas en théorie surprenant, la réalité était différente. Il avait, depuis qu’il était prisonnier de cette cellule sans murs, perdu l’habitude d’avoir à se confronter à des gens dont la réflexion pouvait les emmener plus loin que leur prochain repas. Cette réalisation manqua de peu de lui arracher un sourire, et dut se contenter d’un bref tremblement du coin de sa lèvre. L’occasion demandait après tout qu’il se contrôle, et qu’il lui accorde toute l’importance qu’elle demandait. Plus encore. Son nouvel interlocuteur le questionna en premier lieu sur ce qu’il comptait faire des informations qu’ils allaient tirer.

Hypanatoi crut un instant que sa réputation ne l’avait finalement pas précédé. Cette question n’appelait qu’une seule réponse. Peut-être, simplement, devait-il l’énoncer clairement, pour dissiper toute forme de doute. Le fonctionnaire enchaina ensuite les questions, continuant sur la même lancée pour lui demander de parler de ses chances de victoire. Là aussi, la réponse était évidente, même si elle ne l’était cette fois que pour le paragoï. Chose plus étonnante, il lui parla ensuite de sa réputation, et pour la première fois, le paragoï fut légèrement déçu. Elle révélait une légère faiblesse de la vision, et une petite incompréhension du fonctionnement de la cité. C’était là un détail, cependant, et il ne pouvait pas s’attendre d’une personne, aussi prometteuse soit-elle, une compréhension parfaite de Portalia. Il surpassait déjà nombre de ses attentes, et en demander trop aurait été d’une cruauté inutile.

Il s’apprêta à répondre, mais l’homme enchaina ses questions, s’adressant ensuite à Freya Bloodjörn. Il déviait sa dernière remarque, visiblement, et se défendait, et son caractère transparaissait. C’était, au contraire, d’une très grande simplicité. Il avait l’occasion de faire quelque chose utile, et l’hésitation qu’il ressentait ne pouvait se justifier sans se couvrir de honte que d’une seule manière. Celle qu’il invoquait était erronée. Il parla ensuite de couvrir ses arrières, établissant de manière claire le lien entre son reproche précédent et son intention du moment.

Un moment passa, et une réponse lui fut donnée. Les choses, sur bien des plans, se précisaient, et le guerrier voyait comment procéder. Attendant que tout le monde finisse de s’exprimer, il fit un simple geste de la main, le tranchant de cette dernière fendant l’air qui les séparait de haut en bas :

« Comprends bien ceci : je n’ai dans cette affaire aucune prétention autre que celle que laver d’honneur d’une ressortissante de monde, et de ce dernier dans le même mouvement. Un tort a été commis, et ce dernier ne peut se laver que dans le sang. Les gens impliqués mourront, ou je mourrai. Il n’existe aucune autre alternative. »

Ce n’était pas la première qu’il énonçait ce fait, et souvent, on ne comprenait pas que ces paroles, comme toutes celles qu’il avait à prononcer, se passaient de toute interprétation. Il ne pratiquait pas le sous-entendu. Il ne pratiquait pas l’euphémisme. Il ne pratiquait pas l’ironie. Il soupesait soigneusement chaque mot qui sortait de sa bouche, et se refusait, en toute circonstance, à mentir. C’était la vérité et la précision qui donnaient à un discours tout son tranchant. Les artifices et la tromperie ne servaient qu’à l’émousser, et avec lui, l’esprit tout entier. Les gens incapables de comprendre son comportement devaient cette incapacité à leur incompréhension de cet axiome simple. Il continua, sur le même ton définitif :

« Quant aux résultats, je serais stupide de les garantir. Il est, encore une fois, possible que je meurs. Entends cependant ceci : les institutions de Portalia sont déficientes, et leur plus grande crainte n’est pas qu’elles soient exposées. Celles-ci sont évidentes pour quiconque possède un esprit fonctionnel. Leur plus grande crainte est que l’on expose leur complaisance et leur indolence. Pour la Guilde et l’Eglise, cela prend la forme de la corruption. Elle gangrène leurs organes, et malgré cela aucun processus d’assainissement crédible n’est employé. Pour les organisations illégales, la raison est plus évidente encore : le voile qui occulte leurs activités à la population et à leurs ennemis leur est vital. »

Il marqua une pause, et continua. La deuxième et la troisième questions de son interlocuteur ne formaient qu’un tout simple et cohérent. Elles étaient liées l’une à l’autre, et pouvait tenir dans une simple interrogation, que le paragoï soumettait chaque jour aux gens qu’il traquait, pour obtenir à chaque fois la même réponse.

« Et c’est là leur faiblesse, et ma force. Laver mon nom demande de terminer ma vengeance : ne pas le faire, c’est laisser l’incertitude – égale pour les spectateurs à une accusation avérée – perdurer. Entends-cela : j’ai exposé à plusieurs reprises, et en public, l’histoire de Kemat. J’ai scandé que la réaction de la Guilde, alors que j’avais tué des criminels sur le lieu de leur commerce d’esclaves, avait été de chercher à m’humilier en me dénudant en public, en me demandant de sourire et de faire rire. Pas à me punir au regard de la loi. Leur but était de me détourner de mon chemin, et ils n’ont pas compris que cela ne pouvait que me confirmer que j’avançais dans la bonne direction. Je suis le seul qui ait intérêt à ce que cette affaire prenne la plus grande ampleur possible, et plus j’avance, plus me tuer revient à faire de moi un martyr. »

Il marqua une pause, voulant s’assurer que son discours soit compris, que les informations ne forment pas un flot trop dense. Il s’autorisa, enfin, le rictus satisfait qui demandait à briser le masque austère qui était normalement le sien depuis de longues minutes :

« Somme toute, ils sont les architectes de leur propre défaite. Je ne fais que précipiter un processus inexorable : l’édifice bâti n’est pas une tour fortifiée. C’est un piédestal, très haut et étroit, et en choir est très aisé. Viendra un moment où ils comprendront que préserver leurs secrets est une illusion. Alors ils chercheront enfin à réellement m’arrêter, et pas simplement à rendre leur trace invisible. Je brûle d’impatience à cette idée, conclut-il en laissant son sourire dévoiler toutes ses dents. Ils exposeront leur jugulaire. »

En ayant terminé, il laissa lentement son visage revenir à son état naturel. Il savait que ce genre de discours risquait de ne pas plaire. Qu’il pouvait sembler trop embrasé. Trop belliqueux. Mais il était, tout simplement, vrai, et c’était ainsi que les choses allaient se dérouler. La question, encore et toujours, ne pouvait plus être de savoir ce qui allait advenir. Tout choix lui avait été retiré dès lors que les talents de thaumaturge de Derek avaient éclairé son chemin. La question était de savoir comment, et par quel chemin.
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"Si près du but"








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Bien qu’il n’était pas en position de refuser, force était de constater que les deux guerriers ne lésinaient pas sur l’honnêteté. Le télépathe était habitué aux faux semblants, avec des solliciteurs intéressés qui tournaient bien souvient autour du pot, faute d’assumer clairement leur demande. Mais pour Freya et Hypanatoi, les choses étaient différentes. A la façon dont ils scandaient leurs explications, on pouvait remarquer qu’ils se sentaient dans leur bon droit. Et pour cause, les deux étaient animés de la même vision. Celle d’une iniquité et d’une corruption qui n’avaient pas leur place dans le paysage portalien. Morrigan les écoutait, en émettant les réserves propres à son caractère. Même s’il s’agissait dans le fond de sortir Derek d’une situation compromettante, ses demandes d’éclaircissement étaient sensées. Se jeter à l’aveuglette et à corps perdu contre l’injustice ne faisait pas partie de ses méthodes. Il se hérissa quand Freya le darda d’une nouvelle pique, plus personnelle cette fois-ci.

« Tssss... » siffla t-il simplement entre ses dents, ne pouvant se permettre d’infirmer une telle accusation.

Pour toute réponse explicite, le mage lui lança un regard plein de dédain et de gausserie silencieuse, que l’on pouvait interpréter par bravo, vous avez bien étudié, souhaitez-vous une médaille pour cela ? Franchement, elle ne s’était pas beaucoup mouillée. Il avait entendu des remarques bien plus scandaleuses à leur encontre. C’était à se demander qui ignorait encore son attachement pour le grand brun dans cette fichue cité… Mais dragonne marquait un point. Si une alliance devait s’établir entre eux, un minimum de confiance était de mise. Voilà pourquoi l’érudit ne lui avait pas fait l’audace d’un mensonge éhonté. Sa visite tardive dans la taverne miteuse où logeait Derek suffirait à décupler les rumeurs sur leur relation déjà bien ancrées. Et même dans celle-ci, il avait été traité comme un moins que rien, comme un vulgaire hors-la-loi en déroute qui devait se cacher de tout, même de son ombre. Jamais Morrigan ne tolérerait que son mercenaire vive comme un criminel en cavale toute sa vie durant.

« Nous sommes d’accords sur ce point. » reconnut-il en osant imaginer que les valeurs des deux combattants s’étaient en effet accordées, ne serait-ce que sur leur vision catégorique de la justice. « Rétablir la vérité ne suffit pas toujours à changer la résolution d’une assemblée, surtout quand ils déploient autant d’énergie pour la dissimuler au plus grand nombre. »

Il devait se faire l’avocat du diable pour sous-peser leurs chances de façon froide et objective. Le mage réfléchissait alors à la manière dont un scandale serait accueilli par la guilde. Le vent tournait en leur défaveur depuis les récents tumultes qui avaient secoué la ville à cause des pions avancés par le Chaos. Pire encore, le peuple n’avait toujours pas digéré l’accident du quartier Nord et l’insécurité croissante qui menaçait le seul refuge des environs. Si une nouvelle aussi révoltante venait à les mettre en position de faiblesse, la guilde n’aurait d’autre choix que de courber l’échine, afin d’éviter toute forme de sédition.

« Mais je crois aussi la guilde suffisamment débordée pour nous mettre des bâtons dans les roues. Leur réputation est trop entachée pour souffrir d’un nouvel opprobre. » lâcha t-il avec un demi-sourire facétieux.

N’était-ce pas là un juste retour de bâton ? On pouvait se moquer de son peuple, mais pas quand on faisait d’eux les acteurs principaux de la capitale. L’Ordre voulait invoquer des héros. Il ne tenait donc qu’aux grandes instances de les traiter comme tels, sans quoi ils reprendraient le pouvoir qu’ils essayaient vainement de leur retirer. Le système se retournait pas à pas contre eux, et qui de mieux placés pour freiner l’inertie galopante de cette décadence que les aventuriers eux-mêmes ?

Les théories de Freya laissaient supposer une grande désorganisation de la part de l’ennemi. Le chaos engendré n’était pas surprenant dans une ville aussi cosmopolite qui ne savait pas encadrer correctement ses invoqués. Les chances étaient donc de leur côté et le jeu en valait la chandelle. Sa décision était déjà prise, à partir du moment où le pronom s’était mu en nous, l’incluant fatalement dans ces manigances. La prise de position de Freya, emprunte d’une dérision qu’il n’attendait pas, lui arracha un petit rire.

« C’est plus que tentant de vous voir vous porter garante de tous mes écarts, je l’admets. Mais sachez que je ne me repose jamais sur la hiérarchie. Tous les actes ont leur conséquence. Et puis, l’on pourrait croire que je suis habitué à obéir à vos injonctions… Quelle drôle d’idée, aussi improbable que désagréable. » dit-il avec une grimace théâtrale qui montrait son aversion à l’idée qu’on le pense à la botte de la dragonne.  

A l’image de Derek, Morrigan était un homme solitaire. Rendre des comptes et se soumettre avec résignation à l’autorité ne faisait pas partie de ses habitudes, et il ne souhaitait changer ça pour rien au monde. Il secoua la tête de manière négative lorsque Freya l’invita à poser d’autres questions. Le télépathe avait réussi à appréhender l’essentiel. Ses interrogations les plus profondes ne sauraient trouver de résolution autrement qu’en poursuivant leur dessein commun. Après cette interlude jubilatoire, Hypanatoi prit la parole. Il semblait sonder chaque argument avant de tirer ses conclusions et faire preuve d’une courtoisie à laquelle Portalia ne l’avait pas habitué. Le paragoï était un homme bien élevé, et qui malgré son rang, n’inondait pas la pièce de son ego déjà saturée par ses deux interlocuteurs. Un geste de la main suffit à lui laisser son temps de parole et à lui redonner l’attention de son public.

Sa logique était binaire mais implacable, si bien que le mage ne trouvait rien à y redire. Son langage semblait être la traduction parfaite de son esprit, tout comme Derek qui l’avait pour la première fois dérouté de par sa franchise incisive. De façon tout à fait novatrice pour le télépathe, il y avait des individus dans ce plan d’existence qui ne cachaient nullement leurs intentions et qui n’avaient rien à dissimuler. Un constat qui l’invitait à garder le silence, pour une fois qu’on ne lui faisait pas perdre son précieux temps… La simplicité de ces échanges, qu’il ne connaissait qu’à Portalia, était rafraîchissante. De telles personnes lui donnaient l’impression qu’on pouvait connaître le cœur d’autrui sans avoir à piller leur mémoire. L’érudit comprenait alors ce qui pouvait faire le ciment et la connivence du duo de Derek et Hypanatoi.

Hypanatoi ne se confondait pas en fausses promesses et exprimait clairement le fond de sa pensée. L’avilissement des grandes instances était dans sa ligne de mire, un endroit dans lequel il ne souhaiterait pas être à la place des incriminés. Il pointait du doigt la cupidité qui poussait la guilde à fermer les yeux sur bon nombre d’actions condamnables. Le mage avait entendu parler du spectacle donné par le paragoï sur la place publique mais il ne s’y était pas rendu en personne. Son désamour pour la foule et ce qu’il jugeait être des bouffonneries imposées par la guilde l’avaient conduis à exploiter le calme productif des locaux plutôt que de profiter d’une sortie récréative. Morrigan s’autorisa une grimace gênée et compatissante quand l’homme lui avoua avoir essuyé l’humiliation publique pour satisfaire son auditoire et le jugement de la guilde. Une telle demande aurait suscité la colère du télépathe qui ne pouvait décemment s’abaisser à ce genre de démonstration sans s’entacher d’une rancune tenace à l’égard des responsables.

Il se laissa en revanche davantage étonner par le sourire sinistre qui vint déformer son visage austère. Le guerrier s’abandonnait à une subjectivité grandiloquente et teintée d’une férocité bouillonnante. Jamais un homme aussi dangereux n’aurait eu la liberté d’arpenter sereinement son monde d’origine. On l’aurait jugé nocif et trop entreprenant, au point de l’enfermer avant même qu’il n’eut commis son premier méfait. Morrigan était étranger à ce genre de personnage, doté d’une folie manifeste mais mesurée et calculée. Une telle bizarrerie de l’humanité lui donnait envie d’en apprendre davantage et de voir les conséquences de cette ambition démesurée sur le monde. Là où il aurait sans doute du identifier une menace, il ne perçut qu’une force de la nature capable de mettre du poids dans la balance du futur.

« Je suis curieux de vous voir poser les pierres d’un nouvel édifice, si tant est qu’il résiste aux aléas du cosmos et des hommes. » répondit-il avec un regard spectateur et attentif.

Il y avait de l’hubris dans ce projet. Et toute entreprise mégalomane se confrontait bien souvent à l’insurrection des masses et à la tyrannie des dieux. Pas sûr que l’Ordre et le Chaos ne laissent un étranger leur faire de l’ombre, malgré toute la puissance dont il était doté. Une pareille ambition demandait du temps, des alliés et de la coordination. Morrigan se demandait si une personnalité aussi atypique se prêterait bien au double impératif de commandement et d’empathie. On ne guidait pas les hommes à la force de sa seule volonté, parce qu’il fallait savoir persuader quand convaincre ne suffisait pas. Montrer une telle vulnérabilité et habilité sociale était-il à la portée du paragoï qui était davantage craint qu’admiré dans la capitale ?

« C’est un projet ambitieux et vous n’êtes pas sans savoir qu’il est difficile de rallier toute une communauté à sa cause. Enfin, je vous remercie pour votre concision et votre transparence. » conclut-il sur ces entrefaites.

Rares étaient ceux qui se livraient aussi délibérément à l’expansion de leur idéologie, surtout quand elle était aussi compromettante.

« Je crois que nous sommes parvenus à un accord. » dit-il en lançant un regard perçant à Freya qui se gargarisait sans doute d’avoir touché une corde sensible à la mention de la situation de Derek. « Si je récapitule, je dois trouver des indices pouvant incriminer ou innocenter la femme que vous souhaitez interroger. Nous n’avons que quelques pistes à exploiter : son lien avec l’homme d’Eglise, son implication voire son rôle dans le trafic, et potentiellement ses relations avec ceux qui se font appeler les pommes d’Eiris. »

Oui, Morrigan était bien informé sur la situation, et pour cause, Derek n’avait omis aucun détail lors de son mea culpa. Le cacher à ses collaborateurs du jour n’avait plus aucun intérêt, maintenant qu’ils convergeaient tous vers le même but. Le groupuscule de Dark Souls extrémiste qui gravitait autour de cette affaire était préoccupant, de par son influence et l’étrange brevet d’une solution injectable dont ils avaient vraisemblablement le secret.

« Avez-vous pu identifier d’autres pistes ou y’a t-il quelque chose que je dois savoir avant de m’atteler à la tâche ? Vous devez savoir que je ne travaille pas à partir de rien, et jamais sans plan d’attaque. »

Le mage détestait l’imprévu et les surprises de dernière minute. Il était certes un chercheur de souvenir efficace dans son ancienne vie, mais cette réputation s’était bâtie autour d’une organisation toujours rondement menée. La mémoire était un champ trop vaste pour permettre la flânerie et son temps d’action était limité par son essence.


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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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Les réactions de Morrigan ne tardent guère à la mention de Derek. Tu ignores même la pique qu’il te lance lorsque tu lui proposes de couvrir ses actes, te contentant de hausser vaguement les épaules avec indifférence. En d’autres circonstances, peut-être te serais-tu effectivement vexée. En cet instant pourtant – et surtout avec Morrigan – tu n’es plus à ça près. Vos interactions sont souvent épineuses ; jouez-vous au jeu du chat et de la souris ? Si tel est le cas, les rôles s’inversent régulièrement. Tu constates – non sans une pointe de satisfaction – que tu as touché un point sensible avec Derek. Tout ceci te laisse présager une relation plus poussée entre les deux hommes. Non que cela t’intéresse particulièrement, mais cela reste une information sur tes alliés. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le télépathe t’a vendu Derek comme un parangon de la justice. Peut-être connaît-il lui aussi toute l’histoire, à défaut de réellement connaître Hypanatoi. Tu t’étonnes en outre que votre interlocuteur n’ait pas cherché à faire entendre sa voix après le scandale. En y réfléchissant, c’est peut-être logique qu’il n’ait guère cherché à aller ouvertement à contre-courant. Morrigan est sans doute de ces stratèges qui bougent les pions dans l’ombre. Toujours est-il qu’il demeure intéressant de posséder un tel contact dans un bataillon non-combattant, surtout quand tu soupçonnes qu’il y ait des déperditions, ou que la Guilde vous cache des informations.

Hypanatoi prend ensuite la parole et tu te surprends à acquiescer, approuvant ses propos. Tu aurais fait pareil que lui si un autre alpha Drakenmayer s’était retrouvé dans une telle situation, et c’est l’une des nombreuses raisons qui te pousse à l’aider. Tu crains un instant que le télépathe ne soit rebuté par un tel discours ; à ta grande surprise, il semble particulièrement intéressé par ce dernier. Tu as même l’impression qu’il l’aide à le convaincre. De ton côté, tu pèses les paroles de Morrigan, toujours pertinentes. Tu es consciente de prendre un risque en allant ainsi à contre-courant et en aidant des personnes qui ne sont pas à leur avantage. Tu crois pourtant agir au mieux et avec justesse. Ces hommes s’accordent à ces valeurs que tu as acquises chez toi. Le télépathe marque d’ailleurs un point ; entre l’avancée des créatures du chaos, l’explosion du quartier Nord et tous les problèmes de gestion actuels, il serait risqué pour la Guilde de vous condamner lorsque la vérité éclaterait au grand jour, tu le sais très bien. C’est la faille dont tu as besoin, et dans laquelle tu comptes t’engouffrer. Portalia est à l’aube d’un nouveau changement, et tu seras l’une des protagonistes de celui-ci, tu en es persuadée dans tes idées révolutionnaires, des idées auxquelles vous semblez tous les trois adhérer.

Enfin, la mention des pommes d’Eiris te laisse supposer que Morrigan a bien étudié le sujet, sans doute a-t-il été en contact avec Derek. Tu fronces légèrement les sourcils à ce constat. Le télépathe jouait-il avec vous depuis le début ? Cette idée ne te plaît guère et tu te demandes s’il n’avait pas déjà pris sa décision dès le premier échange. Tu le soupçonnes d’être un fin manipulateur, et un bon cachotier. Morrigan ne laisse jamais paraître ouvertement ses intentions, l’as-tu découvert dès votre première rencontre ; était-ce la raison pour laquelle tu as tout d’abord eu du mal à te fier à lui. Pourtant, tu arrives à comprendre cette prudence, le fait de ne pas savoir à qui se fier, surtout lorsque Derek est activement recherché par les autorités. Peut-être se dévoilera-t-il plus désormais en ta présence, peut-être pas. Tant que vous partagez des intérêts communs et avancez dans la même direction, tu estimes que c’est l’essentiel. Morrigan est d’accord pour vous aider lors de cette enquête, et c’est tout ce qui compte.

« Vous savez tout. C’est parfait, allons-y. »

Expéditive, comme toujours, tu n’as rien à ajouter. Tu veux surtout faire avancer la situation, et vite, avant que le télépathe ne puisse changer d’avis. Vérifiant que les deux hommes te suivent, c’est d’un pas assuré que tu te diriges vers la salle d’interrogatoire. Ton camarade de tout à l’heure, Lian, se trouve toujours dans les parages, un papier et un crayon à la main. Il lève la tête de ses notes à votre approche.

« Freya… ?
- Morrigan va interroger Gilda.
- Mais il n’est que…
- Rang argent, je sais. Pourtant, il reste un télépathe et sans doute le plus apte d’entre nous à lui extraire des informations. » tu sens l’hésitation de ton camarade, « Les précédentes tentatives n’ont pas été fructueuse ; laissez-nous une chance. Si cela ne porte pas ses fruits, je vous laisserai à nouveau la main. »

Bien sûr, c’est toi qui as improvisé la situation, comme ne doutant pas une seule seconde que tout se déroulerait comme prévu. Cette fois, il est néanmoins important de noter que tu t’y es prise avec un minimum de tact dans tes propos. Tu vois le regard de Lian dévier vers Hypanatoi avec méfiance. De ton côté, tu t’apprêtes à ajouter quelque chose, commençant à perdre patience face à toutes ces formalités administrative. Pourtant, Lian reprend la parole.

« Très bien, mais je vous aurai à l’œil. »

Remerciant Lian d’un signe de tête, tu reprends ton chemin vers la destination. Arrivée devant la pièce, tu observes la porte avec gourmandise. Tu es envahie par un léger sentiment d’excitation, te demandant bien ce que vous allez trouver. L’une de tes hypothèses, est qu’Aster soit en réalité un Dark Souls infiltré. Tu ignores si c’est la vérité, tout comme tu ignores si c’est possible. Toujours est-il qu’il n’y a qu’une personne capable de le déterminer. Te tournant vers le télépathe, tu te décales légèrement, et lui fais signe de rentrer en premier. Après tout, il sera le principal protagoniste de cette scène, sous l’œil attentif de Lian. Hypanatoi et toi n’aurez sans doute qu’un rôle secondaire, n’intervenant que si cela s’avère nécessaire.

« Morrigan, c’est à vous. »  
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Hypanatoi Konostinos
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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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Les choses avançaient. Les choses avançaient. Les choses avançaient. Il avait, comme souvent, le cœur et l’esprit qui battaient à l’unisson, suivant un rythme très ancien ; toujours le même. Une percussion qui menaçait de le soulever, comme si une main s’était plongée entre ses omoplates pour se saisir de sa colonne vertébrale et le tirer vers le haut. Parfois, il ne savait pas où s’achevait la répétition saccadée, et où commençait sa propre individualité : il faisait ce qu’il devait faire, ce que l’unique chemin que le code qu’il suivait réclamait, avec sa voix de tonnerre et la honte brûlant qu’il enfournait dans son ventre, chaque jour que la salissure qu’il entendait laver n’était pas abreuvée du sang des coupables. Mais les choses avançaient, et en se le répétant avec tout l’enthousiasme mauvais que cela demandait, il pouvait s’armer de sa patience proverbiale. Il avait attendu plusieurs longs mois, il avait enduré les pires humiliations, il avait pataugé avec l’allégresse dégoutée des massacres dans la fange de cette cité dérobée au regard des divins. Il pouvait endurer, encore un peu plus, encore quelques temps.

Et si en face de lui un homme de la Guilde lui intimait d’attendre, lui répétait ce qu’il savait déjà, cela n’était rien, rien qu’il ne pouvait laisser glisser sur lui. L’important restait que ses lèvres s’ouvraient, et qu’au-delà des formules rituelles de sa prudence et de sa fascination, il manifestait son acquiescement. Il se rangeait derrière lui, il acceptait de faire sa volonté, et ce faisant, il entreprenait le premier pas d’un voyage dont on ne revenait pas. Il avait, après tout, été prévenu. Ses ennemis, maintenant que les paroles fatidiques s’étaient envolées hors de lui, étaient ceux du paragoï. Et il lui demandait, avec son innocence douce, comment ce dernier allait faire pour rameuter derrière une armée capable d’affronter la horde protéiforme qui se dressait devant lui. La réponse était simple, et ne demandait pas à être formulée : ses actions laissaient aux gens pris dans son sillage deux possibilités : suivre, ou se noyer. La berge, une fois mouillé, devait rester hors d’atteinte.

Mais cela, il ne pouvait lui demander qu’il le comprenne. Il ne lui semblait pas qu’il ait en face de lui le plus ahuri des portaliens. Il comprenait rapidement, et semblait posséder des capacités de compréhension plus avantageuses que la plupart des gens de cet endroit. Ce n’était pas suffisant. Comme à tous ici, il lui manquait la vision. La capacité de voir, d’agir, et pas simplement de se faire le miroir déformant de son environnement. Là encore, ce n’était pas grave. Pour une fois, c’était même avantageux. Il résuma l’accord qui les liait. Sobrement. Imitant ce qu’il voyait comme de la concision. Imparfaitement.

Hypanatoi hocha de la tête, empêchant la résurrection d’un sourire approbateur.

Puis, son nouvel allié réclama qu’il lui dévoile d’autres pistes. Hypanatoi obtempéra, son visage appuyant l’air austère qui convenait à ces circonstances :

« Sondez-là à propos des assassins de son ancien maître. Je doute qu’il soit difficile de lui arracher de l’esprit ce qu’elle connait d’eux. Faites-la parler de ses connaissances, et de qui savait, mais ne faisait rien. Je pense qu'ils sont nombreux. »

Un esprit n’était pas une forteresse, si aucun architecte n’entreprenait de le fortifier. Hypanatoi avait lui-même fait parler de nombreuses personnes, et il savait comment amener les pensées de quelqu’un au bon endroit, et comment faire parler quiconque, sans que cette personne ne s’en rende compte. Le processus, ici, était simplifié. Plus exhaustif. Il devait avouer une certaine curiosité professionnelle quant aux méthodes de l’homme de la Guilde. Son pouvoir était une arme sans commune mesure, dans ce monde si attaché aux mensonges et aux faux-semblants. Quand bien même la jeune ignorerait le nom ou les repaires des responsables, elle pourrait les faire remonter jusqu’aux intermédiaires auprès desquels elle prenait ses ordres.

Les échelons supérieurs camouflaient habilement leurs traces, et plus les rangs des barbaroï s’amenuisaient, plus ce qui passait ici pour le hoi oligoï se terrait profondément.

Mais les choses avançaient. Il avait maintenant un limier d’une rare qualité, capable de les renifler par la présence qu’ils laissaient dans la tête de leurs répugnants affidés.

Il inspira profondément, et suivit le mouvement. Les couloirs tentaculaires de l’appareil administratif de la cité lui inspiraient toujours la même circonspection – un tel amour de la bureaucratie n’était pas sain – mais il n’était pas ici pour débattre des vertus d’une organisation plus condensée. Ces gens étaient en paix. Leurs batailles s’incarnaient différemment. Un souffle léger écarta ses narines, le trait d’esprit silencieux finissant de faire retomber totalement les ardeurs volcaniques qui bouillonnaient en lui. Il laissa l’échange entre Freya Bloodjörn et son acolyte de la guilde arriver à son terme, ce dernier battant bien rapidement en retraite. Il parlait, comme beaucoup ici, sans savoir exactement ce qu’il voulait dire, et avait donc sans surprise tendance à ne pas avoir d’idée grandiose à déployer. Deux phrases inachevées, un avertissement d’une incomparable tristesse, et il s’écarta. Ce serait là la somme de son activité.

Puis, ils pénétrèrent dans la pièce borgne dans laquelle l’entretien allait devoir se dérouler. Une table. Quelques chaises. La précieux dépositaire de trésors innombrables. Le paragoï braqua sur elle son regard aveugle. Il n’avait pas besoin de le faire, mais il savait aussi que peu de personnes appréciaient de plonger leurs yeux dans le cuir blanchâtre de ses yeux. Cela permettrait de mettre la jeune femme dans un état d’esprit propice à la discussion productive. C’était aussi un plaisir qu’il n’entendait pas se refuser. Elle était impliquée, d’une manière ou d’une autre.

Et il avait répété à de très nombreuses reprises ce qu’il entendait faire des gens sur lesquels la souillure du méfait s’étalait. Tout le monde, ici, l’avait entendu. Tout le monde, ici, savait. Tout du monde, personne ne pouvait prétendre se cacher derrière le bouclier de l’ignorance.

« Gilda, dit-il simplement, savourant chaque mot. Il est temps. »
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Morrigan
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"Si près du but"








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© Never-Utopia
On pouvait sans doute reprocher bien des choses aux deux guerriers, mais certainement pas leur efficacité. Alors que l’enquête semblait s’enliser dans l’incompétence et la paresse du bourbier administratif, les choses se mettaient enfin en mouvement sous l’impulsion de Freya et Hypanatoi. Morrigan savait qu’il finirait par être mêlé étroitement à cette affaire, mais il n’avait pas anticipé ce moment qui venait plus tôt que prévu. Après quelques négociations de façade, nécessaires à l’évaluation de ses pairs et à la protection de ses propres intérêts, le télépathe avait accepté de remplir son office. Même l’impertinente dragonne s’était tue, en dépit de ses provocations. Si ce n’était pas pour servir la cause de Derek, il se serait probablement moqué de ses airs graves et sérieux. Il se fendit néanmoins d’un sourire amusé, lorsqu’elle lui lança un regard oblique et réprobateur. Sûrement que ses informations trahissaient une prise de position évidente mais la guerrière n’ignorait ni sa méfiance, ni sa mesquinerie. Ainsi, voir la surprise sur son visage était jubilatoire.

« Rien que vous n’ignorez en retour. » répondit-il de manière entendue à son interlocutrice.

C’était une façon comme une autre de signifier qu’ils étaient dans le même camp, malgré leurs différents et l’incorrigible tentation de toujours donner lui donner la réplique. Avant de se mettre en marche vers la salle d’interrogatoire, Morrigan prit rapidement la mesure des recommandations d’Hypanatoi.

« C’est noté. » dit-il simplement ponctué d’un hochement de tête.

Les indications du paragoi étaient celles d’un investigateur décisif. De telles méthodes ne pouvaient s’appliquer à l’exercice de la télépathie mais le mage en faisait son affaire. Il s’étonnait seulement que l’homme n’ait pas déjà tenté de faire parler Gilda par ses propres moyens. Sans doute parce que ses techniques d’interrogatoire n’étaient pas en adéquation avec la morale de la guilde. Mais pouvait-on encore parler de bonnes mœurs quand un tel trafic était cautionné et mené dans l’ombre ? Le silence de leur traversée était éloquent. Les actes ignominieux qui se jouaient en perspective relevaient de l’indicible. Déterminés à faire éclater la vérité, ils s’apprêtaient à identifier les manigances et l’opportunisme qui motivaient de telles machinations.

Un sourire torve et l’expression de la consternation assombrirent furtivement son visage quand l’agent sur place ne parvint pas à cacher son mépris pour son rang. L’absurdité de ce système ne cessait de lui éclater en pleine face, comme si l’érudit avait pu omettre ce détail. Pour une fois, il se surprit à apprécier la morgue de Freya, qui rendait la décision unilatérale. La dragonne marquait un point non négligeable. Si Morrigan était parti en quête de télépathes pour retrouver son pouvoir, il n’était tombé que sur des transmetteurs de pensées. Les quelques agents rencontrés savaient lier leur esprit à un autre afin de communiquer en dehors des moyens usuels. Mais aucun apte à pénétrer les profondeurs de la mémoire ne s’était révélé à lui. Il commençait à croire qu’on ne craignait pas ses capacités parce qu’on ne le pensait pas capable d’une telle prouesse. La télépathie n’était pas prise au sérieux, et les demandes farfelues que le mage recevait suffisaient à prouver qu’il passait certainement pour un phénomène de foire. Aussi pénible qu’elle était, Freya l’avait directement pris au sérieux, contrairement à bon nombre de ses collègues. Cependant, sa fierté l’empêchait de le reconnaître et d’exprimer une quelconque forme de reconnaissance à ce sujet.

Contrairement à ses deux acolytes qui trépignaient à leur manière, Lian était méfiant. Pouvait-il lui donner tort ? Laisser la main à un presque inconnu pour une affaire aussi délicate pouvait s’avérer dommageable. Ainsi, l’érudit ne s’offusqua pas de le voir rechigner. Il tâcherait donc de le rassurer, à défaut de pouvoir lui expliquer clairement ce qu’il s’apprêtait à faire. En temps normal, Morrigan aurait déjà pris la mesure de ses pensées, sans s’immerger complètement dans son inconscient. Mais la situation semblait désespérée. Freya ne serait pas venue le quérir sans ça. Si Gilda était particulièrement revêche, il prenait le risque de perdre son temps en interrogeant uniquement ses pensées directes. Pour obtenir des résultats il fallait, comme bien souvent, faire le grand saut.

« Je m’apprête à sonder votre mémoire. » dit-il d’un ton neutre et sans émotion en s’asseyant en face de l’incriminée. « Vous ne sentirez rien car le processus n’est pas douloureux, dans la mesure où je ne vais rien arracher ou supprimer. Vous comprenez.. ? »

Il n’eut comme seule réponse qu’un rire hautain et ricaneur de la part de la jeune femme. Elle le prenait pour un fou, de toute évidence. Ça ne l’amusait pas à avoir à expliquer, il s’en serait bien passé s’il n’était pas surveillé. Pas sûr que Lian ne le laisse l’interroger dans des circonstances aussi douteuses. Il ne manquerait plus qu’on le fasse passer pour un arracheur de dents. Quoi que… il aurait probablement la paix de cette façon. Sa mise en garde explicative était donc avant tout adressée à son collègue, et non pas pour rassurer l’odieuse peste qui lui avait ri au nez. Son agacement était palpable mais visible uniquement dans son regard irrité bordé de ses sourcils froncés. Elle secoua finalement la tête avec nonchalance, comme pour signifier son refus d’obtempérer.

« Oh, inutile de résister, ma chère. Vous nous en aurez bien assez dit le temps d’une sieste. » répondit-il avec un sourire sinistre.

Morrigan détestait cette insolence moqueuse. Elle achevait du lui donner encore moins de scrupules à lui arracher des informations par ce biais. Il donna une dernière consigne à ses collaborateurs du jour.

« Ne me déconcentrez pas et ne cherchez pas à interagir avec moi pendant toute la durée du voyage. Cela pourrait compromettre ma recherche. » dit-il sans attendre d’avis favorable.

C’était bien la première fois qu’il s’adonnait à son art en public. La sensation était désagréable et le processus de méditation n’en serait que plus fastidieux. Sans se départir de sa concentration, le télépathe entama la procédure habituelle. Il ne tenterait pas le diable et se contenterait d’un cycle de six dans de pareilles circonstances. Six fois six secondes pour transvaser toute sa conscience dans la sienne. A chaque inspiration, son aura s’intensifiait tandis que Gilda semblait en proie à un sommeil de plus en plus accueillant.

Il y était, à l’intérieur de cet esprit moqueur et corrompu qui prenait pied dans un large champ de blés avec une unique maison en son centre. Sûrement le foyer de son ancien monde. La mémoire s’attachait souvent à ce genre de lieu pour en faire l’épicentre de ses souvenirs. Malgré le beau temps apparent, son essence se heurtait à celle de la criminelle comme un vent mauvais. Le mage ressentait la menace poisseuse de la méfiance de Gilda qui se collait à lui comme une pollution anormale. Il n’avait encore jamais expérimenté cette résistance depuis la restitution de son don. Derek avait raison, il manquait cruellement d’entraînement et la gestion de son essence lui était encore une arcane obscure et incertaine. Son temps ici était compté.

Sans grande surprise, la porte d’entrée était scellée, comme tout esprit normalement constitué qui avait des secrets à garder. En faisant le tour de l’édifice, l’érudit fut presque déçu de ne voir qu’une petite porte arrière en guise d’accès. Voilà quelque chose qui en disait long sur sa personnalité : une femme habituée à agir dans l’ombre mais qui avait l’audace de se croire intouchable. Si ses pronostics étaient bons, ça ne serait pas bien difficile de trouver des informations sur Aster, puisque le sujet revenait pour elle sur le tapis depuis plusieurs longs jours. Son esprit serait sans doute encore saturé des traces du défunt. Dans ce qui aurait dû être un hall, le télépathe fut confronté à une multitude de scènes dans lesquelles se trouvaient toutes un homme à la diction bourgeoise. En s’attardant sur plusieurs de ces films du passé, Morrigan comprit qu’il avait à faire à Aster, celui qui avait valu à Gilda son interrogatoire. A la lumière de ces souvenirs, l’homme lui paraissait condescendant et peu attaché aux lignes de bonne conduite envers ses pairs. Il suscitait chez Gilda un mélange de crainte et ressentiment profond. Les disputes s’enchaînaient entre le religieux et ses subalternes. Bientôt, ils ne tardèrent pas à se mélanger à d’autres agents moins pieux et recommandables. C’est sur ces nouveaux visages et ces conversations que Morrigan s’attarda. Aster jouait de toute évidence un double-jeu entre l’Église qu’il ne souhaitait pas quitter pour garder ses privilèges, et le groupuscule avec qui il faisait affaire par pur opportunisme. Etait-il assez imbu de lui-même pour penser pouvoir contrôler ces deux mondes ? Il nota scrupuleusement le nom et le portrait d’une tierce personne qui officiait de manière récurrente avec les deux corrompus avant de reprendre sa route.

Si le temps ne lui était pas compté, le mage se serait davantage attardé mais la désagréable sensation d’être observé et rejeté par les murs sans fond de cet espace distordu lui intimait de presser le pas. Il aurait pu s’arrêter là et se contenter d’un nom, mais l’affaire était trop grave pour se passer d’un examen plus approfondi. Alors qu’il avait l’impression de suffoquer dans ces couloirs, le mage arriva à un carrefour. S’il aurait normalement pris la mesure de chaque zone afin de recouper ses informations, le choix ne lui était présentement pas permis. Il était pourtant dans son domaine, ce qui ne faisait qu’amplifier sa frustration... Sa rigueur en faisait un mauvais illusionniste et un piètre façonneur d’esprit bien trop pragmatique mais on le considérait autrefois comme un excellent chercheur. Aujourd’hui, à Portalia, on l’empêchait de faire correctement son travail. D’abord en le privant radicalement de tous ses pouvoirs, puis en le limitant de la sorte.

Le bruit étant plus fort à sa droite, le télépathe en déduisit que sa destination était plus proche de ce côté-ci. Comme il se sentait de plus en plus vaseux dans cette atmosphère qui cherchait à l’évacuer comme un vulgaire virus, il prit le parti d’aller consulter le souvenir le plus bruyant. Grace à l’interrogatoire qui avait été mené, les souvenirs s’enchaînaient sans trop de disparité, tous rassemblés au même endroit à force d’être convoqués. En s’approchant de son objectif, l’érudit pouvait identifier clairement de la musique et les jacassements propres aux soirées festives. Tout en se traînant péniblement dans le couloir qui déboucha sur une réception tapageuse, Morrigan fut surpris d’y voir les convives, tous masqués. Il ignorait que ce genre d’événement trouvait un public à Portalia. Les bals masqués passaient pour grotesques et démodés dans les cercles privilégies de son monde d’origine.

Son attention fut bientôt portée non pas vers la foule des danseurs mais vers un escalier qui menait aux loges de la salle de spectacle. A l’intérieur ne figuraient pas des artistes, mais les tristes visages de femmes arrachées à leur liberté. Ni les fards scintillants, ni les tenues affriolantes ne pouvaient cacher ce cruel constat. Si le plus gros des échanges du trafic humain se déroulaient au quartier Nord, la partie la plus lucrative se trouvait belle et bien dans un des quartiers les plus huppés de la capitale. Sa vision commençait à lui faire défaut, tandis que les murs s’étiolaient comme du sable. Le palais mental de Gilda commençait son effondrement, afin d’y engloutir tous ses secrets. Morrigan n’était pas franchement fier de sa performance qui avait été sabotée par la résistance mentale de la jeune femme. Puisqu’il était hors de question de faire l’impasse sur cette petite sauterie, il utilisa ses dernières ressources pour copier ce souvenir dans son esprit. Il comptait ainsi prendre le temps d’identifier précisément cet endroit en dehors de son voyage mémoriel.

Le retour à la réalité fut un peu brutal. Après avoir rouvert les yeux, le télépathe considéra la sueur sur son front avant de l’éponger du mouchoir en tissu qu’il conservait avec lui. Conformément à sa promesse, Gilda ne souffrait en comparaison du moindre mal. Cette fauteuse de trouble l’avait mis en difficulté, même s’il avait du mal à l’admettre. Il ignorait ce qu’il s’était produit en son absence, mais il se félicitait de ne pas avoir été sorti de force de sa méditation malgré le caractère évident de sa peine. Sans plus de considération pour l’interrogée, le télépathe se leva en lissant le tissu de son vêtement, le temps de se redonner un semblant de contenance avant de rejoindre l’assemblée des curieux. L’heure n’était plus aux apparences mais aux résultats. Sans aucun commentaire au sujet de sa déroute, le mage s’attela à un résumé sommaire, pour battre le fer tant qu’il était chaud.

« Cette femme est loin d’être innocente. D’abord, elle savait pertinemment qu’Aster jouait sur deux tableaux. Il se croyait assez malin pour pouvoir duper tout le monde en gardant son statut, de la chair à canon à sacrifier parmi ses collaborateurs, et le profit d’un commerce juteux. » dit-il pour confirmer rapidement leurs doutes au sujet des deux dévots. « Parmi les personnes suspectes que l’homme rencardait régulièrement en dehors de l’Église : un certain Fylch, qui saturait lui aussi la mémoire de notre amie. Un archer bien équipé qui ne consulte qu’au milieu de la nuit. M’est d’avis qu’il ne chasse pas le gibier à cette heure-ci. » commenta t-il de son sarcasme habituel.

Le télépathe livrait simplement le condensé de ses informations, sans connaître leur degré de pertinence. Il n’avait après tout pas connu ou interrogé Aster comme les deux guerriers ici présents.

« Pire encore… Je pense avoir identifié grâce à Gilda un point clé du trafic. Une salle des fêtes qui organise des soirées dansantes où sont en réalité présentées les victimes de ce commerce avant de trouver acquéreur. » grimaça t-il en se remémorant les visages fardés et déconfits.

Sans exprimer la moindre gêne, Morrigan emprunta de son propre chef du papier et un crayon qui trainaient sur le bureau sous le regard médusé de son collègue. En empruntant à son souvenir copié, il esquissa grossièrement de mémoire les éléments principaux de l’affiche de l’événement. En son centre, une grande clé de sol qui mourrait dans le bec d’une sorte de colombe. La réclame qui justifiait cette réception abominable était toute aussi équivoque : afin de fêter les dernières récoltes de la saison, et de faire l’acquisition des meilleurs crus du verger. Des métaphores d’encore plus mauvais goût, si l’on considérait leur polysémie. Cependant, Morrigan ne souhaitait pas sauter sur les conclusions, laissant le temps à ses interlocuteurs d’ingurgiter la masse d’informations avant d'entrer dans les détails interprétatifs. La somme de leurs esprits pourrait sans doute reconstituer le puzzle de manière plus efficiente.  


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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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Comme toujours, Morrigan est avare en piques, que tu préfères cette fois ignorer. Le télépathe possède un sacré caractère, et il est quelque peu vexant de comprendre qu’il joue avec vous depuis le début. Tu le soupçonnes même d’avoir pris la décision de vous aider dès les premiers échanges. Pourtant, quelque part, tu comprends la raison de sa prudence. Vous, comme lui, allez à contre-courant des choses. L’opération n’est pas sans risques, pour toi comme pour quiconque prenant part à cette affaire. Morrigan n’étant pas sur le terrain et restant proche de Derek, tu penses – à raison ou à tort – qu’il n’a pas grand-chose à craindre. Pour ce qui est d’Hypanatoi, de Derek ou toi, c’est une autre paire de manches. Tu n’as pas oublié tes ambitions, et elles ne disparaîtront pas au premier désaccord avec la Guilde. La question qui est susceptible de se poser est la suivante : jusqu’où serais-tu prête à aller pour satisfaire ta soif de pouvoir et d’autorité sur cette ville ? Et que se passerait-il dans l’éventualité où tu arriverais effectivement à gravir les échelons comme tu le souhaites ? Rien ne semble égaler ton ambition. Il en était pourtant de même à Drakenmarg, puisque tu étais alpha de l’un des plus grands clans. Ta vie passée a bien sûr influencé ta manière d’être à Portalia, a-t-elle à peine bougé depuis tout ce temps. C’est sans doute grâce à cette perception différente que tu penses pouvoir voir les tares de Portalia, tout comme tu penses être capable de les corriger. Tu n’as peut-être pas le plus haut rang qui soit, mais tu n’as rien perdu de ton esprit, es-tu persuadée que tu parviendras à aller loin grâce à une combinaison de puissance et d’expérience.

Le mépris de Lian face à Morrigan a sonné à tes oreilles comme une absurdité. Tu ne t’étonnes en outre guère que la Guilde rencontre de plus en plus de problèmes à satisfaire tout le monde. Tu reconnais le rang et le pouvoir comme ayant une certaine importance, mais il te paraît ridicule que le reste soit entièrement négligé à ce profit au sein de la société portalienne. Les autorités ne tiennent pas compte du vécu de chacun, ni de leurs qualités. Ainsi, il est tout à fait possible à tes yeux de te retrouver face à des incompétents de rang obsidienne, et de hauts potentiels de rang argent. Toi, tu penses voir le potentiel de Morrigan et de son pouvoir au sein de cette affaire. Tu penses même pouvoir l’exploiter en l’instant présent ; qui de mieux placé qu’un télépathe pour percer les secrets de Gilda ? Tu te rends compte de la mine d’or d’informations que serait capable de devenir Morrigan si on lui confiait de meilleurs tâches. Mais telle est la lenteur et l’inefficacité administrative de la Guilde, as-tu été obligée de donner un coup de pied dans la fourmilière pour faire avancer les choses de la meilleure manière possible. Et encore, tu dois t’estimer heureuse de ne pas avoir essuyé un refus.

Dans la salle d’interrogatoire, Hypanatoi et toi vous tenez pour l’instant à distance pendant que le télépathe s’apprête à sonder la jeune femme. Il te semble évident de le laisser mener la danse et de ne pas l’interrompre dans ses opérations. Tu regardes la scène, la tête penchée sur le côté. Tu es curieuse malgré toi. Tu te demandes quelles sont les limitations du pouvoir de Morrigan et à quel point il est possible de s’en protéger. A-t-il déjà essayé de lire dans tes pensées ? De lire celles d’Hypanatoi ? Tu en doutes, mais si tel était le cas, tu n’as rien senti. Tu penses l’homme aux cheveux bleus comme étant quelqu’un de relativement honnête ; sans doute n’est-ce pas sans raison qu’il a réussi à s’attirer l’affection de Derek. Il est vrai que Morrigan aurait très bien pu extraire les informations qu’il souhaite de vous s’il avait voulu vérifier votre honnêteté. Il a pourtant préféré les explications et a choisi de vous croire ; sans doute n’êtes-vous guère si éloignés sur le plan des idées. Malgré votre petit jeu du chat et de la souris, tu arrives à respecter le télépathe. En réalité, tu ne l’as jamais méprisé malgré ses côtés désagréables. Tu es en outre bien loin de remettre en cause ton attitude, telle la digne héritière de Khorn que tu es.

Voyant le télépathe transpirer, tu devines sans mal qu’il peine à extraire des informations de Gilda. Cela te rassure et t’inquiète à la fois. En effet, tu penses bien avoir raison de croire que cette femme de l’Eglise vous cache des informations cruciales. Pourtant, que se passerait-il si Morrigan échoue sa manœuvre ? Vous risquerez de perdre votre crédibilité, surtout la tienne. Ne bougeant pas, fronçant légèrement les sourcils, tu n’émets pas le moindre mot. Choisissant de croire en Morrigan, tu es convaincue qu’il arrivera à son objectif. Ton regard brillant de convoitise s’attarde sur Gilda, alors que le télépathe se lève pour vous faire un résumé sommaire de la situation. Tu t’aperçois que tu as bien eu raison de soupçonnait cette femme, et possèdes désormais le nom de l’assassin d’Aster. L’archer Fylch te semble être effectivement le coupable idéal, celui qui a essayé de faire taire l’homme de l’Eglise. L’heure n’est pourtant pas à la jubilation alors que tu constates toute l’étendue et la gravité de cette affaire. Les affirmations du télépathe sont écœurantes en tout point, et nul doute qu’elles révolteraient également Hypanatoi. Le temps de rendre justice est venu. Mais avant, une question te brûle les lèvres.

« Savez-vous quelle organisation est derrière tout ceci ? De ce que vous me dites, ces personnes sont bien préparées. Je ne pense pas qu’il s’agisse de quelques loups solitaires. »

Il te semble évident que tout un complot se joue dans l’ombre. D’après les affirmations de Morrigan, Aster jouait sur les deux plans, mais avec qui ? Un nom d’organisation, un ennemi à traquer. C’est en cet instant tout ce que tu demandes. Telle est ta seule intervention en regardant du coin de l’œil le dessin de Morrigan, cherchant à identifier l’endroit décrit, sans doute au quartier Nord. Tu laisses Hypanatoi poser ses questions à son tour, espérant que les informations récoltées par le télépathe soient assez complètes pour répondre à vos interrogations. Toujours est-il qu’il a déjà fait beaucoup.
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Hypanatoi Konostinos
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On lui avait demandé de garder le silence, de protéger le calme de l’endroit ; le télépathe avait besoin de silence pour exercer son art, et il comprit ce que cela voulait dire. Personne, sans que le paragoï ne meurt auparavant, ne pourrait troubler la sacro-sainte quiétude de ce procédé. C’était sans doute là quelque peu grandiloquent, car il n’avait devant lui que Freya Bloodjörn, une alliée en laquelle il avait confiance, et un sombre fonctionnaire de la guilde, auquel il pouvait accorder la même confiance, simplement pour garder le silence et se désintéresser de ce qui se passait réellement sous ses yeux. Mais ce moment, malgré cela, méritait d’être pris au sérieux. Il marquait un tournant, dans l’histoire de ce monde certes, mais plus important encore, dans la sienne. Son devoir touchait à sa fin, et chaque seconde qui passait préciser maintenant sa conclusion. Entièrement immobile, le combattant regarda l’interrogatoire. Ce dernier démarra en premier lieu par quelques paroles de l’homme de la guilde, qui tenta de rassurer la créature quant à son sort.

Lutter était inutile, lui dit-il. Le joug enserrait déjà son col. Il fallait se calmer, et accepter la magie, car ce n’était pas elle qui devait compléter la brisure de son existence. Ce rôle, Hypanatoi le savait, lui était dévolu. Sans doute pas aujourd’hui, car il devait composer avec les règles de ses hôtes, et les régulations de la Guilde. Mais cela ne faisait que transférer le temps de l’exécution. Cette dernière était finale. Son verdict était passé. Le monde, s’il était incapable de comprendre le caractère immuable contenu dans ces deux phrases, aurait simplement à ouvrir plus grands les yeux, à enfin comprendre que certaines actions appelaient obligatoirement les plus dures des conséquences.

Mais pas maintenant. Maintenant, il fallait rester silencieux, et ne pas respirer trop profondément. Il voulait s’assurer que tout se passe bien. Son regard aveugle se braque sur la quatrième personne présente dans la pièce, s’assurant sans un mot que le superviseur comprenne que le message que Morrigan venait de délivrer faisait lui aussi partie de ces choses tangibles et qui demandaient à être prises avec le sérieux et la cérémonie des actes sacrés.

Le temps passa, donc, et le mage-interrogateur émergea enfin de sa transe, avec dans son esprit un nom, qui coula hors de lui pour s’imprimer sur le papier épais. Fylch. Un nom de portalien. Un nom qui ressemblait à un cri d’animal mal prononcé, un nom de barbaroï, répugnant et guttural comme le raclement d’une gorge après l'inhalation de l’odeur d’un fruit pourri. Puis, l’évocation d’une salle des fêtes. D’un lieu dans lequel le trafic s’organisait. D’un lieu dans lequel les gens allaient se rassembler, conviés devant le charnier. D’un lieu qui n’était pas pensé comme une tanière cachée, ou une forteresse imprenable. Il pouvait déjà les voir, leurs petits corps pressés sur leurs sièges, leurs sourires satisfaits et leurs mains excités à l’idée de toucher les biens promis et la chair des esclaves. Il pouvait déjà sentir l’odeur chargée de leurs haleines, et entendre leurs rires discordants.

Kemat était morte, et son monde était blessé dans son honneur, et ces gens existaient. Ils respiraient. Ils continuaient, insouciants et impunis, sur la même trajectoire.

Il n’avait pas été aussi heureux qu’à cet instant, depuis très longtemps. Un sentiment profond et libre de toute scorie chauffait son esprit, et la cible de son ire n’était plus un fantôme abstrait, caché dans les confession hésitantes des gens brisés sous ses poings et des documents tachés de sang que ses alliés devaient lui lire.

Ils étaient là. Un troupeau gras et heureux, inconscient de l’arrivée imminente du boucher.

Il se rendit compte que Freya Bloodjörn venait de terminer de parler. Que c’était à lui, en temps que principal instigateur de cet acte, de continuer. De préciser certaines choses, d’imprimer une direction au fier vaisseau qu’on venait de lui présenter en offrande. Forçant avec l’aisance que l’expérience procurait sa voix à rester calme et détachée, il chercha une question à poser. Il n’en avait pas ; toutes les informations nécessaires étaient entre ses mains, et le chemin était clair. Il se contenta donc de commenter, simplement :

« La voie est claire, fit-il, son bras tranchant de haut en bas l’espace devant lui. Je te dois plus que de simples mots ne peuvent exprimer, Morrigan. Parle, et si c’est en mon pouvoir, tu obtiendras la récompense demandée, aujourd’hui ou demain. J’aurai néanmoins encore besoin de tes services, dans le futur. »

Il ne jugea pas utile d’insulter Morrigan en formulant sa demande sous la forme d’une question. Ce dernier avait fait ses preuves, et si son allégeance était regrettable, son intention, au moins dans l’affaire présente, ne l’inquiétait aucunement. Il était impliqué, et il aiderait, comme tous ceux qu’Hypanatoi entrainait dans son sillage, et le combattant doutait qu’il ait eu dans son existence sur ce monde l’occasion de gagner un honneur plus sublime que ce dernier. Il accomplissait de grandes choses.

Ils accomplissaient un acte absolument nécessaire, comme peu d’actes ici pouvaient prétendre l’être.

Ne jugeant pas utile de continuer à parler, il resta silencieux. Sans doute les deux autres personnes présentes avaient-elles encore besoin de parler. Hypanatoi, lui, se concentrait sur la manière la plus efficace de prendre d’assaut l’endroit. Il avait déjà fait couler beaucoup de sang, mais les flots qu’il allait maintenant offrir en libation à l’esprit martyrisé de Kemat allaient faire passer ces torrents pour des ruisseaux timides. Et à partir de ces gens, il trouverait les prochains. Il allait rompre la chaîne secrète qui démarquait les personnes réellement importantes des simples exécutants, et poser ses doigts impatients autour des nuques des décideurs véritables. Plus personne, maintenant, ne pouvait prétendre lui échapper. Cette illusion avait toujours été condamnée à être dissipée, mais le paragoï n’était pas assez fou pour ne pas reconnaître que le moyen providentiel qui lui avait été fourni pour le faire avait grandement accéléré ses plans.

Et il ne faisait que confirmer son verdict pour cette cité, bien que ces pensées familières ne soient pas l’ordre du jour. L’heure était à la joie et à la satisfaction, rien d’autre.

Dernière édition par Hypanatoi Konostinos le Mar 13 Juin - 12:04, édité 1 fois
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"Si près du but"








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Le voyage n’avait pas été sans conséquences, au sens propre comme au figuré. D’abord, se balader dans les tréfonds d’un esprit aussi récalcitrant s’était avéré particulièrement éprouvant. Ensuite, bien que Gilda n’ait probablement plus la moindre chance de parler des méthodes du télépathe, les choses allaient s’accélérer. Un constat d’autant plus vrai lorsqu’on considérait la soif de représailles des des deux guerriers. Il lui était désormais impossible de faire machine arrière et Morrigan était irrémédiablement impliqué. Même s’il n’était pas en première ligne, le mage faisait partie du grand engrenage de cette vendetta. Si l’avant-garde tombait, le reste des maillons suivraient, jusqu’à remonter aisément jusqu’à lui. Mais sa décision était prise. L’érudit n’était pas un homme de demi-mesure, plaquant sa logique radicale et déterminée sur tout ce qu’il entreprenait. Et cette affaire n’y faisait pas exception. Il était hors de question de se contenter d’un vulgaire compromis dans un projet aussi capital.

Freya et Hypanatoi l’avaient compris, en lui accordant le bénéfice du doute et l’exercice de son art. Au-delà de l’opportunisme que représenterait sa potentielle réussite, ils lui avaient laissé sa chance, sans se borner aveuglément à son rang jugé inférieur par la culture Portalienne. A présent, il n’avait d’autre choix que de participer à cette même société qu’il décriait, en s’associant avec d’autres personnes capables. Faire cavalier seul ne lui serait d’aucune utilité, d’autant plus quand il considérait son dernier échec cuisant dans son monde d’origine. Il avait accepté la main tendue de plusieurs guides et même ouvert son cœur à un autre. Le reste suivrait donc fatalement, en suivant une logique similaire. Portalia était une fourmilière désorganisée, où il ne tenait qu’aux invoqués de trouver leurs alliés. Morrigan voyait dans leur étrange quatuor, composé des deux mercenaires et de la dragonne, une vision commune. Même si leurs méthodes différaient, leurs esprits critiques convergeaient tous vers un même point. L’ordre des choses devait changer et la capitale ne serait pas le théâtre de l’exécution de martyrs jugés trop curieux. Du moins, pas s’ils pouvaient y faire quelque chose.

A son retour, la tension était palpable. Même sans avoir assisté à la scène, Morrigan imaginait sans mal l’assemblée solennelle et silencieuse attendre patiemment qu’il revienne avec des réponses. A sa grande surprise, personne n’avait remis en doute sa parole et l’approche télépathique. Seule Gilda s’était moquée de son annonce, affichant maintenant un regard médusé et une confusion certaine. Elle fixait maintenant le conciliabule avec appréhension, se demandant sans doute à quel point les méthodes du mage avaient été efficaces. Après un résumé sommaire mais direct, le télépathe laissa ses interlocuteurs digérer les faits. Toute aussi pertinente et effrontée qu’à son habitude, Freya fut la première à prendre la parole après lui, afin de poser une question judicieuse.

« Hélas, ces gens là n’ont pas pour habitude de s’apostropher avec le nom de leur organisation. » lui répondit-il aussi prestement, encore secrètement vexé de ne pas avoir pu consulter davantage de souvenirs. « Mais avec toutes ces métaphores fruitières grossières, difficile de ne pas considérer les Pommes d’Eiris comme le coupable idéal. »

Le télépathe avait choisit scrupuleusement ses mots, ne pouvant affirmer ce qu’il n’avait pas pu voir de ses propres yeux. Même si tout prêtait à croire que ces noms de code à peine déguisés cachaient les agissement du groupuscule de Dark Souls déjà évoqué dans cette affaire, on ne pouvait pas simplifier et restreindre le nombre d’acteurs sur une seule interprétation. L’implication sournoise des Pommes d’Eiris n’était plus à prouver mais restait-il à savoir si d’autres opportunistes n’en profitaient pour en faire les coupables désignés. N’était-il pas aisé de cacher ses méfaits dans l’ombre d’un mal encore plus visible ?

Dans tous les cas, Morrigan donnait peu cher de ce sinistre complot maintenant qu’ils ne pouvaient plus jouir de leur discrétion. Le silence d’Hypanatoi n’était pas un présage de paix, ou du moins, pas pour eux. En s’appuyant sur son discours précédent et sur sa réputation, l’érudit ne pouvait ignorer le destin funeste qui attendait les instigateurs de ce trafic. Le paragoi avait eu ce pourquoi il était venu : une nouvelle direction. Le chemin de la vengeance s’était à nouveau dégagé et nul ne pourrait en freiner facilement son inertie. Le mage hocha la tête respectueusement aux égards du guerrier. Morrigan n’aimait pas le travail bâclé et leur accord exigeait qu’il aille au bout de cette entreprise, aussi immonde soit-elle. Si la formulation lui semblait quelque peu ampoulée, l’érudit comprenait qu’il ne s’agissait que d’un gage de reconnaissance exprimé de manière plus factuelle qu’émotive.

« C’est entendu. » dit-il d’abord en répondant avec encore plus de pudeur, peu habitué à ces élans de gratitude. « Nos buts sont plutôt similaires. Je cherche à regagner mes souvenirs, puis la trace de celui qui me les a arrachés, afin d’obtenir réparation à mon tour. Et nous savons tous les deux que tous les moyens sont bons pour y parvenir. » conclut-il sans s’épancher davantage.

Il n’avait jamais cherché l’or ou la renommée, seulement et toujours, la vérité. La vengeance était un objectif qu’il ne connaissait que trop bien. Sa dernière phrase se suffisait à elle-même. Si le paragoi ne pouvait pas l’aider présentement, une occasion se présenterait sans doute un jour. Portalia ne manquait pas de ressources sur le multivers. Entre les invoqués et les secrets bien gardés, le télépathe était loin d’avoir fait le tour du champ des possibles concernant son cas, et celui du traître. Hypanatoi n’était pas non plus du genre communicatif, aussi, son silence introspectif n’avait rien d’anormal compte tenu de la situation et des réflexions qu’elle engendrait.

Son attention se porta alors à nouveau sur Freya et ses investigations. Si ce que le paragoi avait mentionné était vrai, son enquête dérangeait un certain nombre de personnes au sein de leur institution. Ne connaissant pas le poids ni la teneur des menaces reçues, Morrigan considéra un instant la situation. Il était difficile de savoir à quel saint se vouer dans ce bourbier de corruption, et la dragonne n’était sans doute pas au bout de ses peines en empruntant la voie de la réprobation. Sans réfléchir plus que nécessaire, le mage lui adressa des paroles cette fois-ci dénuées de toute malice.

« Adressez-vous à Suzy à l’avenir, pour les affaires de la guilde. Elle feint bien trop souvent la stupidité mais c’est une femme intelligente, qui sait protéger ses agents. » dit-il en pensant à cette incorrigible pipelette du département administratif. « Ne faites confiance qu’à elle si vous entreprenez de passer un message, de faire un rapport ou de prendre une mission mandatée par la guilde. »

Les menaces ne manquaient pas et Morrigan ne serait guère surpris qu’on falsifie ses documents ou qu’on l’envoie dans un traquenard déguisé en prétendue mission. Suzy était une valeur sûre malgré son appétence pour les ragots et ses manières babillardes. Elle avait après tout gardé des informations personnelles et sensibles pour elle sans jeter Derek dans la gueule du loup, même quand les hauts responsables pressurisaient ses agents.

« Il serait fâcheux de vous voir en difficulté s’il s’avère qu’on ait besoin de vous. » ajouta t-il pour ne pas lui montrer la moindre sollicitude en lui témoignant la faiblesse de sa sympathie, bien plus à l’aise à l’idée de lui paraître aussi désagréable qu’à l’accoutumée.


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descriptionSi près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé) EmptyRe: Si près du but [Hypanatoi et Morrigan] (Terminé)

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Tant d’horreurs ont été commises par un ennemi voilé. Un nom, c’est tout ce que tu désires. Tu n’aimes pas ce qui se manigance dans l’ombre, toi qui as toujours aspiré à la clarté. Bien que ton jeu soit devenu bien plus subtile depuis ton arrivée à Portalia, tu restes de ces alphas qui préfèrent pouvoir mettre un visage et un mot sur l’ennemi. Tu as vu l’interrogatoire dans son ensemble, tout comme tu as vu Morrigan être mis en difficulté par Gilda. Il a réussi à lui extraire des informations, plus que tu ne l’aurais espéré, mais n’es-tu pas de ceux qui en désirent toujours plus ? N’es-tu pas de ceux jamais satisfaits par ce qu’ils ont ? Tu ne blâmes pas le télépathe pour sa performance, loin de là. Tu es même assez proche de lui montrer ce qui s’apparente le plus à de la reconnaissance chez toi. Il t’a aidée et tu l’aideras en retour, en lavant la réputation de Derek. Ce n’est peut-être qu’un bon échange de procédés tant vos caractères tendent à s’entrechoquer, mais te connaissant, c’est déjà beaucoup. Tu as besoin d’alliés dans ta quête de justice et de pouvoir, et tu penses pouvoir considérer Morrigan comme étant l’un d’eux.

Tu hausses légèrement un sourcil lorsque tu comprends que même ton camarade de Guilde n’arrive guère à extraire tous les souvenirs qu’il souhaiterait de cette femme. Tu devines sans mal qu’une telle remarque ferait bien du mal à son amour propre. Tu choisis en outre de n’en faire aucune. Ce n’est pas tant la bienveillance qui guide ton geste que la jugeote. Tu sais reconnaître une personne à son utilité, et Morrigan vient de te prouver ses compétences. Tu te gonflerais presque d’orgueil en devinant que tu as effectivement placé la bonne personne au bon endroit, là où ta Faction a choisi de  feindre l’aveuglement en raison du rang du principal concerné. De ton côté, tu estimes avoir suffisamment d’expérience pour reconnaître un potentiel quand tu en vois un. Tu as certes eu bien des difficultés à jauger le télépathe dans les premiers temps tant ce dernier ne s’est guère trop révélé, mais désormais, tu n’as plus aucun doute le concernant. Tu tiens Derek et Hypanatoi en haute estime, t’es battue aux côtés de ce dernier ; tout ceci n’est pas un hasard. Vous allez provoquer le changement de Portalia par vos initiatives et vos décisions. Le vent finira par tourner en votre faveur, tu en es certaine. Les portaliens n’auront d’autre choix que d’embrasser le changement ou de disparaître dans la médiocrité.

« Les Pommes d’Eiris ? C’est sans doute l’hypothèse la plus plausible. » affirmes-tu, la mine sombre, « Ainsi donc ils auraient infiltré l’Eglise ? Si tel est le cas, il ne faudra pas sous-estimer le danger. Nous ne pouvons savoir à qui nous fier. »

Tu as évidemment entendu parler de ces fanatiques qui n’éprouvent rien d’autre que de la haine à l’égard de l’Ordre. Quel que soit leur passé, tu n’éprouves aucune sympathie pour eux au vu des maux qu’ils causent à des invoqués innocents à l’image de Kemat. Il y a eu d’autres victimes, le réseau est peut-être plus étendu encore que ce que vous imaginez. C’est en outre la raison pour laquelle vous devez mettre tous les moyens en œuvre – quitte à ne pas compter sur les factions bien-pensantes – pour mettre fin à ces horreurs coûte que coûte. Les Dark Souls restaient jadis dans l’ombre ; aujourd’hui, ils font entendre parler d’eux. Pour toi, c’est la preuve de l’échec cuisant de la Guilde et de l’Eglise. Un échec à maintenir leur autorité sur la cité-forteresse. Les tares des grandes factions sont bien nombreuses à tes yeux, si bien que tu ne pourrais les dénombrer. Est-il surprenant pourtant de te voir à la Guilde ? Tu es de ceux assez fous pour la faire changer. Tu penses être celle qui remettra la Guilde sur le droit chemin ; à raison ou à tort.

Hypanatoi est un homme d’honneur. Lui aussi reconnaît la valeur de Morrigan. Tu te doutes bien que le télépathe n’est guère habitué à recevoir un tel traitement, lui à qui on ne confie que quelques basses besognes au sein de la Guilde. Pour toi, une fois de plus, tout ceci n’a rien de normal. La Guilde est devenue incapable d’aller en profondeur, d’adapter son traitement des invoqués en raison de leurs grandes différences et de leur pluralité. Tu ignores encore à quel point Morrigan sera mêlé à cette affaire, ni à quel point il souhaitera y participer. N’est-il ici que pour Derek ou est-il réellement animé des mêmes convictions que vous ? Pour le moment, cela ne te regarde aucunement. Pour le moment, ton camarade de Guilde a fait ce que tu attendais de lui. Vos chemins seront amenés à se recroiser, tu n’en doutes aucunement.

« Merci, Morrigan. »

Tu lui tends la main pour la lui serrer, comme un égal ; geste suffisamment rare de ta part pour le noter. Nulle moquerie, nulle provocation dans ton regard cette fois-ci. En ce jour – et malgré son caractère particulier – Morrigan a su s’attirer ton respect. Ce n’est peut-être pas un soldat, mais tu auras besoin des compétences de l’érudit à l’avenir. Ton regard se tourne ensuite vers Hypanatoi ; maintenant, il vous faut agir.
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