Au soleil ! exposé un peu plus au soleil ♫ [PV : Mélusine] (Abandonné)

Parce que la famille qui l’a acheté était fortunée, Mélusine n’avait jamais expérimenté l’épuisement. Tout du moins pas cet épuisement-là. Elle avait déjà travaillé des nuits entières, à s’écrouler sous un corps qui abdiquait. Elle avait déjà végété de longues heures sous un esprit éteint. Elle avait déjà cru que son corps se briserait sous les plaies et les blessures, sous l‘air claquant du fouet.. Mais finir avec cette infâme sensation d’être vidée de l’intérieur, de vouloir, de pouvoir et de ne plus savoir comment faire… C’est irritable au possible.

Si se retrouver enfermée de nouveau était ce qui la hantait et la terrifiait le plus, perdre le contrôle était en bonne position pour lui voler la place. Quoiqu’elle n’était pas tant terrifiée que ça à l’idée de perdre le contrôle de son corps. C’était révoltant, c’était injuste. Perdre le peu de contrôle qu’elle avait tendance à faire exploser sa jauge d’indignation. Et il n’était pas compliqué ni de comprendre pourquoi elle ne supportait pas ça ni en quoi elle trouvait l’instant inique.

Après tout qu’avait-elle fait pour en arriver là? Pas grand chose. Elle a accepté une simple mission qui consistait en une aide auprès des victimes passée l’attaque qui a détruit le Nord de Portalia. Incapable de savoir depuis combien d’heures elle n’avait pas dormi ou prit une pause, c’est seulement le lendemain après avoir dormi une demie-journée qu’elle aurait dû savoir que ce n’était pas suffisant. Et pourtant… Qui était assez idiote pour occulter son état et retourner dans les Quartiers Nords pour aider plus de miséreux ? Qui ne fit pas assez attention à son état et se retrouva vidée d’énergie? Et, par extension, qui se retrouva au sol, incapable de remuer le moindre muscle, les vêtements poussiéreux? Allez, un petit indice? elle a une lune à moitié effacée sur le front et un visage de poupée endormie.

Il lui semblait avoir tenté de rejoindre un poste de garde, dans une idée de demander de l’aide. C’était sûrement ce qu’elle avait dû faire. Alors comment était-ce possible que la première chose qu’elle puisse observer en ouvrant ses yeux était un plafond de planches inconnues, enveloppée d’une odeur qu’elle n’arrive pas à analyser. Son corps était lourd et instinctivement la soigneuse essaya de remuer les doigts, de bouger ne serait-ce qu’un membre. Tout était si lourd… Elle avait médité ce matin? Oui? Non? … Tout était si flou… Ses souvenirs s’entremêlaient, ses paupières se refermèrent faiblement. L’odeur du Jeune Maître lui revint en mémoire. Sa voix, calme et posée, lui récitait une leçon qu’il était tenu d’apprendre. On parlait de l'essence de vie et de l’essence de la magie. “L’avantage d’avoir une esclave comme toi c’est que je pourrais voir ce que ça fait. Parce que tu mourrais pour moi. N’est-ce pas Mélusine?”

Elle frissonna. Elle pouvait soigner mais elle ne retirait pas les sensations. La jeune femme encaissait plutôt bien, par manque de choix dans son ancienne vie, et malgré ça, tout son instinct lui hurlait de pas bouger. Il y avait cette sensation, là, tapie au creux de ses muscles. Une petite voix qui se moquait d’elle et qui semblait fredonner un hymne au corps détruit qui l’attendait. Cette même petite voix qui s’éclipsa en même temps que Mélusine retomba dans les bras de Morphée. La jeune femme retourna en classe. Debout, immobile, silencieuse, malgré le dos brûlant et les pieds en sang, elle ne disait rien. Elle écoutait les leçons qu’on imposait à son noble propriétaire. Mélusine l’aidait à réviser parfois, elle se devait de comprendre au mieux ce qu’il devait savoir. Chaque être vivant est composé d’une vie et d’une âme. L’âme offre la magie, la vie offre la fonctionnalité du corps. Chaque être se doit - d’après eux - d’avoir les deux. Un minimum de vie sans quoi le corps mourra, un minimum d’énergie pour que l’âme ne se brise pas. Les théories après divergeaient et Mélusine n’avait pas pris le temps de les apprendre. Et si c’était ça? Elle avait trop donné de son âme? Mais est-ce que l’âme se reformait, se revigorait? Et si oui à quelle vitesse? Est-ce que les règles de ce Monde étaient les mêmes?

- Elle a des jolis cheveux !
- C’est quoi sur le front?
- C’est rigolo, le dessous de ses yeux est pas de la même couleur !
- Chuuuuut! Elle dort !

Mélusine ouvrit une nouvelle fois le regard. Elle observa un petit visage, trop petit qui se recula, surprit. Son regard balaya le peu qu’elle pouvait distinguer. Avant que, lentement, elle ne s’essaie à s’asseoir. Elle pinça les lèvres en grimaçant. Seule elle aurait grogné et maugréer. Là, elle ne put s’empêcher de sourire en attrapant le verre qu’il lui tendait. Et une voix la salua. La moine observa l’enfant en papillonnant des yeux. Ce n’était pas lui qui…? Son regard observa d’autres visages. Et une armure. Un chevalier? Une chevalière? Son buste s’abaissa un peu, sa tête aussi. “Merci d’avoir pris le temps de m’avoir recueillie.” La voix était faible, le remerciement sincère. Elle resta assise et sembla réaliser que sa gorge était sèche. Une gorgée plus tard, trop déboussolée pour vérifier qu’il n’y a rien d'étrange dans la boisson, elle toussota avant de laisser sa voix s’entendre. “Je… euh… Non ce n’était pas le soleil. J’ai été engagé pour aider les victimes de l’attaque. Je devais y retourner… Mais…”

Ses sourcils s’arquèrent, ses mains se mirent à trembler et il lui fallut quelques longues secondes pour se reprendre. Elle but de nouvelles gorgées, soufflant longuement comme pour tenter de reprendre son souffle. “Vous vous occupez seule de ces enfants? Ils sont à vous?” Sa main se leva pour caresser les mèches fines d’une demoiselle. Elle gardait son sourire, de cette expression de mère fatiguée, l'éclat terni par une lassitude que l'on devinait aisément. Elle plaisanta avec la petite et rit un peu. Malgré son rire, elle semblait sur le point de s’effondrer. “Comment puis-je vous remercier?”

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