S'instruire, c'est toujours plus intéressant quand le débat peut s'ouvrir. [PV The Blade] (Terminé)

Le moment était venu.
J'avais le cœur qui battait à mille à l'heure, mais il fallait que j'aille voir. Le livre que les orphelins avaient récupéré de la librairie d'Yseult restait beaucoup trop dans ma tête. Je devais y faire un tour. Et si je ne trouvais rien là-bas, j'irais au centre de documentation de la Guilde.
Je voulais comprendre. Pourquoi cette Ceelan dont parlait le livre s'appelait de la même manière qu'une des familles les plus influentes de ma Sylve ? Est-ce que ma maman avait vraiment utilisé un collier de charme pour faire tomber amoureux mon père ? Est-ce que... Est-ce que... Ma naissance, est-ce qu'elle était même... voulue, désirée ?
Yva, tu pas trop loin, comme d'hab.

Je tentai de calmer le rythme cardiaque bien trop effréné de mon petit cœur. Gustave sentit ma panique, et tenta de me rassurer à coup de petits mots gentils et de massages (si on pouvait appeler ça des "massages" avec ses toutes petites mains) au bas de ma nuque. J'avais décidé de passer le pas. Après tout, ce n'était qu'une librairie, qu'est-ce que j'allais bien pouvoir rencontrer de si effrayant ?
On m'avait tellement parlé de sa propriétaire, peut-être allais-je la croiser ? N'était-ce pas ce jeune homme... Comment s'appelait-il déjà... Benedikt, qui m'avait parlé d'elle, et de ses quelques connaissances en alchimie ? J'allais peut-être trouver quelqu'un avec qui partager mais maigres connaissances sur le sujet... Ou alors, j'allais apprendre.
Apprendre, c'était une bonne idée. Je ne connaissais rien de ce monde, à proprement parler. J'avais simplement entendu parler de la quête de la Guilde, du rôle des aventuriers et... c'était à peu près tout. Comme une bonne soldate, je faisais ce qu'on me disait de faire, point.

Je retins mon souffle, puis je toquai à la librairie.
Pas de réponse.
J’essayai de regarder par la vitrine, mais je me rendis vite compte qu’il n’y avait aucune lumière. La librairie était fermée, et sa propriétaire était tout simplement absente.
Dépitée, je fis demi-tour. Je m’étais tellement préparée à ce moment et maintenant je me rendais compte que c’était pour… pour rien ? En tout cas aujourd’hui ?
Toï, mougni, zblibili, mou.
Gustave avait raison : ce n’était pas une raison pour perdre ma motivation. Il restait le centre de documentation. Il fallait que je reste motivée, positive.
J’allais en trouver, des infos sur ma famille. Peut-être avaient-ils là-bas des livres issus de Gaeon, comme celui sur lequel j’étais tombé.

Je marchai donc une petite quinzaine de minutes, en prenant bien soin de faire des exercices de respiration pour calmer mon rythme cardiaque. Enfin, j’arrivai devant le centre de documentation.
Je poussai un soupir, puis entrai à l’intérieur.

C’était incroyable. Du sol au plafond s’étendaient des livres, encore et toujours, dans un nombre de sections presque incalculable. J’étais émerveillée par autant de connaissances entreposées dans un même endroit. Papa aurait adoré cet endroit… Il n’avait plus trop l’occasion de lire alors… Si t’avais pu lui envoyer un truc par portail, Yva, là tout de suite, ça aurait été tellement bien...

Je remarquai alors que je n’étais pas seule dans le centre de documentation. Un homme se tenait là, entre les allées, avec des cheveux roses (je crois que c’est la première fois que je vois des cheveux roses)... d'ailleurs, pas que ses cheveux, son teint était rose, en réalité. C'était assez intriguant...? Je n'avais clairement pas fait le tour des races de Portalia...
Il avait également l’air extrêmement concentré. Il devait peut-être avoir une trentaine d’années, j’aurais dit.
Attends, attends, Yva... T'as vu ses oreilles ? On dirait... On dirait... Est-ce que ça serait pas un autre elfe ? Quelqu'un comme toi, enfin, ENFIN ?
Je fis mine de ne pas le voir, tout d’abord. Je m’intéressai aux étagères qui s’étendaient à perte de vue, mais à vrai dire, j’étais perdue par l’immensité de la tâche qui m’incombait. Mais il fallait dire que j'étais plus qu'intriguée... Un autre elfe, un autre elfe que moi, c'était incroyable...
Peut-être cet homme était-il là en renseignement ? J'aurais peut-être dû aller le voir... Je devrais ?
La panique montait dans ma poitrine comme le poison que je connaissais déjà si bien. Et pourtant... S'il était bien un elfe... Alors...

Après de longues minutes à ne pas trouver ce que j’étais venue chercher, je me résolus enfin à aller l’aborder. On y croit, Yva, on y croit, t’es une championne !
Inspiration.
Expiration.
Allez.
Euh… Bonjour, excusez-moi, monsieur… Est-ce que... Euh... Est-ce que vous sauriez si le centre de documentation abrite un coin pour les autres mondes?

L’homme se relève de sa lecture. Je me sens un peu mal à l’aise de l’avoir importuné, mais il n’a pas l’air d’en tenir rigueur. Il me répond sur un ton qui me fait beaucoup, beaucoup penser à papa. Ça me détend presque instantanément, je me sens moins crispé. Il a tout a fait la même façon de parler. Je crois que retrouver ça me rassure, quelque part. J’entends à nouveau la voix de parrain « Redresse-toi, Yvana, montre qui tu es, n’aie pas peur de ce que tu dégages ! », alors j’essaie de redresser mon dos courbé par l’inquiétude. J’essaie d’esquisser un sourire à l’inconnu, mais je crois que ça ressemble encore à une grimace, alors je renonce très vite.

Merci beaucoup...
Je sors de mon petit sac le livre que j’ai emprunté à l’orphelinat et lui montre la couverture.


J’ai trouvé ce livre et… Les Enfants de l’Argile, ce sont mes parents. J’aimerais trouver d’autres livres sur ma terre d’origine, Gaeon… Peut-être que je pourrais en apprendre plus sur eux. Je pensais les connaître, mais manifestement, il y a beaucoup de choses que j’ignore...
J’essaie de sourire cette fois encore, mais mes yeux sont voilés par la tristesse.
Je voudrais vraiment comprendre ce que j’ai lu, comprendre comment ce livre est apparu ici, et savoir si mes parents se sont vraiment liés par amour. Je voulais comprendre si ce que j’avais toujours vu, ce en quoi j’avais toujours cru, avait bel et bien existé ou si ce n’était qu’une invention. Et puis, à part la Sylve Noire, je ne connais rien de Gaeon, il était peut-être temps de m’instruire sur le sujet… Comprendre pourquoi on m’a gardée enfermée dans la forêt toutes ces années.

L’homme… l’elfe ? Se présente. J’aime sa façon de parler, j’aime sa voix, je le trouve charismatique et ça me rassure. Je me sens un peu plus en sécurité. Je suis contente d’être tombée sur une personne aussi bienveillante…
Enchantée, Monsieur Salvador, je m’appelle Yvana.

Puisqu’il m’a dit ne pas travailler au centre de documentation, je suis intriguée.
Vous… Vous êtes un aventurier, vous aussi ?
Voilà, Yva ! T’arrives à sociabiliser, tu vois?
Et j'enchaîne presque immédiatement.
Et... Je m'excuse si ma question vous paraît intrusive mais... Êtes-vous un elfe, comme moi ?
Après tout, ça ne coûte rien de demander...

Il pause sa main sur mon épaule.
Je tressaute, un peu. Je crois que c’est la première fois que quelqu’un d’autre que ma famille (ou Gus) ne me touche… C’est pas vrai, Yva, y’avait ce gars au marché qui t’a rassurée quand le marchand te criait dessus!
Ah, oui, non. M’enfin, presque, quand même. C’est pas habituel, quoi.
En réalité, ça ne m’inquiète pas. Cet homme dégage une telle sérénité… Je dirais même un savoir-vivre qui me fait tellement penser à papa que… Je crois que ça me rassure vraiment. Du coup, je ne cherche pas du tout à me dégager, je me sens un peu comme… Comme une petite protégée, je dirais.
Salvador me dit qu’il va m’aider à chercher. J’ai vraiment de la chance d’être tombée sur quelqu’un qui cherche à m’aider aussi facilement. Je me rends compte que les gens sont plutôt avenants, à Portalia. Peut-être qu’il serait temps que j’arrête d’avoir peur des autres et que je me comporte avec un peu plus de… courage.

Il m’emmène un peu plus loin, dans une section plus axée sur les elfes. Peut-être que je vais pouvoir trouver quelque chose d’intéressant ! Sur papa, sur cette femme que j’ai vu dans le livre de la bibliothèque de Droé, ou sur n’importe qui à la sylve ?
Calme-toi, Yva, pas la peine d’être extatique. C’est peu probable que tu tombes sur quoi que ce soit ici, tu le sais, au moins ? L’autre livre était sans doute unique. Aucune raison d’en voir d’autres, tu ne sais même pas à quel point Gaeon est loin d’ici, et les deux mondes n’évoluent peut-être même pas sur la même ligne du temps...
Que Chronosia me transforme en chouette si ce livre était là par hasard. Je ne veux pas croire à une coïncidence entre mon arrivée ici et un livre d’une bibliothèque légendaire originaire de mon Monde. Je ne veux pas y croire. Alors je cherche frénétiquement, mais je ne sais pas par où commencer, je ne suis pas sûre d’être efficace.

Salvador me répond alors. Il est elfe ! Lui aussi ! C’est peut-être pour ça qu’il est si gentil avec moi, peut-être que lui aussi n’a pas vu d’autres elfes ici, et que ça lui fait du bien de rencontrer quelqu’un comme moi ! C’est possible, non ? Yvana, on a dit quoi sur le fait de se calmer, ma vieille?
C’est… C’est incroyable ! Je rencontre quelqu’un comme moi ici… Je…
Je prends un air plus sérieux d’un coup, je me rembrunis légèrement.
Je comprends que vous n’en parliez pas ouvertement… J’étais source de railleries, chez moi, parce que je ne suis qu’une demie alors… Je comprends.
J’essaie de paraître compatissante, mais je me dis que je dois avoir l’air ridicule, du haut de mes dix-neuf ans, face à un elfe d’un autre monde qui semble avoir une trentaine d’années, et je suis bien placée pour savoir que l’apparence ne veut rien dire, chez les elfes. Papa a l’air d’avoir trente ou quarante ans, il en a plus de cent.

Alors que je sautille toujours en trépignant, l’homme à côté de moi se désole pour moi. Il n’y a rien dans cette section, rien qui ne parle de mes parents ou de Gaeon. Mon humeur chute à nouveau…
C'est vide, désespérément vide. Aucune allusion aux Enfants de l'Argile ou à Gaeon. Rien du tout.
Mes épaules s'affaissent, je me sens démoralisée. J'espérais tellement en apprendre un peu plus...
Salvador s’intéresse à moi, je crois. Il a dû voir ma mine déconfite, je n’ai jamais été très douée pour cacher mes émotions.
Oh, non, non, vous n’êtes pas indiscret, je vous ai posé des questions en première ! Si… Si, je connais beaucoup de choses, enfin je crois, puisque j’ai plus ou moins grandi avec eux dans ma Sylve. Mais… Disons que j’ai jamais vraiment cru à leurs histoires fantaisistes. Ils me parlaient de voyages dans le temps, de rencontres avec des dieux et des déesses, enfin, vous voyez… Je prenais ça pour des contes pour enfants. Avec mon parrain et ma tata, ils formaient un groupe, qu’ils ont appelé eux-mêmes les Enfants de l’Argile, et… Disons que c’était devenu un genre de jeu entre nous, un jeu d’enfant, « vous me racontez une histoire des Enfants de l’Argile ? » « Il était une fois... »… Mais j’ai découvert ce livre récemment, et ce qui y est écrit est tellement incroyable que je me demande s’il n’y avait pas une part de vérité dans leurs contes… Et si c’est le cas, j’aimerais le savoir… Sur Gaeon, on m’a toujours interdit de sortir de ma forêt. J’ai envie d’en apprendre plus sur mon Monde, que je ne connais que de la cime de mes arbres… Vous comprenez?
Je dois avoir l’air folle. C’est vrai : mes parents m’ont élevée, je ne suis pas orpheline, mais… J’ai la sensation de savoir si peu de chose sur eux, qu’ils étaient si importants…
C’est mon père qui est un elfe, comme vous. Vous me faites un peu penser à lui.
Je me gratte nerveusement ma marque de l’Arauchrone sur mon front. Je ne sais pas pourquoi j’ai autant besoin de savoir, et je ne sais pas non plus ce qui se dégage de cet homme qui me met autant en confiance.
Je suis désolée de vous importuner avec mes histoires.

Et puis, un livre à la reliure verte accroche mon regard. En lettres dorées, est écrit dessus :


Est-ce que… C’est cette femme, celle qui est dépeinte dans le livre de Droé ? Mais… elle est à moitié dragon, pas elfe, que fait-elle dans cette section ?
T’as vu son nom de famille, Yva , Duilh, comme la famille Duilh à la Sylve?
Euh… Excusez-moi un instant...
De la pointe des pieds, je me hisse vers le livre que j’ai aperçu et tends le bras pour l’attraper.
De toutes façons, ce livre ne m’avancera pas beaucoup… Elle n’a rien à voir avec mes parents cette femme… Si ?

Je finis par sautiller pour attraper le livre, puisque je suis à peine assez grande.
La couverture est très étrange, comme si… comme si elle avait été faite d’écailles vertes. Je passe mon doigt dessus, je me rends compte au toucher que la texture est râpeuse, peu agréable. J’ai la désagréable sensation que les écailles ne sont pas factices. Comme si… comme si on avait arraché la peau d’un véritable dragon.
Je retiens un frisson, et regarde Salvador, qui ne dit pas un mot. Il semble intrigué, ses yeux brillent presque autant de curiosité que les miens.
Le titre du livre se reflète en écriture dorée sur la première de couverture, et de la poussière s’est incrustée entre les écailles qui la composent.
Mais qu’est-ce que…
Je… Euh… Excusez-moi, mais il faut vraiment que je feuillette ce livre...
Salvador s’est emmuré dans un silence qui m’inquiète un peu. Je me demande ce que j’ai fait, ou dit, de travers… Peut-être se dit-il que je suis folle… Finalement, j’en ai sûrement trop dit, comme toujours.
Ou alors, il sait pas quoi te répondre.

Je m’éloigne un peu du rayon et me pose à une petite table, éclairée par une lampe à huile à la lumière vacillante. Je règle l’intensité de la lampe pour y voir un peu plus clair, puis ouvre le livre si spécial.


La seconde inscription semble rajoutée de façon manuscrite. Elle n’apparaît pas sur la couverture, et semble écrite d’une autre forme d’écriture, avec une encre différente. Pourquoi aurait-on rajouté ce genre de phrase après coup ? Si je me souviens bien ce que m’ont dit papa et maman, Droé est la déesse de la connaissance et de l’oubli, et sa bibliothèque a été détruite il y avait de cela des millénaires. Ils m’avaient même raconté qu’ils n’y étaient pas pour rien… Mais là encore : que croire ? Leurs histoires sont trop insolites pour ne pas être inventées… Pas vrai ?

En haut de la première page de texte, on retrouve la même écriture qui n’appartient pas au reste du livre. Il y est écrit « Ma sœur, nous t’offrons ce livre. Ton assassin-géniteur y est dépeint d’une bien curieuse manière. »
Ton… Pardon ?
C’est quoi encore, ces bêtises dans lesquelles tu t’embarques, Yva ?
Je regarde la 4e de couverture, mais elle est parfaitement vierge. Je ne comprends pas ce que ça veut dire, mais je commence ma lecture tout de même, intriguée.

Au bout d’un temps qui me paraît infini, je soupire en fermant le livre, dépitée, et m’adresse à Salvador.
Pfff… Elle est si inintéressante, la vie de cette femme… Ça parle de son enfance, avec sa mère, à moitié-elfe, à moitié kazelith, mais au moins ça explique pourquoi elle était au rayon des elfes, mais bon, et puis ça parle de la mort de son père humain, de son mariage avec le comte D’Astian, de son travail à la tête de la Guilde des Vins… Je comprends rien en œnologie, c’est plein de termes techniques que je ne décrypte même pas et… C’est d’un ennui terrible. J’y ai passé ce qui me semble une éternité, et je n’ai lu qu’une vingtaine de pages incompréhensibles… Mince, je ne suis même pas sûre de comprendre ce que c’est exactement, un « kazelith » !
Je tourne alors la tête vers là où se tenait Salvador, quelques temps plus tôt.
Personne.
Il n’y a plus personne à côté de moi, je suis seule à nouveau.
Je me relève, paniquée. Je l’interpelle, je parle peut-être trop fort pour un endroit sensé être silencieux, mais je ne peux m’en empêcher. Je sens une angoisse monter. A-t-il eu peur de moi ? A-t-il cherché à m’éviter ?
Ou alors, il est juste allé chercher des infos pour lui, calme-toi.
Je fourgue rapidement le livre dans mon sac et me met à chercher entre tous les rayons, mais impossible de retrouver Salvador. Tellement absorbée par ma lecture sans intérêt, je ne l’ai même pas vu s’en aller.
Pourquoi ne m’a-t-il même pas dit un mot ? Pourquoi s’est-il éclipsé de la sorte ?
Je ressens un frisson général. Je me sentais en sécurité, près de lui, qui ressemblait tant à papa. Comme s’il parvenait à me rendre courageuse, ou du moins suffisamment pour chercher les informations que je voulais trouver. Maintenant… Maintenant, je me sentais écrasée par les hautes barres pleines de manuscrits, par la hauteur incomparable du plafond, par les étagères à perte de vue.
Je suis tellement insignifiante…
Gus sortit de son sommeil sur mon épaule, pour me tirer légèrement les cheveux. Lui non plus, il ne se sentait plus à l’aise du tout. Toute ma détermination s’était envolée, et celle de Gustave avec.

Je refis un dernier tour, presque en courant, mais rien à faire : Salvador avait disparu. Papa m’aurait dit que c’était un comportement inadéquat. Et pourtant, je connais mon père : il aurait été le premier à faire une telle chose si une compagnie l’importunait. Cela ne pouvait vouloir dire que ça : j’avais importuné Salvador, ma présence l’avait ennuyé.
Je me sentis si faible, si nulle.
Dépitée, je sortis du centre de documentation en réprimant un frisson.
Je marchai quelques secondes dehors, puis me mis à courir, sans interruption, jusqu’à chez moi.

Pourquoi, pourquoi cela me faisait-il tant peur ? Pourquoi une telle panique ? Et surtout… Surtout ! Pourquoi devais-je y donner une quelconque importance ? Ce n’était qu’un inconnu… un elfe, certes, mais un inconnu, à qui je n’avais échangé que quelques mots. Pourquoi me sentais-je abandonnée de la sorte ?
Sérieusement, tu te poses la question ? C’est un elfe, le premier que tu croises ici, qui ressemble énormément à ton père dans sa façon de se comporter, et il se barre parce que ta compagnie le dérange. Tu te demandes vraiment pourquoi ça te panique comme ça ? Tu ferais pas un miroir avec papa, par hasard ?

Arrivée chez moi, je me force à respirer, je calme ma respiration.
Gus m’aide : il balance ses petits pieds dans le vide depuis mon épaule au même rythme que mes inspirations. Il cherche à me concentrer sur quelque chose pour que je ne cède pas à la panique.
Cet homme n’était pas mon père, je n’ai aucune raison de m’inquiéter de son rejet.
Allez, du nerfs, Yva. Ressors le livre et change-toi les idées.
Oui, ça c’était ce qu’il me fallait.

J’ouvre à nouveau ma trouvaille, mais cette fois, je cherche s’il n’y a pas un index, pour comprendre ce que c’est un « kazelith » et un « assassin-géniteur ».
Je parcours les termes d’œnologie que je ne comprends pas, mais je finis enfin par tomber sur la description d'un kazelith: "Race intelligente aux gênes dracéides." Oui... Des hommes-dragons. Maman et papa m'en avaient parlé, ils existaient dans le Gaeon d'avant la Grande Guerre des Dieux, il y a plus de deux mille ans. Cette femme, cette Ceelan, a donc... du sang de dragon, ou presque, dans les veines. Et le reste, c'est cocktail elfique, avec une petite pointe d'humain. Elle est encore plus métisse que moi, c'est dingue...! C'est intéressant... Mais je ne sais pas en quoi ça m'aide plus. Je soupire à nouveau et continue à parcourir l'index, espérant trouver mieux.
Je ne fus pas déçue.

Saline Tahlil Duilh : Première née de la comtesse Ceelan D’Astian Duilh.
Yailia Tahlil Duilh : Seconde née de la comtesse Ceelan D’Astian Duilh, jumelle de Saline.
…
QUOI ?
Tahlil comme dans… Yvana Tahlil Sturdlewe ?
…
Pardon ?
J’étais parente avec… avec… des… Pardon ?
Yva, ces deux femmes sont nées il y a plus de deux mille ans dans ton monde. Même si c’est des ancêtres, c’est normal que les gênes se soient croisés… Y’a peu d’elfes en Gaeon.
Je continue à parcourir l’index, mais je tombe sur une horreur absolue.
Une incompréhension totale.
Une improbable hérésie.
Yaael Tahlil : Chevalier de la cour D’Astian. Amant de la comtesse Ceelan D’Astian Duilh. Père de Saline et Yailia Tahlil Duilh. Compagnon de la Chevalier Iola Sturdlewe. Assassin-géniteur de Droé, Oracle de Vekna, Enfant de l’Argile.
…
PAPA ?!