Les fées divers de l'église (Abandonné)

Aujourd’hui, j'étais étonnamment d'excellente humeur. Ce n’était pourtant pas un jour avec un numéro harmonieux, je ne m’étais pas réveillé en avance, et je n'avais pas non plus réellement grand chose de prévu, si ce n'est (je l'espérais), une journée tranquille, solitaire, à ranger les archives. Et pourtant, pour vous dire à quel point j’avais la joie au coeur (car on me dit souvent que ça ne se voit pas sur mon visage), à peine rejoignais-je mon bureau que mon regard se posa sur la fiche que j'y avais punaisée, où je tenais la liste de tous les documents en cours d'emprunt à ce jour.

Et vous savez quoi ? Ça m'a donné une bonne dose de sérotonine. Il y avait là 70 documents, un nombre encore honteusement élevé, si vous voulez mon avis, mais les 13 derniers documents de cette liste en particulier me mettaient le baume au cœur. Il faut dire que je ne les avais pas confiés à n'importe qui, mais à un confrère, voyez vous, qui était passé me voir il y a de cela 9 jours, 13 heures et 34 minutes déjà. Bien que la conversation fut brève et, je l'avoue, peu courtoise de mon côté, j'en avais retenu qu'il s'agissait d'un homme tout ce qu'il y a de plus noble. Figurez-vous donc qu'il m'avait demandé infos et documents, je cite, très précis ! Ce ne pouvait donc être qu'un ami civilisé de l'ordre, du rangement et de la quête de vérité absolue, n'est-ce pas ?

Ces documents, je les lui ai presque confiés comme les bipèdes nous confient parfois leurs premiers nés en échange de biens et services, car c’était un sacrifice que j’étais prêt à faire si si c'était là le coût de l'ordre et du rangement. (Temporairement, cela dit. On ne va pas plaisanter non plus, c'est quand même un peu plus important qu'un bambin.)

Bref, ceci étant dit, cela m’avait fait réaliser que mon travail allait au-delà du simple rangement. Je pouvais également aider mes confrères de l'Eglise dans leur quête de l'Ordre, avec et sans majuscule. Je me sentais comme un vrai chevalier à la défense de Portalia et de sa divinité protectrice. Pas besoin de sortir et d'affronter les monstres, je pouvais me rendre utile d'ici, bien à l'abri derrière mes étagères.

Et en parlant d'être à l'abri, un frisson me parcourut tout à coup : quelqu'un descendait les escaliers, et ce n'était pas Jerolin. Instinctivement, je me reculai derrière une étagère. Pour la plupart de mes visiteurs, je n'en savais rien, ce qu'ils faisaient de mes précieux documents, et je ne leur faisais aucunement confiance. Et avec toutes ces rumeurs sur les éléments problématiques de l'Église qui couraient en ce moment, j'étais très peu enclin à faire confiance au premier venu.

Par contre, c’est moi ou… ça sentait la viennoiserie ?!

La porte s’ouvrit, je retins mon souffle (ce qui est difficile, ça sent bon ces conneries).

“Bonjour Marguerite, je ne vous dérange pas ?”

C’était… Mon preux chevalier de l’autre fois ! (?) Ramenait-il déjà ses documents ? En tout cas, il ramenait des croissants ! Je me radoucis immédiatement, mais ne songeais pas tout de suite à apparaître devant lui.

“Je voudrais discuter un peu si vous avez le temps, j'ai entendu des rumeurs troublantes quand j'ai aidé dans un orphelinat des quartiers nord, et en tant qu'archiviste, je me demande si vous n'auriez pas entendu des choses concernant des vols ou des détournements de fonds." continuait-il, me cherchant probablement du regard.

Une nouvelle tâche de recherche, pour moi ! J’avais des trucs, là-dessus ? Beaucoup de choses avaient effectivement été jetées ici en pagaille, et parfois même, des choses que je suspectais que l’Église voulait enterrer, ici dans les Archives les moins bien rémunérées et en sous-effectif. Je ne retenais pas ce genre d’infos facilement cela dit, donc il me faudrait y jeter un œil à nouveau. Je ne pouvais pas faillir à un homme de si grande culture comme mon confrère ici présent.

J’attrapai donc pêle-mêle divers documents à droite à gauche donc je me souvenais qu’ils avaient un vague lien avec l’argent et les fiches de paie, quatre fiches de paie de prêtres, quelques versements pour des cérémonies variées, quelques transactions entre guilde et Église, des fiches de dons... Il fallait que j’impressionne, du coup j’avais un peu la pression. Et avec tout ça, je déposais une liasse de papier sur mon bureau, face à lui, oubliant que je ne l’avais même pas encore salué.

- J’ai trouvé ça pour l’instant.

J’attrapai une viennoiserie comme monnaie d’échange : il est toujours bon d’échanger quelque chose à une fée, quand elle vous rend service.