Ca sent le souffre... [avec Mary]

 - Sorciè-re, sorciè-re ! ♪ Fais gaffe à ton derriè-re ! ♫
Cécile scandait joyeusement avec ses compagnon·nes, partageant leur marche assurée à travers les sentiers sinueux. A vrai dire, elle n'avait rien contre la vieille dame qu'iels allaient embêter ; mais elle ne songeait simplement pas à celle-ci. Elle était trop excitée de découvrir ce nouveau jeu, avec un groupe super fun en plus ! Bon, la grande majorité était plus jeune qu'elle, mais... tant pis, elle pouvait bien se mêler aux gamin·es pour une fois !

En chemin, pendant que les plus jeunes dissimulaient leur terreur secrète derrière leurs chants zélés, les plus âgé·es racontaient des sombres histoires de transformation en crapaud et autres sortilèges terrifiants. Cécile faisait semblant de les croire : elle savait bien que si c'était aussi risqué, iels n'oseraient pas s'en prendre à la sorcière ! Alors, elle alternait entre mimer l'effroi et surenchérir : « Il paraît qu'elle commence par dévorer les oreilles ! » Avant d'éclater de rire quand l'un des gosses, horrifié, protégea ses oreilles avec ses mains.

Bien vite, iels arrivèrent dans les champs, devant le tronc d'arbre creusé qui servait de maison à la sorcière. Ce n'était pas très difficile : depuis quelques centaines de mètres, leur guide suivait simplement l'odeur nauséabonde. Quelle horreur ! Et Cécile qui pensait qu'iels exagéraient, quand iels parlaient d'un fumet de cadavres en décomposition ! Sa voisine de route geignit que ça lui rappelait son petit frère d'un an couvert de vomi et d'excrément, et Cécile rigola.

Mais la croisade arrivait à son moment clé. La cheffe, une brune de 18 ans, beugla :
 - VOUS AVEZ VOTRE PANIER DE FRUITS POURRIS ?
Cécile souleva le sien en unissant son cri joyeux à celui des autres :
 - OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIS !!!

Iels s'étaient dûment entraîné·es à en lancer avant : dès que la vieille sortira, ce sera chacun·e pour soi, alors il fallait bien couvrir sa bicoque avant ! Cécile n'avait pas envie d'avoir fait tout ce trajet pour voir ses projectiles s'écraser misérablement dans les fougères qui entouraient l'endroit...

 - Prêts ? Une, deux... et trois !

Dans un même mouvement, la bande s'époumona :

 - LA SORCIERE QUI PUE, VOILA TON REPAS !

Et les projectiles fusèrent, tout droit sur cette masure bizarre !

C'était une journée des plus ordinaire pour Mary. Le soleil était présent et elle avait décidé de prendre son temps dans ses champs, Brindille vadrouillant au milieu des plantes pour repérer celles qui avaient besoin de l'aide de l'elfe. La brune en profitait pour faire pousser quelques fleurs nécessaire à la lutte contre les insectes nuisibles, jouant sur les associations de végétaux pour une protection optimale sans le moindre produit trafiqué.

Le programme de la journée s'annonçait plutôt calme jusqu'à ce qu'elle sentes un groupe d'essence rappliquer vers chez elle. Elle redresse la tête, juste pour voir qui venait et fronce les sourcils en voyant les gamins avec un panier. Elle les entend gueuler et les regarder lancer leurs projectiles sur sa maison tronc. Discrètement, elle fait signe à Brindille de fusionner et c'est un sourire malsain qui tord les lèvres d Mary.

A peine les premiers fruits pourris sur la maison que des lianes viennent sortir de terre pour choper tout les gamins. Mary sort de son champ, la peau devenue un peu plus écorce dû à l'activation de son pouvoir.

- tient, tient tient, d'la racaille d'la cité ~ Alors comme ça on crois qu'peut balancer d'fruits pourris sans problème sur l'baraque des gens ? Bah voyons ~

Et sans prévenir, l'elfe, qui tenait tout les gamins par les pieds dans ses lianes, se met à faire agiter les grands fouets végétaux de manière à faire tourner les gosses comme s'ils étaient dans une centrifugeuse. Oh, aucun d'eux ne pouvait faire grand chose vu leur faiblesse de puissance. Les hurlements se font entendre et le sourire de Mary s'élargit. Lorsqu'elle juge qu'ils sont assez secoués, elle les balance assez loin, visant un enclos de boue avec des cochons dans la ferme voisine. Elle laisse simplement l'un des gamins accroché à sa liane. Autant s'amuser un peu non ?

La gamine avait les cheveux bleu, court et une tenue des plus bizarre aux yeux de l'elfe.

- On veut ref'aire un p'tit tour d'manège la morveuse ?

Mary fixait Cécile avec un immense sourire sur le visage, ne faisant pas lâcher les pieds de la jeune fille par ses lianes.

Platch ! Floutch ! Les fruits volaient, s'écrasaient sur le tronc, et Cécile jubilait de ses beaux lancers.  L'une des aîné·es du groupe la félicita même pour une tomate en pleine fenêtre, et elle ne se sentit plus de joie. C'était vraiment une super fun activité !

Tiens ? Qu'est-ce que c'est qui venait lui chatouiller le moll-

 - HAAAAAAAAAAAAAAA !!!

D'un coup, d'un seul, toute la ribambelle se trouva pris dans des herbes folles. Cécile s'amusait tellement qu'elle en avait oublié la menace ! Toutes et tous tournaient la tête comme des possédé·es, cherchant du regard la sorcière qui était sûrement la cause de tout cela. Alors, elle se montra :

 - tient, tient tient, d'la racaille d'la cité ~

La première réflexion de Cécile fut qu'elle avait l'air vachement moins effrayante en vrai que dans les histoires des grand·es. Là, comme ça, on aurait plutôt dit une sauvage sans le sou qu'une puissante lanceuse de malédictions. D'ailleurs, elle-

 - HAAAAAAAAAAAAAAA !!!

Cécile et ses camarades du jour se retrouvèrent pris dans un grand huit qui, dans un autre contexte, aurait pu être très amusant. Dans l'immédiat, Cécile ressentait plutôt un genre de terreur désorientée, laquelle était aggravée par les fruits pourris qui sortaient violemment des paniers et frappaient tout azimut*.

Et puis, sa terreur devint bien concrète quand elle vit les autres se faire jeter à l'horizon.

Pourtant, son tour ne vint pas, et la plante se calma. Malgré sa tête à l'envers, elle en ressentit un bref soulagement... avant d'envier ses camarades, bien à l'abri dans la boue alors qu'elle était désormais seule face à la Sorcière.

 - On veut ref'aire un p'tit tour d'manège la morveuse ?

  - Non non non, Madame !

Ce n'était pas tant la crainte de revivre l'expérience qui parlait, que celle de finir projetée contre un arbre et de s'y briser la nuque. Elle préférait encore finir chez les truies !

A propos de cochons, elle vit ses camarades qui la fixaient plus loin, dans un mélange de peur empathique et de curiosité psychopathe. Elle était seule face à l'ennemie, dernière résistante et potentielle martyre, sous le regard avide du groupe défait. Oui, elle... elle les représentait désormais ; elle investie de la dignité (bien ébréchée) du bataillon enfantin. Iels comptaient sur elle, elle devait prouver sa valeur, elle devait se faire accepter, elle devait être spéciale à leurs yeux !

Finalement plus motivée par son besoin obsessionnel d'être appréciée que par un quelconque honneur, elle répliqua d'une voix tremblante :

 - Mais... heu... j'ai pas... j'ai pas peur. Et si vous... si vous me transformez en grenouille... et bien, je... j'en profiterai pour sauter partout !

Ca n'avait pas beaucoup de sens, mais Cécile n'était pas dans le meilleur contexte pour trouver LA réplique qui tue. Elle avait la tête qui tournait, sûrement à cause du tour de manège... et elle y avait mal, aussi, maintenant que l'adrénaline refluait. Surtout un point précis, près de la tempe droite, où un fruit l'avait frappé. Et puis, le jus qui en coulait était bizarrement chaud... et rouge...

Plus loin, elle entendit la cheffe chuchoter d'un air mécontent sur une plus petite :

 - On avait dit pas de pommes, imbécile !





* Une ironie qui, sans mauvais jeu de mots, est d'assez mauvais goût.

L'elfe brune croise les bras, son visage strié comme un jeune arbre, un sourire narquois collé sur les lèvres et elle fixait ainsi sa proie après avoir envoyé valdinguer les camarades de la petite bleue chez les truies. Elle se met à rire à gorge déployée, un rire gras qui s'accompagne d'une série de pets sonores venus du fond de ses entrailles.

- en grenouille. Bah voyons gamine. Nan, si j'te transform", c'est en carotte, pour donner à Sunny. S'ra bien content d'bouffer une carotte géante et tu foutra la paix aux gens qui bossent. Sinon j'peux t'balancer d'l'autre côté des murs et laisser les harpie t'buter. J'te laisse l'choix.

Un sourire mauvais vient étirer son visage et à l'éclat dans ses yeux, Cécile pouvait deviner que Mary serait bien capable de le faire et sans le moindre remords. Elle tourne la tête vers le groupe de gosse qui visiblement n'avait pas compris la leçon. D'un mouvement de la main, une cage de liane vient les entourer, ou plutôt un cocon qui vient se refermer entièrement sous le groupe, sol compris, les enfermant dans une pièce close, sans fenêtres, sans porte.

Une boite en lianes.

- Bien, tes petits camarades arrêterons leurs conneries ~

Puis elle reporte son attention sur la jeune fille quand un fermier rapplique.

- Mary, les graines de choux sont......c'est quoi ça ?

Un homme d'apparence jeune arrive, habillé de manière plutôt paysanne et accompagné d'un renard venait d'arriver, un sac accroché à sa ceinture qu'il commençait à défaire pour le donner à Mary.

- Un groupe d'gamin qu'a rien trouvé d'mieux à faire que v'nir m'emmerder.

L'étranger s'approche de Cécile, toujours pendue par les chevilles et en fait le tour comme s'il l'inspectait.

- Insolence, stupidité, intelligence proche de 0, non respect. oui, oui, les ingrédients des adolescents. Hélas je crains que la décapitation ne soit nécessaire pour comprendre pourquoi ce genre de créature est plus idiote qu'un Groll. Il suffira de recoudre la tête par la suite ~

Il offre un air profondément désolé à la fermière.

- T'es sûr Merlin ? L'coup de r'coudre la tête ? Parce que c'genre de salope'rie, l'ville s'en portera mieux sans hein....
- et bien j'ai autre chose à te proposer. Il y a une scientifique au quartier nord qui a une petite boutique intéressante. On lui emmène. je suis sûre qu'elle sera ravie de faire des expériences dessus. Comme ça on bazarde le problème ambulant à une autre.

Mary est songeuse puis regarde Cécile avant d'avoir un grand sourire sur le visage.

- Et bien on dirait qu't'as l'choix veinarde, tes p'tits camarades par contre je vais les envoyer chez cette scientifique direct, un p'tit avant-goût ~