Récolte d'informations sur fond de retrouvailles (Arya et Caliban)

Cela faisait maintenant une semaine que Caliban était arrivé à Portalia. Il n'avait toujours aucune nouvelle de Luculla, mais faisait confiance à l'ordre pour la localiser. Au vu de ses compétences, il avait été assigné à la XIe division de l'église, il était donc maintenant un Croisé et devrait accepter toute mission qui lui serait confiée par ses supérieurs. Le seul choix qui lui avait été donné de faire récemment était celui de la confrérie qu'il rejoindrait, après mure réflexion, il avait rejoins la confrérie des lames de lumière. Ses membres avaient en effet une tendance à ne pas s'impliquer dans la politique et à se concentrer sur la protection des innocents et des faibles en plus d'être courageux et bien vu du peuple.

La matinée arriverait bientôt à son terme, ainsi qu'avec elle le cours sur les "ennemis de l'église" qu'un haut-prêtre de la Ve division était en train de lui dispenser. Caliban était attentif à la lecture de l'homme d'un certain âge, bien que celle-ci ne le passionnait pas outre mesure. Affronter des bêtes féroces pour protéger cette cité n'était pas un problème ; cependant, Caliban n'avait nulle envie d'être assigné à des traques d'hérétiques ou de devoir participer à des interrogatoires musclés… Alors que la lecture touchait à sa fin et qu'il s'attendait à être congédié, il remarqua qu'une femme portant l'insigne de la IIIe division venait d'entrer dans le local. Une inquisitrice… Que vient-elle faire ici ? J'espère que cela n'est pas lié à la discussion que j'ai eue hier à la cantine…

Jeune recrue Berkalia, il est temps pour vous de mériter votre pitance. Rassurez-vous, je ne suis pas venue vous envoyer au front alors que vous n'avez même pas encore fini votre apprentissage.

Caliban essayait de cacher au mieux possible sa nervosité face à cette situation imprévue. Il avait remarqué qu'elle était d'un rang au moins égal à celui de son instructeur, si pas supérieur, ce qui ne présageait rien de bon.

Bien, je vais être brève, tous mes hommes sont déjà occupés et je viens d'obtenir des renseignements qui ont piqué ma curiosité. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un groupe se faisant appeler Dark Souls nous met des bâtons dans les roues depuis un certain temps. Et bien que nous en ayons déjà capturé un certain nombre, leurs partisans ne semblent toujours pas prêts à comprendre la futilité de leur rébellion contre l'ordre.

Ce qu'il redoutait était en train d'arriver… L'on allait l'envoyer traquer des humains… Qui plus est quand cette femme avait mentionné la capture d'un certain nombre de Dark Souls elle avait eu un petit sourire narquois, laissant supposer à Caliban qu'il devait y avoir eu séances de torture ou exécutions et qu'elle y avait très certainement participé.

Votre première mission pour l'ordre sera donc de vous rendre à la boutique suivante. Elle sortit une carte de Portalia et lui tendit. Selon mon informateur, un Dark Souls s'y serait rendu et aurait tenté de rallier à leur cause la tenancière. Essayez de savoir si l'offre a été acceptée ou refusée. Vous êtes autorisé à faire usage de la force si nécessaire, mais ne vous mettez pas non plus dans une situation inextricable… Bien que si le rapport n'a pas surestimé votre force, votre pouvoir devrait vous aider à fuir si le besoin se présente.

Elle déposa ensuite une sacoche sur la table avant de se tourner vers le haut-prêtre.

Lisez donc ceci et répondez aux questions de la recrue si elle en a, je n'ai pas plus de temps à vous accorder. Elle refixa son attention sur Caliban quelques secondes. Venez me faire votre rapport à mon bureau avant demain soir, et si cette femme a dit oui tentez de me la ramener vivante… Bien que j'accepterai aussi que vous retourniez chercher des renforts si elle n'est pas seule.

N'ayant pas d'autres choix Caliban répondit simplement. A vos ordres Madame ! Kiryuin, recrue. Grande Inquisitrice Kiryuin. Elle quitta la pièce après avoir révélé son nom. Caliban se rassit alors, pendant que son professeur lisait les documents confidentiels qu'elle avait laissés sur le bureau.

Quelques minutes plus tard, alors que le silence commençait à se faire oppressant, son instructeur se retourna vers lui et commença à lui divulguer toutes les informations pertinentes qu'il avait recueillies parmi les documents avant de répondre au mieux à ses questions puis d'enfin le congédier.

Caliban décida de se rendre à la cantine avant toute chose, les portions que l'on y servait étaient généreuses et il préférait avoir le ventre plein avant de se lancer dans sa première assignation.

Une fois le repas pris, il repassa par ses quartiers pour y placer sa rune sur son épée, c'était un nouveau pouvoir qu'il avait obtenu à son arrivée à Portalia. Il pouvait marquer un objet et y téléporter celui-ci dans sa main, c'était comme une extension de sa magie, mais il ne pouvait choisir qu'un seul objet à la fois. Marquer son épée lui permettrait d'avoir celle-ci à portée de main tout en ayant l'air désarmé pour un potentiel adversaire. Cette ruse, couplée à sa magie, devrait lui donner l'avantage. Bien qu'il espérait ne pas avoir à combattre d'autre habitant de cette cité.

---

---

Caliban se mit ensuite en route, suivant les indications de la carte qui lui avait été laissée par la grande inquisitrice Kiryuin. Le chemin qu'il devait suivre l'éloignait de plus en plus du centre ville, lui faisant prendre la direction de la périphérie. Au fur et à mesure qu'il approchait de son objectif, il croisait de plus en plus d'habitants qui semblaient lui jeter des regards noirs, certains ayant même l'air à deux doigts de vouloir se jeter sur lui. Pourquoi diable le port de ma tenue ecclésiastique faisait-il partie des conditions de cette mission… Nulle doute qu'agir discrètement serait plus intéressant pour ce genre de mission… Était-ce dès lors plutôt un test destiné à analyser mes réactions ? Caliban continua de réfléchir aux implications de cette mission et en arriva à la conclusion que l'on ne lui avait pas donné toutes les informations, voire qu'il servait de diversion pour un autre agent.

Alors que ses pensées s'approchaient dangereusement de thématiques paranoïaques, il remarqua qu'il n'était plus qu'à quelques rues de sa destination. Le quartier dans lequel il se trouvait à présent faisait clairement partie des moins favorisés à en juger par les vêtements portés par une partie de ses habitants ainsi que l'état de certains bâtiments. Par chance, personne n'était venu l'aborder, il décida cependant de ne pas trop tenter la chance et d'accélérer le pas. Quelques croisements plus loin, il tourna à droite et se mit à compter les devantures. La troisième boutique de la rue, l'on y vends de tout. Trouver sa cible ne lui demanda que quelques secondes, se remettre du choc en lisant le panneau surplombant l'entrée en demanda un peu plus. Ce nom… Serait-ce…

Sortant de sa stupéfaction, Caliban poussa la porte et entra dans la boutique, suivant les instructions que l'on lui avait données, il annonça la raison de sa visite d'une voix assurée.

Est-ce que la patronne de cet établissement est présente ? J'aurais quelques questions à lui poser.

Dans la pénombre feutrée de son bazar, Arya flâne, se délectant du calme et de l'atmosphère envoûtante de son domaine. Les étagères étincellent sous la lueur tamisée des lampes suspendues, révélant une myriade d'objets mystérieux et de potions colorées soigneusement disposés. Chaque étagère est un voyage à part entière, chaque objet raconte une histoire unique, et Arya en est la gardienne attentive. Ses doigts glissent avec délicatesse sur les étoffes soyeuses des draperies qui ornent les murs, créant une symphonie discrète de doux froissements. Elle aime l'ambiance élégante et luxueuse de cet espace qu'elle a façonné avec soin. Chaque détail, des tapis moelleux aux rideaux brodés d'or, est une manifestation de son amour pour l'esthétisme et la finesse.

Elle parcourt ainsi sa boutique, en observant les quelques clients qui déambulent, curieux, dans les allées du bazar. Lorsque le besoin se fait, elle les conseille ou les renseigne sur ce qu'ils ont sous les yeux. Certains s'arrêtent devant une bouteille de liqueur rare aux reflets ambrés, d'autres s'exclament devant un artefact d'un ancien monde, dont la seule fonction n'est aujourd'hui plus que d'émerveiller les curieux. En un sens, Arya se reconnaît dans ses objets : autrefois grandioses et puissants, le rapt que leur a infligé l'Ordre les a condamnés à n'être plus que l'ombre d'eux-mêmes, dans un monde où ils n'ont pas leur place. Arya s'arrête devant un grand miroir ovale posé dans un coin de la boutique, encadré dans un somptueux cadre en bois sculpté. Elle se regarde : son regard noir profond se fixe sur ses longs cheveux platine, arborant fièrement sa broche familiale. Son apparence n'a pas presque pas changé depuis son enlèvement... Et pourtant, la personne qu'elle a sous les yeux fait bien pâle figure par rapport à l'ancienne Arya Vaelis. Où sont passés ses servants, son réseau, son manoir ? Elle avait un empire, et du jour au lendemain, la voilà à gérer une petite boutique. En un jour, comme les artefacts qu'elle vend dans sa boutique, sa gloire passée ne peut plus qu'être devinée. Arya sert les dents. Sa colère ne s'est pas affaiblie le moins du monde depuis son invocation ; au contraire, elle se raffine. Comme un vin que l'on laisse vieillir, la rage vengeresse d'Arya ne fait que se bonifier avec le temps.

Arya secoue la tête pour chasser ces pensées sombres qui menacent de l'envahir. Elle ne peut pas se laisser aller à la nostalgie, elle doit rester concentrée sur ses objectifs. Son regard se pose sur une étagère remplie de potions brillantes aux couleurs chatoyantes. Ces breuvages magiques renferment des pouvoirs mystérieux et insondables, et ils sont très prisés des clients en quête de puissance. Ou plutôt, en quête de vaincre leur impuissance. Arya finit tranquillement son tour, avant de retourner à son poste derrière le comptoir. C'est vraiment tranquille ce matin... Personne n'a passé de commandes aujourd'hui, chose rare ces derniers temps. La demoiselle profite que personne ne la voit pour s'étirer un bon coup. Si l'absence de clients est mauvaise pour les affaires, une matinée calme est toujours la bienvenue ! Depuis son arrivée à Portalia, Arya n'a pas eu le moindre répit : d'abord, il a fallu monter son commerce. Ce qui signifie acquérir des babioles en tout genre, et expliquer ses services de négociations aux plus curieux. Le plus dur dans tout ça aura été de convaincre quelques artisans qu'à long terme, ils y gagneraient à collaborer avec elle. La seule chose aussi dure que l'enclume d'un forgeron, c'est bien sa tête, Arya a eu maintes occasions de vérifier... Ensuite, il a fallu se monter un réseau de contacts pour son commerce secondaire. Ce qui fut étonnement plus facile qu'avec les artisans... Grâce au réseau déjà existant de la Secte, ça aura été la partie la plus facile de son labeur. Pour finir, la seule chose à faire fut de prouver ses compétences. Et ça, elle y travaille encore aujourd'hui.

Le bruit de clochette de la porte d'entrée vient la tirer de ses songeries. Et qu'elle ne fut pas sa surprise de voir entrer devant elle Caliban Berkalia, un aventurier de son ancien monde, dans une tenue d'ecclésiastique qui lui va aussi bien qu'une robe de soirée à un béhémoth. Arya se retient difficilement de rire. Le jeune homme a disparu quelques années avant elle, et la jeune femme espérait le retrouver dans ce monde. Plus qu'à retrouver ma soeur. Ah, Caliban... Un éternel naïf qui a fait un nombre presque incalculable de crimes pour Arya, sans jamais s'en être rendu compte. Au fil des années, elle a fini par sincèrement s'attacher à lui. L'aventurier fait donc partie des rares élus à avoir obtenu l'affection de cette vile cartésienne. S'il n'a pas trop changé, elle pourra sans aucun doute recommencer à l'utiliser à son insu. Revoir son vieil ami ravive toutefois de plus belle la colère d'Arya : l'Ordre s'en est donc pris à non pas une, mais deux des quelques personnes qui comptent pour elle. Un jour ou l'autre, lui et le Chaos paieront... La rage intense laisse cependant vite place à la colère froide habituelle. Aujourd'hui, c'est un jour de retrouvailles. Cela dit... Si la femme de Caliban n'est pas avec lui... Non, impossible. Caliban ne survivrait pas deux semaines sans Luculla. Dommage, enrôler l'aventurier à sa cause aurait été on ne peut plus facile si sa femme n'avait pas été invoquée avec lui.

Quelques questions à poser à la patronne ? Il a oublié le nom "Vaelis", sérieusement ? Caliban n'est pas un flèche, mais de là a ce qu'il n'arrive pas à faire le rapprochement malgré le nom de la boutique et le symbole de papillon... Wow. Ou alors, il est ici depuis de si longtemps qu'il a tout oublié de son ancienne vie ? Voilà qui serait fort fâcheux... Bon, autant vérifier tout de suite. Surjouant l'ignorance, elle s'adresse à Caliban d'un air enjoué.

-Elle est présente très chère ! Et que lui vaut la visite d'un parfait inconnu, si élégamment vêtu, dans son établissement ?

Alors qu'il attendait une réponse à son annonce, Caliban observait les lieux. Il n'y avait pas d'autres clients, une bonne ou mauvaise chose, il ne pouvait pas l'estimer. L'atmosphère de la boutique inspirait une confiance relative, tout semblait bien ordonné et la décoration mettait en valeur l'un ou l'autre objet qu'il devinait de grande valeur. Au moins, personne ne risque de me sauter dessus… A moins que… Non, pourquoi s'en prendrait-on à un homme d'église désarmé venu simplement récolter des informations dans une boutique tout à fait charmante ? Essayant de dissiper ses pensées négatives, il se concentra sur les ornements. Je ne m'attendais pas à ce que l'on m'envoie dans un endroit aussi fastueux. Entendant que l'on lui répondait, il tourna son attention vers l'origine des paroles.

La voix qu'il entendit semblait étrangement familière, un mélange de douceur, d'élégance et de fermeté. Elle lui rappelait une autre commerçante qu'il avait bien connue dans son monde d'origine ; toutes deux portaient qui plus est le même nom de famille. Serait-ce possible que… Non, elle vient de me signifier qu'elle ne me connait pas. Caliban décida néanmoins comme à son habitude de faire passer sa mission en priorité avant ses questionnements personnels, il aurait tout le temps de dissiper ses propres doutes une fois qu'il se serait assuré que ceux de la grande inquisitrice Kiryuin étaient infondés. Il pointa du doigt vers l'insigne accroché à son manteau.

Et bien, comme vous l'aurez certainement deviné au vu ceci, je suis envoyé par l'église et membre de la confrérie des lames de lumière. Vous me semblez être quelqu'un de raffiné et votre établissement ressemble plus à une boutique pour nobles qu'à un repaire de malfrats. Je ne vous ferais donc pas l'affront d'être vague sur la raison de ma venue.

Caliban avait toujours été du genre à ne pas y aller par quatre chemins, les longues discussions tournant autour du pot étaient une spécialité réservée à ceux qui n'avaient rien de mieux à faire ou voulaient embobiner leur interlocuteur. Lui comptait sur son intuition pour déterminer si son interlocuteur était honnête ou non, et celle-ci lui avait rarement fait défaut. Il continua donc son explication allant droit au but.

Voici donc ma première question. Pensez-vous qu'un de vos clients récents, je dirais qu'il devrait être passé ici il y a quelques jours, voire une semaine tout au plus, pourrait être relié de près ou de loin à l'organisation criminelle se faisant appeler Dark Souls ? Il y a fort à parier qu'un de leur membre se soit intéressé à vous, pour une raison que l'église ignore.

Une approche aussi directe avait malheureusement peu de chances de porter ses fruits dans le cas où son interlocutrice serait déjà de mèche avec les Dark Souls, il rajouta donc, pour faire bonne figure tout en faisant un pas vers le comptoir.

Madame, vous êtes peut-être en danger. Si cette organisation détient un moyen de pression sur vous dites le moi, j'en informerais mes supérieurs et nous vous viendrons en aide soyez en assurée.

Caliban se concentra pour observer les réactions de la tenancière à ses paroles. Tout en continuant d'essayer de comprendre pourquoi elle lui semblait si familière. L'on dirait Arya, mais en un peu plus âgée. Serait-il possible que d'autres habitants d'Althéa aient été transporté ici ? Et que certains soient arrivés des mois voire des années avant moi ? Cela voudrait dire que Luculla pourrait avoir eu à vivre ici seule des années ? Ou qu'elle n'arrivera que bien plus tard… Les pensées négatives commençaient à envahir son esprit, il fut heureusement tiré de ses rêveries par la voix qui lui répondit.

Le sourire espiègle d'Arya se change bien vite en une moue abasourdie lorsqu'elle comprend que son ancien ami ne la reconnaît pas. Ils ne se sont plus vus depuis quelques années certes, mais tout de même... D'abord blessée dans son ego, la jeune femme se reprend vite. Peut-être n'est-ce pas Caliban, mais un sosie de lui venu d'un autre univers ? Mais alors, pourquoi a-t-il la même démarche, la même voix, les mêmes lunettes ? Non, elle en est sûre, il s'agit bien du même Caliban Berkalia qu'elle a connu. Peut-être a-t-il passé tant d'années à Portalia qu'il a tout oublié de son ancienne vie, ou encore peut-être a-t-il subi une grave blessure entraînant une perte de sa mémoire ? Arya regarde intensément l'homme qui se tient devant elle pendant quelques longues secondes. La seule cicatrice visible sur son visage est la même qu'il a toujours portée, c'est-à-dire une imposante balafre au niveau de la joue droite. Il est exactement pareil que dans ses souvenirs, comme si il n'avait pas vieilli d'un an... Si ce n'est qu'il a l'air encore plus perdu que d'habitude. Caliban n'est pas un adepte de la réflexion ou de la complexité, dès que quelque chose est un peu trop compliqué, le pauvre déraille complètement. C'est un homme simple, qui a besoin de choses simples. Est-il possible de perdre des souvenirs à cause de l'invocation ? Arya n'a jamais entendu parler d'un tel phénomène, mais elle n'est pas omnisciente après tout.

Dans tous les cas, l'heure n'est pas aux retrouvailles. Si Caliban est ici aujourd'hui, c'est parce que l'Eglise l'envoie enquêter. Arya se garde bien de rire lorsqu'elle entend la raison de sa venue : envoyer le jeune homme démêler les noueux fils de la vérité, c'est un peu comme demander à une pierre de nager. Même avec toute la bonne volonté du monde, elle finira inéluctablement par couler, ce n'est tout simplement pas dans sa nature. Une fois de plus, l'Ordre démontre son incompétence. Cela dit, le fait que l'Eglise s'intéresse au Bazar Vaelis est inquiétant. Elle ne semble pas suspecter Arya directement... Enfin, si personne n'a menti à Caliban à propos de sa mission. Tout d'un coup, la situation devient beaucoup moins amusante. Si d'une manière ou d'une autre quelqu'un sait que Caliban et Arya se connaissent, il se peut très bien que la présence de son ami dans sa boutique soit tout sauf un hasard. Peut-être cherche-t-on à la mettre en confiance pour plus facilement enquêter sur elle... Mais comment diable l'Eglise serait-elle au courant pour son deuxième commerce ? Quoique... Non, c'est plus le domaine de la Guilde de s'occuper de ce genre d'affaires. Si l'Eglise en a après elle, ça serait plutôt pour son appartenance à la Secte du Chaos. Si son investissement au sein de ce groupe est minime, elle profite tout de même des quelques avantages que ça lui apporte. Mais à nouveau, elle ne voit pas comment qui que ce soit pourrait être au courant. Sans compter qu'il est fantaisiste d'imaginer que quelqu'un soit au courant de son lien avec Caliban... Dans le doute, je vais devoir rester sur mes gardes.

Caliban vient tirer Arya de sa paranoïa lorsqu'il s'approche maladroitement du comptoir. Il lui propose la protection de l'Eglise, dans le cas où elle aurait coopéré avec des Dark Souls sous la menace. Oh Caliban, si tu savais... Tu as devant un toi un membre de l'organisation aux antipodes de celle à laquelle tu as prêté allégeance. Si l'idée d'avoir la protection officielle de l'Eglise est alléchante, Arya va malheureusement devoir décliner l'offre. La boutiquière travaille régulièrement avec des Dark Souls, et vendre ainsi de fidèles clients serait de très mauvais goûts. Enfin, tant qu'ils sont utiles. Cela dit... Caliban pourrait bien s'avérer encore plus utile que dans son ancien monde. Il a beau n'être qu'un laquais parmi tant d'autres au sein de son ordre, il n'en reste pas moins une source d'informations de choix. Quoi que soient les plans de l'Eglise, ils vont se prendre un sacré retour de flamme. Qu'il ait oublié son passé ou pas, Caliban n'a visiblement pas changé d'un pouce. Autrement dit, Arya n'aura aucun mal à l'utiliser comme elle l'a fait pendant des années en Althéa...

Une fois sa tirade finie, Caliban regarde la commerçante d'un air intrigué, avant de subtilement commencer à déprimer. Arya lui répond alors sur un ton plus sérieux, bien que toujours jovial.

-Des Dark Souls ont été aperçus dans ma boutique ? Voilà une bien fâcheuse nouvelle... La seule chose que je peux vous garantir, c'est qu'ils ne se sont pas manifestés comme tels. Il arrive que certains clients soient problématiques, mais je n'ai rien relevé qui puisse être relié à eux. Peut-être pourriez-vous me les décrire ? J'ai une plutôt bonne mémoire.

Discrètement, Arya vérifie que personne n'essaye de se faufiler dans son cabinet. Après tout, fouiller l'arrière-boutique est la manière la plus simple de l'incriminer. Par précaution, Arya ne passe pas ses contrats illicites par écrit, mais dans cette pièce se trouve tout de même son recueil d'informations sur de nombreux criminels ainsi que quelques objets volés. Une fois sûre et certaine que personne ne s'est approché de la porte à son insu, elle enchaîne.

-Oh, mais où sont mes bonnes manières... Excusez-moi, vos informations m'ont quelque peu décontenancée, l'idée d'être considérée comme une potentielle ennemie par l'Eglise ne m'enchantant guère. Arya Vaelis, pour vous servir.

Arya tend ensuite sa main, bien à l'abri dans un gant en velours noir, vers Caliban. Elle le regarde droit dans les yeux, cherchant dans son regard l'éclair de lucidité qu'elle attend de lui depuis qu'il a franchi la porte de sa boutique.

La tenancière semblait coopérer, au soulagement non dissimulé d'un Caliban déjà trop stressé. Dans la famille, le domaine des enquêtes et de la sécurité intérieure était plutôt celui de son père, Alban. L'homme avait fait partie de la garde d'Althéa pendant de nombreuses années et n'avait jamais commis d'erreur de jugement qui aurait pu faire condamner un innocent. Cependant, du peu qu'il en avait compris, la justice de son ancien monde était beaucoup plus tendre que celle de cet endroit. J'espère qu'ils ne vont pas me faire passer d'une boutique à l'autre jusqu'à ce que je découvre quelqu'un de suspect… Les chasses aux sorcières, très peu pour moi… Il fouilla rapidement dans sa sacoche et en sortit un document contenant la description d'un homme d'âge mûr qui était la personne suspectée d'appartenance aux Dark Souls. Ce papier répondra bien mieux que lui à la question lui ayant été posée. Cependant, il laissa aussi tomber par inadvertance son plan de la ville, sur lequel était marqué d'une croix noire cette boutique et d'une autre croix rouge une planque présumée de criminels potentiellement affiliés à l'organisation que traquait sa supérieure. Il ne remarqua cependant pas immédiatement sa maladresse alors qu'il tendait l'autre écrit à son interlocutrice.

Tenez, sur ce justificatif est indiquée une description de l'homme ainsi que les timings présumés de ses agissements dans cette rue. L'Église ne m'a pas interdit de partager avec vous cette information, vous pouvez dès lors garder ce document. Ce n'est de toute façon qu'une simple reproduction faite par l'un de mes instructeurs.

Se retournant ensuite pour refermer sa sacoche, il remarqua enfin la carte précédemment tombée au sol et se pencha pour la reprendre afin de retourner celle-ci à sa place. J'aurais besoin de ça pour rentrer, je ne connais pas encore ce quartier. Il attendit ensuite patiemment qu'elle eût fini de lire le document lui ayant été transmis par ses soins. Il mit ce petit temps de pause à profit pour mieux regarder à qui il parlait. Elle lui ressemble quand même beaucoup, même sa manière de parler aux gens… Mais elle m'aurait eu reconnu directement si cela avait été elle. Qui sait… Au vu du nombre de mondes dans lesquels l'ordre semble capable d'aller chercher des gens, il serait possible que nous ayons tous de presque parfait sosies non. Caliban était encore une fois reparti dans les méandres de son imagination et ne prêtait plus toute son attention à ce qu'il se passait devant lui. Entendant qu'elle avait repris la parole, il rattrapa le fil de la discussion.

Pour n'être qu'une fois de plus renvoyé vers ses pensées en y entendant le nom de celle sur qui l'on l'avait envoyé enquêter. Mais… C'est donc bien elle. L'insigne du magasin, la voix, la démarche, l'apparence, cela aurait dû lui suffire pour ne pas douter d'à qui il avait à faire. Il se mit cependant à penser qu'il était fort étrange qu'elle-même ne l'ai pas reconnu. Je suppose que si l'invocation l'a autant perturbée que moi, c'est normal... Il remarqua ensuite sa main tendue, ainsi que ses yeux le fixant. Il se sentit jugé, comme si cette femme, qu'il connaissait pourtant bien, cherchait quelque chose. Alors qu'il s'apprêtait à lui serrer la main, il ne put s'empêcher de cacher son embarras de ne pas l'avoir reconnue et de l'avoir ennuyée avec de stupides questions.

Merde… Pardonne-moi, j'étais si concentré sur cette mission que j'en ai oublié mes bonnes manières… Que penseraient mère et Luculla…
Il regarda ensuite un peu partout, comme s'il cherchait un endroit où discuter entre amis et non entre suspect et enquêteur.
Heu… Bien sûr, je dirais à la grande inquisitrice Kiryuin qu'il n'y a pas lieu de te surveiller. L'Église est du côté des honnêtes gens.

Il décida qu'il ne servait à rien de lui poser plus de questions sur ce sujet, la Arya qu'il connaissait n'irait pas travailler avec des gens dangereux qui menacent la sécurité des innocents qui tentent de refaire leur vie ici. C'était donc une enquête close, l'homme était peut-être passé par ici, mais il n'y aura pas trouvé ce qu'il cherchait. Si ce dont je ferais rapport n'est pas suffisant, l'Église n'aura qu'à envoyer quelqu'un d'autre sur ses traces, je n'aime vraiment pas ce genre de missions. Caliban était maintenant bien plus détendu quand il reprit la parole.

Puisque mon affaire est réglée, que dirais-tu d'aller s'installer quelque part si tu en as le temps et de se raconter mutuellement notre arrivée ici-bas. L'on dirait que tu es là depuis beaucoup plus longtemps que moi si je ne me fie qu'au fait que tu me sembles plus âgée que la dernière fois que l'on s'était croisés à Althéa.
Une idée loufoque lui traversa l'esprit, il choisit de vocaliser celle-ci d'un ton légèrement moqueur.
Non… Ne me dis pas que maintenant, c'est toi la plus vieille de nous deux, il ne resterait alors que le combat comme domaine où je te suis supérieur haha.
Reprenant sa voix naturelle, il termina par une invitation cordiale qui aurait fait honneur aux enseignements de sa mère.
Honneur aux dames. Quand es-tu arrivée à Portalia et comment as-tu réussi à récupérer un commerce aussi florissant que celui que tu possédais dans notre ancien monde ?

Une autre idée lui traversa l'esprit, mais il comptait bien d'abord lui laisser le temps de raconter son histoire sans l'interrompre avec ses propres tracas. Il n'était pas pressé, son rapport ne devant être rendu qu'au plus tard le lendemain au soir, il espérait qu'Arya avait aussi du temps devant elle. Si elle était ici depuis un moment, elle en saurait sans aucun doute infiniment plus que lui. Comme à Althéa, c'était elle qui était toujours au courant des ragots et des rumeurs. Elle avait même occasionnellement été au courant du contenu d'annonces royales avant même leur lecture par les hérauts. La savoir ici était une aubaine, un don du ciel si l'on puis dire. Enfin quelqu'un avec qui il pourrait converser sans retenue. Si cela se trouve, elle a peut-être déjà croisé Luculla quelque part ? Non Cal… Ne tire pas des conclusions hâtives. Il ne se laissa cette fois pas emporter dans les tréfonds de son esprit et resta toute ouïe pour écouter le récit de l'une de ses plus vieilles amies.

Dernière édition par Caliban Berkalia le Ven 4 Aoû - 13:44, édité 1 fois

Caliban lui tend quelques documents officiels qui décrivent le potentiel Dark Souls, tout en faisant tomber une carte de sa sacoche. Arya, plus intéressée par son interlocuteur que par l'enquête, se contente de le lire le papier en diagonale le temps que son ami finisse ses explications. En quelques lignes seulement, elle comprend que le sujet de la recherche est Adrian, larbin des Dark Souls. Quelle ironie... Si Arya connaît l'identité de cet homme, c'est parce qu'un de ses clients travaille régulièrement avec lui. En se renseignant sur ledit client, elle s'est par la même occasion renseignée sur ses collaborateurs. Voilà donc encore une fois qu'on la suspecte pour un crime qu'elle n'a pas commis... Ça ne lui était jamais arrivé à Althéa, mais c'est déjà la deuxième fois que ça arrive depuis qu'elle est arrivée à Portalia. Si encore c'était un de ses contacts dans les Dark Souls qui avait éveillé les soupçons, pourquoi pas, mais là... Ce monde a l'art de mettre mes nerfs à rude épreuve. Le contenu de la carte, lui, est plus inquiétant. Elle y découvre non seulement que sur sa boutique figure une inquiétante croix noire, mais aussi une croix rouge sur un autre bâtiment. Pourquoi indiquer deux endroits, si la mission de Caliban n'est que d'enquêter sur le Bazar Vaelis ? Il faudra que je l'interroge là-dessus plus tard.

Alors que la jeune femme continue de regarder intensément Caliban, celui-ci finit par lui serrer la main. C'est pas trop tôt ! En voyant que son ami la reconnaît enfin, Arya se sent soulagée. L'homme qu'elle a devant elle est bien Caliban Berkalia, ex-aventurier d'Althéa à la candeur attendrissante. Visiblement,le pauvre homme encaisse mal sa situation actuelle : il faut dire qu'à nouveau, Caliban aime les choses simples, et se faire invoquer dans un autre monde parce que deux entités se battent par intermédiaire n'est pas exactement ce que l'on pourrait qualifier de simple. Il a quand même eu de la chance que Luculla soit invoquée avec lui. Dans le malheur qui les a tous les deux frappés, son ami s'en sera mieux tiré qu'elle : depuis qu'elle est arrivée, elle n'a toujours pas trouvé la moindre trace de sa soeur. Arya ne porte pas particulièrement Luculla dans son cœur, mais elle lui reconnaît tout de même son utilité. Sans elle, Caliban est plus proche d'une coquille vide qui attend, lasse, que la mort vienne la cueillir. Accessoirement, tout en rendant le jeune homme fonctionnel, elle a la décence de ne pas compenser son manque de jugeote. Finalement, peut-être qu'Arya l'apprécie plus qu'elle ne le pense...

Après avoir lavé la commerçante de tout soupçon, Caliban révèle par inadvertance le nom de sa supérieure. Si Arya est ravie d'enfin faire face à quelqu'un qui donne si naturellement une information si précieuse, le fait qu'elle n'ait jamais entendu parler de cette inquisitrice la dérange au plus haut point. Pour le meilleur comme pour le pire, la majorité de ses contacts sont dans la pègre. Le réseau de la Secte lui donne accès de temps en temps à quelques informations sur la Guilde et les civils, mais ça s'arrête là. Elle n'a accès qu'à très peu d'informations au sein de l'Église... Heureusement, son vieil ami va pouvoir y remédier. Ce dernier a visiblement décidé d'oublier la raison de sa venue, et lui demande où ils peuvent discuter tranquillement.

-Pour un ami comme toi Caliban, j'aurai toujours le temps. Suis-moi, on va aller s'installer dans mon cabinet.

Arborant pour la première fois un sourire sincère depuis son invocation, Arya quitte son comptoir pour aller fermer la porte d'entrée à clefs. Elle y laisse une petite note indiquant "Arya est indisponible pour une durée indéterminée, merci de revenir plus tard ou de prendre rendez-vous.", puis se dirige vers l'arrière-boutique. Pour une fois, elle ne s'installe pas derrière le somptueux bureau en bois, mais sur le grand fauteuil d'habitude réservé aux clients. Sans demander quoi que ce soit à Caliban, elle sort une bouteille à l'allure travaillée suivie de près par deux verres. Elle remplit les deux récipients, avant d'en tendre un à son ami d'une main ombrageuse. Cet alcool, transparent, ressemble comme deux gouttes d'eau au spiritueux qu'ils buvaient ensemble lors de leur soirée à Althéa. Elle trinque avec son compagnon, avant d'en avaler une gorgée. Arya n'a jamais apprécié le goût de cette boisson : trop sèche, trop forte, pas assez subtil. La seule raison qui fait qu'elle apprécie cet alcool, c'est qu'il lui rappelle son ancien monde et sa rencontre avec Caliban. Sans montrer qu'elle ne savoure pas le moins du monde son breuvage, elle répond à son ami.

-Qui sait, peut-être que c'est moi la doyenne maintenant ? Mmmh... Si tel est le cas, tu me dois encore plus de respect qu'à l'époque... Non, rassure-toi, je pense que tu es toujours mon aîné. Je suis encore jeune, je n'ai que vingt-sept ans après tout. Arya laisse s'échapper un rire léger, avant d'enchaîner. Cela fait plusieurs mois que je suis arrivée ici. Quant à mon commerce, et bien... Tu me connais. Du jour au lendemain, j'ai perdu tout ce que j'ai passé ma vie à bâtir. Je ne pouvais pas rester les bras croisés, j'en ai sept après tout, c'est plus dur pour moi que pour n'importe qui ! Malheureusement, mon commerce est encore loin d'être aussi florissant qu'en Althéa. Tu n'es pas resté assez longtemps pour voir ça, mais le commerce Vaelis était devenu le plus prospère tous royaumes confondus. J'étais littéralement à la tête d'un empire.

Un brin de nostalgie imprègne la voix d'Arya. Celui ne suffit pas à lui arracher sa bonne humeur : aujourd'hui, c'est un jour de célébration, de réunions. Bien évidemment, la jeune femme se garde de dire à Caliban qu'elle était plus ou moins à la tête de leur ancien monde avant de se faire invoquer.

-Et sinon, parle moi un peu de toi. Tu avais disparu depuis plusieurs années, mais tu es toujours exactement comme dans mes souvenirs. Qu'est-ce qui t'a poussé à rejoindre l'Église ? Et comment va Luculla ?

Décontractée, Arya prend une autre gorgée de son verre. Toujours, bien évidemment, sans exprimer le dégoût que l'arôme de son contenu lui inspire.

Caliban était heureux qu'elle ne lui tienne pas rigueur d'avoir été un peu trop froid et professionnel, quelques minutes plus tôt, alors qu'il n'avait pas encore reconnu la jeune femme. Ça fait du bien de retrouver un visage familier après une semaine difficile. Il la suivit sans hésiter alors qu'elle l'emmenait vers l'arrière-boutique après avoir fermé la porte d'entrée de son commerce. Suivant son indication, il prit place dans un magnifique fauteuil. Woaw, même au grand banquet, ils n'en avaient pas des aussi confortables. Il remarqua ensuite qu'elle sortait une bouteille et deux verres. Comme au bon vieux temps, quand nous célébrions une mission validée ou un contrat rondement mené. Il accepta sans broncher l'offre et trinqua avec Arya. Faisant ensuite semblant quelques secondes d'étudier la boisson avant d'en boire une grande gorgée. Toussant légèrement en réalisant que c'était un spiritueux, il fit du mieux qu'il put pour cacher sa petite erreur de jugement et avaler d'une traite ce qu'il venait d'ingurgiter de la boisson qu'il avait sous-estimée.

Il écouta ensuite le récit, prenant cette fois de bien plus petites gorgées de l'alcool servi, essayant d'éviter de se retrouver pompette alors qu'il était encore en plein service. Ving-sept ans, mais seulement quelques mois depuis son arrivée… Cela ne colle pas. Il n'eut cependant pas l'occasion de se poser trop de questions, car elle ajouta d'autres détails qui rendirent cela bien plus cohérent. Ha, je vois, son invocation c'est passée plus tard dans notre monde bien qu'elle soit arrivée ici plus tôt. Quelle magie bien étrange, en plus de briser l'espace, il semble qu'elle puisse aussi briser le temps. Il laissa cependant de côté ses doutes pour raconter sa propre histoire.

Et bien si pour toi cela fait plusieurs mois que tu es ici, pour moi cela ne fait qu'une semaine. De ce que j'ai appris de l'invocation, elle n'est pas toujours très précise avec la temporalité. Tu viendrais donc du futur de notre ancien monde puisque tu y as vécu quelques années de plus après mon invocation. Cependant, tu es arrivée ici avant moi, cela prouve donc bien que leurs invocations ne sont pas très précises.
Le temps était une notion assez complexe, même pour les puissants de ce monde, aussi Caliban ne s'éternisa pas sur le sujet.
Enfin, je n'en sais pas assez pour faire plus qu'émettre des hypothèses…
Il rajouta ensuite un peu d'humour.
Toi-même, tu sais que je ne suis pas le plus érudit de nous deux. Par contre, je pensais qu'ils visaient en priorité des combattants et mages pour leurs invocations ; te serais-tu entraînée en cachette, car je n'étais plus là pour m'occuper de la sécurité de tes transactions extra-muros ?
Il lui donna une petite tape amicale sur l'épaule avant de poursuivre plus sérieusement et de demander des nouvelles de leur ancien monde.
Est-ce que père et mère n'ont pas trop mal vécu ma disparition ? Ai-je été le seul à me volatiliser comme cela avant que tu ne subisses le même sort ?

Il lui laissa le temps de répondre à cela tout en réfléchissant aux implications possibles de multiples invocations séparées dans le temps dans un monde, mais n'ayant pas le même délai dans un autre. Est-ce que certaines personnes auraient le pouvoir d'influencer le temps lui-même ? Est-ce qu'il était possible de rentrer dans son monde ? Est-ce que ce voyage retour était bloqué ou interdit ? Peut-être que l'Église possède des informations à ce sujet. Mais qu'elle garde cette information sous clé pour éviter que trop de gens demandent à rentrer ; ou à l'inverse que certains perdent espoir si le retour est impossible. Il va sûrement falloir que je gagne des rangs ou tout du moins la coopération d'au moins un haut gradé. Peut-être l'un de mes instructeurs ? Ou plutôt la Grande Inquisitrice Kiryuin, elle doit certainement être assez influente pour savoir cela. Alors qu'il réfléchissait, presque à s'en faire un mal de crâne, Arya le fixait, attendant qu'il reprenne la parole.

Oops désolé, où en étais-je ? Ha oui, L'église et Luculla. Et bien les deux sont liées. Lors de l'invocation, ma femme était à mes côtés, mais en arrivant ici, j'étais seul. J'étais déboussolé, en colère même. Un prêtre s'est alors approché de moi et m'a promis le soutien de l'ordre si je rejoignais une de leurs confréries. N'y connaissant rien à ce monde, j'ai accepté, me disant qu'une aussi grande organisation ne devrait pas avoir de mal à retrouver une autre invoquée. Je ne sais pas si c'était une erreur ou pas, mais ce que je sais, c'est que leurs recherches, tout comme les miennes, sont restées infructueuses.
L'on sentait monter un énervement mêlé à de la crainte dans ses paroles. Il rebut une grande gorgée de son verre, le terminant presque, avant de reprendre.
Tout est trop compliqué dans ce monde… L'on a supposé qu'elle était arrivée avant moi… Mais si cela se trouve, elle n'arrivera que dans plusieurs semaines, plusieurs mois… Voire plusieurs années…
Sa voix vacilla encore plus alors qu'il ajouta.
Et si j'étais devenu un vieillard avant qu'elle n'arrive… Et si je mourrais sans jamais la revoir…

L'on aurait eu dit que d'autres mots voulaient sortir de sa bouche, mais l'intensité de sa voix était devenue imperceptible. Il fixa la mine déconfite son verre presque vide. Après avoir enduré sans broncher les railleries de certains compagnons, les lectures interminables et le manque de sa bien-aimée ; le voilà qui craquait finalement devant une vieille amie alors que leurs retrouvailles auraient dû être source de joie. C'en était trop pour quelqu'un comme lui. Il n'était pas encore totalement remis de son dernier épisode dépressif ayant suivi la mort de deux autres aventuriers prometteurs. Il lui fallait retrouver plus de confiance, de repères, pour espérer remonter la tête hors de l'eau une bonne fois pour toutes.

Caliban est troublé. Si cela n'a rien d'anormal, il l'est cependant nettement plus que d'habitude. Sa voix, sa gestuelle, ses mimiques... Tout traduit un mélange de léger malaise et d'un état de semi-perdition constant. S'il est naturellement facilement désarçonné, le voir dans un état pareil perturbe néanmoins Arya. Un mauvais pressentiment grandit dans le cœur de la jeune femme : elle a peut-être assumé un peu vite le bien-être de son ami. Son extraordinaire assurance lui joue des tours ces derniers temps... Bâtie suite à des années d'expériences positives vis-à-vis de son jugement, Portalia lui fait comprendre encore et encore qu'il lui faut revoir ce dernier. Caliban soulève cela dit un point intéressant : pourquoi l'Ordre a-t-il invoqué Arya ? Peu importe sous quel angle on aborde la question, ça ne fait strictement aucun sens. Ses capacités physiques sont inexistantes et son pouvoir ne lui permettait que difficilement de se battre avant son invocation. Pire encore, on ne peut pas vraiment dire que ses intentions ou son éthique soient raccords avec les idéaux de l'Ordre... Non, c'est sans équivoque, sa présence à Portalia est une absurdité sans nom.

-Et bien figure toi que non, moi aussi j'aimerais comprendre ce que je fais ici... Bizarrement, mes mains sont devenues plus puissantes, mais c'est tout. Mon corps est toujours aussi frêle qu'à l'époque où tu m'as connue.

Son ami évoque ensuite ses parents. Arya n'a jamais été vraiment proche des Berkalia, elle évitait même au maximum de leur parler pour ne pas lever de soupçons. Cela dit, lorsque Caliban a disparu, elle a bien évidemment été les trouver en quête d'informations. Et bien évidemment, ils n'avaient rien à lui apprendre. Un an après la disparition, ils abandonnèrent l'idée de retrouver leur fils et se mirent en tête de venger le couple, croyant dur comme fer que le groupe d'Arya était le responsable. Bien qu'infondées, leurs suspicions ont obligé la jeune femme a couper les ponts avec eux.

-Je n'ai pas vraiment eu de nouvelles de tes parents... Ils pensent qu'un groupe de malfrats s'en est pris à vous, et cherchent probablement encore les coupables aujourd'hui. La seule autre disparition confirmée en lien avec Portalia, c'est celle de ma sœur Elyana... J'imagine que c'est un coup d'épée dans l'eau, mais tu ne l'aurais pas vue par le plus grand des hasards ?

Il est peu probable que Caliban l'ait vue, mais sait-on jamais... Quoique, vu le temps qu'il lui a fallu pour me reconnaître, il est tout à fait capable de l'avoir déjà vu sans percuter... Il est même possible que la maladresse de son ami ne soit pas à blâmer pour ça. Le processus d'invocation, bien qu'encore largement incompris, semble terriblement instable et inconstant. Rien ne garantit qu'Elyana ne soit pas arrivée ici il y a des siècles, ou qu'elle n'arrivera pas avant un millénaire. D'ailleurs, partir du principe qu'elle s'est faite invoquer aussi est peut-être une erreur en soit. Elle était dans la même pièce et à quelques centimètres d'Arya, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle est partie avec elle... Cette magie est un véritable casse-tête. Non. Il ne faut pas commencer à se donner des migraines pour ça. De toute façon, chercher sa sœur ne lui coûtera pas beaucoup de ressources, et se renseigner sur le processus d'invocation lui sera bénéfique quoi qu'il arrive.

Son ami la tire de ses pensées lorsqu'il donne raison à son pressentiment : Luculla n'est pas avec lui. Et merde. La réalisation qu'elle vient de remuer un couteau dans la plaie du cœur déjà fragile de Caliban lui fait le même effet qu'un réveil à l'eau froide. Ce dernier lui explique qu'il a rejoint l'Église, car celle-ci s'est présentée comme une solution, une promesse de retrouver sa bien-aimée. Là où une bonne centaine d'alarmes auraient sonné chez n'importe qui de sensé, Caliban a l'air d'avoir accepté sans broncher. En revanche, la situation l'énerve visiblement au plus haut point en plus de mettre ses nerfs déjà si délicats à rude épreuve. Arya sait de source sûre que l'Eglise ne porte pas en son sein que des personnes bien intentionnées... Si quelqu'un essaye d'utiliser son ami, un des seuls souvenirs d'Althéa que cette pourriture d'Ordre lui aura laissé, à mauvais escient... Je sens que je vais avoir plus de travail que prévu. Pour une fois, la colère glaciale de la jeune femme n'a pas pour source son propre sort. C'est rare, mais rafraîchissant.

Cela dit... Même si personne ne tente de manipuler Caliban, rien ne l'empêche de lui faire croire que c'est le cas. Rallier le jeune homme à sa cause serait alors beaucoup, beaucoup plus simple. C'est un sujet à creuser...

-Désolée... Je n'aurais pas dû assumer aussi vite que Luculla était avec toi. Ce n'est pas grand-chose, mais je vais voir ce que je peux faire pour t'aider à la retrouver. Je n'ai plus le bras aussi long qu'avant, mais je connais deux ou trois personnes qui pourraient aider. Elle ressert alors Caliban, mais se garde bien de rajouter la moindre goûte à son propre verre. Quant à la temporalité de l'invocation, je ne m'en ferais pas trop si j'étais toi. Je n'ai pas encore bien saisi comment ça marche, mais regarde : on a bien pu se retrouver. Je suis sûre que d'une manière ou d'une autre, elle finira par arriver avant que tu ne sois un... Comment tu l'avais dit déjà... ? Ah oui, un "vieillard".

D'un ton plus léger, sa dernière phrase a pour but d'essayer d'empêcher Caliban de sombre dans les méandres de son désespoir. D'un ton plus lourd de sens, elle enchaîne.

-Loin de moi l'idée de remettre en cause tes choix, mais méfie toi de l'Église. J'ai entendu quelques rumeurs disons... Inquiétantes à son sujet.

Pour être aussi déboussolante que possible, elle attend la réaction de son ami avant d'en dire plus. Manipuler ses proches est souvent perçu comme quelque chose de mal... Arya est fortement en désaccord avec ce genre d'assomption. Elle sait mieux que lui ce qui est mieux pour lui, et elle perdrait trop de temps à le lui faire comprendre.

Alors que le quasi-trentenaire avait mentionné ses parents, Arya mentionna sa sœur. Une autre victime d'une invocation imprécise... Malheureusement, Caliban ne l'avait pas vue, elle non plus. Chose somme toute normale au vu du peu de temps qu'il avait passé en ce lieu et de ses propres préoccupations ne lui laissant que peu de forces à allouer aux besoins d'autrui.

Non désolé, mais je peux demander à ma supérieure d'élargir les recherches de disparus pour y inclure Elyana. Et je garderais moi-même un œil ouvert, sait-on jamais.

Comme il allait y venir sous peu, Caliban n'était pas certain de l'efficacité de l'Église en ce qui concernait les personnes disparues. Ils déploient beaucoup plus d'énergie à chercher des dissidents que nos proches… Cependant il n'était pas là depuis suffisamment longtemps que pour être certain que cela soit un manque de volonté plutôt qu'un manque de moyens. Il ne fallait en effet pas non plus négliger le fait que la vocation première de leur ordre religieux n'était autre que de combattre des monstres affiliés à une autre entité divine : le Chaos. Pas étonnant dès lors que seule une poignée de représentant ne soit mise en charge des enquêtes civiles. Il aurait peut-être dû demander de l'aide à la guilde, bien que malgré l'existence de bonnes relations entre l'Église et celle-ci, lui-même n'y avais encore aucun contact.

---

Arya semblait plus confiante que son ami, empêchant pour le moment l'homme désemparé de totalement sombrer dans la mélancolie. Elle avait toujours été plus modérée dans ses réactions que lui. Ce qui lui donnait un avantage dans nombre de situations. Voyant que son verre était à nouveau rempli, il le porta à ses lèvres alors qu'il reprenait doucement ses esprits. Après en avoir à nouveau quasiment vidé le contenu pendant un silence qui en devenait gênant, il reprit enfin la parole.

Oui, c'est vrai, si j'ai réussi à tomber sur toi par hasard cela ne peut que prouver une certaine forme de lien entre gens venant du même monde.

Encore une fois, si Caliban répondait cela, c'en était plus pour lui-même que pour son interlocutrice. Il voulait se rassurer, s'imaginer qu'en effet une force invisible poussait les invoqués de même origine à se rencontrer à nouveau dans ce monde. Que les liens du passé persistaient aussi dans ce futur. Il faudrait poursuivre les recherches, étendre la zone, réduire son temps de sommeil, impliquer plus de moyens. Il ne pouvait pas abandonner, à moins de trouver un moyen d'être certain qu'elle n'était pas encore arrivée, à moins d'être certain qu'elle n'était pas là quelque part à attendre qu'il la retrouve. Elle en aurait fait de même pour moi, pas question de baisser les bras. Alors qu'il s'adressait mentalement et à lui-même des paroles réconfortantes, il fut surpris par le changement de ton de son amie. Elle venait de mentionner son employeur actuel, semblant visiblement douter de la bonne foi de cette organisation. Lui-même n'était pas certain que tout ses collègues étaient des dévots, des sains ou du moins de bienveillants personnages ; néanmoins, il pensait que l'organisation en elle-même avait des fondations solides et des buts nobles. Cependant, comme dans chaque chose qui grandit, une part d'ombre pouvait exister. Certains devaient probablement tenter d'utiliser l'influence et les ressources de l'ordre à leur avantage.

Hum, oui. Je suppose que comme partout, l'église doit avoir son lot de pommes pourries en son sein. Un de mes instructeurs, ayant une longévité bien supérieure à la nôtre de ce que j'ai pu en comprendre, m'as raconté comment il avait vu certains officiels se détourner du message originel de l'ordre au fil des années. J'ai moi-même déjà pu remarquer que certains apprentis n'ont aucune envie de faire avancer la quête. Mais ces gens ne sont sûrement qu'une minorité non. Caliban ne semblait pas assuré en prononçant cela. Enfin, par simple curiosité, qu'est ce que les gens d'ici peuvent bien raconter sur l'Église ? L'ancien aventurier regarda fixement son insigne avant de rajouter. La plupart des habitants n'ont-ils pas une haute opinion de nous ?

Malgré certaines reproches qu'il pouvait adresser à l'ordre, celui-ci semblait pourtant œuvrer pour le bien commun et tentait de permettre aux invoqués non-combattants de pouvoir vivre en sécurité. L'ordre ne semblait pas non plus vouloir à tout prix imposer une vie de combats à ceux en étant capables. Chacun avait l'air de pouvoir garder son libre-arbitre quant au groupe qu'il rejoindrait, et si lui-même avait fait le choix de la vie ecclésiastique, c'en avait plus été pour leur promesse de l'aider à retrouver sa femme que par obligation. Personne ne lui avait mis un couteau sous la gorge en apprenant qu'il avait des compétences martiales, personne ne lui avait demandé d'offrir sa vie sur un plateau d'argent en l'honneur d'une divinité inconnue. Mais cela voulait-il dire que c'en était de même pour chaque invoqué ? Qu'avait-il comme preuves que les bons traitements qui lui avaient été accordés pendant cette dernière semaine étaient aussi donnés à chaque nouvel arrivant ? Pouvait-il affirmer sans fléchir que personne n'était enrôlé de force ? Que toutes les personnes qui mettaient leur vie en jeu le faisaient par choix et non obligation. Caliban savait au fond de lui que tout ne pouvait pas être rose pour tout le monde, mais il espérait qu'en ce monde aussi la plupart des habitants œuvraient main dans la main.