De la bière et des histoires [PV Loreley]

Après une dure journée, je m’étais rendue vers le quartier Est de Portalia. Entre les missions à l’extérieur et les contrats au sein même des murs de la cité-forteresse, mes poches commençaient à se remplir. C’était bon signe pour qui ne souhaitait pas risquer sa vie gratuitement. De mon côté, je ne regrettais guère mon choix de Familia, ni ma nouvelle vie. Alors que j’avais été élevée en tant que soldate dans une armée, je réalisais que le mercenariat me convenait parfaitement. Quand bien même je savais que la hiérarchie était importante à Hetacta, je n’avais jamais aimé recevoir des ordres précis, ou être privée d’une certaine liberté d’action. Je me sentais déjà plus moi-même au sein des Nine Head, tout en offrant à ma Familia mes compétences guerrières acquises depuis mon ancien monde. Je commençais à prendre de plus en plus d’assurance dans les missions, laissant petit à petit derrière moi les plaies invisibles du combat avec le dragon qui m’avaient tant paralysée lors de mon arrivée à la cité-forteresse.

Ainsi donc m’étais-je rendue dans une taverne dont le style faisait penser à un western. Pas le Rex cette fois ; j’apprenais à changer mes habitudes. Je savais que cet endroit était tout de même moins bien fréquenté, mais les affaires étaient les affaires ; en tant que mercenaire, j’avais l’habitude de tout ceci. Alors que j’étais rentrée avec discrétion, je m’étais bien vite aperçue qu’il y avait déjà de l’animation. Entre le tavernier et un invoqué à l’étonnante apparence de squelette. Fouillant ma mémoire, je me demandais où j’avais bien entendu parler de cet homme à l’apparence si singulière. Puis, cela me revint. Me glissant vers lui, je fis au tavernier, « Je vais prendre la même chose, s’il vous plaît. » avant de reporter mon attention sur le nouveau venu.

« Je vois qui vous êtes… Le nouveau mercenaire de la Guilde, je me trompe ? Je suis Loreley Steiner. Mercenaire également, mais des Nine Head. »

Comment s’appelait-il déjà ? Miguel ? Oui, c’était sans doute le nom que j’avais entendu l’autre jour. Je m’intéressais à ce qui se passait chez mes confrères, et un homme à l’apparence de squelette n’était certainement pas du genre à passer inaperçu, et ce malgré la grande diversité des invoqués. Je ne m’étais guère renseignée davantage à son sujet. Était-il déjà mercenaire dans son ancien monde ? Et pourquoi avoir choisi la Guilde en terme de faction ? Peut-être cette rencontre serait pour moi l’occasion d’en apprendre plus. Je n’avais pas raté une miette de la petite scène, et mon confrère de la Guilde semblait être un dur à cuir au vu de son attitude. Remerciant poliment le tavernier alors qu’on me servit un verre du même alcool, je savourais ma gorgée avant de reprendre la parole, tête tournée vers mon interlocuteur.

« Je passe beaucoup de temps dans les tavernes après mes contrats. Vous seriez surpris de voir toutes les informations que l’on peut obtenir par ce biais… Mais peut-être le savez-vous déjà ? Vous me semblez avoir de la bouteille. »

Oui, les tavernes étaient toujours un excellent moyen d’obtenir des informations à l’avance, et c’était la raison pour laquelle j’avais choisi de résider au sein de ce quartier de la cité-forteresse. Il y avait toujours beaucoup d’animations et de choses à voir. Et c’était également un moyen stratégique de bien se faire voir pour les contrats. Si j’avais regardé la petite scène provoquée par le mercenaire quelques instants plus tôt, dépourvue de tout jugement, je n’avais pu m’empêcher de lui donner un petit conseil espiègle.

« Croyez-moi, caresser les taverniers dans le bon sens du poil peut parfois tout changer. » conclus-je dans un sourire.

Le mercenaire jouait aux durs, aux gros bras. Était-ce seulement une apparence ou avait-il une expérience réelle du terrain ? Je pariais plutôt sur la seconde option, sachant que nous repartions tous de zéro en terme de puissance après avoir franchi le portail. Une expérience frustrante pour certains, une opportunité de refaire leur vie pour d’autres. De mon côté, je m’adaptais au gré du vent. Je notais toutefois que mon interlocuteur ne m’avait pas indiqué son nom. C’était peut-être inutile parce que j’avais déjà entendu parler de lui, mais c’était révélateur. Miguel était vraisemblablement du genre taciturne malgré les apparences. Je connaissais plusieurs profils de mercenaires, et il appartenait sans l’ombre d’un doute à ceux qui préféraient l’action aux mots. Quelque part, je le comprenais ; mieux valait agir que de prodiguer de longs discours inutiles, et de loin. Pourtant, je savais qu’il était parfois important de soigner ses relations. De bien se faire voir – tout du moins des bonnes personnes – pour obtenir ce que l’on voulait. Et lui comme moi étions alors intéressés par une chose ; l’argent.

« Oh, tu ne trouveras personne ici qui risquera sa peau pour toi, c’est certain ! »

Je n’avais pu m’empêcher de rire face à sa remarque. Non, je n’étais pas naïve, encore moins dupe. Ce n’était pas le genre de tavernes où l’on allait pour se détendre. Surtout au vu de la fréquentation. De mon côté, j’avais l’habitude. Même à Hetacta, je ne fréquentais pas toujours les meilleurs quartiers. Et il en allait de même à Portalia. En réalité, l’avantage du statut de mercenaire était que l’on pouvait se rendre n’importe où. Seuls les nobles trop coincés pourraient nous voir d’un mauvais œil car aveuglés par leurs utopies, selon moi. On ne nous faisait guère réellement confiance, et nous ne faisions confiance à personne en retour. N’étaient-ce pas là les règles du jeu après tout ? Regardant autour de moi, j’aperçus une silhouette familière parmi les serveurs de la taverne. Je lui fis signe et pris soin d’arborer un sourire agréable alors qu’il se dirigeait vers moi. Tout ceci n’était bien entendu que de façade.

« Loreley! »
« Ça faisait longtemps Riary ! Alors du nouveau ? »
« Pour toi ? Peut-être… » il s’était alors penché vers moi, « Les bruits courent qu’une bonne prime sera rapportée à celui qui terrassera l’Ybom qui sème la terreur dans les abysses. » il me fit un clin d’œil, « Mais, comme d’habitude… Je ne t’ai rien dit ! »

J’enregistrais l’information et acquiesçais. Évidemment, ce n’étaient pas dans toutes les tavernes que l’on obtenait ce genre d’informations. Mais ici, les bruits couraient à bon train. Peut-être les contrats étaient-il plus susceptibles d’éveiller soupçon également. Mais l’appel de la prime était – selon moi – plus important que le reste. Me tournant à nouveau vers le mercenaire de la Guilde, je comprenais sa méfiance naturelle, ou encore son envie de ne pas trop en dire. Toutefois, je venais d’obtenir une information intéressante – et à la portée de ses oreilles – cela saurait sans doute l’intriguer, lui qui jugeait de toute évidence par les faits. Il fallait dire que Riary était venu pile au bon moment comme exemple de ce que je souhaitais lui démontrer.

« Je traîne dans ces bars pour la même raison que j’ai élu domicile dans ce quartier ; ce sont les meilleurs endroits pour obtenir des informations en exclusivité. » je ne pus m’empêcher de sourire, « Et qui a un coup d’avance a une meilleure chance d’obtenir ses primes. »