La fameuse place des portails…
Pour l’immense majorité des habitants de cette cité, elle représente leur première accroche à ce lieu. Si chez certains son nom est synonyme d’aventure et de libération, tu sais que pour d’autres elle leur rappelle ce à quoi ils se sont trouvés arrachés, et leur fait donc se souvenir d’à quel point ce monde entier est une prison malgré son apparente liberté.

Chez toi, stupide goupil, elle n’évoque rien d’autre que la curiosité. Celle de croiser toutes ces personnes différentes qui arrivent avec leurs unicités, leurs craintes et leurs désirs. Celle de se dire que s’il existe ici des portails pour arriver, l’on pourrait alors espérer l’existence d’autres portails qui mènent ailleurs… même si ces derniers ont été volontairement anéantis ou placés hors de portée des mortels. Et qu’importe, finalement.

Le monde que tu as toujours connu n’est pas le seul. Et si tu ne sais pas ce que tu rates en étant coincé ici, tu sais en revanche ce que tu gagnes à chaque nouvelle tête, à chaque nouveau venu, et à chaque potentiel qui se trouve invoqué.
Tu sais que le prochain visage croisé pourrait être un futur ennemi, mais aussi un allié, un ami, un membre de … de la meute.

Ouais, non.

Cette naïveté ne doit pas te détourner de tes objectifs. Aujourd’hui, on est visible, goupilou, et donc sur nos gardes. Ce jour n’est pas à la traque, parce qu’il y a toujours des choses à faire soit-disant plus ancrées à la réalité que l’adrénaline de la poursuite dans les ruelles sombres de cette cité. Malheureusement.

Cela dit, la traque ne s’arrête jamais vraiment. L’air autour de toi en est emprunt au point d’envahir ta vie de sa puissance à travers tes narines. Que ce soit l’odeur perdue d’une vague connaissance dont l’alcool a un jour pu te faire oublier l’existence, la douceur d’un proche venu fouler l’endroit il y a peu, ou l’enivrante fragrance d’un allié face à un combat victorieux, tout s’entremêle ici. La cité est certes immense mais les odeurs portent loin, et chacune transporte son lot de souvenirs et de réalités, agréables ou effrayants. Malgré cela, le pyromancien continue de t’échapper…

Morde, Yoka, sort de ta rêverie. Ça pue la mort, un parfum soudain a envahi tes capteurs avec une vivacité telle que tu as grimacé pour te retourner de ton chemin initial, t’arrachant à ces réflexions qui de toute façon ne te menaient nulle part. En revanche, voilà qui te projette vers bien pire : les souvenirs vivaces de la décomposition humaine.

Le sang, les chairs calcinées… les dépouilles mutilées par les monstres du centre d’entraînement. Tout se mélange dans ton esprit pour ne former qu’un immense amas de réminiscences qui te serrent le ventre avec douleur et te rappellent la nausée de ce moment-là.

Morde, renard débile ! Tes appendices caudaux se sont tendus sous l’horreur, et tes oreilles se sont redressées en arrière, mais ce n’est ni le lieu ni l’endroit pour laisser parler tes traumas ! Tu t’es peut-être retourné trop vite, mais la réalité n’a rien à voir avec tes cauchemars, berdol !

Surtout que ton regard se pose immédiatement sur la source de cette puanteur. Un mort-vivant, évidemment. Cheveux tressés, et une certaine froideur dans le regard, outre celle de la rigidité cadavérique qu’évoque son état. Le Chaos a déjà fait preuve de tels stratagèmes, mais tu as depuis appris que ce n’était pas son apanage, sans quoi tu te devrais de le détruire.

Respire, Yoka, respire. Il ne semble pas prompt à attaquer la cité, ce qui ne le classe a priori pas dans la catégorie des ennemis dangereux … pour l’instant du moins.

S’il n’était pas mort, tu aurais pu dire que sa coiffure lui allait bien. Les perles, c’est une bonne idée par exemple, il faudra que tu essaies à l’occasion. Vivant, tu sens que tu aurais pû apprécier ce gars-là. Mort en revanche, rien n’est moins sûr.

Il n’est pas censé être un ennemi, donc, et ce malgré ton pincement de nez au vu de l’horreur qui émane de toutes ses pores. Il est décédé depuis longtemps, c’est un fait. Et même une grande rasade de parfum ne suffirait pas à éviter ses fragrances cadavériques.

Du calme, goupilou. Évidemment, de par tes mouvements vifs ainsi que via le regard que tu lui as jeté, il t’a remarqué. C’était à prévoir, stupide renard. Tu fais ce que tu peux, mais parfois t’es bien impoli comme Croc, aujourd’hui par exemple t’as encore foiré.

Respire. Tu sais ce que tu veux. Il est peut-être effrayant dans ses odeurs de chair décomposée, mais il reste un être unique à sa façon. Alors prends sur toi, bon sang ! Idiot.

Comme chacun, il mérite son sourire unique. Celui destiné à lui faire comprendre en une caresse du regard qu’il a sa place, qu’il mérite de vivre - enfin, presque - et d’être là. Que tu l’estimes, et ne te montres pas hostile à son égard. Oui, on sait que c’est dur, et c’est bien la première fois que tu dois le faire en évitant de respirer ces relents putrides.

C’est bien, goupilou. Ton sourire est irrésistible, et même les morts doivent pouvoir se sentir appréciés par ce sourire-là.

De toute façon, il est loin, dans cinq secondes vos regards se seront détournés et tu pourras alors fuir loin de cette odeur putrescente pour aller rechercher Rayan là où ce dernier t’attend sagement. Donc ce sourire ne te coûte pas grand chose, au final.
Et puis… des regards froids dissimulent parfois la plus grande des sympathie. Qui sait ?

Il faut espérer qu’il ne soit plus sympathique que ne l’est son odeur.


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