Maintenant bien ancré dans une petite routine, le Moineau avait prit l'habitude de voir pour une mission au moins une fois par semaine, afin de récupérer quelques Gils qu'il allait déposer à l'Orphelinat par la suite, comme il l'avait promis. Il passait aussi régulièrement pour dire bonjour aux enfants et voir s'il n'y avait pas quelques grosses araignées à récupérer. Bestiole qu'il emmenait ensuite en campagne, les déposant dans certaines granges quand il y avait besoin d'un peu plus de ces prédateurs pour régler le soucis de surpopulation d'insecte ou alors il les offrait à manger à de plus gros oiseaux, voir quelques rongeurs qui trainaient dans l'Arbre de Mary.
Piou était un Moineau heureux dans tout les cas. Il c'était fait faire un petit sac qu'il portait en bandoulière et dans lequel il mettait un tas de truc qui lui était utile ou qu'il devait amener, et attendait l'occasion de voir pour se faire faire une petite lampe qu'il pourrait emmener avec lui pour voler la nuit. Au cas où il rentrerait plus tard que prévu, ou lorsqu'il devait partir plus tôt. Il c'était trouvé aussi de nouvelles choses à faire pour aider la familia, notamment aller au devant pour rencontrer quelques clients. Il passait aussi les messages, le tout en plus de l'expertise qu'il offrait dans le domaine des grains et la surveillance des nuisibles au sein des cultures.

Il ne regrettait pas son passé. Ni son monde. Il avait d'ailleurs tiré un trait sur cette période, picorant à plein bec cette nouvelle vie que l'Ordre lui avait offerte.
Piou était un Moineau heureux. Et il ne le cachait pas. Il appréciait les nouvelles connaissances qu'il c'était faites, passant parfois à la Cathédrale simplement pour dire bonjour à Margueritte, prenant parfois quelques baies pour les lui offrir. Il repassait parfois au terrain d'entrainement pour regarder les combattant s'entrainer dans l'espoir de pouvoir dire bonjours à cet Hypanatoi aussi.
Et puis comme dit, il y avait l'Orphelinat. Il y avait Elizabeth, Anna, Mike, Sky et Roy. Et bien d'autres enfants qu'il rencontrait au fil de ses visites. Piou appréciait prendre le temps avec eux, pour leur expliquer la nature, pour leur parler des champs, pour leur conter la faune et la flore. Des choses qu'il connaissait de mieux en mieux de son côté, chaque jour qu'il passait auprès de Mary, auprès des Moon'n'Cow.
Et puis il ne fallait pas oublier Mary. Sans elle, il n'aurait pas vraiment de lieu de vie à proprement parlé. Ni même la nourriture et l'eau qu'il lui fallait. Sans elle il ne serait pas ici, auprès des Moon'n'cow, et serait probablement encore en train de se chercher une utilité. Dans un sens, il lui devait beaucoup. Il le savait. Et tâchait de faire en sorte de lui renvoyer la pareil chaque fois qu'il le pouvait, même si pour le moment, cela restait difficile.

Mais Piou était un Moineau Heureux oui. Et en ce jour de beau temps, il avait quitté sa campagne adoré pour rejoindre la ville, voletant par dessus les toits pour rejoindre le grand hall de la guilde. Comme il le faisait chaque semaine, le même jour, à la même heure. Avec le même entrain. L'animal passa ainsi les portes, et sans attendre finit son voyage sur le comptoir de l'un des gratte-papiers qui s'occupaient en ce jour, du flux d'aventuriers venue chercher une mission. Et celui-ci, il commençait à le connaitre. L'air détaché de tout, cheveux bleus, portant un cache-œil pour une raison que le volatile ignorait.
Le bleu finissait de s'occuper d'un aventurier d'ailleurs, et après que celui-ci soit parti, il posa son unique oeil visible sur le Moineau.

- Ah, Sieur Piou. Toujours à l'heure à ce que je vois.
- Bonjour Monsieur ! C'est important d'être à l'heure, c'est mieux pour les affaires.
- Effectivement. D'ailleurs, vous tombez bien aujourd'hui, j'ai une mission particulière à vous remettre. - Fit-il savoir alors qu'il rangeait ses dossiers, avant d'en attraper un qu'il avait mit de côté tout en se levant, laissant la place à un autre Gratte-papier - Mais vous allez être accompagné. Nous allons donc attendre Dame Steiner. Ensuite, je vous accompagnerais sur votre lieu de mission et vous expliquerez ce qui est attendu de vous.
- D'accord !

En tout cas, il ne se posa pas plus de question, sautillant sur le bois avant de s'envoler pour se poser sur la tête du gratte papier, en attendant que la deuxième personne vienne à se présenter....

Le rang argent, j’étais en passe d’atteindre le rang argent. Même en me le répétant, cela paraissait invraisemblable. J’avais été effectivement très surprise en recevant la missive de la Guilde à ce sujet. Je savais qu’il n’était certes guère rare de trouver des individus de ce rang au sein de la cité-forteresse. Toujours était-il que je ne pouvais m’empêcher de me sentir presque comme une imposture. Ce n’était peut-être pas nouveau, étais-je habituée à voir les gens me considérer comme la grande guerrière que je n’étais guère, en raison de mon allure. Mais j’étais particulièrement bien placée pour savoir que l’armure ne faisait pas le combattant. Si je récapitulais les faits ; j’avais fui le combat contre le dragon, n’étais presque pas sortie des murs de la cité-forteresse, m’étais retrouvée dans de drôles d’affaires car j’avais été corrompue. Je n’étais même pas sûr de mériter la compassion de Timoléon, imaginant très bien la désapprobation de l’homme de l’Église s’il avait été au courant de mes derniers agissements. Je ne m’étais jamais estimée méritante, encore moins supérieure aux autres. En vérité, je n’étais qu’une femme d’origine modeste, tentant tant bien que mal de survivre au milieu de tous ces conflits. Et pour couronner le tout, la guerre entre l’Ordre et le Chaos ne m’intéressait même pas.

J’étais néanmoins impatiente d’effectuer mon passage de rang, en même temps que je l’appréhendais. Je savais que j’avais intérêt à gagner en puissance pour me défendre, tout comme je me doutais que j’aurai ainsi de plus grandes attentes à contenter. Ce ne serait sans doute pas avant le rang or que je sentirai un véritable poids sur mes épaules, et je ne savais guère comment je pourrai le gérer. À Portalia, j’avais la chance d’évoluer que je n’avais peut-être pas à Hetacta. La hiérarchie sociale n’était pas la même que chez moi. Pourrai-je m’améliorer un jour ? Sur le plan des compétences martiales peut-être, mais ne changerai sans doute pas dans ma nature profonde. Tout ce que je pouvais espérer, c’était que la Guilde ne se rendrait guère compte que je n’étais pas une aventurière fiable. S’il était d’une part dans mon intérêt de maintenir les apparences, je ne pouvais m’empêcher de me questionner ; que se passerait-il si un jour, mes partenaires de mission et moi étions en danger ? Ne penserais-je dans ce cas qu’à ma propre survie ? Au fond, je connaissais la réponse : oui. Pour le moment, je ne me voyais guère un jour faire un quelconque sacrifice héroïque ; ce n’était pas dans ma nature.

Toujours était-il que l’on m’avait avertie que je ne passerai pas cette nouvelle mission seule. J’allais être accompagnée d’un certain Piou. Et d’après ce que j’avais compris, il s’agissait d’un moineau. J’avais en outre été particulièrement surprise de l’apprendre, avant de me rappeler que certains animaux pouvaient se voir dotés d’une intelligence humaine après l’invocation. Je me demandais tout de même à quoi pouvait bien penser l’Ordre en invoquant une si petite créature ; avait-il vu chez lui l’héroïsme que je n’avais pas ? Je ne devais pas me fier aux apparences car elles pouvaient être trompeuses, j’étais – une fois de plus – bien placée pour le savoir. Piou avait été suffisamment fort – ou intelligent – pour se hisser jusqu’au rang argent. Qu’il s’agît d’un combattant ou non, ce n’était pas un moineau à sous-estimer. Il était sans doute autant méritant – peut-être même plus – que moi. Je n’aurais jamais cru penser cela d’un moineau un jour, cela était bien la preuve que Portalia était la ville des surprises.

Me pointant à la tour de Guilde, vêtue de mon armure, je m’approchais de Philippe d’un pas fébrile. Piou était-il aussi nerveux que moi ? Observant les alentours d’un air que je voulais nonchalent, mon regard se posa ensuite sur le moineau au beau plumage, qui s’était posé sur la tête du gratte-papier. Qu’il était mignon ! J’étais bien curieuse à son sujet, et j’apprendrai vraisemblablement à mieux le connaître au cours de ce passage de rang. Je savais d’ailleurs que la plupart avaient effectué ce passage seuls, j’étais quelque part soulagée d’être accompagnée. Après tout, je ne savais pas du tout à quelle sauce nous allions être cuisinés, Piou et moi.

« Vous devez être Piou, je me trompe ? » fis-je dans un sourire, « Vous pouvez m’appeler Loreley, enchantée. »

Paraître agréable était important, et j’étais impatiente de voir la valeur de Piou sur le terrain. Jetant un regard nerveux au gratte-papier, je me demandais en quoi allait consister notre passage de rang commun. J’avais cru comprendre qu’il s’agissait de missions particulières. Allait-on nous demander de nous battre contre des créatures du Chaos ? J’étais équipée au cas-où, mais je redoutais un peu l’échec.

« J’espère ne pas vous avoir trop fait attendre, je suis prête. »

Leur faisant signe de la main, je m’étais dirigée vers la sortie de la tour. Car, je m’en doutais, ce passage de rang ne se ferait pas au sein de la Guilde. Philippe nous expliquerait tout en route.

C’était étonnant, le moineau n’avait pas l’air de savoir pourquoi il avait été convoqué. Je devinais que sous ces airs naïfs se cachait un petit être au grand coeur. Il était amusant de voir un animal doté de parole. Évidemment, il ne penserait pas comme moi, n’aurait pas les mêmes perceptions, ni le même vécu. Mais n’était-ce pas cette diversité quelque part qui rendait ce monde à la fois unique et intéressant ? Je répondis aux remarques de Piou par un sourire. Sa petite taille me faisait presque penser à Marguerite sous sa forme fée. J’espérais que personne ne lui ferait de mal, lui non plus, avant de me rappeler que Piou était en passe de devenir rang argent. Quels devaient donc être ses pouvoirs, s’il était rang bronze et avait éveillé sa puissance d’essence ? Je doutais qu’il s’agît d’une essence rouge, même le vert semblait improbable au vu de son gabarit. Mais peut-être était-il capable de manier la magie ? Ce moineau éveillait ma curiosité. En même temps, ce n’était pas tous les jours que l’on rencontrait un tel invoqué. Voir un moineau capable de communiquer avec moi, je n’aurais jamais cru cela possible dans mon propre monde. Malgré le temps passé au sein de la cité-forteresse, cette dernière ne cessait de m’étonner.

J’écoutais Philippe alors que nous nous dirigions vers le quartier Nord. D’après le gratte-papier, nous n’aurions guère besoin de nous battre. Il s’agissait donc d’un tout autre type de mission ? Jetant un coup d’oeil à l’environnement qui commençait à se délabrer alors que nous avançions, je l’écoutais nous parler de l’orphelinat. J’avais cru comprendre qu’il était géré par une certaine Elizabeth, la gardienne spectrale de rang or. Je ne l’avais jamais rencontrée, et je me demandais quel genre de personne elle devait être. Du genre sévère ou tendre avec ces enfants ? Venant d’un milieu modeste, j’avais de mon côté une certaine tendresse pour les orphelins, car en ayant fréquenté certains. Ce n’était guère facile pour eux, et je ne pouvais éprouver que de la compassion à leur égard. Leurs parents étaient peut-être tombés au combat, ou les enfants avaient été invoqués à un âge trop précoce. Dans tous les cas, j’étais ravie de rendre service, bien que ce ne fût pas ce à quoi je m’étais attendue pour une mission de passage de rang. Piou serait-il aussi à l’aise avec les enfants ? En avait-il eu ? Sentant le moineau se poser sur ma tête, je l’entendis débiter un flot incroyable de paroles. Cela me fit sourire, alors même que Piou semblait ne pas avoir été attentif à l’objectif de notre mission. Cela ne devrait pas être trop dur, mais ce n’était pas une raison pour bâcler le travail.

« Chaque enfant a choisi un livre sur un héros d’un autre temps et d’un autre monde ; nous allons les départager pour savoir sur quoi leur pièce de théâtre se portera. »

Il était cocasse que je fusse l’une à parler d’héroisme lors de cette mission. Je ne croyais pas vraiment aux héros, les vrais étant des plus rares ; je n’en faisais évidemment pas partie. Et Piou… Piou était peut-être d’apparence trop candide pour comprendre tout ceci. Mais peut-être qu’un esprit moins terre-à-terre que le mien m’aiderait dans cette tâche ? Ce passage de rang – notre passage de rang – ne devait pas se solder en un échec. Nous avions certes atteint la puissance d’essence nécessaire, mais la Guilde nous faisait également confiance pour cette mission. Pensaient-ils que nous étions les mieux placés pour l’accomplir ? Je me sentais presque hypocrite de donner des leçons d’héroïsme de mon côté, mais je ne pouvais guère me déroger. Frappant la porte de l’orphelinat pour ne pas faire peur aux enfants – sans doute au courant de notre venue –, j’étais entrée en compagnie du moineau. Une petite fille abandonna aussitôt son cheval de bois pour appeler ses amis.

« Bonjour, moi c’est Anna !
– Oh, vous êtes une guerrière ? s’écria un autre enfant.
– Regardez cet oiseau, il est beau ! fit le troisième. »

La curiosité, la naïveté. Je ne pus à nouveau m’empêcher de sourire, sentant une vague de tendresse monter envers ces orphelins. J’avais été comme eux un jour, avant d’être forcée de grandir sous le poids des responsabilités après la perte de mon père. J’enviais quelque part leur insouciance, souhaitant moi aussi parfois retourner leur enfance. Mais ce n’était pas le moment de replonger dans mes souvenirs, nous avions une tâche à accomplir et devions garder notre objectif en tête.

« Il paraît que vous préparez une pièce de théâtre ? » fis-je en me penchant vers Anna, « Et si vous nous montriez les livres que vous avez choisi ? »

Majak : Goldenrod
Anna : Darkmangenta

En passant un peu de temps avec Piou et les enfants, j’oubliais presque tout le sérieux de cette mission, que nos passages de rang respectifs étaient en jeu. Je me demandais bien pourquoi la Guilde jugeait ces épreuves qui ne nécessitaient aucun affrontement de monstres. Peut-être pensaient-ils qu’un aventurier n’était pas qu’un combattant ? Peut-être donnaient-ils également leur chance aux civils souhaitant changer de rang ? En cela, Portala était encore bien différente d’Hetacta. Nous jouissions d’une liberté bien plus grande au sein de la cité-forteresse. Et tout ce que j’espérais, c’était que cette ville ne fût pas ravagée par le Chaos ou une autre menace, comme Hetacta l’avait été. J’essayais de garder bonne mine, aussi espérais-je que personne n’avait vu mon expression s’assombrir en pensant à toutes les personnes qui avaient péri sous les flammes de Ducaïs. Des femmes, des pères de famille, des enfants. Et pour la première fois, je comprenais malgré tout les personnes qui souhaitaient s’investir dans la quête de l’Ordre en rejoignant l’Église, surtout parmi les natifs. Je n’avais guère d’attache en ce monde, mais il était aisé de devenir féroce lorsque l’on avait quelque chose à protéger.

J’entendis que Piou ne savait pas lire, mais ce n’était guère une surprise. Sans jugement de valeur, je me dis qu’il devait être difficile pour un animal tel que lui d’arriver dans le monde des hommes. Le moineau avait toutefois cette part candide, cette part de pureté dont nombre d’adultes étaient dépourvus. Était-ce ce qui le rendait si beau, au-delà de sa mignonnerie apparente ? Alors que nous étions entourés par les enfants, j’entendis l’un d’entre eux mentionner l’oiseau qui aidait pour les nids. Souriant et haussant légèrement un sourcil à l’adresse de Piou, je ne pus m’empêcher d’être surprise par cette affirmation. « Il faudra me le raconter un jour. » gloussai-je d’un air espiègle. Ainsi donc Piou était un habitué des environs ? La seule chose qui m’inquiétait était cette proximité avec le quartier Nord. Petit moineau savait sans doute voler à toute vitesse, mais je n’avais pas envie qu’il s’attirât des ennuis un jour d’une quelconque manière en s’aventurant dans les parages. Même s’il possédait des pouvoirs magiques, j’ignorais s’il avait toutes les défenses d’un être humain après tout.

J’écoutais les enfants choisir leur histoire. Un détail avait toutefois attiré mon attention ; l’un des enfants se tenait légèrement à l’écart du groupe, son livre serré contre son torse, comme n’osant pas venir vers nous. Il avait l’apparence d’un petit lion bipède, possédait même un début de crinière. À quelle espèce appartenait-il ? Je fis quelques pas vers lui, et m’étais agenouillée à sa hauteur, d’un sourire rassurant.

« Comment t’appelles-tu ?
– Majak. répondit timidement le garçon en levant les yeux vers moi.
– Enchantée, je suis Loreley. » je marquai une pause, « Peux-tu nous dire quelle histoire tu as choisi ?
– Celle de Kwanza, la première Grande Griffe de Pantras. »

Pantras ? C’était peut-être la première fois que j’entendais parler de ce monde. En réalité, je n’étais guère arrivée depuis très longtemps, j’ignorais donc encore beaucoup de chose sur les invoqués. Ce nom aurait-il dû me dire quelque chose ? Et que signifiait le terme Grande Griffe ? Je devinais qu’il devait avoir une certaine importance. En tout cas, alors que je voyais les autres enfants s’échanger des regards, je compris que ce n’était pas une histoire de fiction, mais bien quelque chose de réel. Pantras, était-ce le monde de ce jeune garçon ? À moins qu’il ne s’agît du monde de ses défunts parents ? Il n’avait sans doute pas pris cette histoire au hasard.

« Mais elle est triste cette histoire ! En plus Kwanza meurt à la fin. affirma Anna, bien que ce fut loin de me décourager.
– Peux-tu nous en dire plus ?
– Kwanza a sacrifié sa vie pour mettre fin à la guerre des tribus. Elle a apporté la paix, en révélant l’existence des déesses jumelles. »

Le jeune garçon serra un peu plus le livre contre lui et ferma un instant les yeux, comme enivré par cette histoire. Le sacrifice héroïque ? Ainsi donc, on y revenait. Souhaitais-je réellement propager des valeurs auxquelles je ne croyais pas ? Enseigner une chose que je n’étais pas apte à faire ? Je me sentais presque pas à ma place, comme une usurpatrice au milieu des guerriers. Pourtant, je devais reconnaître que l’histoire de Majak avait quelque chose de différent. Les yeux perdus dans le vague, je ne répondis pas tout de suite. Allais-je assomer les enfants avec la dure réalité ? N’avaient-ils pas encore le droit de rêver à cet âge.

« Un héros n’est pas quelqu’un qui cherche nécessairement la gloire et le triomphe dans sa vie. » affirmai-je finalement, « En revanche, il est vrai qu’il peut s’agir de quelqu’un dont le nom traverse les générations après sa mort, en raison de sa bonté d’âme. »

C’est la réponse que la Guilde aurait voulu entendre, qu’un aventurier digne de ce nom aurait voulu entendre. Mais cela ne représentant absolument pas ce que j’étais, quoi qu’ils pussent croire. Échangeant un regard avec Piou, je me demandais ce qu’il en penserait. Après tout, nous pourrions toujours prendre une autre proposition.

J’acquiesçais aux paroles du moineau. En fin de compte, qu’était-ce donc un héros ? Une personne qui sauvait des vies sur le champ de bataille ? Cela pouvait-il être également une personne qui aidait son prochain, du haut de ses petits gestes ? À Hetacta, on m’aurait sûrement affirmé le contraire ; Piou m’ouvrait un éventail de possibilités que je n’avais pas imaginé. Il était tout de même perspicace pour un si petit oiseau. Me considérais-je malgré tout comme une héroïne ? Non, j’étais trop égoïste, même pour cela. Le moineau avait pour le moment plus de chances d’être un jour considéré comme l’un d’eux que moi, bien que cela fût cocasse à admettre. Je me demandais tout de même si cette mission paraissait plus difficile pour lui que pour moi. Après tout, à supposer que Piou eût été lui aussi invoqué et eût été doté de parole en passant le portail, découvrir ce nouveau monde devait être encore plus dur pour lui que pour quiconque. Il avait eu une vie de simple moineau autrefois, et devait désormais découvrir les mœurs et habitudes du mondes des humains, puisqu’il était capable de communiquer avec nous. Son invocation était-elle un cadeau ou un fardeau pour lui ? Je n’osais guère lui poser pareille question pour le moment ; ne le connaissais-je point assez. Aurait-il préféré vivre une simple vie de moineau ou était-il content de sa situation actuelle ? Son air jovial pouvait plutôt laisser croire à la seconde option, mais je savais que certaines personnes savaient très bien cacher leur douleur. En était-il de même pour le moineau ? Je n’avais néanmoins pas le temps de laisser filer mes pensées à ce sujet, il fallait me concentrer sur le passage de rang.

« Peux-tu nous en dire plus sur Kwanza ?
– Bien sûr ! Dans mon monde, tout le monde connaît la légende de Kwanza. Il paraît que depuis très jeune, elle avait des visions. Elle venait de la tribu Hawd, alors qu’elle était en guerre contre Milim et Acraz. »

L’histoire que racontait Majak piquait curieusement mon intérêt. Ces histoires de tribus, de monde des félins ne me disait rien. Mais qui ne serait pas attiré par la singularité d’un tel récit ? Je notais que l’enfant n’était pas originaire de ce monde, et mon coeur se serra en pensant qu’il avait été invoqué par l’Ordre bien trop jeune, et séparé de ses parents. Je jetai un coup d’oeil autour de moi pour voir que les autres enfants s’étaient rapprochés. Certains – comme Anna – connaissaient sans doute déjà cette histoire, mais d’autres la découvraient en même temps que nous. Je fis un petit sourire encourageant à Majak, l’invitant à poursuivre.

« En réalité, les trois grandes tribus étaient en guerre les unes contre les autres, et depuis si longtemps que beaucoup ignoraient même l’origine du conflit. Mais Kwanza n’était pas comme les autres, elle était tellement sage ! Pourtant, personne ne la croyait lorsqu’elle affirmait être capable de communiquer avec les déesses jumelles ; Mewzi et Jua. Elle se trouvait sur le champ de bataille, lorsque les trois grands chefs se sont affrontés. Alors qu’elle implorait la fin du conflit, elle a été tuée par un coup d’épée de Makupa, le chef d’Acraz. C’est alors qu’une chose extraordiaire s’est produite. Son corps a été parcouru d’une immense source de magie, et les silhouettes des déesses jumelles ont été vues près d’elle. À travers son corps, les déesses ont parlé, et ont donné un avertissement aux trois tribus ; il fallait qu’elles s’unissent si elles ne voulaient pas être détruites un jour. »

Majak parlait bien. Alors qu’il s’exprimait, il fermait les yeux par moments, comme enivré par cette histoire. Cela me rappelait presque les récits héroïques que l’on me racontait à Hetacta lorsque j’étais enfant, bien que celui-ci fût encore d’un autre genre. Nos histoires étaient plutôt peuplées de monstres et de guerriers triomphant d’un dragon. C’était tellement cliché. Majak affirmait que l’histoire de Kwanza était une légende. Était-elle vraie ? Reposait-elle sur des faits réels ? Avait-elle été désormée ? J’étais un peu plus perplexe lorsque cela parlait de divinités, mais je n’allais certainement pas contredire le petit lion et lui briser ses rêves. Surtout alors qu’il avait presque l’air d’avoir des étoiles dans les yeux lorsqu’il nous parlait de tout ceci. Je cogitais de mon côté, me demandant s’il fallait garder cette histoire ou en prendre une autre. Piou semblait d’accord, et ce serait un bon exemple, conforme à ce qui était attendu de nous dans cette mission. La prochaine étape était donc d’organiser la pièce de théâtre. Piou savait-il ce qu’était une pièce de théâtre ? Si tel n’était pas le cas, j’allais bien entendu lui expliquer.

« Chaque enfant va désormais jouer un rôle et recréer cette histoire. Je ne pense pas qu’il ne soit pas nécessaire de les déguiser, mais ils devront préparer les dialogues en se basant sur le livre… Il nous faut donc les chefs des trois tribus, Kwanza, ainsi que des soldats en arrière-plan. » je marquai une pause, « Anna, que dirais-tu d’interpréter le rôle de Kwanza ? » demandai-je à la petite fille, qui serait sans doute ravie.

Je vis Anna acquiesçer, tout sourire. Piou aussi avait l’air content de ce choix. Connaissait-il l’enfant ? Puis, je me souvins de cette histoire d’oiseau qui aidait avec les nids. De toute évidence, Piou avait aussi rencontré la doyenne de l’orphelinat, Elizabeth. Je me demandais à quoi cette dernière ressemblait. On me l’avait décrite comme une armure intimidante, mais au coeur d’or. Elle aurait été invoquée en ce monde depuis un moment, ce qui expliquait son rang plutôt élevé. Peut-être était-ce même nécessaire, pour tenir à l’écart toutes les brutes du quartier Nord. Heureusement que les enfants pouvaient compter sur elle, et aussi espérais-je qu’aucun ne s’attirerait d’ennuis ou ne tournerait mal à son insu. Alors que j’avais moi-même connu la pauvreté, je n’avais jamais autant souffert de l’insécurité que les habitants de ce quartier. Les habitants d’Hetacta s’entraidaient au maximum, avant de périr sous les flammes de Ducaïs. Comment les choses pouvaient-elles être aussi différentes, ici, à Portalia ? La cité-forteresse n’était pas parfaite, mais au moins m’aclimatais-je aux environs. Peu importe l’endroit où je me trouvais finalement, j’avais suffisamment gagné en débrouillardise pour gérer les situations, et ce où que je fusse. J’espérais que cette mission de passage de rang serait une réussite et mettais tout en œuvre pour que ce fût le cas. Mais, même en situation d’échec, je me surpris à vouloir tout de même repasser dans les parages – et peut-être rencontrer Elizabeth après cette mission – c’était la moindre des choses, et il fallait dire que je m’attachais rapidement à ces jeunes enfants.

La voix de Piou me sortit de mes pensées, lorsqu’il demanda à Majak de faire le conteur. C’était un excellent choix. De toute évidence, le petit lion était passionné lorsqu’il racontait cette histoire qui lui tenait tant à coeur.

« Bien sûr ! » répondit Majak, des étoiles dans les yeux.

L’un des enfants avait argué concernant les costumes. Il était vrai que ce serait amusant pour eux, mais je doutais que nous eussions le matériel pour faire ressembler des hybrides et des humains à Majak – à supposer que tous les habitants de son monde fussent comme lui, ce qui n’était guère sûr. Cette histoire n’était peut-être pas la plus simple à adapter en pièce de théâtre, mais je sentais qu’elle avait son importance. Pour les enfants, pour Majak. J’ignorais encore si cette histoire était bien réelle, si elle avait été déformée ou s’il s’agissait d’une légende. Toujours était-il que ces orphelins avaient encore le droit de rêver, comme moi à leur âge, avant que la maturité ne me rattrapât. Cette histoire les inspirait, quel mal il y avait-il donc à la transmettre aux autres ? Demandant gentiment à Majak de me confier le livre, je feuilletais les pages avec le plus grand soin. Lisant en diagonale, je vis que cela parlait effectivement de Pantras, le monde des homme-félins. Si l’héroïne principale était évidemment Kwanza, trois enfants s’étaient déjà portés volontaires pour jouer les chefs de tribus. Il y aurait quelques personnages d’arrière-plan, parmi les enfants un peu plus timides ou guère à l’aise à l’idée de jouer ainsi devant tout le monde. Alors que nous étions entourés de visages satisfaits, je fermais déclitatement le livre.

« Je t’empruntes ce livre Majak. Kwanza vivait dans la jungle, c’est bien cela ? Il nous faudra donc un décor assorti. » je marquai une pause, « Il ne sera pas possible de déguiser les enfants en félins, mais peut-être pourrions-nous trouver des tenues d’explorateur, dans la cave ? Piou, pourriez-vous surveiller les enfants pendant qu’ils répètent leurs dialogues ? Je vais chercher ce qu’il nous faut. »

Avec Majak dans les parages qui connaissait si bien l’histoire, ils n’avaient pas besoin de moi pour le moment. Donc autant nous séparer un moment afin d’optimiser notre temps pour la pièce de ce soir. Piou n’ayant guère les attributs d’un humain, il m’incomberait de préparer ce qu’il restait à préparer pour la pièce de théâtre à l'extérieur. Ainsi, je m’étais dirigée dans la pièce souterraine pour y trouver quelques éléments de décor. Un arrière plan peint en vert, et avec des arbres tropicaux, des faux buissions, ainsi que des tenues d’explorateur miniatures, du même modèle que les adultes utilisaient lorsqu’ils s’aventuraient dans la jungle de jade. Installer tout ceci sur la pièce d’extérieur me prit une partie de la journée. Essuyant la sueur sur mon front alors que le soleil déclinait à l’horizon, je constatai avec une certaine satisfaction que tout était prêt de mon côté. J’espérais que Piou s’était bien débrouillé de son côté. Aussi m’étais-je dirigée vers l’orphelinat. Frappant à la porte, les tenues d’explorateur avec moi, je me permis un léger sourire.

« Sommes-nous prêts ? »

Piou aurait menacé aux enfants de faire pleuvoir sur leurs têtes ? Cette idée m’arracha presque un sourire. Esbrouffe de la part du moineau pour calmer les disputes, ou était-ce réellement son pouvoir ? Je m’étais déjà doutée que Piou fût une essence bleue, mais j’en avais désormais la confirmation. Sans doute serait-il un membre apprécié par la Familia agricultrice, les Moon’n’Crow, à supposer qu’il n’en fît pas déjà partie. Je devais reconnaître que mon partenaire du jour s’était bien débrouillé en mon absence. Les enfants semblaient agités, mais il n’était rien arrivé de méchant. Sans doute le moineau avait-il l’habitude de gérer les plus jeunes, avant qu’il ne traversât le portail le menant ici. De ce que je savais, les oiseaux de son espèce ne vivaient guère vieux, et étaient vite confrontés à la vie sauvage. Il était donc bien étrange d’être confrontée à un être à la fois expérimenté dans certains domaines, mais naïf sur les sociétés bipèdes. Pourtant, il ne se dégonflait pas, et j’admirais son courage. Mais peut-être était-il également curieux de voir ce monde nouveau qui s’offrait à lui ? C’était une possibilité. J’espérais que la répétition s’était passée sans encombre, mais je me surpris à faire confiance à Piou pour que tout se fût bien déroulé. Restait maintenant à voir le résultat sur scène.

« Je vous laisse vous changer avec ces tenues d’explorateurs, vous savez ensuite ce qu’il vous reste à faire ! »

***


Alors que le soir tombait, un petit comité s’était rassemblé en extérieur pour voir le spectacle des enfants. Ces derniers semblaient exités – surtout Majak qui serait le narrateur du jour. Il y avait étonnamment beaucoup de monde, peut-être cette histoire intriguait-elle après tout ? Ce n’était sans doute pas tous les jours que l’on racontait l’histoire de Kwanza, et je me doutais que le petit lion accomplirait son rôle avec un grand sérieux. Je vis les rideaux s’ouvrir sur la première scène. Les enfants étaient tous habillés en tenues d’explorateur, et Majak se tenait sur un petit promontoire, au-dessus des autres personnages de l’histoire. Je reconnaissais Anna, qui était coquette pour l’occasion. Alors que la pièce commençait, la lumière était sur Majak, alors qu’il récitait les premières lignes de son livre.

« Il était une fois, dans la jungle des Hawd, une jeune Felinae du nom de Kwanza. On raconte que la lune et le soleil ont dansé lorsqu’elle est venue au monde. Elle est née pendant un évènement rare : l’éclipse. »

Comme lorsqu’il nous avait parlé de cette histoire tout à l’heure, Majak était passionné. Je devais reconnaître que son récit avait quelque chose d’unique, dans la manière dont il le racontait. Des histoires de guerre, des personnes aspirant à la paix, n’en voyait-on donc pas dans tous les mondes ? Aurait-il été possible de faire la paix avec les dragons de notre côté ? Je connaissais la réponse : non. Peut-être mon avis était-il biaisé en raison de mon endoctrinement dans l’Armée, mais ces vils prédateurs n’avaient souhaité que notre destruction. Dans le cas de Pantras, la situation était différente, puisque ces félins se faisaient la guerre entre eux. Aurait-il été de même dans mon monde, si les humains avaient été la seule espèce intelligente ? Aurait-on connu une telle solidarité, à Hetacta, sans avoir peur de croiser un dragon dès que l’on sortait à l’extérieur ? Je ne le saurais jamais, et il était trop tard pour y penser. Après tout, ils étaient tous morts dans d’atroces circonstances. Helen, aurait-elle aimé être une héroïne dont on contait l’histoire, comme Kwanza ? Sans doute pas pour une quelconque raison de gloire, non. C’était quelqu’un de bien, tourné vers les autres et qui souhaitait les sauver de leur sort. Je me surprenais à penser qu’elle pourrait peut-être devenir une guerrière de renommée – voire une héroïne pour certains – en ce monde.

« Kwanza fut forcée de mûrir rapidement, alors que sa tribu était en guerre. Elle n’aspirait qu’à y mettre un terme de façon la plus pacifique possible. Elle ne désirait pas prendre la voie des armes, et fut parfois moquée par ses paires. En réalité, Kwanza était différente, elle était bien plus sage. Les déesses jumelles murmuraient déjà à ses oreilles alors qu’elle devenait celle qui est encore considérée aujourd’hui comme la première Grande Griffe de l’histoire de Pantras... »

Alors que les scènes défilaient, je vis les enfants jouant les chefs de tribus prendre leur place. La bataille finale de Pantras allait se jouer, et avec elle, la mort de Kwanza.

La mort de Kwanza, à la fois tragique et marquant un nouveau départ. Cette histoire me faisait réfléchir sur beaucoup de choses. Les enfants ne semblaient pas saisir toute la gravité de la scène, voyant cette présentation comme un jeu. En même temps, pouvais-je les blâmer ? J’avais été ainsi, jadis. Insouciante, rêvant d’histoire de héros dans l’espoir d’en devenir une un jour. Tout cela avait basculé avec la mort de mon père. J’avais alors été frappée par le dur marteau de la réalité. Peut-être avais-je été forcée de mûrir trop vite ? Ma préoccupation première avait été d’aider ma mère, de survivre. J’avais connu la pauvreté, j’avais connu la faim. Pourtant, ce contexte ne m’avait pas forgée de sorte à être l’ultime défenseuse de la veuve et de l’orphelin. Ma famille aurait peut-être aimé que je devinsse réellement une héroïne, mais je ne l’étais guère. Qu’aurait pensé ma mère en voyant celle que j’étais désormais ? Une femme qui se donnait des allures de guerrières mais qui avait encore peur de prendre les armes jusqu’à peu ? Quelqu’un qui faisait presque toujours passer ses propres intérêts avant le bien commun ? Aurait-elle honte ? À cette pensée, je sentais mon coeur se serrer. Tout autant qu’à la pensée que je ne la reverrai plus jamais. Pas parce que j’avais été invoquée dans un autre monde, mais parce qu’elle avait péri sous les flammes de Ducaïs. Il en allait sans doute de même pour ma fratrie.

De ce que j’avais lu de ce monde, Pantras connaissait effectivement la paix, sans ennemi mortel pour donner la peur au ventre aux félins qui y vivaient. Aurions-nous pu faire autrement ? Vaincre nos adversaires pour atteindre cet idéal ? Je l’ignorais, et peut-être valait-il mieux ne pas resasser le passer ; cela n’apporterait rien de bon à part nourir mes vieux démons. J’avais une chance de tout redémarrer ici et j’avais envie de la saisir, mais il serait mentir d’affirmer que je parvenais à la saisir pleinement. Le temps ferait peut-être son effet. Toujours était-il que je me sentais loin, loin de la scène et de l’oiseau posé sur mon épaule. Je n’étais pas Benedikt, je n’étais pas Helen. Pourtant, tout comme eux, je sentais le passé me hanter. Malgré toutes nos différences, c’était peut-être ce que nous avions en commun. Sans doute devrions-nous ne pas nous montrer ingrats, et simplement nous réjouir d’être encore en vie. De mon côté, je constatais que je me contentais de peu, et que ma situation de mercenaire des Nine Head me convenait pour le moment.

La scène du sacrifice héroïque. Aurais-je été capable de faire de même pour ma troupe, si l’occasion s’était présentée ? Mon intuition me soufflait que non. Contre le dragon, je n’avais pensé qu’à la fuite, qu’à ma propre survie alors que nous avions été livrés en chair à canon. Cela changerait-il un jour ? Je l’ignorais, mais il était difficile de combattre sa nature véritable. Je sentais toujours mon regard se perdre dans le vague, et mon esprit dans ces pensées alors que les rideaux se fermaient. J’eus tout juste le réflexe de réagir et d’applaudir à mon tour alors que la pièce de théâtre se terminait. Les enfants, fatigués mais contents, attendaient dans les coulisses. Je m’étais forcée à sourire en m’approchant d’eux ; les souvenirs douloureux étaient encore bien présent dans ma tête. « Je repasserai bientôt vous voir. » promis-je en faisant mes au revoir aux enfants, qui semblaient quelque peu tristes de nous voir partir. Cette journée avait été remplie, fatiguante, mais intéressante. La Guilde validerait-elle notre passage commun vers le rang argent ? Je l’espérais. Tout de même, quelle mission pour le moins inattendue.

« Nous ferions mieux de rentrer faire notre rapport. » fis-je à l’intention de Piou.

Le moineau toujours sur l’épaule, je me dirigeais vers la tour de Guilde alors que la nuit commençait à tomber. Les pensées me hantaient toujours. À supposer que je passasse effectivement rang argent, en étais-je seulement digne ? La plupart voyaient mon armure et me percevaient comme une grande guerrière d’un autre monde. Et je n’osais les contredire. Parfois, je comprenais la pauvre Helen qui devait se sentir comme une imposture. J’en étais réellement une, que ce fût à Hetacta, ou ici. L’expérience me ferait-elle prendre un peu d’envergure ? De courage pour mener des troupes un jour ? J’en doutais fortement. Au moins, la mission du jour avait-elle été accomplie.