La jeune pousse fait son entrée [Ft. Hypanatoi] (Terminé)

"Elu, vous allez découvrir un monde de créatures et de magies.
Le Chaos l'a envahi et vous vous devez de lui reprendre.
Pour cela, vous devrez combattre et terrasser moultes créatures.
Au bout de ce chemin, se trouve 7 rois que vous devrez terrasser afin que le chaos reconnaisse sa défaite."

Ses mots résonnèrent dans ma tête à l'instant où je traversai le portail. Ce voyage indescriptible me déboussola au plus haut point, que s'était-il passé ? Est-ce la bête qui, après m'avoir emprisonné de sa langue fourchue, m'envoya dans une autre partie du monde afin de rendre le combat plus équitable ? Dans ce cas pourquoi ne pas m'avoir achevé ? Rhaaa mes souvenirs sont diffus ! Rappelle-toi ! Tout s'est passé si vite il faut que je fasse le vide dans ma tête comme Mère me l'a enseigné et je pourrais y voir plus clair.

Drasyll se mit à respirer calmement, son esprit commença à s'apaiser et les images dans son esprit revinrent dans l'ordre.

Mais oui c'est vrai !.. Il se souvint alors du sacrifice de celle qui l'avait mis au monde pour le sauve, ses yeux devinrent brillants et humides et sa bouche se crispa. Pourquoi est-ce que tu as fait ça maman, comment est-ce que je vais faire sans toi ? Et est-ce que Gretka va bien ?

C'est alors que le jeune druide reprit ses esprits et regarda tout autour de lui, il ne connaissait pas cet endroit, mais peu importe, ce qu'il voulait c'est savoir si sa meilleure amie était proche!

GRETKAAAAA ! GRETKAAAAAA OÙ ES-TU? cria-t-il d'une voix puissante et triste à la fois.

Où est-ce qu'elle est, bon sang ?! J'ai beau regarder tout autour de moi, je ne la vois nulle part ! Et pourquoi je me retrouve en ville ? La créature m'aurait envoyé jusqu'à Rikbourg ? Non ça n'aurait aucun sens... Je suis perdu. Fatigué et perdu...
Non, ressaisis toi qu'est-ce que tu dirais la meute si elle me voyait comme ça, je suis une druide après tout. Les aventures périlleuses c'est mon domaine ! Il faut d'abord que je sache où je suis et ensuite je pourrais poursuivre les recherches.

Hé toi monsieur l'homme aveugle ! J'ai besoin d'un renseignement, tu connais cet endroit ? Disais-je en interpellant unpassant.

Dernière édition par Drasyll Darachmil le Mer 24 Mai - 12:04, édité 4 fois

Peut-être était-il lié, d’une manière ou d’une autre, à ce lieu. Peut-être les forces du destin conspiraient-elles en jetant devant lui, avec une irritante persistance, les nouveaux venus de ce monde. Ce n’était pas qu’il croyait dans les forces supérieures du monde : il n’en avait pas le droit ; il se devait – s’il voulait être digne du sang qui coulait dans ses veines et des attentes divines qui alourdissaient sa charge – de s’élever contre elles. D’abhorrer, plus encore, jusqu’à ce concept. Sans doute était-il donc simplement malchanceux. Sans doute n’était-ce là que le fruit vert d’un hasard indifférent. Il grogna doucement, On lui parlait. La voix était douce. Teintée encore des accords de l’adolescence, autant dans sa forme que par les mots qu’elle formait. On s’adressait à lui. La forme était cavalière, et on se référait à sa personne par l’infirmité de ses yeux. On le hélait comme on hélait dans les champs un esclave pour l’assigner à un autre travail. On entendait interrompre le cours de ses activités pour lui imposer une demande triviale. On voulait de lui qu’il cesse son mouvement, et qu’il se fasse le guide de la petite créature qui levait vers lui ses yeux.

Il le fit. Son mouvement cessa.

Il réfléchit à la question. Elle était d’une grande stupidité. Il connaissait l’endroit, et en avait l’apparence : il avançait sans avoir l’air perdu, et avait clairement une destination en tête. Le nouveau portalien, de fait, ne lui posait pas réellement cette question. Comme beaucoup d’autres ici, il convenait de déchiffrer ce qu’il demandait, pour trouver le sens caché que ses paroles ne possédaient pas au premier examen.

« Je connais les questions que tu vas poser. Tu n’es plus sur ton monde. Cette cité attend de toi plusieurs choses, et tu es maintenant à la croisée des chemins. Tu vas devoir décider de la réponse que tu vas apporter à la requête qui t’a été fournie. Quelle qu’elle puisse être, tu dois maintenant te diriger vers le bâtiment de la Guilde. On pourra à l’intérieur de ce dernier t’aiguiller, et officialiser ta nouvelle existence. As-tu pour l’heure d’autre questions ? »

Il espérait que cela suffirait. Cela ne suffisait que rarement. Ces gens n’étaient jamais indépendants, et parler en les décrivant d’autonomie était risible. Plus que cela, il avait en face de lui une personne d’une grande jeunesse. Certes, il était rare de trouver hors de son monde des gens correctement bâtis. Ce qu’il avait en face de lui n’était pas particulièrement impressionnant, mais il doutait que le jeune impertinent n’ait pas dépassé quinze ans. Malgré sa petite taille, il était sans doute un jeune adulte.

Ironiquement, il ne pouvait pas avoir pour lui la même curiosité qu’il nourrissait pour les portaliens. Il n’avait pas besoin de le comprendre, ou plutôt ne le pouvait : l’étudier avant que la cité ne finisse de le métamorphoser demanderait des ressources qu’il ne possédait pas, et il doutait de pouvoir consacrer à ce labeur harassant tout le temps nécessaire. Il avait donc en face de lui une personne qui ne pouvait lui être d’aucune utilité. Restait donc une coquille irritante, à la familiarité déplacée, au langage si typiquement portalien. Il retint un mouvement de lassitude, et attendit la continuation de son ordalie.

A la suite de mon interpellation, l’homme imposant cessa de se mouvoir. Il ne répondit pas à ma question directement. Il resta immobile un instant. Avait-il entendu ma requête ? Peut-être que lui-même n’était pas sûr de comment se nomme cet endroit. Peu importe, je ne peux attendre plus longtemps, je dois savoir comment venir au secours de ma mère et de ma meilleure amie. J’emboîte donc le pas dans sa direction afin de réitérer ma question.

Je me suis arrêté net. L’homme commença à prendre la parole d’une voix grave. Portant une tenue assez commune je pensais que c’était un civil comme l’ont peut en croiser partout dans ce genre de ville. Mais dès lors que le son de ses paroles arriva à mes oreilles mon avis divergea. On sentait dans son parler un homme d’expérience et possédant une certaine sagesse. Je ne puis m’empêcher de ressentir un certain respect pour lui.

Il répondit à ma question d’une manière détournée, en me donnant plus d’informations que j’en aurais espéré, mais... Plus dans mon monde ? Est-ce vrai ? Cela pourrait expliquer plusieurs choses. Je me sens faible et désorienté depuis mon arrivée dans cette cité. La nature que j’eus l’habitude de ressentir n’a plus l’air d’être la même, et mes capacités ont l’air d’être bien amoindries. Au moins je possède toujours le bâton de mon père, et il a l’air toujours aussi résistant.

Le corps de Drasyll frissonna, et eut un sursaut soudain au niveau du visage.

Cela veut aussi dire qu’il est impossible pour moi de venir en aide à ma mère et à Gretka ?! Non, si j’ai pu arriver ici par un chemin, je peux forcément le prendre dans le sens inverse. L’homme aveugle a mentionné le bâtiment de la guilde afin qu’elle puisse m’aiguiller, elle pourra surement m’aider à retourner chez moi.

Cette guilde dont tu parles, elle pourrait m’aider à retrouver le chemin vers mon monde ? Je dois absolument venir en aide à mes proches.

A l’entente de ma seconde question, l’homme sembla exaspérer, voir agacé. Les humains n’ont souvent d’yeux que pour eux-mêmes. S’il s’agissait d’un Cerf ou d’un lapin il m’aurait répondu avec une certaine joie mais peu importe j’ai besoin de réponses et il est mon moyen le plus rapide de parvenir à mes fins.

Concernant cette requête, j’ai un devoir plus important en cours, malheureusement les être du chaos devront attendre.


Même si ces êtres abjects ne méritent pas de vivre, je dois faire en sorte de protéger la nature qui entoure mon père…

L’entretien se déroulait de manière simple. Il parlait, et par souci de simplicité, attendait les interventions de son interlocuteur. Il n’avait pas besoin de le faire, et il aurait pu jouer seul à poser les questions et à leur apporter des réponses. Sans doute cela aurait-il été plus rapide. Moins efficace, hélas : il aurait sans doute surchargé l’esprit du nouveau-venu, voire l’aurait vexé. Les portaliens n’aimaient que rarement qu’il leur accorde la considération qu’ils méritaient. Ce dernier lui demanda donc si la guilde pouvait le renvoyer sur son monde. C’était là une des rares informations utiles qu’il pouvait lui donner. Deux gens existaient sur ces terres : ceux qui voulaient rentrer, et ceux qui voyaient dans ce monde une opportunité d’oublier un passé difficile, ou d’échapper aux attentions d’adversaires trop insistants. Il devait avouer n’avoir que peu d’estime pour la seconde catégorie, et se satisfaire de n’avoir pas à supporter la présence d’un couard. Ou en tout cas, de pouvoir encore décemment lui accorder à ce sujet le bénéfice du doute.

Quant à sa relation avec la quête, elle pour le paragoï secondaire. Il avait peu de moyens à mettre à disposition pour cette cause, et la cité ne savait de toute façon pas les employer utilement. Plus que cela, son attitude désinvolte ne choquerait ici personne : elle était la norme. Malgré cela, elle dénotait tout de même un certain aveuglement. Si ce dernier semblait accepter avec une certaine aisance sa transmigration, il partait du principe qu’il resterait libre de ses mouvements. Placé dans un endroit inconnu, prisonnier de forces dont la puissance dépassait son entendement, son instinct premier était de batifoler. Sans doute venait-il d’un monde très doux, dans lequel peu de dangers rodaient. Sa période d’acclimatation, si tant est qu’elle existe, serait donc très courte. Passant sur cela, il se reconcentra. Comme souvent, il se laissait aller à ses tendances naturelles. Il cherchait à comprendre, à analyser, à décortiquer. Il épiait les failles, et sondait les points forts. Là où la vie de son vis-à-vis avait cru bon d’enseigner des choses douces, la sienne avait été une maîtresse plus rude. Il ne pouvait que l’en remercier : toutes les enseignantes étaient charitables, quand il les comparait à celle qui s’était chargée de son éducation. Malgré cela, l’urgence qui sous-tendait son discours était motivée par le plus noble sentiment qui soit : le devoir qui le poussait à vouloir retourner auprès des siens.

« Il n’existe aucun moyen connu de réintégrer nos mondes d’origine, et aucun n’a été promis. Si c’est possible, c’est un privilège qu’il nous faudra gagner. Quant à la quête, aucunes obligations ne pèsent sur toi, sinon celles que tu t’imposeras. »

Il se retourna. Son élan précédent était brisé, et il avait déjà perdu du temps. Autant terminer son geste, et s’assurait que la créature dont il s’était rendu responsable arrive à bon port.

« Suis-moi. Je vais te guider vers la Guilde, et t’introduire auprès d’une personne à même de t’aiguiller. Quelque soit la manière dont tu envisages ton futur, t’identifier reste un passage obligé. »

Ne pas avoir d’existence légale, ici, c’était se retrouver directement catapulté dans les quartiers nord. Il était de toute façon d’usage que les gardes qui surveillaient jour et nuit la place des portails ne prennent en charge les gens nouvellement réincarnés sur ce monde, quand un aventurier ne s’en chargeait pas de lui-même, et se présenter devant les autorités de la cité était donc obligatoire, et plus que cela forcé.

« Comprends également que ce monde sera peu clément avec toi. La paix qui l’étreint est un voile ténu, et la solidité de ses cités une illusion facilement dissipée. Je sens en toi les prémices de l’essence divine que les dieux jumeaux de ce plan d’existence insufflent dans les gens qui ont leur attention, et cela te contraint : tu auras à te battre, d’une façon ou d’une autre, car viendra un temps où tu n’auras plus le choix. Si tu es sage, tu entendras cet avertissement, et tu te prépareras. »

Il faisait là plus que ce que l’on pouvait attendre de lui. Il offrait à cet homme toutes les réponses à ses questions, qu’elles soient celles d’aujourd’hui ou celles qui émergeraient en lui dans quelques temps. Mais cela ne lui coutait rien, et il se savait être très dur à l’encontre des habitants de cette cité. Il avait trop souvent été déçu, et malgré cela ne pouvait à chaque nouvelle rencontre s’empêchait de leur donner une chance nouvelle. Ici encore, et ce malgré ce que lui soufflait sa raison, il se prenait à penser que peut-être, il avait en face de lui quelque chose d’autre qu’un tas amorphe et inutile de matière. Quelque chose de tangible, et de solide, qui possédait des mains avec lesquelles saisir le monde et un poitrail avec lequel l’aspirer et s’énergiser.

Sans doute pas. Mais il l’espérait.

Il haïssait son incapacité à se détacher totalement de ces gens.

Dernière édition par Hypanatoi Konostinos le Jeu 18 Mai - 12:17, édité 1 fois

Malgré l’impression de lassitude de l’homme qui se tenait devant moi face à mes interrogations, celui-ci continua de m’apporter les réponses dont j’avais besoin. Certaines furent difficiles à accepter. Ce monde serait donc mon nouveau foyer ? Cette vérité ne m’enchanta guère. Un élément du discours qu’il me tint, cela dit, piqua ma curiosité. “Nous” ? Je ne serais donc pas le seul être ayant été transporté dans ce monde ? Cela signifia que lui aussi fut arraché à sa terre natale. En analysant la prophétie ainsi que les illuminations que mon interlocuteur m’offrit, j’en déduisis que les dieux de ce plan d’existence furent à l’agonie et qu’ils eurent besoin de nous afin de venir à leurs secours.

Je me perdis dans mes pensées. Cette situation signifia pour moi l’impossibilité de revenir auprès des miens. Cette idée me tourmenta pendant un instant. Soudain je me remémorai dans un flash le souvenir d’un des nombreux enseignements de ma mère lors de ma formation en tant que druide.

« Souviens-toi Drasyll, un druide est un protecteur de la nature. Cela veut dire que tu dois laisser celle-ci suivre son cours. Mais si tu rencontres des êtres destructeurs dont le seul but est l’anéantissement alors ton devoir est de protéger toutes vies de ces forces du mal et ça ne se limite pas à notre magnifique bosquet ! Toute la nature a besoin de nous. Maintenant file jouer avec Gretka et Lanniel. »

L’être imposant se tourna ensuite face à moi et proposa de m'emmener vers la fameuse guilde qui me guiderait dans cette nouvelle vie, et il est vrai que j’en aurais besoin. Si je ne peux retourner là d’où je viens mon but lui reste le même. J’acquerrai les connaissances nécessaires sur mon nouvel environnement afin de protéger la nature qui en fait partie. J’acceptai donc la proposition de mon bienfaiteur.

Très bien, allons-y. Je te suis reconnaissant d’avoir répondu à mes questions et de continuer à m’apporter ton aide. Si jamais un jour tu as besoin de moi, alors j’accepterai. J’ai failli oublier ! Je m’appelle Drasyll . Drasyll Darachmil, druide d’Iornya.

M’identifier… Voilà bien une chose qui ne me serait jamais venu à l’esprit. Je n’étais qu’un enfant né dans le fruit d’un arbre sacré qui, après avoir grandi, partit à l’aventure tel un vagabond à la recherche de l’aventure et de créature du mal. Peut-être que ma vie ne serait pas si différente ici. Même si... Gretka me manquait déjà.

Nous commençâmes donc à partir de ce lieu où un portail illuminait les environs, pour nous diriger en direction du bâtiment où mon passage fut obligatoire afin de pouvoir vivre ma nouvelle vie. En chemin, l'âme noble qui me servit de guide m’expliqua le fonctionnement de ce monde totalement nouveau. En écoutant ses paroles je compris que c’est une terre hostile aux multiples dangers, et que chaque individu qui la peuplait devra se battre un jour ou l’autre contre le mal qui l’habite. Je garderai en mémoire ses sages paroles. Je me préparerai comme il le faudra, après tout je suis un gardien du monde vivant qui nous entoure, et ce peu importe où le destin me guidera.

Tu sais, dans mon monde, peu d’humains en auraient fait autant que toi pour venir en aide à un inconnu et je tenais à te remercier. J’avoue t’avoir jugé hâtivement au début de notre discussion, mais finalement t’es un chic type ! D’ailleurs je ne sais pas si je mérite le titre de ‘sage’ mais saches que ton avertissement, je l’ai bien pris en compte, je continuerai à m'entraîner pour vaincre ces êtres abjects qui détruisent toute la vie et la nature autour d’eux !

Certains souvenirs refirent surface sans prévenir, provoquant une certaine colère en moi. Je les hais.
Je fus silencieux un moment sur le chemin aux côtés de mon nouveau compagnon, si je pouvais l’appeler ainsi, puis me ressaisis. Malgré la peine qui stagna en moi, la curiosité de mon interlocuteur fut plus forte et ne puis m’empêcher de l’interroger à nouveau.

J’ai cru comprendre que tu ne venais pas de ce monde non plus, d’où viens-tu et depuis combien de temps as-tu atterri ici ?

Des personnes venant de plusieurs mondes différents… Voilà qui attisa ma curiosité.

Il était habitué à côtoyer des êtres capricieux et grognons, rapidement disposés à bouder. Peu de gens, après tout, appréciaient ici son franc-parler, et au-delà de cela les conclusions qui s’imposaient à lui. Il était rare, même lorsqu’il apportait son concours à une cause ou à une autre, qu’on le remercie pour ses actes. Malgré le fait qu’il pouvait sans aucune prétention prétendre offrir plus que nombre d’autres de ses ressources à la ville, peu de personnes appréciaient sa dévotion et l’étendue presque infinie de ses largesses. Il ne pouvait leur en vouloir, encore une fois, mais malgré cette connaissance et le rappel quotidien qu’il se faisait de cette vérité, le contact des mortels de ce monde avait tendance à l’épuiser et à le vider de son entrain. Ce dernier pourtant semblait au moins en apparence se détacher de la tendance. Peut-être n’était-ce là qu’une illusion, appelée à se dissiper rapidement. Peut-être n’avait-il pas eu le temps de se rendre à la cité et à son influence invasive. Peut-être y avait-il en lui quelque chose de plus. Il ne savait pas, et sans doute ne le saurait-il jamais : leurs chemins étaient appelés à se séparer rapidement, et la survie du jeune homme n’était aucunement assurée.

Marchant vers le bâtiment de la Guilde après que le nouveau venu ait manifesté son assentiment, il l’écouta terminer de manifester sa reconnaissance. Plus important, il sembla avoir entendu son avertissement, et fit la promesse de le prendre en compte, et de s’entrainer. Il voulait, disait-il, protéger la nature. C’était là un but louable, que le paragoï ne pouvait qu’apprécier. Son rapport à cette dernière s’était certes transformé depuis sa jeunesse, les épreuves de la vie et sa propre métamorphose changeant sa manière d’interagir avec le monde, mais il savait toujours entendre les paroles révérées des ancêtres antiques. C’était hors des murs des cités que couvaient les mystères du monde, et la nature était pour tout paragoï le précepteur le plus utile.

« Je viens d’Haellas. Te parler de mon monde demanderait du temps, et ne t’aiderait que peu. Les gens d’ici, quand je le fais, manifestent généralement une peur malvenue ou une incompréhension difficile. Et cela fait maintenant plus d’un an que j’ai arraché de mes terres. Les serments que j’y ai passé exigent que je porte assistance à toute personne que je rencontre et que je ne juge pas indigne. Ce n’est pas cependant une attitude que tu rencontreras souvent, ici. Les paroles coulent librement, et les actes sont dispensés avec bien plus de parcimonie. »

Coupant son discours d’un de ses habituels moments de silence, il continua après quelques courts instants, ramenant la conversation sur un terrain moins difficile. Non pas que celui-ci ne soit pas bon et utile, mais il avait appris à manier le portalien, au moins maladroitement. Aborder de manière frontale des sujets importants provoquait en lui une réaction épidermique, et le rendait rapidement incapable de tout raisonnement productif. Aussi optimiste qu’il puisse être sur le cas de son interlocuteur du moment, il n’était pas généreux, et encore moins raisonnable, d’attendre plus de lui.

« Tu auras à le constater toi-même, en temps voulu, et mes paroles ne peuvent pour l’heure rien être pour toi. Si tu es réellement disposé à protéger le monde naturel, alors tu auras à venir me voir, dans le futur. Je suis Hypanatoi Paragoï Konostinos. Hypanatoi, précisa-t-il, suffira amplement. Et j’ai des plans pour cette cité. Pour lui éviter l’abysse vers lequel elle semble s’obstiner. »

Ce n’était pas beaucoup plus enthousiasmant, mais il devait avouer que son répertoire conversationnel ne possédait que très peu de sujets légers, et qu’aucun n’était ici à propos.

« La guilde, fit-il en guise de dernière tentative, recrute des aventuriers. Elle rassemble des informations, et mandate des combattants capables de rectifier certaines erreurs. Certaines des missions dispensées s’alignent avec ton objectif. J’ai par exemple une fois été conjuré de dissiper un enchantement mauvais qui enrageait les animaux d’une île, afin de restaurer l’ordre premier de celle-ci. Si tu ne souhaites pas t’y associer, tu pourras toujours t’aventurer hors des murs de la cité par tes propres moyens. Fais attention, cependant : nombre de créatures sont hostiles, et certaines pourchassent tout intrus s’aventurant dans leur territoire avec un zèle particulier. »

C’était mieux. La promesse des combats. Des renseignements directement utiles. La possibilité de se rendre utile. Tout cela était à-même, selon lui, de galvaniser même l’âme la plus terme, d’insuffler de force en elle un courant ascendant.

A la caresse d’une petite brise, entouré d’un léger brouhaha venant des habitants alentour et de petits animaux vivant dans la cité, j’écoutai l’histoire de mon compagnon de route avec intérêt tout en poursuivant notre chemin vers la grande tour de la guilde des aventuriers. Ce que je compris lors de notre précédent échange s’avéra exact, il vînt bien lui aussi d’une autre terre, je ne fus donc pas le seul dans cette situation. Bien que discret sur la description de celle-ci, ma curiosité grandit à l’idée de savoir que des univers entiers existaient. Je ressentis de la part de mon interlocuteur de la déception de ne pas pouvoir parler plus ouvertement de l’endroit où il vécut sa première vie. Je ne connaissais que trop bien les personnes aux jugements hâtifs préférant se faire leurs propres avis aussi imprécis et erronés soient-ils à l’écoute de quelques mots ou bien d’un simple regard plutôt que de découvrir la beauté complète de l’inconnu.

Nous nous ressemblions plus que je ne le pensais. Lui aussi respecta une éthique et un code d'honneur qu’il suivit quelle que soit la situation. Mon estime pour cet homme grandit, de ce fait je pris en compte chacune de ses paroles. Je compris que les habitants de cette cité n’étaient pas si différents de ceux qui vivaient à Iornya, où les mots pouvaient facilement se dispenser des actes qui auraient dû suivre, peu importe cela ne me dépayserai pas.

Je comprends que tu doutes de moi, je suis loin d’avoir une carrure aussi impressionnante que la tienne, mais s’il y a bien un sujet sur lequel tu peux me croire, c’est ma dévotion à protéger le monde naturel de ceux qui cherchent à lui nuire ! Dit-il d’un regard empli de détermination.

Bien que le plan de ce cher monsieur Konostinos attisa mon intérêt, je ne cherchai pas à ce qu’il me fournisse plus d’informations, ne connaissant pas le fonctionnement de cette citadelle je n’aurais compris que le quart de son explication. Mes talents d’herboriste, ainsi que ma capacité de communier avec la nature ou communiquer avec les animaux sauvages, par contre, pourront toujours servir d’atouts dans certaines situations. Je me stoppai tout en me tournant vers lui.

Tu sais, c’est rare que j’apprécie les humanoïdes, en général leur façon de penser me rebute. Mais tu sembles différent. Alors si un jour tu as besoin de mes talents pour mettre ton plan à exécution, n’hésite pas à faire appel à moi mon cher Hypa’. Finit-il un grand sourire aux lèvres !

Voulant me retourner afin de continuer notre route, j’aperçus devant moi les premières marches de la tour permettant d’accéder à l’imposant bâtiment qui se trouvai devant nous.

Oh, nous y voilà! As-tu encore quelques conseils pour moi ? Ou bien souhaites-tu m’accompagner à l’accueil et m’introduire à cette fameuse guilde ?

Le début d’une nouvelle vie…

Son interlocuteur venait de s’engager. Hypanatoi doutait fortement qu’il comprenne ce que cela voulait dire. Qu’il dès à présent du poids qu’avaient ses paroles, s’il décidait de s’y tenir. Il ne le pouvait pas : ce monde lui était inconnu. Hypanatoi, pareillement, n’était pour lui qu’une représentation imprécise, une idée curieuse qui s’était matérialisée devant lui pour l’assister. Il ne pouvait pas savoir. Peu de gens, ici, savaient, alors que l’excuse de l’ignorance n’allégeait pas leur culpabilité. Mais il apprendrait, comme tous les individus de ce monde, quand le temps serait venu, quand il serait forcé, comme tous, de contempler en face le résultat de ses actions, et de celles du paragoï. Peut-être, à ce moment, serait-il fidèle à ses paroles. Peut-être ferait-il la démonstration de sa similarité avec les portaliens, en oubliant qu’il les avait un jour prononcé, ou simplement en se dédouanant de toute responsabilité. Car pour les portaliens, l’ignorance était réellement une excuse. Ils en ignoraient toutes les dimensions, et toute l’importance qu’elle avait dans leurs vies. Mais ce qu’ils en percevaient leur apparaissait comme plaisant, et réconfortant. Il l’aimait.

Il nota tout de même qu’il se séparait déjà, et de manière insistante, du corps protéiforme des gens de la cité. Le reste du monde, pour lui, entrait dans la catégorie extensive des humanoïdes, de la même manière que pour Hypanatoi, les êtres qui hantaient les rues de cette cité maudite répondaient tous à l’appellation infamante de portalien. Ne sachant trop que penser de ce rapprochement incongru entre leurs visions, le paragoï faillit manquer le raccourcissement de son prénom. Peu de personnes osaient ainsi l’appeler Hypa, bien que ce soit toujours ce surnom qui lui soit donné. Il manque de s’interrompre, et prit une inspiration lente et profonde.

Il y avait encore peu de temps, il aurait pris ombrage de cette appellation, et aurait de la façon la plus directe qui soit exigée des excuses, et averti sur les conséquences définitives de tout manquement subséquemment. Depuis qu’il s’était lancé dans son entreprise de vengeance, pour s’assurer d’honorer la mémoire de Kemat et d’obtenir réparation des gens qui avaient osé bafouer l’honneur de son monde, ce genre de détail lui semblait plus inconséquent. Comme si ces gens, de par leur manque de consistance, se faisaient devant son œil intérieur comme de la brume légère, facilement dissipée. Il avait, sans doute, de nouveau plus de distance entre lui et eux. Il les étudiait comme le faisait un érudit, avec une passion froide et désincarnée, alors qu’il en aurait encore été incapable quelques mois auparavant.

« Ne m’appelle pas Hypa. Ce n’est pas mon surnom, et mon prénom revêt à mes yeux une valeur sacré. C’est l’héritage de mes géniteurs. »

Balayant l’incident d’un geste rapide de la main, il continua, répondant finalement à la déclaration du jeune homme :

« J’accepte ton offre, lâcha-t-il sur un ton lent et solennel. Le temps venu, tu auras à répondre à l’appel, fit-il en inclinant la tête, avant de reprendre d’une voix moins grave. Je vais t’amener au bon endroit. La Guilde est invariablement très active, et tu perdrais beaucoup de temps en essayant de t’orienter sans aide. »

Le bâtiment, après tout, était le centre névralgique de la cité, et l’endroit qui voyait le plus de passage. L’invitant à le suivre, il passa sous les arches hautes qui délimitaient l’entrée du grand bâtiment, fendant la foule des passants pour se diriger vers le comptoir le plus disponible. Il n’aimait s’éterniser dans cet endroit. Il était bruyant, et odoriférant, et le mouvement incessant des employés et des aventuriers et des gens venus y déposer leurs requêtes et de la myriade d’autres personnages inconséquents submergeaient son œil intérieur d’informations dispensables, envahissaient son esprit et parasitaient sa conscience. Se dirigeant rapidement vers un réceptionniste moins assailli de travail que les autres, il se planta devant lui, le tirant de l’étude des papiers dans laquelle il était plongé. Ne souhaitant pas lui laisser le temps de parler et de leur opposer une réponse de circonstance, il le devança :

« Drasyl, commença-t-il en désignant l’intéressé, vient de se réincarner ici. Tu vas l’assister, et l’aider à se situer. »

Il y eut un bref moment de silence, avant que le paragoï ne sente la personne ainsi convoquée ouvrir la bouche. Coupant de nouveau court à tout élan, il conclut :

« Je compte sur toi. »

La demande était claire. Un moment d’hésitation, différent du précédent, s’imposa.

« Puissent tes pas ne pas dévier du chemin, dit-il à sa nouvelle connaissance, avant de se retourner. »

Il avait fait ce qui était attendu de lui. Plus, sans doute. Le reste ne lui appartenait pas.

Nous voici arrivés, devant la grande porte de la guilde des aventuriers. Je ne fus pas un grand fan des architectures des Hommes, préférant l’abri dans les profondeurs d’une grotte ou bien dans le creux d’un grand arbre. En apercevant du bas des marches la foule à l’intérieur de ce bâtiment, je compris que cet endroit ne serait pas pour moi ce qu’on pourrait appeler une destination de rêve.

Alors que je m’apprêtai à emboîter le pas, mon bienfaiteur me fît comprendre son mécontentement concernant mon appellation pour le nommé. Cela me rendit confus, dans mon bosquet j’eus toujours donné des surnoms aux habitants de celui-ci, déjà car ma mémoire manqua de fiabilité mais aussi car je trouvai que cela permettait de tisser des liens plus facilement. Je me souvins du jour de ma rencontre avec Gretka, alors qu’elle hurla un mot incompréhensible pour se présenter, je pris l’initiative de la surnommer ainsi car je su au premier instant qu’il serait impossible pour moi de le retenir. Suite à cela elle poussa un cri de joie, et une douce lueur illumina son regard, voilà pourquoi j’eus pris le réflexe de surnommer les êtres vivants que j’estimai plus que les autres.

Je ne pensais pas que cela te contrarierai » dit-il d’un air étonné. Bien au contraire, j’ai pour habitude de donner des surnoms aux personnes que j’estime. Excuse-moi, Hypanatoi J’espère que tu ne m’en tiendras pas rigueur !

Mon bienfaiteur continua de m’aider en m’accompagnant dans la grande tour. Le bruit ambiant sonna comme une souffrance à mes oreilles, et le nombre de personnes présentes sur place me mis vite mal à l’aise. Si je dû vivre dans ce monde, il fallait absolument me trouver un endroit de tranquillité proche de la nature. Se détendre aux bruits du vent dans le feuillage, écoutant le chant des oiseaux, tout en sentant les mille et un parfums des fleurs alentours, c’est tout ce dont j’eus besoin.

Nous traversâmes la mer d’aventuriers faisant barrière entre nous et un homme à l’air studieux consultant des documents sur son comptoir. Mon compagnon, d’un air autoritaire me présenta et ordonna à l’employé de m’assister à devenir un véritable citoyen de cette cité.

Après cela, mon compagnon de route m’adressa ses derniers mots avant de rebrousser chemin.

Ce fut un plaisir, court mais intense. disait-il en faisant un clin d’œil.

A bientôt et encore une fois merci pour ton aide ! s’exclama-t-il le sourire aux lèvres.

Je me retournai donc face à la personne qui dût me prendre en charge afin de remplir tous les documents nécessaires à mon insertion et me mis à cribler mon nouvel interlocuteur de toutes les questions qui traversaient mon esprit allant du nom de ce nouveau monde jusqu’à l’explication détaillée de la quête qui m’eut été donner lors du voyage à travers le portail qui m’amena ici.
L’entretien finalement terminé après plusieurs heures, je sortis de l’enceinte de la tour de la guilde des aventuriers. Me voilà enfin un habitant officiel de Portalia et ainsi commença mon épopée !