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Hypanatoi Konostinos
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descriptionNoble labeur (Arya) EmptyNoble labeur (Arya)

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Il pouvait penser à sa haine. C’était une bonne chose, en vérité : il restait concentré grâce à elle, il mijotait et cuisait et prenait sa saveur, et se rappelait pour longtemps de ce que cette cité maudite réclamait de lui. Il pouvait y penser, et la contempler, et la regarder avec la passion des sages qui tentaient de deviner dans le mouvement des brins d’herbe et dans l’alignement des colonnes des fourmis l’ordre du monde. Il le pouvait, c’était facile, et il le faisait en vérité très souvent, avec des facilités impudiques et mal maîtrisées. Il se rappelait de Portalia, d’abord. D’un monde horrible, qui avait remplacé la terre mille fois glorieuse de sa naissance par la fange amorphe d’un endroit vide de sens. De ses habitants, ensuite. A peine mieux que des bêtes, incapables de se comprendre, incapables de se dominer, beuglant et vagissant et braillant seulement pour préserver leur pré carré. Mais quel braiement ! Quel déploiement d’énergie. Sa mâchoire se tendit, la peau de ses joues semblant s’effondrer pour former deux creux symétriques laissant entrevoir l’arrête de son crâne. Il souffla doucement. Il pouvait faire cela. C’était facile. C’était une bonne chose. Mais ce n’était pas ce qu’il devait faire maintenant, pas aujourd’hui, pas comme cela ; il devait s’approcher de l’antre putride avec un esprit aussi distant que possible, avec l’œil céleste du rapace affamé ; il fallait comprendre, et prendre, et apprendre, et repartir sans salissure. Tout cela était difficile.

Il y parviendrait.

Il n’avait pas réellement le choix.

Il n’avait jamais réellement le choix : il faisait ce qu’il devait.

Retenant un énième grognement frustré, il calma tant bien que mal le roulement de son ventre et la chaleur de ses poumons. Sa main se serra autour de son arme, et sous son heaume sa langue claqua, frappant l’arrière de ses dents. Devant lui s’étendait paresseusement la masure que la personne qui motivait sa plongée dans les quartiers nord appelait sa boutique. Il ne commenta pas sur l’état du bâtiment. Même les plus belles pièces d’urbanisme étaient ici dépourvues de vision artistique. Ces gens ignoraient le beau, comme ils ignoraient tant de choses. Il suffisait pour s’en convaincre de constater l’absence d’efforts fournis pour embellir leur existence, ou le plan chaotique et forcené de leurs rues claustrophobes. Tout ici n’était qu’anarchie et entassement, des gens aux bâtiments en passant même par leurs organisations et leurs factions. Rien n’était fait de manière raisonnée, simplement parce que la raison gardait stérile les esprits des naufragés de ce navire immobile. Il poussa la porte, doucement, prenant garde à ce que le métal qui recouvrait ses mains ne heurte pas trop violemment le seuil branlant, et il s’immisça dans l’espace réduit. L’endroit avait été conçu pour les gnomes typiques de ces lieux. Hypanatoi était trop large, ou trop grand, ou les deux, comme souvent, et il dut consentir à plier légèrement l’échiner et se tourner de profil pour passer. Finalement, il put de nouveau se déployer, une fois venu à l’intérieur de cet endroit. Son œil intérieur passa rapidement en revue la pièce. Rien de particulièrement intéressant. Ce qui se vendait n’était de toute façon pas réellement matériel. La créature portalienne qui possédait cette tanière était une pie : le brillant des promesses l’excitait plus sûrement qu’une esclave fraiche un laniste.

Divins, il sentait déjà des envies de meurtre faire trembler ses doigts. Finissant de s’introduire dans l’endroit, il se racla discrètement la gorge, avant de donner de la voix, celle-ci s’extirpant péniblement hors de lui :

« Je suis Hypanatoi Paragoï Konostinos, laissa-t-il claquer. Hypanatoi suffira. Je viens parler à Arya, et chercher auprès d’elle certains renseignements. Qu’elle coopère, et sa récompense sera grande. »

L’introduction était faite, la formulation rituelle était prononcée. Il n’était pas utile de parler de l’alternative à l’acquiescement. Il lui fallait attendre, maintenant. La jeune femme avait sans le moindre doute des informations à lui communiquer. Son nom, après tout, apparaissait parfois dans les rapports de ses adversaires, quand ses mains épaisses faisaient monter de leurs lèvres des cantiques de confessions. Et cela lui suffisait. Il doutait en vérité qu’elle soit directement impliquée, encore que cette théorie ne soit pas entièrement déraisonnable. Cela, de tout façon, ne revêtait pas la moindre importance. Il avait à obtenir d’elle quelque chose, et elle allait le lui donner. Le reste n’était qu’habillage, tergiversation, et vanité, trois travers que le paragoï pouvait sincèrement prétendre éviter.
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descriptionNoble labeur (Arya) EmptyRe: Noble labeur (Arya)

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-Laissez-moi vous expliquer une dernière fois. Vous ne pouvez pas changer d'avis après que je vous aie obtenu votre bien monsieur Grimswood.

Arya affiche un sourire bienveillant à l'aventurier qui se tient devant elle, mais intérieurement, elle fulmine. Lysander Grimswood a beau être un de ses meilleurs clients, il met systématiquement sa patience à rude épreuve. Le vieil homme, probablement devenu un peu sénile, lui commissionne toujours des choses plus étranges les unes que les autres. Ce qui ne serait pas un problème, s'il n'oubliait pas systématiquement qu'une fois l'objet acquis, il est obligé de l'acheter. Le sujet de la bataille d'aujourd'hui est une épée, dont la lame à la forme d'un... Tire-bouchon ? Pas besoin d'être un expert pour comprendre que cette "arme" tient plus d'une décoration fantasque que d'un quelconque ustensile de guerre. Mais bon, il ne m'a pas demandé de lui fournir quelque chose d'efficace après tout.

Alors que le vieil homme tente encore une fois de faire comprendre à Arya qu'il n'a jamais commandé telle étrangeté, la jeune femme se concentre sur la décoration de la pièce, sa seule échappatoire à cet énième dialogue de sourds. Toute la boutique est arrangée pour donner un subtil sentiment de luxe, du moins autant que possible, mais la pièce maîtresse de l'établissement est sans aucun doute le cabinet d'Arya : de confortables fauteuils en cuir, ornés de coussins sur lesquels sont brodés le symbolique papillon Vaelis, font face au bureau en bois sombre de la demoiselle, richement décoré de motifs floraux au milieu desquels règne majestueusement le même symbole que sur les coussins. Placé parfaitement au centre de la pièce, ce dernier est sublimé d'un doux éclairage émis par un lustre argenté, seule source de lumière en ce lieu. Situées contre les murs latéraux, se trouvent plusieurs armoires faites du même bois sombre que le bureau dans lesquelles Arya entrepose ses commandes, quelques bons crus, ses contrats ou encore les objets plus... Sensibles, qu'elle achète de temps en temps et qu'il n'est pas judicieux d'exposer en boutique. Pour finir, triomphalement exposée derrière la chaise de la maîtresse des lieux se trouve une peinture du papillon Vaelis. La quasi-totalité des gils acquis par Arya depuis son arrivée sur Portalia ont été investis dans ce bureau. Était-ce vraiment rentable ? Probablement pas, mais la jeune femme avait besoin d'au moins une pièce qui lui permettrait de se rappeler, un tant soit peu, du luxe dont elle jouissait dans son ancien monde.

Tandis qu'elle rumine sa frustration, Arya fouille à l'aide d'une main d'ombre un des tiroirs de l'armoire à sa gauche. Elle connaît par cœur le contenu desdits tiroirs, et au bout de quelques minutes, elle en sort un contrat qu'elle pose ensuite délicatement sur son bureau. Patiemment, elle continue de faire semblant d'écouter Lysander jusqu'à ce qu'il finisse de parler. Elle déroule alors délicatement le morceau de papier avant de le porter, toujours à l'aide de ses mains éthérées, jusqu'aux yeux du vieillard.

-Je comprends votre frustration monsieur Grimswood mais ce contrat, signé de votre main, contient une clause d'obligation d'achat. Loin de moi l'idée de vous refourguer un objet qui ne vous sert pas, mais je vous prie de comprendre qu'acquérir votre bien m'a coûté.

Le vieil homme lit pendant quelques minutes le contrat, visiblement perturbé de trouver son écriture sur un bout de papier dont il n'a pas un traître souvenir. Arya profite de cet instant de répit pour s'affaler sur sa chaise... Elle a déjà vécu la situation une petite dizaine de fois, ce n'est plus qu'une question de temps avant que Lysander se souvienne qu'aussi étrange que cela puisse paraître, il a bien commissionné Arya pour cette épée. Mais alors qu'Arya savoure à l'avance sa victoire du jour, le bruit de la porte de sa boutique vient la sortir de sa rêverie. Un pas lourd se fait entendre, rapidement suivi par une voix tonitruante. Quelques secondes, semblables à des heures, passent sans que rien ni personne ne bouge. Hypanatoi ? Qu'est-ce que le fou furieux qui a massacré la moitié du quartier nord peut bien me vouloir ? Ça, c'est probablement mauvais signe. Arya secoue sa tête d'un coup pour reprendre ses esprits. Il n'est pas venu pour la tuer. Ou du moins, pas pour l'instant. Il a parlé d'informations... Un aventurier de son statut n'a probablement pas besoin de conseils pour s'équiper ou se fournir, il fait probablement référence à sa quête d'extermination. Et heureusement pour elle, Arya possède bel et bien quelques informations sur l'objet de la colère d'Hypanatoi. Il faudra que je lui demande comment il est au courant pour mon deuxième commerce. Si elle joue bien son jeu, cette situation désastreuse aux premiers abords peut devenir une opportunité en or d'obtenir un pion puissant. Rassemblant son courage à deux mains, elle se lève de sa chaise avant de s'adresser à Lysander.

-Monsieur Grimwoods, on dirait que le devoir m'appelle. Ne le prenez pas mal, mais je ne peux guère me permettre de perdre plus de temps à vous prouver mon honnêteté.

Visiblement toujours sous le choc, le vieillard dépose une bourse et le contrat sur le bureau d'Arya sans rien dire. La jeune femme ouvre la porte de son cabinet à l'aide d'une de ses mains d'ombres, et invite Lysander à s'en aller. Elle le raccompagne d'un pas calme et contrôlé vers la sortie. Quoi qu'il arrive, elle doit garder le contrôle sur la situation, et ça commence par garder le contrôle sur elle-même. Elle se tourne alors à sa gauche, là où se trouve la boutique et voit... Un golem de fer ? Un ours en armure ? Comment diable a-t-il fait pour passer la porte sans la briser ? Elle jauge l'individu quelques secondes... Pas de doute, il s'agit en effet du même Hypanatoi qui a tant fait parler de lui dans le quartier nord. Arya inspire un grand coup, avant d'expirer calmement. Elle a toujours été faible, même dans son ancien monde. Elle a déjà vécu ce genre de situations, et elle s'en est toujours tirée. Qu'est-ce qu'une fois de plus ?

-Mes salutations, chère Hypanatoi. Arya Vaelis, pour vous servir. Vous êtes chanceux, je viens tout juste de conclure un contrat, et suis donc disponible de suite. Entrez donc, je vous prie.

Arya l'invite à la suivre d'un signe de la main, et rentre aussitôt dans son cabinet. Tout en remettant de l'ordre dans la pièce à l'aide de ses nombreuses mains, elle s'écrie :

-Puis-je vous servir quelque chose ? Je ne peux guère vous proposer la sélection d'un caviste, mais je possède tout de même quelques bons crus.

Arya s'installe ensuite confortablement derrière son bureau. Si elle est stressée, elle n'en laisse rien paraître : seule son assurance si singulière rayonne, plus forte que jamais. Cette rencontre est probablement la plus importante, et aussi la plus dangereuse, depuis son arrivée à Portalia. Mais d'un côté... Si elle arrive à se mettre cette machine à tuer dans la poche, son ascension dans la sphère criminelle s'en trouvera grandement facilitée.
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Hypanatoi Konostinos
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Le manège de ces créatures ne manquait jamais de le fasciner. De le dégouter, aussi. Souvent, il lui faisait penser à des souvenirs tendres et chéris, et l’association incongrue de ces images, là aussi, provoquait un chuintement de sentiments contradictoires. L’image du ventre ouvert de ce sanglier, illuminé par un rai de lumière qui frappait les pierres du flanc de la montagne, et ses entrailles pleines d’une vie parasite l’avait longtemps suivi. Elle lui servait beaucoup, comme le faisaient ces quelques souvenirs qui s’imprimaient durablement, et que l’esprit refusait de laisser mourir. Il ne pouvait plus se souvenir de ce qu’il avait mangé le soir, trois jours auparavant ; il était encore capable de dénombrer les différents grouillants qu’il avait pu observer, et se rappelait du toucher tendre des boyaux, et de l’odeur acre et tenace. Il doutait que l’homme qui le contournait en ce moment laisserait dans son esprit une marque aussi impérissable. Il ressemblait à tant d’autres ici. Petit. Coulant. Mal construit. Craintif. Hésitant. Indécis. Il portait ces adjectifs sur lui comme une odeur méphitique. Mais il n’était pas une carcasse, et son interlocutrice, qui maintenant qu’il finissait de s’extirper des entrailles de son antre hélait le paragoï, n’était pas un insecte charognard.

Pas réellement.

Il s’approcha, d’elle, lentement, un index pensif glissant de haut et de bas en haut sur le manche de sa lance, le crissement léger du métal contre le métal couvrant aisément sa respiration profonde. Elle le connaissait. Ce n’était pas étonnant. Si son arrivée sur ce monde l’avait propulsée dans la masse anonyme du bas-peuple, il lui avait toujours paru comme évident que cela ne pouvait être que temporaire. Il ne s’était pas à l’époque imaginé qu’il regagnerait l’éclat de la célébrité d’une façon aussi abrupte, mais ce n’était qu’un détail très secondaire. Celle-ci était de toute façon un produit secondaire, et ce qui importait restait l’accomplissement de sa vision. Le reste suivrait.

Elle lui proposait à boire, et ce n’était visiblement pas une courtoisie à laquelle le vieillard tremblotant expulsé de sa boutique pouvait prétendre. Elle tentait de l’amadouer, ce qui était plus étonnant. Le portalien classique, possédé d’une très haute – bien que dans la majorité des cas peu justifiée – estime de lui-même, avait généralement très peu conscience de la hiérarchie sociale qui régissait les rapports. Il se voyait comme une unité indépendante, autosuffisante, et surtout possédant des frontières infranchissables. C’était un des grands mystères que le paragoï ne parvenait toujours pas, malgré ses études continues, à s’expliquer. Cet état de fait ne se fondait sur rien, et perdurait dans l’état de cadavre semi-cohérent que tous lui connaissaient simplement parce que tout le monde se satisfaisait de cette charogne. Se tirant de ses pensées, il se rendit compte qu’il avait laissé flotter un moment de silence plus long que ses pauses habituelles. Otant lentement son casque de sa tête, il termina son approche devant le bureau derrière lequel la boutiquière était retournée, et il déposa le précieux objet dessus, le métal noirci et couturé des mêmes cicatrices que sa face contrastant avec le bois vieilli, bien qu’encore globalement intact.

« Tu le peux, répondit-il, avant de hocher la tête. Tu es une hôtesse grâcieuse, et j’accepterai avec bonheur ton vin, enchaîna-t-il, la formule rituelle s’échappant par automatisme de ses lèvres. »

Cet endroit était fou. C’était dans cette pièce borgne, auprès d’une personne douteuse, qu’il pouvait bénéficier d’un accueil respectueux. Portalia. Portalia. Portalia. Le nom résonnait dans son esprit, comme un spectre persistant. Il se détacha de nouveau de ses ruminations, craignant de se laisser une fois de plus prendre par elles.

« Comme je l’ai annoncé, j’ai besoin de tes services. Tu connais mon nom et mon apparence, et tu connais donc la raison de ma venue ici. Ton nom, tu le devines, s’est échappé des lèvres de mes ennemis, après que je les ai interrogé. Je l’ai retrouvé, parfois, mentionné dans certains rapports. Moi aussi, je te connais. »

Il posa sa main libre sur la table, doucement, craignant de froisser la matière meuble sous les doigts griffus de son gant, et se pencha légèrement en avant, pour continuer.

« Tu n’es pas encore morte, car je ne te pense pas impliquée trop directement. Parle. Parle de ce que tu sais d’eux, librement, et sans que je t’y contraigne. Fais la preuve de ta bonne volonté. Je doute d’avoir besoin de moi-même te parler de la nature de ta récompense, si tu obtempères. »

Il connaissait ce genre de créature. Il y avait été exposé, depuis qu’il était emprisonné dans cette prison sans murs, forcé de supporter les exhalaisons de cet endroit. Ils n’étaient pas des insectes nécrophages. Ils étaient des oiseaux prudents, le cou long et dégarni, perché sur leurs branches, et ils regardaient en croassant d’un air satisfait le manège des corps gras et des tunnels qu’ils creusaient dans la chair docile du cadavre. Ils attendaient. Hypanatoi n’était pas convaincu qu’ils savaient exactement ce qu’ils attendaient. Il savait, en revanche, qu’il pouvait les convaincre très aisément que le temps de l’attente était définitivement révolu, et qu’il convenait maintenant de se faire un héraut du mouvement, un champion de l’action. Sa main, sur sa lance, cesse son mouvement. L’autre se mit à pianoter sur le bois de la table, doucement, en agitant simplement deux doigts épais et lourds.
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Tandis qu'Arya finit de ranger les quelques broutilles qui traînent encore sur son bureau, son invité accepte sa proposition aussi solennellement qu'il s'est présenté. Le guerrier a beau être quelqu'un d'assez direct, il semble tout de même apprécier les formules simples de bienséance. La jeune femme réfléchit une minute... Quel genre de boissons un homme comme Hypanatoi peut-il apprécier ? Quelque chose de fort, de simple, d'efficace. Un vin classique ne fera certainement pas l'affaire. Arya réfléchit pendant de longues secondes, avant d'envoyer trois de ses mains fouiner dans l'armoire à sa droite. Elle en sort une bouteille à l'allure travaillée, dont le cristal transparent laisse entrevoir un liquide pourpre, suivie de près par deux verres finements ouvragés du même matériau. Il s'agit là plus d'une liqueur que d'un vin à proprement parler : le goût de cet alcool, beaucoup plus prononcé, réveille la gorge avant de laisser place à de subtils arômes de raisins et d'épices. C'est loin d'être la boisson préférée d'Arya, mais c'est le parfait compromis pour son hôte du jour. Elle verse délicatement l'alcool dans les deux verres, puis dépose la bouteille sur un coin de son bureau avant d'amener sa coupe à ses lèvres d'une ombrageuse main.

Hypanatoi finit par s'installer et retire son casque pour le poser sur le bureau, révélant un visage meurtri par les cicatrices et deux yeux balafrés. Chose qui, étrangement, n'a pas l'air de le gêner plus que ça. Une part d'Arya a envie de lui demander son secret, mais l'ambiance ne s'y prête guère. Et puis de toute façon, c'est loin d'être la chose la plus étrange qu'elle ait vue depuis son arrivée à Portalia... Son ancien monde était bien plus simple, plus uniforme. Avant, elle n'avait pas besoin de se demander par quel orifice son interlocuteur la regarde. Avant, tout était si simple... Sa maison, sa famille, son empire... Tout était sur le point d'être parfait. Ressaisis-toi. L'espace d'un instant, Arya a bien failli se laisser happer par sa nostalgie. D'une voix toujours aussi stoïque, Hypanatoi confirme les théories de la demoiselle : c'est bien sa quête de destruction qui l'amène ici. Et c'est en interrogeant un de ses "ennemis", terme terriblement vague dans la bouche d'un homme de sa mentalité, qu'il a entendu parler d'Arya. Pire encore, son nom figurerait apparemment dans des rapports. Les dents de la jeune femme grincent au son de ces mots, et une colère froide noie ses yeux noir de jais. Que cela soit si facile pour un aventurier d'en apprendre autant sur elle la rend déjà folle de rage, mais qu'en plus il existe des preuves écrites l'inculpant est tout simplement inacceptable. Arya ferme les yeux, et prend quelques secondes pour réfléchir... Elle n'a parlé qu'à une seule personne affiliée à cette organisation : Magnus Ornel, un misérable bandit du quartier nord, visiblement dénoué du moindre instinct de survie. Il n'a pas respecté les termes de leur contrat, et Arya compte bien lui faire payer le prix fort. Personne ne la trahit impunément, il fera un magnifique exemple. Mais chaque chose en son temps, il y a plus urgent.

Comme si ce n'était pas assez clair depuis le début, Hypanatoi se penche légèrement vers Arya pour lui proférer ce qui ressemble à un mélange entre une menace et une offre. Le colosse a cela dit le respect d'essayer de ne pas abîmer le bureau de la tenancière dans sa tentative, bien que superflue, de lui faire comprendre qu'il peut l'abattre d'un claquement de doigts. Quel personnage étrange... Sa tendance à agir comme s'il était supérieur à Arya l'agace au plus haut point, mais d'un autre côté, il a démontré une certaine sensibilité aux manières et au savoir-vivre. Le problème vient probablement du fait qu'Arya ne lui inspire aucun respect. Est-ce dû à son manque apparent de force ? De ses activités ? Peu importe, au final. Très calmement, elle regarde Hypanatoi directement dans ses balafres.

-Je suis disposée à vous partager mes informations, cela dit, je pense qu'il est important d'éclaircir deux ou trois petits détails. Premièrement, vous exigez de moi une preuve de ma bonne volonté. Vous la tenez en main, très chère. En temps normal, aucune arme n'est tolérée en ce lieu. C'est plus une question de respect que de sécurité, les gens comme vous étant de toute façon capable de m'abattre à mains nues si l'envie leur en prenait. C'est un lieu d'échange, de commerce, où l'on scelle des contrats. Les armes n'ont nullement leur place ici. Cela dit, je me doute que vous n'auriez jamais accepté de vous séparer de votre précieuse lance et, en guise de bonne foi, me suis dit que j'allais exceptionnellement faire une dérogation à cette règle pour votre confort.

Arya marque une pause pour prendre une gorgée de sa liqueur, puis reprend.

-Deuxièmement, si c'est avec plaisir que je vais vous aider dans votre quête, c'est important pour moi que nous soyions limpides sur ce que nous attendons l'un de l'autre. Vous avez dit que ma récompense serait "grande", mais ce terme est terriblement subjectif. À mes yeux, les gils ne sont pas la plus grande des récompenses. Je doute très sincèrement que vous acceptiez ce que je définis comme tel. Je n'en ai peut-être pas l'air, mais j'apporte beaucoup d'importance aux notions d'honneur et d'ordre. Enfin... Tant qu'on ne se trompe pas sur la majuscule.

Arya laisse s'échapper un rire amer. L'Ordre... Cette maudite entité qui s'est permis de lui arracher sa vie pour la lâcher, comme une ordure parmi tant d'autres, dans cette poubelle cosmique du nom de Portalia. Sa fureur, déjà attisée par les nouvelles que lui apporte Hypanatoi, flambe de plus belle. Il faut qu'elle se contrôle. L'heure n'est pas à la haine, mais aux négociations.

-J'espère avoir été suffisamment claire. En guise d'ultime preuve de bonne foi, je suis prête à ne pas tenir compte de ces quelques manquements. Rares sont ceux qui partagent ma mentalité dans ce monde, il serait stupide de vous en tenir rigueur. Les seules informations vérifiées que je possède pour l'instant sont un nom, et l'habitation dudit nom. J'ai aussi quelques pistes, çà et là, mais je ne peux garantir que ces criminels soient affiliés à votre organisation. Maintenant, dites moi, qu'êtes-vous prêts à m'offrir ?
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Elle parlait. Comme beaucoup de gens de son espèce, elle faisait du commerce des mots son arme. Sa langue, son petit morceau de viande baveux et mou, s’agitait dans sa bouche et claquait et se tendait et se tordait sur lui-même pour manifester toutes les inflexions de sa parole. Elle parlait, comme les portaliens le faisaient, convaincue qu’elle était du poids que ses mots contenaient, parce que pour elle ses mots étaient précieux. Il ne le comprenait toujours pas. Que l’on puisse penser qu’une parole avait une valeur qui ne puisse être réduite à celle de son interlocuteur était pour lui indéchiffrable. Ces gens, invariablement, parlaient de la valeur de l’écoute. De la parole. Du dialogue. De l’échange. Et pourtant, tout stagnait, et rien n’était modifié, et ce qui les intéressait se limitait à l’univers étriqué que l’horizon de leurs yeux aveugles dévoilaient. Il retint une inspiration courroucée. Lui aussi, souvent, ressassait les mêmes idées : devant l’infinie répétition du spectacle offert par ces gens, il lui était difficile de se souvenir qu’il devait faire preuve de magnanimité et de patience. Il laissa terminer, donc, et quand elle mentionna son arme, ses doigts se refermèrent autour de cette dernière. Qu’on puisse penser qu’il pouvait se présenter dénudé dans un endroit comme celui-ci était absolument ridicule. Qu’on ose en plus lui intimer que c’était là un privilège qu’on lui accordait était propre à faire rejaillir les braises de sa colère. Elles couvaient, aujourd’hui comme hier et comme demain, dans le creux de son ventre.

Cette pustule infecte que ces gens appelaient cité entendaient lui dicter ce qui était ou non pour lui un privilège. Ces rats aux visages disgracieux, à peine plus nobles que les bœufs au col alourdis par la marque du maître, pensaient avoir devant lui le droit de parler d’accords et de grâces. Il manqua de peu de lui couper la parole, et se retint quand elle parla de la récompense attendue. Elle se prétendait au-dessus des bas instincts mercantiles des autres membres de sa caste. Elle parlait d’honneur, quand pour commercer elle marchandait des pièces de la vie des gens, tranchés dans le vif comme par le hachoir d’un boucher aux mains sales. Elle se targuait de notions qu’elle ne comprenait pas. Et cela retint sa voix. Il ne pouvait rien lui dire. Il n’avait rien à lui dire. Elle venait de l’exprimer, bien que différemment, et il devait le concéder : rien d’autre que le troc ne parviendrait à percer les frontières de son esprit.

Il devait se retenir.

Il ne pouvait rendre les portaliens meilleurs. Il ne pouvait les rendre forts, ou dignes, ou méritants. Il n’était même pas sûr de pouvoir réellement expurger la faiblesse et la crasse de leurs âmes. Et ce n’était de toute façon pas l’ordre du jour. Portant enfin le verre qu’elle lui avait offert à la bouche, il huma brièvement son arôme, avant de le gouter. Rond. Complaisant. Proche du vin, sans en être réellement, il ressemblait aux boissons épicées que l’on servait aux jeunes gens, lorsque leurs premiers apprentissages se concluaient. Se contentant d’une gorgée, il le reposa doucement sur le comptoir. Cela suffirait, et cette pause et ce geste avaient calmé son sang trop facilement bouillonnant.

« Soit, fit-il simplement. Tu marchandes ici des informations, et je vais faire preuve d’une grande générosité en t’en offrant une : je ne suis pas encore certain de devoir t’épargner. L’honneur de mon monde réclame que toute personne que je jugerai coupable soit tuée, fit-il en balayant lentement l’espace qui le séparait de son interlocutrice du tranchant de la main. Toutes, insista-t-il, se rappelant que les portaliens avaient souvent du mal à comprendre qu’il n’employait pas ici une figure de style. Et je réserve pour l’heure mon avis sur toi. Coopère, et j’épargnerai ta vie. Coopère, et tu pourras suivre dans mon sillage, et trouver comme les gens de ta trempe le font quelques morceaux laissés sur le bord du chemin. Refuse, et tu mourras. J’ai extrait de mes adversaires nombre d’informations qui ne me sont pas utiles. Tu les trouveras sans doute appétissantes. »

Il ne jugea pas utile de préciser que l’utilité de ces dernières était sans doute amenée à diminuer dans le temps. Déjà, les quartiers nord se transformaient sous son action, et ses échanges avec Kiana, autant que ses propres réalisations, avaient amené le paragoï à réaliser qu’il s’était fourvoyé, et que pendant un an il avait fait preuve d’une grande naïveté. Il ne pouvait simplement ignorer ces gens. Il ne pouvait les considérer comme ce qu’ils étaient : inutiles, aveugles et concernés uniquement par l’herbe directement placée devant leurs gueules de ruminants. Ils devaient être menés au labeur. Ils devaient ouvrir les yeux. Ils devaient se redresser.

Et pour faire cela, il aurait à converser de nombreuses fois encore avec des gens comme la boutiquière, et à composer avec eux. Il aurait à se saisir de leur encolure, et à les mener hors des ténèbres qui les aveuglaient. Ce monde se conformerait à ce qu’il attendait de lui. Ou bien Hypanatoi mourrait. Les deux possibilités étaient acceptables, mais là encore, ce n’était pas le sujet du jour. Il ne pouvait pas encore prétendre pouvoir métamorphoser la créature qui se trouvait en face de lui, et devait accepter sa posture et ses prétentions et devait lui épargner l’anéantissement de ses illusions. Aussi désagréable que cela puisse être, il devait, tout simplement, la traiter comme un individu à part entière.

C’était un privilège que peu méritaient.

Ici, plus rarement encore.
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La menace ne mène qu'à la traîtrise.

Bien qu'elle n'est âgée que de vingt-sept ans, Arya a une certaine expérience en ce qui concerne les interactions humaines. Elle ne s'est pas hissé en haut de l'échelle sociale d'Althéa par la force, ni par l'argent ou les relations ; c'est grâce à son bagout qu'elle a fait chuter des royaumes, s'entretuer des frères et ruiné des familles entières. Un des secrets pour arriver à des résultats aussi extrême est simplissime : il suffit de convaincre les autres que ce que vous leur demandez est leur meilleure option. Forcer quelqu'un à agir pour soi nécessite non seulement d'avoir la capacité de le faire, mais possède de toute façon l'énorme défaut de systématiquement mal finir. Or, lorsque la victime pense agir pour son propre gain, il est facile de prévoir comment et quand il faudra s'en débarrasser. Elle ne rechigne pas dans sa tâche, elle y met tout son cœur, à la manière d'un fou qui creuse sa propre tombe persuadé que de l'or se trouve sous ses pieds. Voilà un conseil qui aurait été bien utile à l'aventurier, et qu'Arya s'est savamment gardée de lui donner.

Car nul doute qu'Hypanatoi est étranger à ce genre de concept, ou tout du moins, qu'il n'y prête aucun intérêt. Il n'a pas l'air d'être le genre d'individu qui prend en compte les autres, persuadé que la perfection de sa propre personne lui suffit à atteindre n'importe quel objectif. Quoi qu'il advienne, quoi qu'elle fasse, il ne traitera pas Arya comme autre chose qu'une vulgaire criminelle, un énième insecte qu'il se doit de suivre puis d'écraser pour continuer d'avancer sur sa route sanglante. Tout dans l'attitude du guerrier, de sa gestuelle aux déformations de son visage meurtri, exprime une seule chose, un seul désir : celui de trouver une raison de l'abattre, ici et maintenant. Il s'est permis d'être limpide sur le sujet : il n'est pas encore certain de devoir l'épargner. La seule raison pour laquelle cette montagne de muscles n'a pas encore sauté à la gorge de la frêle demoiselle, c'est tout d'abord parce qu'elle peut lui être utile, mais surtout parce qu'il est n'est visiblement pas au courant de toutes les activités d'Arya.

En arrivant dans son cabinet, il affirma connaître la boutiquière. Or, il est maintenant clair qu'Hypanatoi n'est pas si bien informé que ça : s'il connaissait vraiment Arya, il n'aurait pas pris la peine de lui adresser la parole. N'importe quel code d'honneur portant en son sein le terme de "coupable" condamnerait à mort la commerçante : elle manipule, trompe, tue et vol sans le moindre scrupule tant que ça lui sert. La seule chose qui la différencie d'un tueur fou est qu'elle ne fait pas ça gratuitement ou par plaisir. Ses méfaits ne sont jamais aléatoires, mais méthodiques. Ils sont organisés, prémédités et dirigés vers un seul et même but : obtenir le pouvoir qu'elle désire tant. Ensuite, s'il pense qu'Arya va se contenter de ses restes comme un vulgaire charognard, il se fourvoie de plus belle. La jeune femme est plus proche d'un virus, qui s'infiltre dans un hôte et l'exploite discrètement pour devenir plus fort avant de l'abattre insidieusement lorsqu'un meilleur terreau se présente. Qu'il me sous-estime. Qu'il continue à croire que je ne suis qu'une parjure comme les autres. Lorsqu'il se rendra compte de son erreur, il sera trop tard.

Dans un premier temps, il lui faut changer d'approche. Hypanatoi est encore loin de considérer Arya comme indispensable, le moindre faux pas lui vaudra probablement de finir au bout de sa lance acérée. La simple idée de s'imaginer perforée de part et d'autre par ce pilier métallique lui donne des frissons... Bien qu'obtempérer sous la menace lui déplaise au plus haut point, ce n'est désormais plus une option. C'est déjà un exploit d'avoir obtenu auprès de lui ce semblant de marché, et aussi imbue de sa personne soit-elle, Arya s'en contentera. Hypanatoi veut étancher sa soif de sang ? Elle va lui en donner jusqu'à plus soif, le noyer dans le sang de ses ennemis. Et si, par le plus grand des hasards, il s'avère que quelques-uns des noms de la liste noire d'Arya finissent dans cet océan de cadavres, il y a fort à parier que personne ne le remarquera. Faire preuve d'autant de subtilités est peut-être même superflu ; à quoi bon planter une forêt pour cacher un arbre, quand il suffit de le déguiser ? Tout dépend de la rigueur avec laquelle Hypanatoi se renseigne sur ses cibles avant de les abattre, mais il n'a pas l'air du genre à se poser trop de questions une fois convaincu...

Mais peu importe. Dans tous les cas, la première proie qu'Arya compte donner en pâture au chasseur est la plus récente de sa liste : Magnus Ornel. Coordinateur d'une sinistre organisation, une bonne partie des rapports d'opérations concernant le quartier nord passent à un moment ou un autre sur son bureau. D'origine modeste, il a fait ses débuts en tant que simple homme de main vers ses dix-sept ans. Au fur et à mesure des années, il a grimpé les échelons jusqu'à atteindre la place des gens fidèles mais incompétents : l'administration. Cette sensation de mi-pouvoir, pas vraiment un sbire, mais pas vraiment un cadre non plus, l'a changé en un véritable complexe d'infériorité sentient. L'exemple typique du gros poisson dans une petite marre : imbuvable, impérieux, imprudent... Il collectionne autant les défauts que les manquements. Quelqu'un de plus haut placé que lui l'a envoyé voir le genre de services que propose Arya, et l'imbécile a non seulement décidé d'en parler à tous ses collègues, mais aussi de plus ou moins décrire dans de nombreux rapports les services en question. Hypanatoi lui extirpera de quoi s'occuper, tout en fournissant à Arya l'exemple dont elle a tant besoin.

Heureusement pour elle, ou malheureusement pour lui, Arya est une personne prévenante. Elle a donc mené, tant bien que mal, sa propre enquête sur cet énèrgumène comme elle le fait pour n'importe lequel de ses clients. Tout est noté dans un carnet sobre que la demoiselle sort du tiroir de son bureau avant de soigneusement en déloger quelques pages, qu'elle fait glisser délicatement jusqu'à Hypanatoi.

-Sur ces pages se trouve le rapport de mon enquête sur Magnus Ornel, la seule personne à qui j'ai parlé en lien direct avec l'organisation que vous cherchez. Accessoirement, c'est aussi grâce à lui que vous êtes là aujourd'hui. Absolument tout ce que je sais sur lui, entre autres ses routines, ses loisirs et ses fréquentations, y est écrit. Ce n'est pas une grosse prise, mais je suis sûr qu'il fera un merveilleux appât. Arya marque une pause, avant de prendre une gorgée de liqueur. Maintenant, quant à mes théories... Deux autres noms me viennent en tête : Moretti et Zamial. Le premier est forgeron, il blanchit des gils et fournit du matériel pour un groupe, dont il est étonnamment difficile de confirmer l'identité. Le deuxième est un mercenaire de la pègre. Alors qu'il avait pour principe de ne proposer ses services qu'au plus offrant, il a mystérieusement décidé il y a quelques mois de n'être plus fidèle qu'à une seule personne. Je ne sais rien de ce nouveau maître, si ce n'est qu'il est affilié à la Guilde.

Tout en donnant ses explications, les mains d'ombres d'Arya s'attellent à griffonner au dos des pages les quelques informations complémentaires qu'elle possède sur les deux hommes. Parmi elles, Hypanatoi ne trouvera pas que la descendance de Moretti attend impatiemment son héritage, ni que la femme de Zamial cherche vengeance pour ses infidélités. Ces informations ne le concernent de toute façon pas, il aura l'esprit plus tranquille s'il ne sait pas qu'il fait le travail d'Arya. Quoique... Il s'en moque probablement, elle en est persuadée.

Il est au-dessus de ça. Il n'a que faire de qui profite de ses actions, tant que ça le rapproche de son but. Elle le sait, car elle est pareille.
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descriptionNoble labeur (Arya) EmptyRe: Noble labeur (Arya)

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Elle coopérait. Il pouvait sentir dans son être les amas languides de la peur, et dans sa respiration ceux de l’hésitation. C’était une bonne chose : elle coopérait. Elle étalait devant lui ses informations, et quand elle parlait elle ne reprenait pas ses paroles. Elle ne tergiversait pas, elle ne tentait pas de négocier, elle ne songeait pas à rendre le terrain sur lequel elle venait d’être trainée plus confortable. C’était là une attitude servile et rare, particulièrement plaisante et difficile à trouver parmi les portaliens rebelles qui infestaient la surface de ce monde. Il hésita un instant, cependant. Il voulait accepter cet augure plaisant pour ce qu’il était, et prendre ce qu’on lui offrait en tribut. Trois noms. Trois sacrifices dociles étalés à ses pieds, qui attendaient qu’il passe sur leurs gorges grasses le poignard sacrificiel. Il fallait, cependant, rester prudent. Il connaissait ce genre de vermine, bien malgré lui, et il n’était pas d’humeur à refaire l’inventaire des occasions qui l’avaient forcé à les côtoyer. Elles avaient été nombreuses. Bien trop. Il laissa le papier qu’elle venait de déposer sur la table reposer là, se concentrant sur elle. Il ne pouvait de toute façon pas lire ce qui était inscrit à sa surface, et il comprenait de toute façon sa propre erreur.

Il avait sans doute manqué de clarté, en parlant ainsi. Le portalien standard était mal équipé pour le comprendre, et cela aussi ne souffrait depuis longtemps d’un besoin pressant de le préciser.

Mais la petite chose, devant lui, pensait que plaider sa vie revenait à faire l’étalage de ses capacités mercantiles, comme si ces dernières n’étaient pas la cause première de sa détresse actuelle. Comme si Hypanatoi ne pouvait extraire d’elle ce dont il avait besoin, de force. Comme si elle considérait que lui aussi était de son espèce, de celle des compteurs de piécettes, des échangeurs de cuivres, des marchandeurs de petites choses. Il retint son huitième grognement de la journée, et le mouvement de son index, occupé à tapoter la table, se fit légèrement plus insistant. Considérant soigneusement la suite de son propos, il chercha le moyen de le rendre le plus accessible possible. Il fallait parler le langage de ces gens, sans que le fond de sa pensée ne se trouve altéré. C’était un exercice difficile, qu’il ne maîtrisait de toute évidence que de façon très partielle. Finalement, il ouvrit la bouche, sa diction se faisant légèrement plus prudente, plus lente :

« J’aurai à confier ces informations à des amis proches. Mais tu ne comprends pas, et sans doute est-ce ma faute, fit-il en levant une main qu’il voulut apaisante. Laisse-moi te compter une histoire, car je sais que votre espèce apprécie ces dernières. »

Il avait, après tout, affaire à un monde rempli d’adultes avortés, d’enfants difformes qui parfois refusaient encore de grandir après leur quarantième année. Les récits, sous leur forme ludique, étaient sans doute plus à même de transmettre ses intentions qu’un discours mesuré et réfléchi :

« On a tenté de me soudoyer, plusieurs fois. On a étalé à mes pieds des promesses alléchantes : des richesses. Du prestige. Des femmes. Ce que je voulais. Je n’avais qu’à nommer mes désirs, et ces derniers seraient comblés. C’était une manœuvre intelligente, une façon de tester ma réaction. J’ai remonté la piste de l’auteur de la lettre. J’ai arraché ses paupières, et je l’ai forcé à regarder. »

Il marqua une pause, et se força à réprimer le sourire que ce très bon souvenir menaçait de faire naître sur sa face. Il fallait rester calme, et garder à l’esprit le pourquoi de ce récit. Il ne raconta pas le spectacle qu’il imposât à son ennemi :

« Je ne te demande de m’acheter. Tu ne le peux pas. Si je dois prendre auprès de toi des renseignements, je les prendrai, et ta coopération n’est pas nécessaire. Elle facilitera les choses, certes. Mais elle n’est pas nécessaire. Fuir est impossible. Te cacher est impossible. La mort même n’est pas un refuge. Je n’œuvre pas mû par des considérations bassement pécuniaires. J’œuvre parce que je n’ai pas le choix. Parce qu’à l’instant où j’ai appris la réalité de ce qui s’était passé sur ce monde, tout autre choix a disparu. C’est pareil ici. Je ne sais pas si tu dois vivre, mais ce que tu penses à même de me repaître n’est pas le moyen de m’éloigner. »

Il marqua une dernière pause. Se pencha légèrement en avant, pliant sa haute silhouette pour la ramener, au moins un peu, à la hauteur de son interlocutrice.

« Parle-moi de toi, Arya. Parle-moi de ce qui peut te motiver à faire tout cela, dit-il en désignant sa boutique d’un grand geste du bras. »

Peut-être était-ce une fois encore sa curiosité inflexible qui parlait, son besoin irrémédiable de comprendre cette espèce exotique que formaient les portaliens. Mais pour une fois, il ne le pensait pas. Cela jouait, sans doute. Mais Arya n’existait pas à ses yeux simplement en tant que spectre à peine formée, en tant qu’individu à l’esprit mou et incapable de produire un raisonnement acceptable. Elle était tout cela, certes, jusqu’à ce qu’elle démontre le contraire. Mais une chose, plus importante encore, exaltait son identité. Elle était un lien. Une pièce centrale, un engrenage qui régulait nombre de mécanismes adjacents. Peu de gens, ici, pouvaient prétendre à la même chose. Elim. Morrigan. Lui-même, et Kiana, depuis peu. Et d’autres, avec leurs visages cachés dans les ombres clémentes de cet endroit répugnant. Pour l’instant. Quoi qu’il en soit, elle comptait, au moins à son niveau, et Hypanatoi n’était rien, sinon patient et méticuleux. Il l’avait en face d’elle, et elle avait d’elle-même ouvert la première porte.

On ne refermait pas une porte, une fois celle-ci ouverte devant lui.
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descriptionNoble labeur (Arya) EmptyRe: Noble labeur (Arya)

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Alors qu'elle s'attend à quelques secondes d'accalmies une fois ses explications terminées, Arya observe avec surprise qu'Hypanatoi ne prête pas le moindre intérêt aux notes qu'elle vient de lui donner. Pourquoi voudrait-il partager ça avec qui que ce soit ? Alors que la jeune femme continue à regarder les orbites lacérées de son interlocuteur, elle percute : si le paragoî voit suffisamment bien pour se mouvoir, il est potentiellement incapable de lire. Si la tension dans la pièce n'était pas aussi pensante, ça lui aurait presque donné envie de rire... Le grand Hypanatoi, aventurier d'élite de la Guilde, exterminateur de la vermine et vengeur infatigable, est incapable de vaincre un misérable bout de papier armé d'un peu d'encre. Oui, aucun doute que c'est bien le genre de bêtises qui l'amusent... Malheureusement pour elle, le guerrier rend cela difficile à apprécier.

Comme on le ferait pour expliquer quelque chose à un enfant, il raconte une histoire à Arya pour lui faire comprendre qu'il lui est impossible de l'acheter. Sans trop de surprises, il ne se laisse pas amadouer par les quelques morceaux de viande fraîche qu'Arya vient de lui agiter sous le nez... Toutefois, apâter ainsi Hypanatoi n'avait pas pour seul but de le distraire, mais aussi de continuer à fausser l'image qu'il se fait de la négociatrice. Si la distraction n'a pas fonctionné, la fausse piste semble être en bonne voie. Pour l'instant, le seul avantage qu'Arya possède réside dans l'absence d'informations sur sa personne. Sa seule chance de sortir non seulement indemne, mais surtout victorieuse de cette rencontre impromptue, est de réussir à convaincre Hypanatoi qu'elle n'est pas si nocive que ça. Il faut qu'elle paraisse suffisamment naïve, apeurée et inoffensive pour qu'il se dise que la tuer n'est pas nécessaire. Cependant, si elle en joue trop, il se dira qu'elle ne lui apportera rien et il risque de l'éliminer par acquit de conscience. Tout est un poison ou un remède, il n'est question que de dosage. Véritable alchimiste sociale, la jeune femme est passée maître dans la concoction d'images factices.

Hypanatoi ne sera pas difficile à duper. Non, l'essence du problème, c'est qu'Arya ignore tout de son fameux code d'honneur. Elle ne possède que des suppositions, des théories basées sur les agissements du guerrier et sur ce qu'elle observe depuis son arrivée dans la boutique. Alors qu'il finit sa tirade, elle réfléchit. Il a affirmé que son code exige qu'il tue toute personne coupable à ses yeux, si l'on rajoute à cela l'attitude méthodique d'Hypanatoi, il va sans dire qu'il est extrêmement strict. Cela explique pourquoi, malgré tout le mépris qu'il ressent pour Arya, il prend tout de même toutes les précautions possibles pour ne pas abîmer sa boutique ou ses meubles. La définition de coupable est cependant subjective, à moins qu'Hypanatoi ne mente sur ses intentions. Un cas de figure qu'il est de toute façon inutile d'envisager, ce dernier menant à un inéluctable décès. Tenter de l'apitoyer est une très mauvaise idée, la notion de pitié très probablement étrangère au bourreau ; il faut être direct, honnête et parler sans détours. Inclure quelques vérités et miser plus sur l'omission que sur le mensonge sera probablement l'approche la plus efficace.

L'image qu'Arya compte servir se forme de plus en plus clairement dans son esprit. Avant même qu'Hypanatoi ne se penche vers elle, tout en lui intimant de lui parler de ses motifs, son spectacle est prêt. Si sa peur est réelle, l'hésitation de sa voix, ses tremblements et ses frissons ne sont qu'une parfaite illusion. D'un air trahissant faussement une confiance qui vacille, Arya s'exprime.

-Navrée que mon geste vous soit paru comme une piètre tentative d'amadouement. Il semble en effet que j'aie mal interprété votre demande, vous m'en voyez désolée. Il est on ne peut plus normal que vous cherchiez à savoir avec qui vous faites affaire, permettez moi donc de me présenter plus amplement. J'étais sur le point de goûter à la gloire, de récolter le fruit d'une vie entière de labeur lorsque l'Ordre m'a arrachée à mon monde. Alors que j'étais sur le point d'avoir tout, me voilà de retour à la case départ. Si je doute qu'il est possible d'atteindre la grandeur que j'ai connue dans ce monde, je refuse catégoriquement d'être à la merci d'entités aussi capricieuses et puérils que l'Ordre ou le Chaos. Je compte bien m'affranchir de leur emprise, et si par la même occasion je peux aussi en libérer les portaliens, ce n'est pas plus mal.

Arya marque une pause, avant de finir son verre d'une gorgée. Le premier demi-mensonge du discours de la demoiselle, c'est de dire qu'elle ne compte pas récupérer l'influence totalitaire qu'elle avait à Althéa. Voilà bien longtemps qu'elle a abandonné l'idée de retourner dans son monde, sa vie est ici désormais, et son prestige se doit de la suivre. La deuxième, c'est de laisser penser que sa volonté d'affranchissement prend en compte le bien des portaliens. Arya régnera seule, le seul avenir qu'elle réserve aux habitants de Portalia est celui de vulgaires pions bons à lui faciliter la vie.

-Mais pour ça, j'ai besoins de ressources. J'ai besoin d'informations. Si j'utilise ces méthodes discutables, c'est parce qu'elles sont efficaces. Loin de moi l'idée de vous embêter avec les détails de mon ancienne vie, mais sachez qu'elle m'a permis de comprendre une chose : le vice est inéluctable. Je n'ai pas encore rencontré une seule créature qui soit immunisée à la tentation, la facilité du mal. Certains y résistent, d'autres y succombent, c'est l'ordre naturel des choses. Laissées sans contrôles, sans barrières, ces âmes en peine sont capables de dégâts incommensurables. Vous qui êtes un aventurier émérite, vous n'êtes pas sans savoir la dangerosité que représentent les créatures chaotiques. Quitte à ce que le mal existe, avec ou sans moi, je préfère canaliser ces bas instincts dans quelque chose de moins destructeurs. En planifiant certaines opérations, en obtenant moi-même des renseignements, j'ai la garantie que les dégâts sont minimes. En mariant l'ordre au malin, je m'assure que tout se passe au mieux... Ou au moins pire, c'est une question de point de vue.

Cette fois-ci, Arya emploie l'omission. Elle se garde bien de dire qu'elle se fiche pas mal que les opérations qu'elle mène pour elle visent des innocents, des soldats ou des civils. Elle se garde bien de dire que la seule chose qu'elle prend réellement en compte, c'est l'efficacité, au détriment de l'éthique.

-Pour finir, je ne peux que difficilement vous prouver que je n'ai aucune affiliation avec le sujet de vos recherches. Je ne garde jamais de preuves écrites de mes échanges officieux. La seule chose que je peux vous dire, c'est que je n'accepte pas tous les contrats. J'ai bien conscience que mes services peuvent faciliter certains écarts, mais mon œuvre perdrait tout son sens si tout le monde pouvait y avoir accès. Les activités de votre organisation, à savoir le trafic humain, dépassent très largement les limites que je m'impose. Si vous ne me croyez pas, dites moi comment je peux vous prouver mes dires et je m'exécuterai.

La beauté de ce mensonge, c'est que c'est une vérité pour n'importe qui d'autre qu'Arya. La jeune femme refuse régulièrement les opérations qu'elle estime trop extrême, non pas par éthique, mais parce qu'elle n'estime pas encore pouvoir se protéger des conséquences. Elle se cantonne donc à des vols, des casses ou encore des intimidations pour les innocents et quelques assassinats çà et là pour les malfrats. Les pires crimes qu'elle ait commis depuis son arrivée ont été exécutés par elle et elle seule ; autrement dit, il est impossible de savoir que ce semblant d'éthique n'est qu'une façade.
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Elle parlait, enfin. C’était toujours la clé, avec ces gens : le chaos de leur vie ouvrait toutes les portes, et particulièrement celle de leur for intérieur. C’était, après tout, parfaitement compréhensible. Hypanatoi, lui, savait quand parler de soi. Le récit de ses exploits était – comme le reste de son existence – un rituel ancestral, parfaitement régulé. Son intérieur et son extérieur s’unissaient parfaitement, son rôle ne laissant aucune place au superflu. Ces gens n’avaient rien de tout cela. Ils existaient dans un état permanent d’anéantissement partiel, tiraillés entre l’attrait du néant et l’incapacité de se réaliser entièrement. La grande idéologie portalienne, qui faisait de chaque personne une île indépendante et souveraine les laissait stériles et perdus, et s’ils étaient incapables de formaliser cette lacune, le vide qui rongeait leurs existences se faisait malgré tout ressentir. Et pour le combler, ils parlaient d’eux. Ils tentaient vainement d’emplir le gouffre sans fond de leurs désirs irréalisables et de leurs enfantillages cataclysmiques par des paroles. Ils agitaient leur verbe comme un grand totem protecteur, comme une grande prière adressée à eux-mêmes, et ils tentaient de se convaincre de leur propre divinité.

C’était le cas, ici aussi.

C’était toujours le cas. Invariablement.

Face à deux dieux, face à l’apocalypse, face aux dangers de ce monde, face à ses défis, face aux responsabilités que la situation faisait d’elle-même peser sur leurs épaules, face à tout cela et à plus encore, ils réagissaient toujours de la même et singulière façon : ils se fabriquaient un épouvantail, et se convainquaient que c’était une somptueuse statue, représentant la face aimante d’une déesse maternelle.

Hypanatoi se tira rapidement de ses pensées. Lui-même était sans doute également coupable de processus similaires, bien que différents dans la forme. Le fait, par exemple, que ses pensées prennent incessamment la forme de ces éternelles ruminations était un indice accablant. Mais il agissait. Il comprenait. Ses yeux, somme toute, étaient ouverts, et refusaient de se laisser happer par la danse hypnotique des ombres que ces pauvres hères semblaient aduler. Pour l’heure, il fallait comprendre celle qu’il avait en face de lui ; elle se livrait, et il ne faisait aucunement l’erreur de la penser sincère. Comme tant d’autres ici, elle faisait son commerce des demis-vérités et des mensonges, sans comprendre que ce n’était pas là une force. C’était une faiblesse. Elle s’était simplement juchée sur un promontoire, très haut et très étroit, et le moindre faux mouvement appellerait la chute. Peut-être aujourd’hui, là, maintenant. Peut-être pas. Hypanatoi verrait : le sort de la petite marchande était entièrement secondaire, et elle mourrait si elle le devait, tout simplement.

Elle parlait, justement, de son rapport au vice. Elle donnait ses excuses, et certes, elle ne parlait pas directement d’elle, mais le paragoï était habitué à ce genre de chose, et il savait comprendre les portaliens. Résister à la faiblesse et au déshonneur n’était pourtant pas spécialement compliqué. Il suffisait, en vérité, de le vouloir. De le vouloir réellement. Restant immobile, il attendit qu’elle passe au sujet suivant, ce qu’elle fit, en raccordant là encore sans le voir son discours à sa personne. C’était là encore quelque chose qu’il avait mis du temps à comprendre : le portalien, dans son ego surdimensionné, conférait à ses expériences et à ses raisonnements une portée universelle. C’était là encore autant un moyen de se dédouaner que de se glorifier, et il fit un grand effort pour que son visage garde l’impassibilité qui était la sienne, restreignant un mouvement de dégout qui menaçait de découvrir ses dents. Enfin, elle revint au sujet qui semblait la motiver : le moyen de préserver sa vie. Elle voulait, encore et encore, marchander. Elle implorait une solution, elle voulait qu’il lui offre le moyen de la conserver. Elle ne comprenait pas. Il parlait, et elle ne comprenait pas.

Personne ne comprenait jamais, sur ce monde abandonné de la vertu radieuse des divins.

Prenant une légère inspiration, il concentra ses pensées sur sa propre réponse. Il avait un début d’image. Il voyait ce qu’elle était. Ce qu’elle lui montrait, et donc ce qu’elle pensait utile de dévoiler. Le reste s’entrevoyait, mais encore de manière bien trop imprécise. Il fallait persévérer.

« Donne-moi tes critères. Tu parles d’un sens qui se diluerait dans l’abondance de tes services. Dis-moi ce qu’il te faut, pour que tu consentes à commercer. »

Sa main se leva, se plaçant à mi-hauteur entre eux deux, et il continua :

« Donne-moi les assurances qui te protègent. A traiter avec des lanistes, tu t’es sans doute imaginée toi aussi à la place de leur marchandise. »

Il retourna sa main, lui montrant la paume de cette dernière, et le métal qui la recouvrait et transformait ses courbes en arrêtes tranchantes. Rien ne métamorphosait mieux que le métal la silhouette d’un homme. Rien ne la sublimait avec autant de panache. Ses doigts, s’étendant lentement, formèrent l’ombre d’un grand filet.

« Donne-moi ce que tu ne veux pas donner. Fais ton sacrifice. »

Ils en revenaient toujours à ce point. La perte ; le manque ; la lacune ; le don. Des choses que ces gens ne comprenaient pas, parce qu’ils n’avaient jamais été équipés pour cela. Les tirer sur ce terrain, les forcer à considérer ce qui normalement était un spectre qu’il convenait de garder loin des terres sanctifiées de la quiétude béate permettait toujours d’obtenir des résultats. Et c’était là son avantage. Il les comprenait, au moins partiellement. Il voyait en eux. Il reniflait leur puanteur, et devinait les notes qui composaient leur parfum méphitique. Et devant lui, la petite chose sentait si fort, et ses odeurs décomposées dansaient dans ses narines avec tant d’impudeur. Elle allait donner. Encore, et encore, et encore.
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descriptionNoble labeur (Arya) EmptyRe: Noble labeur (Arya)

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Insatiable, Hypanatoi ne semble toujours pas satisfait des réponses que lui donnent Arya. Il veut plus. À chaque échange, il semble plus exigeant que lors du dernier. Simple expression de rigueur ou jeu malsain d'un prédateur jouant avec sa proie, c'est encore difficile de trancher. Et si elle l'avait mal jugé ? Et s'il n'était rien d'autre qu'une bête sauvage accro au goût du sang, présentant au monde son carnage comme une noble quête de purge ? L'hypothèse selon laquelle le guerrier ne fait que s'amuser avec sa victime avant de l'abattre semble malheureusement de plus en plus plausible... Il faut s'accrocher. Dans ce brouillard de questions sans réponses, Arya ne possède qu'une seule certitude, et il faut qu'elle s'y accroche de toutes ses forces si elle ne veut pas sombrer. Il faut qu'elle continue sa mascarade, jusqu'à ce qu'Hypanatoi y croie. Pour convaincre son interlocuteur, il lui suffit de continuer à s'enfoncer dans les abysses du mensonge. Toujours en arborant le masque qu'elle a soigneusement mis au point pour Hypanatoi, elle s'élance.

-Il est difficile de définir avec exactitude mes critères... C'est au cas par cas. Si la cible d'une commande trempe déjà dans le milieu de la pègre, peu m'importe ce que l'on me demande de mettre en place tant qu'elle est la seule concernée. Tout le monde connaît les risques du métier, si l'on estime que le jeu en vaut la chandelle, il faut se préparer aux conséquences d'un échec. En revanche, lorsque la cible est un innocent, j'essaye d'évaluer trois points : l'impact sur la vie de la cible, la probabilité que l'opération se fasse tout de même sans mon aide et, bien évidemment, la nature de la cible. Les deux premiers points servent à ne pas "diluer" un des sens de mon commerce, le dernier sert surtout à me protéger. Même si, après tout, je ne fais que mettre des gens en contacts ou échafauder des plans. Je ne participe que très rarement aux opérations, quand je n'ai vraiment pas le choix.

Encore une fois, elle s'enfonce plus loin dans ses tromperies. La seule chose qu'elle évalue vraiment au moment d'accepter de mettre en place une énième sombre affaire, c'est à quel point celle-ci lui sera profitable. Elle marque une pause, faisant mine de se resservir afin de s'aérer ne serait-ce qu'un instant l'esprit. Le problème avec les gens comme Hypanatoi, c'est qu'ils fonctionnent en impératif. Elle en a connu, des mercenaires, des soldats ou même des marchands incapables de s'écarter un tant soit peu de leur code de conduite. Certains y voient une force de caractère, un flegme à toute épreuve. Arya y voit plutôt l'expression d'un esprit faible, incapable de fonctionner s'il n'est pas sur une route bien tracée. Elle y voit l'aveu d'un choix facile, pris par ceux dont le cerveau ne peut pas concevoir la nuance. En Althéa, elle a systématiquement utilisés puis écraser ces imbéciles qui limitent sa marge de manoeuvre. Pourquoi faut-il que le premier outil un peu compétent que je rencontre soit aussi problématique ? Elle inspire un grand coup, avant de reprendre.

-Ce qui me protège des retours du jeu, c'est que n'importe qui peut faire appel à mes services, et que je suis compétente. Des Dark Souls aux civils, du chef de gang au petit voleur, je travaille avec qui le souhaite. Je n'ai d'allégeance que pour mes clients ; puisque je n'appartiens à personne, je suis utile à tout le monde et nul ne souhaite me voir disparaître. Indirectement, mes clients les plus fidèles en viennent donc même à me protéger des éventuelles représailles que mes services peuvent engendrer. Je ne suis pas encore assez connue pour être intouchable, mais les petites frappes savent qu'elles ont tout intérêt à rester sages en ma présence.

S'il est vrai que certains groupes protègent comme ils le peuvent la frêle demoiselle, c'est loin d'être son assurance la plus efficace. Si Arya dort sur ses deux oreilles, c'est parce qu'elle jouit de la protection de la Secte du Chaos. Bien que très peu organisé, ce groupe d'obscurs personnages aura su voir sa vraie valeur, et réprimande très sévèrement quiconque a le malheur de la bousculer dans ses affaires. Les dépouilles de ses détracteurs, œuvres macabres produites soit par ses bienfaiteurs soit par elle-même, ont fini par laisser croire que des gens puissants la protègent. Comme quoi, la violence exacerbée à son paroxysme est parfois le meilleur moyen de faire passer un message.

Cependant, à son plus grand désarroi, Hypanatoi est hors de portée de ses alliés de la Secte. Elle ne connaît personne capable d'abattre le colosse, même parmi ses merveilleux alliés que sont les poisons. Heureusement, présenter de cette manière sa ligne de défense renforce de plus belle l'image qu'Arya veut qu'Hypanatoi se fasse d'elle : il faudrait être complètement niais, ou fou, pour se contenter d'un tel stratagème.

-Palliés à un renseignement approfondi sur tous ceux avec qui je travaille et une clause de silence intrinsèque à mes activités, croyez le ou non, mais cela a toujours suffi à assurer ma sécurité. Enfin... Jusqu'à aujourd'hui.

Arya regarde alors son verre, l'air pensive. Magnus ne lui a pas apporté le moindre bénéfice, ce dernier s'étant contenté de se renseigner sur elle. Si au moins elle avait eu l'occasion de travailler avec eux... L'obscure main qui tient le récipient se sert alors de plus en plus, jusqu'à ce qu'un craquement se fasse entendre.

-Pour revenir à la raison de votre venue ici, à savoir vos suspicions à mon égard, je vous l'affirme encore une fois : je n'ai pas travaillé avec eux. Quand bien même je l'aurai voulu, ce qui pour rappel n'est pas le cas, je n'ai vu Magnus qu'une seule fois lorsqu'il est venu se renseigner sur mes services. Tout le détail de notre échange figure sur les pages que je vais ai données, pages qui, accessoirement, ont été rédigées avant votre arrivée.

En citant à nouveau les fameuses pages, Arya envoie une subtile pique à Hypanatoi. Ce dernier domine leur échange depuis son entrée, il faut qu'elle reprenne le contrôle d'une manière ou d'une autre. En utilisant les précieux morceaux de papier, ultimes preuves de son innocence, Arya se remercie une fois de plus pour sa rigueur salvatrice.

-Je ne vous suis pas nécessaire, certes. Mais vous le reconnaissez vous-même : ma coopération faciliterait votre tâche. Beaucoup plus que vous ne l'imaginez. Il est vrai qu'ultimement, même sans mon aide, vous arriverez à démanteler cette organisation. Vous avez déjà rallié quelques précieux alliés à votre cause après tout... Mais pouvez-vous vraiment vous refuser mon aide ? La mission que vous vous imposez est vitale pour nombre d'innocents ; chaque minute, chaque seconde que vous perdez leur en coûte. Pire encore, plus vous êtes lents, plus vous laissez à votre ennemi des chances d'échapper aux mailles de vos filets.

Arya amène son verre jusqu'à ses lèvres, observant une légère fissure tout du long de celui-ci. Elle le dépose ensuite calmement, et cesse son jeu d'acteur le temps de prononcer les mots qui suivent. D'un calme inflexible, son regard glaçant fixé sur le visage dur d'Hypanatoi, elle s'exprime.

Parmi vos alliés, combien connaissent la pègre aussi bien que moi ? J'ai déjà fait mes preuves auprès de nombre de mes pairs. Je suis fiable, et efficace. Peu de mes congénères peuvent se targuer de telles qualités. Vous n'avez pas besoin de moi, c'est un fait... Mais combien d'autres pourront vous rapprocher aussi vite de votre but que moi ?

Arya remet aussitôt son masque. Hypanatoi exige d'elle un sacrifice, qu'elle lui donne ce qu'elle ne veut pas donner. L'espace d'un instant, elle lui a donc offert un apperçu de son visage, sa personne. S'il n'apprécie pas ce tribut à sa juste valeur, rien de ce que la jeune femme n'a à lui offrir ne le rassasiera.
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Elle parlait. Encore, et encore, et encore. Il suffisait qu’il pose une question, qu’il indique une direction, et les vannes du barrage s’ouvraient, et de ces dernières coulaient non pas l’eau des pluies et des sources, mais les promesses diluviennes d’un avenir sans soif. Elle parlait, comme tous les portaliens, et elle parlait encore, et en parlant elle se convainquait qu’elle parlait bien et qu’il fallait parler, car c’était par la parole qu’elle combattait, et pour elle sa langue était tranchante et acéré et un grand poignard entouré d’un ruban de soie chamarré. Elle voulait surimposer sa vision en monde, et elle priait : ses paroles étaient des implorations qui se paraient des atours de vérités assénées avec force. Elle priait pour que personne ne puisse vouloir sa mort, pour que ses murailles de promesses et de mensonges se révèlent inviolables. Elle priait pour que son innocence résonne aux oreilles du paragoï comme incontestable, et pour qu’il la juge utile. Elle priait pour sa vie, et sa continuation, comme un cafard pris dans la lumière, affolé et désorienté ; elle tournait en rond, la panique étreignant son âme.

Hypanatoi la laissa tergiverser. Il fallait qu’elle le fasse. C’était nécessaire pour elle, certes, mais ce n’était pas cela qui l’intéressait. Comme toujours, il entendait ce que disait le portalien, et c’était en décortiquant ses paroles qu’il comprenait. Car ces gens étaient tous bâtis sur le même modèle : ils se pensaient très malins, et avaient l’impression de bien connaître le monde et ses habitants. Le fait que rien ne puisse leur permettre de le supposer ne les perturbait pas outre-mesure, tant leur capacité de se convaincre eux-mêmes était grande. Et s’ils pouvaient se convaincre eux-mêmes, eux qui étaient si malins et roués, alors ils pensaient pouvoir convaincre le reste de leurs congénères. Sans doute le raisonnement ne se formulait-il pas comme cela ; un peu de rondeur était nécessaire pour le rendre acceptable, et donc crédible. Peu importait. Lui avait mis du temps à comprendre comment craquer la carapace gluante qui recouvrait dans leur discours la vérité. Ce qui importait, c’était de comprendre non pas ce qu’ils disaient, ou ce qu’ils voulaient dire, mais bien ce qu’ils montraient d’eux-mêmes. Par la façon dont ils agençaient leurs mensonges et leurs petites compromissions.

Pour l’instant, il ne voyait d’actionnable. Rien de bien grand. Il avait en face de lui quelqu’un qui comprenait que le paragoï représentait à la fois un moment de rupture et un potentiel nouveau. C’était plus que beaucoup, bien qu’il doutât sincèrement qu’une vulgaire marchande et son esprit bas comprennent réellement pourquoi il était cela. Au-delà de ça, il n’était pas sûr de grand-chose. Cela allait changer. Le mouvement machinal de ses doigts s’interrompit, quand elle terminât enfin de parler, et il considéra soigneusement ses paroles, laissant un silence s’installer entre eux. Il lui avait demandé d’offrir, et elle faisait preuve d’une grande avarice. C’était attendu. Elle arguait de son utilité. Il l’avait lui-même établi, et elle ne comprenait pas que c’était pour lui expliquer qu’elle n’entrait pas en compte dans la balance.

Il n’équilibrait pas un bilan comptable. Il ne cochait pas des cases, il ne faisait pas le calcul mercantile des avantages et des inconvénients pour décider ou non de l’épargner. Là encore, il n’était pas spécialement surprenant qu’elle ne comprenne pas. Finalement, sa main balaya la table, passant sur le papier et s’en saisissant. Tout en le pliant soigneusement en quatre, il répondit d’une voix égale :

« J’ai été trop hâtif. Reprenons du début, si tu le veux bien. »

Sa main écrasa le papier sur le bois de la table, le bruit sourd résonnant avec brutalité pour marquer un nouveau départ.

« Je supporte votre présence, quotidiennement ! hurla-t-il, les traits de son visage se tendant pour dévoiler des lèvres tirées et une dentition solide. J’endure ce cadavre vérolé que vous appelez une cité ! Je reste patience, et je fais tous les efforts pour limiter ma légitime vengeance aux coupables directs ! Et quand je viens à toi, pour te demander si tu dois vivre, si tu es propre, si tu peux faire la démonstration de ton innocence, tu tentes de me la vendre comme une marchandise ! Non ! »

Le dernier mot avait empli l’espace, s’étirant comme un long hurlement. Sa main s’était crispée sur le comptoir, et l’autre, immobile autour de sa lance, s’était levée, la fureur qui débordait de lui accomplissant l’éternel geste de la préparation au combat. Un grondement sourd monta de son poitrail, et il reposa le cul de son arme sur le sol. Doucement. Précautionneusement. Sans qu’elle ne fasse autant de bruit que ses doigts frappant le bois. Il souffla longuement, et leva une main impérieuse, réclamant un moment de silence, avant de reprendre.

« Une dernière fois. Comprends ce que je te demande. Donne-moi quelque chose de tangible. De définitif. De solide. Quelque chose qui me force à me dire que je ne peux décemment pas te tuer. Quelque chose que tu ne veux pas donner. Quelque chose qui puisse me convaincre. Tu te dis protégée par tes informations, et ta capacité à danser sur le fil tendu qui relie les diverses factions qui gangrènent le bas-monde de cette cité. Tu dis être utile à tous. Tu possèdes cela. Libère-t’en : le temps des considérations commerciales est passé, tu dois le comprendre. Je te propose autre chose. Quelque chose de plus grand, et s’il me faut condescendre à utiliser ton langage, de plus juteux. »

Son ton, se refroidissant lentement, avait repris son rythme lent et égal, presque désincarné. Il fallait qu’elle voie. Ou plutôt, c’était pour elle un impératif vital. Sa forteresse était solide, et de cela le paragoï ne doutait aucunement. Mais elle ne l’était que pour ceux qui acceptaient de jouer selon ses règles. Et lui ne s’embarrassait aucunement de ces dernières, plus depuis que la cité lui avait montré son incapacité à les appliquer et le peu de respect qu’elle concevait pour sa propre création. Mais elle verrait. Sans doute voyait-elle déjà. Un rappel vigoureux, souvent, suffisait à faire comprendre à ces gens que la bulle d’illusions dans laquelle ils se prélassaient n’était en aucune manière une barrière infranchissable, ou une carapace salvatrice.

C’était une faiblesse.
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Hypanatoi l'écoute, patient et visiblement toujours peu convaincu. Pendant qu'elle finit son discours, elle réfléchit. Elle a beau se creuser la tête, retourner la situation dans tous les sens possibles et imaginables, elle ne comprend pas ce qu'on attend d'elle. Alors qu'Arya nage dans le flot de ses pensées, le bruit sourd du métal frappant le bois l'arrache à sa réflexion. Surprise, un mauvais réflexe lui fait refermer d'un coup sec la main d'ombre qui tenait son verre, brisant ce dernier en mille morceaux. Alors qu'elle s'apprête à accueillir la désagréable sensation d'avoir la paume mutilée, elle ne ressent que de légers picotements. Étrangement, son arrivée à Portalia l'a rendue plus forte. Elle n'est plus à Althéa, elle l'oublie trop souvent... C'est là sa plus grande faiblesse : elle continue d'agir, de penser comme si elle vivait dans son ancien monde. Elle s'adapte mal à cette cité, à ses habitants tous plus différents les uns que les autres. Essayer de comprendre Hypanatoi avec ses valeurs humaines, c'est coudre avec une fourchette. Elle ne possède pas les outils pour l'appréhender, et ce n'est pas prêt de changer. Pour elle, le guerrier est une personne profondément irrationnel, mue seulement par l'impulsion instantanée de ses désirs. Et pourtant, s'il ne résumait qu'à cela, Arya ne se retrouverait pas menacée par une lance à l'heure qu'il est.

Une fois qu'Hypanatoi a fini de beugler sa tirade, il baisse enfin son arme. Il lui reproche de lui "vendre" son innocence. Quelle niaiserie... Tout est un échange, une transaction. De la plus simple des amitiés au grand amour, toute relation se résume à un contrat entre deux individus. Certains n'en ont simplement pas conscience, voilà tout. Reprocher à la marchande de présenter honnêtement ses informations comme ce qu'elles sont, c'est-à-dire un produit, est d'un ridicule écoeurant. Elle regarde la marque laissée par le gant d'Hypanatoi sur sa table. Il va payer. Pour cette table, pour ses manières, pour son mépris. Reste à trouver un moyen de le faire plier... S'il est vrai que son arrivée à Portalia l'a renforcée, l'aventurier reste très largement hors de sa portée. Pour le moment du moins...

Reprenant son calme, il enchaîne. Il demande, ou exige plutôt, à nouveau de lui "donner quelque chose qu'elle ne veut pas donner". Le problème, c'est qu'Arya ne demande qu'à comprendre ce qu'Hypanatoi attend d'elle. Il veut qu'elle lui prouve son innocence, mais malheureusement, ce n'est pas quelque chose qu'elle peut physiquement lui donner. Cependant, la dernière partie de son discours est intrigante. Il veut qu'elle se... "Libère" de son travail actuel ? Il est sérieusement en train de lui demander de ne travailler plus que pour lui ? C'en est presque drôle... Si Hypanatoi cherche à avoir les services exclusifs d'Arya, il va falloir qu'elle considère sérieusement cette offre. D'un côté, l'aventurier est très certainement l'une des créatures les plus puissantes présentes à Portalia, l'avoir pour allié est donc un avantage considérable. En revanche, rien ne garantit qu'il ne décide pas d'éliminer la jeune femme une fois son travail accompli... Sans compter qu'il possède un nombre presque incalculable d'ennemis. De toute façon, ce n'est probablement pas ce qu'il veut.

Arya réfléchit. Hypanatoi semble très attaché à cette idée de "sacrifice", de faire ce que l'on ne veut pas faire pour prouver sa bonne volonté. Les seules informations qu'elle ne considère pas comme échangeables sont son appartenance à la Secte et le détail de ses opérations en solitaires. Littéralement tout le reste est négociable. Lui dire qu'elle appartient au groupe le plus détesté de Portalia est probablement une mauvaise idée, et il ne peut pas être au courant de ses affaires privées. Elle réfléchit, encore et encore, presque à s'en donner la migraine. Elle finit par se rendre à l'évidence : elle ne comprend pas ce qu'Hypanatoi attend d'elle. Plutôt que de prendre le risque que de faire l'erreur de trop, il est sûrement plus sage d'être honnête avec son interlocuteur. Son ego va en prendre un coup, mais il guérira. Calmement, non sans une pointe de malaise dans sa voix, elle parle.

-J'essaye de comprendre ce que vous me demandez Hypanatoi, c'est bien ça le problème. Vous m'avez demandé mes informations, ma coopération. Je vous les ai données. Vous m'avez ensuite demandé mon innocence, une raison pour vous de ne pas me tuer. Aussi bien que possible, je vous l'ai donné aussi. Or, visiblement, vous n'êtes toujours pas satisfait.

Arya marque une pause en remarquant que le verre d'Hypanatoi s'est renversé quand ce dernier a brusqué la table de son poing. Sans s'interrompre, elle sort un chiffon de sa poche et nettoie la table. Discrètement, elle en profite aussi pour faire disparaître les restes de son propre verre.

-Je ne pense pas pouvoir vous persuader de mon innocence en l'état. Mais, à nouveau, je suis tout à fait disposée à travailler avec vous. Si vous me demandez de me "libérer" de mes autres partenaires, bien que cela soit problématique pour ma sécurité, je suis prête à l'accepter aussi.

Evidemment, c'est un mensonge. Mettre tout son poids sur un seul pied, c'est risquer de tout perdre d'un mauvais coup de vent. Cependant, la coopération d'Hypanatoi vaut bien quelques-uns de ses partenaires actuels. Si elle ne garde que les plus discrets, ça ne sera pas un problème.

-Il y a bien une solution pour vous prouver que je ne suis aucunement liée à votre organisation, si c'est là ce que vous cherchez. Allez arracher la vérité auprès de Magnus. Je peux même vous accompagner ou vous l'offrir si le cœur vous en dit... Mais cela suffira-t-il pour me laver, Hypanatoi ?
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Les choses avançaient toujours si lentement, ici. Il faisait de grands efforts pour être compris, mais il avait toujours tant de mal à l’être, comme si sa voix ne parvenait à ces gens que comme un écho lointain et déformé. Et parfois, il se demandait s’il avait tant progressé que ça dans le déchiffrement de ces gens. S’il commençait réellement à comprendre le mystère que constituait cette population amorphe. S’il ne les voyait pas, tout simplement, au travers d’une surface épaisse et déformante. Les sages avertissaient abondamment sur ce sujet, et parlaient de la nécessité de s’assurer que ce que les sens et la compréhension présentaient à l’esprit était juste. Il était en vérité totalement impossible pour un esprit de s’en assurer pleinement, et la vérité, en tant qu’idéal pur et juste, devait à jamais être hors d’atteinte. Comme tous les idéaux, et c’était pour cela qu’il fallait les poursuivre avec plus d’ardeur encore : ne pouvant être atteints, ils formaient d’éternelles cibles. Il laissa la petite créature, une fois encore, lui avouer son impuissance et son incapacité à fournir ce qu’il demandait, et il hésita un instant. Il avait largement les justifications nécessaires pour broyer entre ses doigts son crâne ridicule, et en terminer avec toute cette sordide affaire. Cet endroit, des propres aveux de sa propriétaire, ne pouvait pas le satisfaire, et elle ne pouvait pas se faire différente de ce qu’elle était.

Il hésita un instant. Elle ne comprenait encore qu’à moitié, mais expliquer une fois ne produirait aucun résultat satisfaisant. Il ne pouvait pas attendre d’elle qu’elle devienne parce qu’il le réclamait autre chose que ce qu’elle était. Que la chose en question soit un amas ordurier et vil n’était pas important, et il devait faire preuve de détachement. Se rappeler des préceptes qui régulaient sa conduite. Il laissa un autre instant de silence flotter, autant pour lui qu’elle, avant de répondre, d’une voix qu’il voulut calme, mais dont il ne put expurger totalement l’irritation qui le rongeait :

« Soit. Sans doute en attendais-je trop, fit-il en tendant vers elle le papier qu’elle venait de lui donner. Comprends-le : souvent, je surestime mon interlocuteur, et il m’est difficile d’aller contre ma nature. »

Hésitant une dernière fois, il finit par continuer :

« Je n’attends pas de démonstration. Pas de service rendu. Ce n’est pas l’envie de posséder ou d’obtenir qui me mène ici. Laisse-moi, peut-être, t’aider à mieux comprendre : les gens impliqués dans le meurtre de Kemat mourront. C’est une certitude, comme l’est la succession du soleil à la lune, et il me faut simplement déterminer qui est coupable, et qui ne l’est pas. Ce n’est pas une chose avec laquelle j’entends m’arranger, et laisser telle vermine vivre parce que cela me serait utile, ou plus facile. »

Marquant une dernière pause, il termina en répétant une fois de plus le seul mot qui les reliait vraiment :

« Soit. Tu vivras. Dans ton incapacité à fournir ce que j’attends, je vois ton éloignement de ces gens, et je doute que ce soit là une manœuvre : tes limites m’apparaissent clairement. Mais tu as proposé de venir m’accompagner, et je pense que c’est une bonne idée. »

Agitant une dernière fois la main qui tenait le papier, il l’invita à réagir. A prendre le petit objet, certes, mais également à sceller d’un geste sa parole. La petite chose avait beau être innocente, elle restait une marchande liée à la matière de ces gens répugnants. Elle était composée des mêmes particules, et grouillait dans les mêmes ombres. Son contact même était salissant, et le supporter relevait de l’abnégation. Mais cela, le paragoï en avait conscience, et plus encore savait comment manier ces gens. Nombre d’entre eux gisaient sur leur perchoirs, ébahi par les reflets de leur propre brio, convaincus de leurs maîtrises des choses basses du quotidien. Souvent, ils avaient raison. Mais ils étaient incomplets, et toujours, ils oubliaient que les éléments de leur force étaient empruntés. Qu’eux-mêmes étaient très vides, et qu’ils avaient beaucoup à envier à l’acier des armes et au granit des monolithes. Elle apprendrait, sans doute. De sa main, ou de celles d’une autres, mais elle apprendrait : c’était l’invariable des destins des gens de son espèce.

Pour l’heure, sa position à lui n’était pas celle du précepteur, mais bien du souverain. Il était venu. Il avait vu. Il avait obtenu. Restait maintenant à ramener au temple le précieux tribut, et à continuer la cérémonie. La jeune femme, elle, voulait participer.

S’extrayant de ses éternelles et pensées envahissantes, il se résolut simplement à attendre. Elle devait simplement montrer son assentiment.
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Si le géant n'a pas perdu ses envies de meurtres, il semble toutefois tempérer tant bien que mal ces dernières. Une fois de plus, il insulte l'honneur d'Arya, cette fois-ci en lui exprimant qu'il l'a surestimée. Le coup est dur à encaisser pour elle, qui a déjà du ravaler sa fierté en avouant son incompréhension juste avant... C'est à se demander si il ne le fait pas exprès. Le non-respect des règles, le coup sur le bureau, les inombrables menaces de mort... N'importe qui d'autre n'aurait plus que quelques jours à vivre, au mieux. Mais Hypanatoi n'est pas n'importe qui, c'est bien ça le problème. Il fait partie des quelques personnes qui peuvent se permettre de suivre leur propre chemin, en faisant fi du monde qui les entoure. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles...

Il lui explique, une fois de plus, ce qu'il cherche vraiment en venant ici. Chose qui conforte Arya dans l'idée qu'elle n'a, pour l'instant, rien à craindre de lui puisqu'elle n'a jamais eu l'occasion de travailler avec le sujet de sa colère. Bien qu'aider les ennemis d'Hypanatoi par simple mesquinerie est très alléchant, ce groupe présente bien trop de défauts pour devenir un partenaire à long terme. Le simple fait qu'un seul homme, aussi fort soit-il, est en mesure d'agir aussi librement est un bon indicateur de la compétence de ces gens... Accessoirement, c'est aussi à cause de leur organisation catastrophique qu'elle se retrouve mêlée à tout ça. Accepter les incapables dans ses rangs permet certes d'avoir de la main d'œuvre facile, mais il ne faut leur donner que des tâches à la hauteur de leur personne. Le rôle de chair à canon leur sied en général très bien...

Finalement, Hypanatoi énonce enfin les mots tant attendus par la négociante... Avant de remuer une ultime fois le couteau dans la plaie, en lui rappelant ses limites. Si seulement j'étais encore à Althéa... Hypanatoi, l'Ordre, même Portalia... Elle les soumettra tous, un jour. Ils paieront pour l'affront sans nom qu'ils lui infligent chaque jour depuis maintenant plusieurs mois. Mais malheureusement, dans son insulte, le guerrier a raison : Arya est limitée. Beaucoup trop pour même dire qu'elle est vraiment influente, ne serait-ce qu'au sein de sa propre faction. Si elle ne le sait que trop bien, l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre sonne à ses oreilles comme la pire des injures.

La bonne nouvelle dans tout ça, c'est que le paragoï accepte la proposition d'Arya. Si elle a déjà entendu beaucoup d'histoires sur ses exploits martiaux, le voir en action est une excellente occasion de séparer le mythe de la vérité. Accessoirement, c'est aussi une opportunité pour elle d'obtenir quelques informations sur le groupe pour lequel travaille Magnus. Coopérer avec Hypanatoi à l'avenir ne semble pas être une option, autant savoir au plus vite ce qui risque de lui retomber dessus. Il lui tend alors la main, avec dans cette dernière le pauvre papier meurtri. C'est un miracle qu'il ne soit même pas déchiré... D'abord hésitante à insérer sa fragile main dans cet immense étau, elle finit par se résigner. Elle retire son gant, plus pour ne pas le salir que pour la symbolique, et se saisit des pages. Pouvait-on vraiment appeler ça une poignée de mains ? Probablement pas, non. Le contact fut trop bref, le mouvement inexistant, la peur d'y laisser des doigts trop forte. À défaut de ça, le geste traduit quelque chose de beaucoup plus important : ils sont arrivés à un accord. Ce fut laborieux, et Arya n'est pas tout à fait sûre de ce qu'elle obtient en retour de ses services, mais peu importe. Sa vie est sauve, Magnus va payer le prix de sa sottise, c'est déjà très bien pour l'instant.

-Vous m'en saurez ravie. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je propose que l'on se mette à la tâche tout de suite. À cette heure-ci, Magnus doit être en train de jouer aux cartes dans une taverne miteuse du quartier nord. Nous pouvons l'appréhender sur place, mais je serais d'avis de l'attendre devant chez lui. Il suffira de l'intercepter quand il ouvre sa porte, et le tour est joué.

Elle lui demande s'il veut y aller tout de suite, mais c'est plus une formule de politesse qu'autre chose. Tout en donnant ses explications, Arya se lève. Elle range son bureau, puis sort une épaisse cape noire d'une armoire, qu'elle enfile aussitôt. Ce vêtement détonne beaucoup avec ses autres habits : sa robe, ses gants, ses chaussures... Tout est ouvragé, soigné et bien entretenu. Cette cape, elle, ressemble plus à un paillasson maladroitement transformé en quelque chose de portable. Elle ne porte cette guenille que lorsqu'elle ne souhaite pas attirer l'attention, autrement dit, lorsqu'elle se rend dans le quartier nord. Elle sort de son cabinet, tout en invitant Hypanatoi à la suivre. Il commence tout doucement à faire nuit, parfait. La pluie en revanche, je m'en serais bien passée... Elle se poste au pas de la porte, puis se tourne vers son invité.

-Si vous avez tout ce qu'il vous faut, permettez-moi de vous guider. Aussi... Je pense que c'est inutile de le préciser, mais sait-on jamais. Pour l'écrasante majorité des gens, je ne suis qu'une négociante sans histoires. Si l'on apprend qu'une tenancière d'un commerce du quartier ouest fricote avec des criminels, je n'ose pas imaginer les conséquences... Je compte sur votre discrétion.

Dernière édition par Arya Vaelis le Sam 9 Sep - 20:47, édité 1 fois
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Les choses, enfin, avançaient. Elle progressait. Lentement. Péniblement. Chaque pas se faisait au prix d’un effort titanesque, mais là n’était pas l’important : elle avançait, et c’était bien là tout ce que le paragoï pouvait décemment exiger d’elle. Elle sembla tout de même hésiter, réfléchir à ses options, peser le pour et le contre. C’était attendu. Il lui laissa le temps de le faire, sa main lévitant entre eux comme une invitation silencieuse. Ils le savaient tous les deux : elle allait accepter. Ce n’était pas une question de quand, ou même de comment. Malgré tout son talent pour la négociation, elle n’avait plus rien à montrer, plus rien à échanger, plus rien à étaler. Hypanatoi s’en était assuré. En rejetant le papier, il l’avait privé de de ce qu’elle pouvait offrir. En lui faisant dire qu’elle pouvait l’amener où il voulait, il l’avait privé de ce qu’elle pouvait demander. Et quand enfin, avec ses petits doigts minuscules, épais des fils de soie et long comme la moitié d’une brindille, elle reprit le document qu’elle lui avait offert en offrande, touchant brièvement la main du paragoï pour sceller leur accord, ce dernier sut qu’il avait tiré d’elle tout ce qu’il pouvait tirer d’elle. Cela n’avait pas été particulièrement difficile, certes, mais c’était toujours un travail laborieux, que de converser avec les portaliens dans un langage qui leur était au moins en partie accessible. S’estimant donc en droit de profiter au moins un peu du sentiment de satisfaction mesquine qui irradiait dans son corps, il adressa un grand sourire à la receleuse.

Interrompant le cours normal de ses activités pour continuer de se mettre à sa disposition, elle expliqua pouvoir le guider immédiatement. Cette attitude servile lui allait à ravir, bien mieux que celle de l’enfant rabougrie qu’elle avait adoptée précédemment. Peut-être même y avait-il un réel espoir pour elle. S’il n’était pas contraint de la mettre à mort, sans doute aurait-il de nouveau à étudier plus avant son cas. Pour l’heure, cependant, il était lui-même esclave d’impératifs autrement plus pressants. Désignant la sortie du magasin d’un geste ample de sa main maintenant vide, lui-même s’y dirigea, replaçant au fur et à mesure de sa progression les divers éléments de son armure à leur place. Quand ils émergèrent enfin hors de la boutique, il sentit la pluie frapper son visage, doucement. Avant de le guider, elle se fendit d’une dernière imploration. Elle réclamait sa discrétion sur ses activités. Elle priait qu’il n’attire pas l’attention. Le paragoï se contenta de lui adresser un sourire qu’il voulut rassurant, se retenant de montrer les dents et laissant le trait mince de ses lèvres s’étirer en une longue balafre.

« Ton existence, si elle t’est rendue, pourra continuer de s’articuler autour du décompte des piécettes qui te sont si chères. »

Il ne doutait aucunement qu’elle trouve dans cette phrases plusieurs raisons de s’inquiéter, ou qu’elle aille y chercher un sinistre sous-entendu. C’était là encore quelque chose d’assez petit, mais Hypanatoi n’avait jamais prétendu être doté d’un sens de l’humour particulièrement développé. D’autres choses, chez lui, étaient grandes et glorieuses. Ses plaisanteries, il en avait conscience, était souvent basses et mauvaises. Il s’en accommodait sans peine. Prenant la direction des quartiers Nord après avoir enfoncé son casque sur son crâne, il continua la conversation, sans s’encombrer d’une des habituelles pauses qui ponctuaient normalement ses discours :

« Nous allons nous diriger directement vers la taverne. C’est le plus rapide, et la multiplication des exemples publics m’a très bien servi. Quant à toi, dis-moi ceci : quel futur vois-tu pour toi ? J’ose espérer que tu ne penses pas pouvoir conjuguer encore longtemps ton existence actuelle et les secrets que tu accumules chaque jour. Viendra un temps où ton édifice s’effondrera. »

Maintenant qu’il avait accompli l’important, venait le secondaire. Il voulait comprendre. Le portalien était toujours à ses yeux un animal exotique aux mœurs insondables, et il avait sous les yeux un spécimen particulièrement intéressant. Il souffrait certes des mêmes failles qui encombraient l’écrasante majorité de ses congénères, mais se distinguait sur plusieurs points de détails saillants. Le paragoï n’avait jamais abandonné son idée de réellement percer à jour les fondements de l’identité des habitants de cette cité, et il se sentait chaque jour approcher un peu plus du but. La faire parler serait utile, à bien des endroits. Plus encore que cela, c’était quelque chose dont elle avait besoin, et qui lui permettrait de s’assurer que leur coopération, aussi imposée qu’elle puisse être, se déroule correctement. Il n’avait pas le luxe de dépenser son temps et son énergie à corriger ses illusions, et il fallait pour cela qu’elle parvienne à le faire d’elle-même.

C’était de toute façon la meilleure manière de convaincre les portaliens : les amener là où l’on voulait les voir, et les laisser s’imaginer que c’était de leur propre chef qu’ils y étaient parvenus. La méthode fonctionnait jusqu’à présent avec une efficacité à proprement parler terrifiante, et il n’avait aucune raison de douter que cela allait changer. La jeune marchande, après tout, avait déjà confirmé une fois son efficacité. Il ne serait pas trop inconvenant de lui faire réitérer ce succès.
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Sans dire un mot, Hypanatoi la rejoint au pas de la porte d'entrée. Bizarrement, il est beaucoup plus docile quand les choses vont dans son sens... Une fois le guerrier correctement rééquipé, Arya enfile sa capuche avant de s'engouffrer dans la pluie. Le guerrier la suit tout en laissant planer de sinistres sous-entendus. Si menacer est un sport, autant dire qu'il en est le champion. Comme si cela ne suffisait pas, la fente de son casque laisse entrevoir un grand sourire narquois. Sa malséance n'a pour limites que la sincérité de son mépris à mon égard... Mais bon, peu importe. En ce moment, ils sont collègues. Le manque de professionnalisme d'Hypanatoi ne doit pas déteindre sur sa personne. Surtout que contrairement à lui, elle est bien incapable de lui briser la nuque sur un coup de tête...

Visiblement impatient d'agiter sa lance dans les boyaux de Magnus, il enchaîne de suite. Sans surprise, il veut donc se rendre à la taverne. Victime d'un mal qui gangrène bien des habitants de tous les mondes, la subtilité lui est sans aucun doute une notion très abstraite, un concept étrange et lointain, impossible à appréhender. Affirmer de la sorte que c'est la solution la plus rapide est sujet à débat : il faudra donc, une fois le cas de Magnus réglé, visiter sa demeure. C'est là que se trouve assurément la majorité des informations pertinentes, et non dans la caboche ravagée par l'alcool d'un déchet du quartier nord. Voilà qui explique pourquoi il n'a toujours pas mis la main sur les pontes des esclavagistes. Cela dit, Arya ne compte aucunement contredire Hypanatoi. Il veut aller à la taverne, perdre du temps et s'épuiser pour rien ? Qu'il s'amuse tout son soûl, la prochaine fois, peut-être écoutera-t-il ses conseils.

La suite de son discours surprend néanmoins Arya. Une fois de plus, il lui pose des questions personnelles, cette fois-ci sur ses plans d'avenir. Peut-être cette curiosité est-elle sincère ? Elle ne ressent pas d'intentions derrière cette interrogation, contrairement à tout à l'heure. Quel personnage étrange... Tantôt prêt à vous arracher la tête, tantôt intéressé par vos projets de vie. Si elle ne venait pas de bouche, sa dernière phrase pourrait presque sonner comme une préoccupation.

-Rien n'est pérenne, j'en ai bien conscience. Viendra un jour où je devrais abandonner une de mes deux vies, et embrasser pleinement l'autre. Arya hausse les épaules avant de reprendre. En attendant ce jour fatidique, je fortifie mon édifice et je m'assure une sortie de secours afin de ne pas m'effondrer avec. Je m'attèle à rester petite et discrète afin qu'une fois mon labeur accompli, je puisse profiter d'une vie civile des plus classiques. D'où l'importance de correctement s'occuper des cas comme celui de ce soir.

Bien évidemment, ce qu'elle vient de lui servir est un colossal mensonge. Si elle venait à devoir abandonner une de ses demi-vies, elle se jetterait à corps perdu dans sa carrière criminelle. L'idée lui avait déjà traversé l'esprit lorsqu'elle a démarré ses activités, mais celle-ci fut rejetée à cause du manque de connaissances sur Portalia. Or, si tout se passe comme prévu, elle aura largement eu le temps de se renseigner suffisamment pour que ça ne soit plus un problème lorsque le "choix" se présentera. Ne pas avoir à s'embêter avec toutes les contraintes inhérentes à une discrétion acceptable est un avantage conséquent, nul doute qu'elle en aura besoin pour arriver à ses fins. Elle s'occupe des fouineurs, des bavards et des indiscrets, car ils sont une gêne, car elle veut choisir le moment où Arya la civile meurt. Accessoirement, c'est une bonne manière d'inculquer un message important pour tous ses potentiels collaborateurs : mettre un pied en dehors du contrat, c'est mettre l'autre dans une tombe.

Profitant de l'élan de curiosité d'Hypanatoi, Arya s'arrête un instant et se tourne vers lui.

-Quid de vous, Hypanatoi ? Votre mission actuelle prendra assurément fin un jour. Au fait, simple curiosité, mais pourquoi autant de ferveur dans votre quête ? Cette femme était-elle proche de vous, ou agiriez-vous de la même manière pour n'importe quel originaire de votre monde ?

Tout ce qu'elle sait, tout ce que tout le monde sait sur lui, c'est qu'il cherche à démanteler une organisation qui a humilié et tué une invoquée de son monde. Suite à cela, il a basiquement ravagé les bas-fonds du quartier nord avec une violence inégalée pour arriver à ses fins. Cette affaire fait tellement de bruit qu'il est presque impossible de savoir quoi que ce soit d'autre sur lui. Or, en sachant qui il est et ses autres éventuels buts, Arya augmente ses chances de survie. Pour gérer une telle énergumène, il faut savoir mettre toutes les chances de son côté.

Arya brise cette courte pause, reprenant sa route. Ils arrivent maintenant dans le quartier nord, agréablement calme ce soir : seuls leurs voix et le bruit de l'eau claquant sous leurs pas brisent le rythme si singulier des gouttes de pluie qui battent sur les pavés. Pour une fois, la jeune femme peut pleinement profiter de cette tranquillité... Après tout, nombreux sont ceux qui veulent la peau d'Hypanatoi, mais peu sont assez fous pour l'attaquer de front. Par extension, personne ne risque de s'en prendre à elle.

Si elle trouve un moyen d'appuyer suffisamment cet effet ce soir, Hypanatoi aura payé ses services sans même s'en rendre compte.
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Hypanatoi Konostinos
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Elle ne répondait pas franchement à ses interrogations, mais ce n’était pas étonnant. La jeune femme faisait des secrets autant son fond de commerce que sa protection, et révéler ainsi ses plans à une personne ayant expliqué que sa vie était pour lui une considération secondaire et incertaine n’était pas quelque chose qu’elle pouvait se permettre de faire. C’était une erreur, certes, mais c’était une erreur qui confirmait le modèle qu’Hypanatoi se faisait d’elle. Il le construisait lentement, avec soin, comme il l’avait autrefois pour les sculptures de pierre meuble sur lesquelles il avait posé ses mains. Il regardait ce qui se relevait du portalien standard, ce qui se retrouvait presque sans faille parmi le reste de ses concitoyens, et les petites différences qui existaient. Certaines étaient sans importance, de simples différences de forme, d’échelle d’importance, de degré. D’autres expliquait son appartenance au monde parallèle qui existait en marge de la cité. Et certaines, plus rares, relevaient du peu d’individualité qu’elle témoignait. Le modèle, comme toujours, était fonctionnel.

Bien malgré lui, Hypanatoi savait lire les gens. Nombre de ses dons étaient artificiels, le fruit d’un conditionnement et d’un travail aussi acharné que quotidien. Pas celui-là. L’ironie était mordante : s’il en reconnaissait sans peine l’utilité, il le considérait avec mépris et dédain. C’était une compétence de marchand. De sycophante. D’intrigant. Il ne l’aimait pas, bien qu’il ne soit pas assez orgueilleux pour refuser de l’utiliser, quand un chemin plus noble n’était pas possible.

La petite créature lui parlait d’une porte de sortie, donc. Tout son langage, depuis le début, était construit sur ce modèle, comme nombre de portaliens. Leur façon de s’exprimer reflétait, comme pour tous, leur nature. Et ce reflet était rarement flatteur. Il ne commenta pas, notant simplement que son souhait semblait simplement être de profiter d’une vie tranquille. Qu’elle ne manifestait pas d’ambition particulière. Là encore, il était tenté de la croire. L’ambition était un trait extrêmement rare, ici, bien qu’une mesure supplémentaire de prudence s’impose à lui. Les gens qui aspiraient à une existence paisible et moutonnière ne s’orientaient que rarement dans le commerce d’informations sensibles et secrètes et les prouesses d’équilibristes qu’il demandait. Il fallait après tout se rendre utile à tous, sans pour autant que cette utilité ne devienne suffisamment problématique pour inciter des réponses violentes. Et cela imposait des sacrifices, et de ne pas pouvoir laisser derrière soi ce pan de sa vie. Pas sans d’autres pertes, plus dures encore.

Peut-être n’en avait-elle pas conscience. Mais il en doutait. Elle ne lui semblait pas particulièrement stupide. Atteinte du même mal que nombre de gens emprisonnés sur ce monde, oui. Mais pas stupide. Il considéra avec amusement ses questions. Elle s’intéressait à lui, et il doutait que ce soit simplement pour le plaisir de sa conversation. Rares étaient les gens qui aimaient converser avec lui, même auprès de ses semblables.

« Ce que tu appelles ferveur n’est que ce que je suis obligé de fournir, répondit-il sur un ton dans lequel une pointe d’amusement perçât. Sur mon monde, chaque personne est précieuse, parce que c’est l’apport de chacun qui permet de repousser les forces corruptrices qui entendent le détruire. Mon rôle est de prendre les armes, mais chaque personne se bat. Et chaque personne a donc le droit à ma protection. Je ne connaissais pas Kemat. Je ne sais rien d’elle, en vérité, sinon son nom, ce qu’elle a subi, et qu’elle venait de mon monde. Et cela est suffisant pour m’ôter tout choix : les coupables doivent mourir. »

Il marqua une légère pause, s’assurant de rester calme. S’il avait commencé sur un ton enjoué, l’évocation des sévices et de l’assassinat de Kemat suffisait à chaque fois à transformer le grondement sourd de son ire immortelle en un rugissement impérieux. Inspirant doucement, il reprit, d’une voix plus mesurée :

« Cette ferveur qui t’étonne me surprend moi par son absence. Vous êtes contents de vivre des vies simples. De mourir après avoir brouté tranquillement, souvent de façon très timide, d’avoir profité d’un peu d’ombre. Votre existence me semble si vide. Vous ne cherchez pas l’excellence, dans aucun domaine, vous ne vous exercez à rien, et les épreuves sont pour vous des choses à éviter. En vérité, j’ai pendant un temps cru que c’était là le fait d’une malédiction ou d’un enchantement mauvais, qui s’attaquait à vos forces vitales. Mais il n’en est rien, et c’est d’autant plus tragique. Parce que vous ne vous donnez pas les moyens de préserver la médiocrité de votre existence. Parce que le plus grand ennemi qui existe dans ce monde, pour vous, n’est pas à l’extérieur des murailles. J’ai mis du temps à le voir. Avant d’apprendre les méfaits subis par Kemat, je pensais pouvoir rester à l’écart de tout cela. Trouver un moyen de rentrer chez moi. Je sais maintenant que c’était trop optimiste. Si je veux éviter de sombrer avec Portalia, je devrais tuer cet ennemi qui vous harcèle. Je devrais vous forcer à vous tenir droit. »

Un rire léger manqua de secouer son torse, mais il le retint, avant de reprendre :

« Plus j’annonce clairement mes intentions, moins les portaliens semblent les comprendre. »
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descriptionNoble labeur (Arya) EmptyRe: Noble labeur (Arya)

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Visiblement amusé par la curiosité d'Arya, quoi que tout de même méfiant, Hypanatoï est bavard. Pour le plus grand plaisir de la marchande, il se livre Emprunt d'un amour véritable et profond pour son ancienne patrie, il confirme l'image qu'elle se fait de lui : un homme guidé par un sens du devoir infaillible, obligé de suivre un code moral rigoureux pour vivre en paix avec lui-même. Il ne fait pas partie de ces fous qui, rongés par le souvenir d'une vie qu'ils ne récupéreront jamais, se lancent dans un long et pénible suicide. Il ne connaissait de cette femme que le nom, et pourtant, il est prêt à tuer tout Portalia pour laver son honneur. Sa passion est tellement intense que le simple fait de se remémorer cette histoire tragique suffit à réveiller sa colère. Mettez n'importe quel homme à la place d'Hypanatoi, et c'en serait presque romantique...

Tout ceci soulève cela dit une intéressante réflexion dans l'esprit mercantile d'Arya : si la vie d'une invoquée vaut tout Portalia à ses yeux, que vaut la sienne ? Il n'est pas étranger à la notion de sacrifice, il va donc sans dire qu'il a déjà réfléchi à la question. Ravie, Arya se félicite d'avoir si rapidement trouvé un point faible au colosse... S'il n'est pas humain, il partage tout de même quelques points communs avec eux. La passion est une faiblesse, quelque chose de facilement exploitable par qui sait s'y prendre. Personne, à part peut-être quelques détraqués au cerveau mal fini, n'en est à l'abri. Malgré sa prudence, elle possède aujourd'hui trois travers similaires : sa soeur, Caliban et elle-même. Trois interdits, trois limites, trois points faibles qui trahissent sa sentimalité propre aux humains. Si en avoir conscience ne l'immunise pas, ça lui permet au moins de soigneusement protéger ces fissures. Avec un peu de chance, le rapport à la vertu du paragoï l'empêche de voir ce trait de sa personne comme une faille. Ce n'est pas exploitable tout de suite, peut-être même cela restera-t-il toujours un fantasme... Mais qui sait, cela pourrait bien s'avérer utile un jour.

Hypanatoi continue son discours, blâmant Arya d'un manque de ferveur, d'ambition propre aux Portaliens. C'est amusant... S'étaient-ils rencontrés dans d'autres circonstances, ils auraient probablement pu bien s'entendre. Car tous deux voient Portalia de la même manière : une ville remplie de citoyens plus étranges les uns que les autres, mus soit par leur bêtise, soit par une recherche désespérée de sens. Ils se contentent de suivre bêtement ce que quelqu'un de plus charismatique qu'eux-mêmes, ou dans les cas les plus extrêmes une "divinité" dont l'existence ne se résume qu'à répéter en boucle une phrase, leur dit de faire. Arya méprise au plus haut point ces idiots dépourvus d'ambition, mais là où sa pensée diverge avec celle du guerrier, c'est qu'elle ne compte aucunement les affranchir de leur sottise. Ces misérables sont des outils faciles à obtenir, à utiliser puis à jeter. Espérer pour eux un quelconque autre avenir, une quelconque grandeur est d'un optimisme béat.

Mais malheureusement, ils n'auront probablement jamais l'occasion d'essayer de s'entendre. Arya se doit de le voir comme un ennemi, et essayer de changer les choses est futile. Il doit la voir comme une portalienne lambda, et bien qu'elle doute que son interlocuteur la catégorise déjà comme tel, elle a réussi à semer le doute dans son esprit. Parfait. Les intentions d'Hypanatoi sont nobles, d'une certaine manière, mais incompatibles avec les siennes. Portalia n'a pas la place pour deux tyrans autoritaires, et à défaut de pouvoir l'éliminer, elle doit continuer de lui embrumer l'esprit jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

-Nous ne venons littéralement pas du même monde, après tout. Votre définition de ferveur, de grandeur ne sont pas universelle. Pour certains, atteindre leur propre version d'une vie tranquille exige de longues années de travail acharné, tandis que d'autres se contenteront de moisir dans leur quotidien jusqu'à ce que la mort ne les cueille. Mais dites moi, votre monde est-il donc exempt de scélérats, de profiteurs, de fainéants ? Mon expérience ne me permet pas de concevoir une telle utopie, mais je dois avouer vous avez piqué mon intérêt. Si mon invocation est un drame pour ma vie personnelle, elle a au moins le mérite de stimuler ma curiosité.

Comme pour la dernière interrogation, cette question n'est pas innocente. Tout ce qu'Hypanatoi révèle sera ultimement utilisé contre lui, à un moment ou un autre. Cela dit, la curiosité d'Arya est sincère : que cela soit pour la magie, la société ou la science des autres mondes, elle cherche toujours à en savoir plus, à mieux comprendre. Par exemple, comment le paragoï fait-il pour voir ? Sa vision a beau être imprécise, puisqu'il ne sait probablement pas lire, mais il ne semble éprouver aucune difficulté à se mouvoir sur les pavés irréguliers du quartier nord. Tous les habitants possèdent-ils cette faculté, où est-elle propre à lui-même ? Tant de questions, si peu de réponses... Sans son orgueil démesuré, nul doute qu'elle trouverait suffisamment de mystères pour s'occuper jusqu'à la fin de ses jours.

Arya s'arrête alors brusquement devant un bâtiment miteux, d'où émanent une lumière glauque et le bruit si typique d'alcooliques qui se battent. Le simple fait de devoir rentrer dans un endroit aussi crasseux lui donne envie de vomir... Dans la déjà bien longue liste des griefs d'Hypanatoi, cette petite incursion sera sans aucun doute assez bien classée.

-Je serai ravie d'en apprendre plus sur votre monde, si nous en trouvons le temps. Cela dit, je pense qu'il est temps pour vous d'exprimer votre art. L'homme que vous cherchez a la même taille que moi, est chauve et porte souvent un trois pièces mal rapiécés. Mais bon... Libre à vous de taper avant de poser des questions, vous ne risquez de toute façon pas de blesser un innocent.
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C’était là le point de bascule essentiel, qu’il atteignait invariablement quand il parlait de l’endroit d’où il venait. Pour une raison qui lui échappait entièrement, aucun portalien jusqu’à présent n’avait eu la présence d’esprit de le comprendre de lui-même. Aucun d’entre eux n’avait su émettre l’hypothèse qui seule pouvait s’imposer après avoir entendu le paragoï parler de son monde, après avoir eu sous les yeux ce qu’était Hypanatoi. Une explication était toujours nécessaire, et engendrait généralement une métamorphose profonde de leur attitude. Ils comprenaient qu’Hypanatoi ne parlait pas simplement d’un endroit aux coutumes pittoresques, qui plaçait une importance redoublée sur la maîtrise de soi, la poursuite de l’excellence, de la philosophie et des arts. Ils comprenaient, tout simplement, que ces choses ne se manifestaient pas comme l’écume primordiale du néant, qui en se solidifiant avait formé la matière et les concepts et le temps et l’espace et tout ce qui se trouvait entre ces quatre directions existentielles.

Mais il ne pouvait pas leur en vouloir. Leurs réactions, au début, avaient été entièrement déplaisantes, et il avait souvent cru qu’il allait avoir à hausser la voix ou à faire preuve de violence. Qu’on puisse le traiter comme un agneau blessé après qu’il ait évoqué son enfance, ou qu’on fasse montre d’horreur à la mention de l’organisation qui régissait son pays était insultant. Et puis, il avait compris. Que ces gens reculent devant ces mentions était entièrement compréhensible, et plus encore bienvenu : l’homme mauvais renâclait devant la vertu. Le couard devant le combat, l’ignare devant l’estrade de l’académie, le paresseux devant le sable du gymnase. Loin d’être à déplorer, ces mouvements de reculs étaient autant d’affirmation, et le paragoï, avec la même certitude, répondit à l’interrogation de la compte-piécettes :

« Evidemment qu’elles ne sont pas universelles. Si tel était le cas, Portalia ne serait pas dans ce lamentable état, et c’est cela que je fustige depuis tout à l’heure. Quant à mon monde, évidemment qu’il comporte des déviants. Mais ces derniers sont rares : une éducation vertueuse et l’assurance de trouver une place dans la société éliminent le besoin de recourir à cela. Quant à ceux qui persévèrent malgré tout, un usage est tiré d’eux. Je peux en revanche te l’assurer. Aucun quartier nord n’existe dans les villes de mon pays. Aucun groupe criminel n’y est toléré. Et les gens comme toi, conclut-il simplement, finissent sur les autels sacrificiels. Tout le monde contribue, et c’est cela qui vous manque. Qui te manque. »

Il marqua une courte pause, avant de conclure, d’une voix moins joueuse :

« Vous êtes malheureux, et vous ne vous en rendez pas compte. Personne ne devrait être condamné à supporter des existences aussi vides que les vôtres. Mais tu as raison. Nous aurons à reprendre plus tard cette discussion. »

Pour elle, peut-être serait-elle salvatrice. Pour lui, elle serait un enseignement. Il doutait que la curiosité de son interlocutrice soit entièrement bienveillante. Peu de gens, ici, l’étaient. Mais comme toujours, il fallait pour tirer quelque chose d’utile des gens d’ici consentir à des efforts prodigieux. Heureusement, il savait les fournir. Se tirant de ces considérations, il inspira profondément, la puanteur ambiante le ramenant définitivement au présent, les odeurs de dégradation, d’échec humain et d’abandon formant un fumet plus fort ici que nulle part ailleurs. Gonflant profondément le torse, il hurla, sa voix s’écrasant sur la masure qui leur faisait face comme une vague mugissante, couvrant le bruit lourd de ses bottes qui écrasaient la pierre sale des pavés :

« Magnus ! cracha-t-il en poussant la porte de la taverne. Où es-tu ? Magnus ! Viens à moi ! »

Se pliant légèrement pour passer l’embrasure de la porte, il émergea dans l’atmosphère lourde et humide de l’endroit, son œil intérieur se posant sur les carcasses échouées qui hantaient les lieux. Quelques-uns, sourds au vacarme ambiant, cuvaient des doses tristement prodigieuses de l’alcool frelaté qu’on servait ici. Ils n’avaient pas réagi quand la rixe avait éclaté, ils ne réagirent pas davantage quand le paragoï fit irruption. Certains, sonnés ou blessés, ajoutaient au mélange exotique qui vernissait les planches du bouge leur sang et leur bile. Eux non plus ne manifestèrent pas beaucoup de signe de vie. Certains tentaient d’ignorer le vacarme ambiant, et avaient tourné, lentement, des têtes emplies de visions troubles dans sa direction. D’autres, enfin, se battaient. Quelques-uns étaient armés : des couteaux, à peine des dagues, aux lames souvent abimées et usagées.

« Vermine de Portalia, continua-t-il en frappant le sol du cul de sa lance. Je viens chercher Magnus. J’ai à lui parler, et lui rencontre son destin. Magnus ! recommença-t-il. Où es-tu ? »

L’assemblée, l’espace d’un instant, n’avait pas su comment réagir. Hypanatoi savait pourtant qu’il avait été reconnu. Nombre de portaliens, maintenant, savaient qui il était, et reconnaissaient facilement la silhouette asymétrique dessinée par son armure. C’était plus encore le cas dans les quartiers nord. Puis, plusieurs personnes réagirent en même temps, voulant lui répondre, ou moins sagement, l’apostropher. Il nota distraitement que dans la confusion, l’une d’entre en avait profité pour aller fouiller les entrailles d’une autre. Pittoresque. L’une d’entre elles, cependant, attira son attention. Un homme de la taille de la jeune femme qui l’accompagnait tentait de s’enfuir. Elle n’était pas grande, et il était rare pour un homme d’être si petit. Ignorant le reste de la galerie grotesque, il fendit la foule au pas de course, mutilant sur son passage plancher, bouteilles égarées et autres possessions tombées sur le sol encombré. Dégageant rapidement une personne ayant eu la folie de s’interposer, il bondit finalement, les doigts griffus de son gantelet se posant finalement sur le col de l’homme, avant de le tirer vers lui et de le tirer à sa hauteur, puis de se tourner vers Arya.

« Est-ce lui, hurla-t-il en le soulevant plus haut encore ? Est-ce Magnus ? »

Si tel était le cas, il avait à commencer un très noble labeur.
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