Marguerite du Psychagité
Pèlerin - Eglise
Bronze
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- Date d'inscription :
- 16/04/2023
- Gils :
- 8366
- Disponibilité Rp :
- Disponible
- Messages :
- 120
- Métier :
- Archiviste au Collège des Interdits
- Couleur d'Essence :
- Incolore
- Style d'Arme :
- Aucune
- Rang :
- Sans Rang
- Puissance d'Essence :
- 2919
Aujourd'hui s'annonçait être une excellente journée : non seulement je m'étais réveillé à 7 heures exactement, mais en plus, hier, Jerolin m'avait rendu non pas un, mais trois documents pour me remercier de m'être occupé de Loreley, ce qui n'en faisait donc plus que 56 en circulation hors des archives. Je m’étais évidemment empressé d’aller les ranger, et je me sentais déjà moi-même plus entier, plus complet. Par contre, je n’étais pas sûr d’avoir compris ce petit sourire dépité qu’il avait eu devant ma réaction, comme si elle lui échappait. Il me paraissait pourtant primordial, à moi, qu’un archiviste préfère avoir des archives complètes !
Comme il me l’avait promis, je venais en plus de bénéficier d'une semaine entière pendant laquelle personne n'était venu me déranger. Certes, ça voulait aussi dire que je n’avais pas pu récupérer d’autres documents, mais au moins, personne ne m’en avait retiré non plus. Jerolin s’était engagé à dire à tous ces voleurs de feuillets qui ont “besoin” de documents pour “travailler” que les Archives seraient fermées pour la semaine, et il semblerait qu’il ait fait du bon travail. J'avais donc pu occuper sept journées entières à me concentrer sur mon travail premier : ranger. À ce rythme-là, d'ici trois mois, trois semaines et peut-être six jours seulement, j'aurai fini de ranger les Archives.
À cette pensée, je me figeai un instant, assailli par un sentiment étrange. Je me rappelai soudainement que cette tâche herculéenne était limitée dans le temps : un jour viendrait où je me tiendrai là, contemplant l'Ordre que j'aurais accouché du Chaos, chaque chose ayant trouvé sa place, celle qu’elle attendait depuis sa création, dans une harmonie absolue de textures, de couleurs, d'épaisseurs, de lignes, de formes…
Et que me restera-t-il ensuite ? Vivrai-je en paix et sérénité au milieu de milliards de feuillets parfaitement triés par grainage, leurs encres parfaitement équilibrées sur ces étagères d’ébène pour minimiser toute corruption ? Méritais-je seulement, moi et mon aile atrophiée, incomplète, imparfaite petite fée, de siéger dans ce temple de l'Ordre et de l'Harmonie ?
Non, certainement pas, je réalisai, me laissant tomber hors de mon tiroir-studio. Quand tout serait à sa place, il ne resterait que moi qui ferait tâche sur le tableau. Je devrais partir, me faire violence, quitter ce paradis nouvellement créé pour apporter l'Ordre ailleurs, car même entre les murs de Portalia, ce n’était pas ce qui manquait. Ce monde entier était rongé par le Chaos et pourtant je paraissais le seul à le voir, ce qui en faisait une tâche que, de toute évidence, moi-seul était capable de mener à bien. C’était peut-être le sens de ma venue au monde, la raison pour laquelle j’étais obsédé par l’ordre et l’harmonie depuis ma naissance.
Ravivé par ce nouveau sens du devoir divin, je me préparai comme à mon habitude, prenant forme humaine pour la journée et avalant une baie pour tout repas (j'ai l'estomac petit, vous savez), avant de me mettre au travail. Trois mois, trois semaines et six jours, c’était ce qu’il me restait de temps avant d’atteindre mon premier triomphe, le premier sanctuaire de Portalia réellement dédié à l’Ordre. Je devais me hâter.
Je “devais”, oui. Mais voilà que je me pris ralentissant la cadence à plusieurs reprises, saisi d'une étrange nostalgie. C’est que je les aimais bien, ces archives, moi. Et pourtant, je ne me l’expliquait pas vraiment : la pièce en elle-même n'avait ni la symétrie, ni le raffinement de la Cathédrale de l’Ordre, tant et si bien que c’était dur d’imaginer qu’elle était juste en dessous, plongeant sous la nef par un escalier aussi raide que pourri, presque caché. Même pour moi, c’était étroit ; c’est vous dire à quel point ça m’irritait que des bipèdes viennent quand même me déranger malgré cela.
Je ne saurais pas trop vous dire de quelle couleur avaient été peints les murs à l’origine : en tout cas ils étaient jaunes maintenant, en raison de la moisissure, mais aussi de la faible lumière projetée par les quelques ampoule qui pendouillaient ici et là du plafond bas (282cm, j'ai compté), attendant de cueillir les têtes (trop hautes) qui osaient arpenter les étagères branlantes sans faire attention. Leur lueur paraissait presque opaque, se posant sur la poussière qui dansait encore dans l'air à chaque pas sur la moquette déchirée. Je n'avais pas encore fait de ménage, car, de toute façon, le tas de documents qui me restait à trier en recrachait des nuages gris à chaque fois que je ne serait-ce que regardais dans sa direction. Je me contentais juste tous les soirs d'épousseter ma propre marguerite, que j’avais ramenée dans un pot pour la mettre sur mon bureau. Apparemment, l’éclairage faiblard des ampoules lui suffisait, à elle aussi.
Mais tout de même, malgré tout cela… Quelque part, cette pièce avait son charme, sa propre harmonie, même si je ne saurais mettre le doigt dessus. Elle me manquerait, songeai-je, déjà nostalgique, en glissant un feuillet qui parlait d'un quelconque passage secret dans les ruines sur l'étagère des grainages 112-137 g/m2, dans le classeur des encres des Calamars d'Eau Douce.
Comme il me l’avait promis, je venais en plus de bénéficier d'une semaine entière pendant laquelle personne n'était venu me déranger. Certes, ça voulait aussi dire que je n’avais pas pu récupérer d’autres documents, mais au moins, personne ne m’en avait retiré non plus. Jerolin s’était engagé à dire à tous ces voleurs de feuillets qui ont “besoin” de documents pour “travailler” que les Archives seraient fermées pour la semaine, et il semblerait qu’il ait fait du bon travail. J'avais donc pu occuper sept journées entières à me concentrer sur mon travail premier : ranger. À ce rythme-là, d'ici trois mois, trois semaines et peut-être six jours seulement, j'aurai fini de ranger les Archives.
À cette pensée, je me figeai un instant, assailli par un sentiment étrange. Je me rappelai soudainement que cette tâche herculéenne était limitée dans le temps : un jour viendrait où je me tiendrai là, contemplant l'Ordre que j'aurais accouché du Chaos, chaque chose ayant trouvé sa place, celle qu’elle attendait depuis sa création, dans une harmonie absolue de textures, de couleurs, d'épaisseurs, de lignes, de formes…
Et que me restera-t-il ensuite ? Vivrai-je en paix et sérénité au milieu de milliards de feuillets parfaitement triés par grainage, leurs encres parfaitement équilibrées sur ces étagères d’ébène pour minimiser toute corruption ? Méritais-je seulement, moi et mon aile atrophiée, incomplète, imparfaite petite fée, de siéger dans ce temple de l'Ordre et de l'Harmonie ?
Non, certainement pas, je réalisai, me laissant tomber hors de mon tiroir-studio. Quand tout serait à sa place, il ne resterait que moi qui ferait tâche sur le tableau. Je devrais partir, me faire violence, quitter ce paradis nouvellement créé pour apporter l'Ordre ailleurs, car même entre les murs de Portalia, ce n’était pas ce qui manquait. Ce monde entier était rongé par le Chaos et pourtant je paraissais le seul à le voir, ce qui en faisait une tâche que, de toute évidence, moi-seul était capable de mener à bien. C’était peut-être le sens de ma venue au monde, la raison pour laquelle j’étais obsédé par l’ordre et l’harmonie depuis ma naissance.
Ravivé par ce nouveau sens du devoir divin, je me préparai comme à mon habitude, prenant forme humaine pour la journée et avalant une baie pour tout repas (j'ai l'estomac petit, vous savez), avant de me mettre au travail. Trois mois, trois semaines et six jours, c’était ce qu’il me restait de temps avant d’atteindre mon premier triomphe, le premier sanctuaire de Portalia réellement dédié à l’Ordre. Je devais me hâter.
Je “devais”, oui. Mais voilà que je me pris ralentissant la cadence à plusieurs reprises, saisi d'une étrange nostalgie. C’est que je les aimais bien, ces archives, moi. Et pourtant, je ne me l’expliquait pas vraiment : la pièce en elle-même n'avait ni la symétrie, ni le raffinement de la Cathédrale de l’Ordre, tant et si bien que c’était dur d’imaginer qu’elle était juste en dessous, plongeant sous la nef par un escalier aussi raide que pourri, presque caché. Même pour moi, c’était étroit ; c’est vous dire à quel point ça m’irritait que des bipèdes viennent quand même me déranger malgré cela.
Je ne saurais pas trop vous dire de quelle couleur avaient été peints les murs à l’origine : en tout cas ils étaient jaunes maintenant, en raison de la moisissure, mais aussi de la faible lumière projetée par les quelques ampoule qui pendouillaient ici et là du plafond bas (282cm, j'ai compté), attendant de cueillir les têtes (trop hautes) qui osaient arpenter les étagères branlantes sans faire attention. Leur lueur paraissait presque opaque, se posant sur la poussière qui dansait encore dans l'air à chaque pas sur la moquette déchirée. Je n'avais pas encore fait de ménage, car, de toute façon, le tas de documents qui me restait à trier en recrachait des nuages gris à chaque fois que je ne serait-ce que regardais dans sa direction. Je me contentais juste tous les soirs d'épousseter ma propre marguerite, que j’avais ramenée dans un pot pour la mettre sur mon bureau. Apparemment, l’éclairage faiblard des ampoules lui suffisait, à elle aussi.
Mais tout de même, malgré tout cela… Quelque part, cette pièce avait son charme, sa propre harmonie, même si je ne saurais mettre le doigt dessus. Elle me manquerait, songeai-je, déjà nostalgique, en glissant un feuillet qui parlait d'un quelconque passage secret dans les ruines sur l'étagère des grainages 112-137 g/m2, dans le classeur des encres des Calamars d'Eau Douce.
Dernière édition par Marguerite C#213 le Ven 16 Juin - 11:41, édité 1 fois
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Dim 7 Mai - 12:20