Le voyage fongique [PV Hypanatoï][PV Kamélia]

Le soleil se leva une fois de plus sur le bosquet de Solgid, les rayons brillèrent intensément se faufilant dans l’ouverture de forme approximativement arrondie servant de fenêtre pour le foyer du jeune druide et lui caressèrent délicatement les paupières. Drasyll ouvrit doucement les yeux, s’étira de toutes ses forces, bondissait du lit et se dirigea vers sa cuisine. Il mit quelques bûches dans la cheminée, fit bouillir de l’eau dans un récipient et y déposa un mélange d’herbes et de plantes pour préparer sa tisane préférée. Il en versa dans une écuelle en bois pour nourrir son récent colocataire.

La petite bête demeura toujours en état de choc depuis son arrivée. Les seuls moments où il sortit du dessous du lit firent pour ses besoins naturels quotidiens, dont la boisson et la nourriture. Drasyll eut d’ailleurs confectionner une petite porte battante pour que la jeune louve puisse sortir quand elle le souhaitait. Malgré cela, elle resta la plupart du temps dans sa cachette surement de peur de recroiser des braconniers…

Le jeune druide prit donc son petit-déjeuner tout en essayant de faire connaissance avec le louveteau mais en vain. Après avoir englouti sa tartine aux champignons, il s’aperçut que son panier fut complètement vide, et hors de question de ne pas avoir de petit-déjeuner pour le lendemain ! Il enfila ses vêtements, s’équipa de son bâton et de son panier en osier puis partit à la cueillette.

Pendant sa ballade champêtre, l’aventurier en herbe s’entraîna à mieux contrôler son essence, Il ne voulut pas reproduire l’incident lors de son sauvetage en compagnie de Derek. En plus de cet exercice, il virevolta son bâton de manière féroce et précise tout en avançant, le but fut des plus simples, retrouver sa force perdue et redevenir le protecteur aguerri qu’il fut avant de devenir un habitant de Portalia.

La récolte se passa extrêmement bien, le panier se remplit plus vite qu’il ne le pensa. L’intérieur de celui-ci arbora diverses couleurs montrant ainsi la diversité des espèces qui s’y trouva, les fonges ne furent pas les seuls responsables de ce cocktail pigmenté, les quelques herbes et plantes dont les utilités ne sont connues que de peu d’élus, vinrent ajouter leurs petites touches personnelles.

Satisfait de sa promenade, Drasyll reprit le chemin de sa modeste demeure continuant ses exercices précédents. Il prit de petites pauses de temps à autre pour prendre des nouvelles de la faune du bosquet. Il croisa d’ailleurs son amie la chouette au nom plus que douteux, Marhibou. Ils discutèrent quelques minutes et pris même des nouvelles de Derek et de sa petite protégée.

Alors qu’il s’apprêtait à repartir, le jeune druide aperçut deux silhouettes. L’une eût l’air assez petite, avec une démarche plutôt féminine ; l’autre par contre fut imposante, tant en hauteur qu’en largeur. En y regardant d’un peu plus près, il y vit une ressemblance avec une personne déjà rencontrée dans le passé, en tout cas c’est ce que son instinct lui dit à ce moment.

Tiens, mais on dirait ce très cher Hypa ! pensa-t-il.

Pour confirmer ses soupçons et pouvoir tailler le bout de gras avec son ancien bienfaiteur. Il accrocha donc son panier par la hanse au bout de son bâton et prit le pas en direction des deux ombres. En s’approchant d’eux, il secoua son bras dans tous les sens afin de faire signe de sa présence, ne voyant pas de retour de leurs parts et ayant un petit creux, il croqua dans une pomme trouvé non loin de là afin de satisfaire sa petite faim mais aussi d’apaiser son léger mécontentement. (Parce que croquer dans des pommes, en mode un peu énervé, ça fait du bien !)

Enfin arrivé à portée de voix, il put confirmer son intuition. La personne affichant une grande carrure fut bien son ancien guide qu’il rencontra sur la place des portails. Le cueilleur au bâton prit donc une grande inspiration, et salua d’une voix criante l’imposant guerrier.

Heeeey ! Salut Hypa… Voulant s’arrêter à ces deux syllabes, il s’interrompit un très court instant et repensa au fait que l’homme ne fut pas un grand fan des surnoms. Il continua donc sur sa lancée en prenant compte de ce qui lui avait été dit auparavant. ...Natoï !! Comment ça va ?

Sans même attendre une réponse, Drasyll prit la décision d’accélérer le pas pour entamer la conversation plus facilement. Une fois arrivé près d’eux, il engagea à nouveau la conversation.

Ça me fait plaisir de te revoir, comment tu vas ? dit-il tout souriant à Hypanatoï.

Après quelques secondes de silence, il se rendit compte qu’il n’eût aucun mot pour la jeune inconnue qui accompagnait sa connaissance. Il se présenta donc d’une voix légèrement gênée.

Oh euh, bonjour madame, je me présente, je m’appelle Drasyll, enchanté !

Le vent doucement jouait dans le cheveux de la Divine qui marchait doucement dans forêt. Observant les rayons du soleil qui perçait les feuillages créant des halo de lumière un peu partout sur leur chemin. La Blonde venait de revenir de sa longue mission avec Emilia et elle était heureuse d'être revenu entière près de Hypanatoi.

Le temps semblait arrêter loin de cette ville qui grouillait de vie. La mélodie de la nature qui les entouraient apaisaient le cœur de la jeune femme qui marchait calmement, un petit sourire aux lèvres. La Divine était certes, femme d'action, elle adorait l’atmosphère lourd qui rodait sur les champs de combat, le bruit fracassant des épées s’entremêlant les unes aux autres dans une danse éternel. Toutefois, elle savait apprécier le calme d'une forêt à l'éveil au matin.

Le bosquet, lieux qui signifiait beaucoup pour la jeune femme, c'est là qu'elle avait connu le Paragoi, qu'elle l'avait vu prendre le dessus sur des hommes qui cherchaient à le tuer, c'est là qu'elle avait passer beaucoup de temps, dans la cascade pour faire revenir ses souvenirs et c'est ici même qu'elle avait entraîner son élève Emilia. Ce lieu, était comme une seconde demeure, un lieu ou elle pouvait laisser son esprit vagabonder et elle était heureuse de pouvoir passer la mâtiné à simplement marcher un petit sourire aux lèvres, ses doigts dans la large main protectrice du Paragoi. «J'ai bien aimer la mission avec Emilia, tu vas être surprit des progrès qu'elle fait» Dit-elle doucement, pour ne pas briser la mélodie des oiseaux qui chantaient autour d'eux.

La Divine se demandait sur le moment, comme l'homme d'action qui se tenait près d'elle trouvait le moment de calme qui flottait autour d'eux, aucun ennemi, aucune mission. Juste deux personnes qui marchaient sans but précis entre les arbres profitants de la chaleur du soleil sur le peau, se retrouvant après une semaine de séparation. Puis, dans l'écho de la mélodie, une voix inconnu s'éleva. Les yeux de la jeune blonde se détourna des fleurs qu'elle observait pour chercher la provenance de ces intrusions. Un silhouette inconnu venait vers eux, la personne semblait connaître Hypanatoi, ce qui fit sourire la jeune femme.

La réputation du Paragoi la surprenait toujours, il y avait toujours une personne qui le connaissait en bien ou en mal. C'était une bonne chose, c'était une fierté d'être reconnu sur le chemin, une gloire intérieur car une fois le trépas les gens se souvenaient encore. Kamélia s'immobilisa alors, tenant toujours la main de l'homme, appuyant légèrement son corps contre le sien, elle lassa l'homme s'approcher. La Silhouette pénétra alors dans la lumière, et la jeune femme l'observa silencieuse. Analysant ce dernier de la tête au pied avec encore un petit sourire calme sur les lèvres. Elle n'était pas armée et lui n'ont plus, certes il avait un bâton et elle savait plus que quiconque qu'un simple bâton bien utiliser pouvait être meurtrier.

L'énergie qu'il dégageait illumina doucement le visage de la jeune femme, qui l'observait toujours silencieuse écoutant l'échange avant de plonger son regard dans celui de l'homme qui venait de la regarder se présentant maladroitement. « Enchanté, je suis Kamélia, pas obliger de m'appeler madame c'est étrange» Dit-elle doucement en poussant un petit rire, certes, elle avait plusieurs années derrière elle, mais physiquement elle ne semblait pas plus vieille que celui qui s'adressait à elle. Toutefois elle ne pouvait que remercier la marque de politesse. La Divine était bien curieuse de voir la relation qu'il y avait entre les deux hommes, elle n'avait pas eu la chance de rencontre bien des gens qui pouvait se dire ami ou connaissance de Hypanatoi, elle se retenait donc de poser la question mais son large sourire amusé et son regard remplis d'étoiles en disait beaucoup sur le fond de sa penser.

Depuis son plus jeune âge, il avait haï le repos. Ses parents, rapidement, lui avaient inculqué que son plus grand ennemi était l’oisiveté. Qu’il n’avait pas le temps pour les plaisirs tranquilles, et que chaque instant gâché était un instant qui ne reviendrait jamais. Ils avaient certes guidé son esprit, mais avaient trouvé un terreau fertile, sur lequel leurs idées n’avaient eu aucun mal à s’enraciner. Et il avait donc toujours boudé la compagnie de ses pairs, tant que cette dernière n’avait pas un but clair. Il ne les avait pas suivis lors de leurs virées dans les tavernes, après leurs retours de leurs aventures. Il n’avait pas non plus fréquenté les théâtres, les maisons de bains et de courtisanes, ou les arènes. Ses jours autant que ses nuits avaient entièrement été consacré à la perfection de son art, à la perfection de sa personne. Et cela, il le savait, avait fait de lui une personne maussade et peu bavarde, difficilement capable de conversation plaisante. Il était capable de disserter avec aisance, et pendant des heures, des subtilités du combat à la lance, de parler de l’avantage qu’avait tel mouvement par rapport à tel autre. Il pouvait clamer haut et fort ses connaissances des monstres de deux mondes maintenant, et faire rougir de honte nombre d’érudits. Sa connaissance de la poésie et de la sculpture même servaient cette volonté. Dompter le verbe. Dompter sa pensée. Dompter la pierre. Dompter sa matière. Et il n’avait jamais, avant de connaître Kiana, vu cela comme un problème.

Son rôle était simple : combattre, assurer la pérennité de sa lignée, et mourir ou gagner son ascension finale. Il n’avait jamais considéré qu’il aurait besoin de porter une affection particulière à la future mère de ses enfants. Nombre de couples de paragoï avant lui s’étaient contentés du respect mutuel nécessaire à la sélection d’un partenaire digne, et il n’avait pas jugé utile de déroger à cette idée. Les choses, maintenant, étaient différentes.

Kiana n’était pas que la potentielle mère de ses enfants, au contraire. S’il avait voulu respecter entièrement la tradition, elle aurait été inéligible. La fille du tabou, de l’union entre deux divins, et plus que cela le Calice incarné, tout cela faisait d’elle un parti qu’il aurait dû refuser. Mais elle était plus que cela, beaucoup plus. Elle était une partenaire, tout simplement, avec tout ce que ce mot pouvait charrier d’important.

Et il avait bien du mal à parler des choses simples. Sa langue, dans sa bouche, se faisait épaisse et maladroite, et il ne savait pas quoi dire. Il pouvait lui dire qu’il l’aimait, certes. Le lui répéter à loisir. Mais cela ne faisait pendant des heures une conversation fascinante. Il pouvait lui parler de lui, également. Mais elle le connaissait, et il ne savait comment faire, autrement qu’en déclamant sous la forme des vers consacrés son épopée. Il avait toujours considéré qu’il n’existait pas, au-delà de sa fonction. Cette situation nouvelle l’obligeait à se redéfinir. A se métamorphoser. C’était, comme au moment où il avait compris qu’il devoir se transformer, toujours aussi excitant. Terrifiant, également, mais la peur était une compagne habituelle, qu’il savait canaliser. Et Kiana valait bien toutes les terreurs du cosmos, des plus sacrées aux petits tourments comme celui-ci.

Finalement, il n’eut pas plus longtemps à chercher quoi dire. Il sentit, au loin, une aura familière. Drasyll. L’homme de la nature, qu’il avait accueilli quelques temps auparavant à Portalia. Ce dernier semblait occupé à cueillir des herbes et des champignons, mais s’interrompit en les remarquant, et les héla de loin, avant de se porter à leur niveau. Il fit rapidement connaissance avec son amante, qui se présenta sommairement. Leur échange changea l’expression pensive du paragoï en un sourire amusé, et il répondit, quand il fut terminé :

« Drasyll. Je me porte bien. Ne te perturbe pas si j’appelle Kamélia Kiana. C’est un nom dont elle me réserve l’usage, un privilège d’amoureux, sans doute. »

Marquant une courte pause, il se demanda si ce devait être là la somme de leur échange. Là encore, il ne voyait pas réellement quoi dire au garçon.

« Tu cherches à récolter certaines choses en particulier, j’imagine ? tenta-t-il tout de même. Drasyll, fit-il autant pour Kiana que l’homme de la nature, est un expert dans ce domaine. »

Asséner des évidences semblait être un passe-temps favori des portaliens. Il doutait d’avoir dans ce domaine ésotérique leur talent, mais pouvait bien faire un effort. Ce serait, au pire, un moyen de s’entrainer : voir la situation comme un défi à relever ne pouvait que l’aider à se perfectionner, et cela avait beau être légèrement ridicule, le résultat serait probant. La méthode, après tout, avait été éprouvée des centaines de fois. Il n’y avait aucune raison qu’elle cesse de fonctionner au moment où il cherchait à maitriser l’art subtil de la conversation oubliable.

Cela fit quelques semaines maintenant que le jeune druide vécut dans ce monde mystérieux, essayant de s’adapter au mieux à son nouvel environnement. Il n’eut pas le temps de s’ennuyer. Que ce soit dû à des rencontres avec des personnes hautes en couleurs, ou bien des aventures inattendues, l’amoureux de la nature fut excité rien qu’à l’idée d’imaginer la prochaine mésaventure qui pourrait bien être plus proche que ce qu’il imaginait.

Oh ! C’est ta compagne ! disait-il d’un air étonné en s’adressant au colosse.  Heureux d’entendre que tu vas bien en tout cas.

J’étais tellement content de tomber sur toi que je n’ai pas réfléchi à savoir si je vous dérangeais ou pas haha! Malgré ses paroles, Drasyll ne s’inquiéta pas de savoir s’il fut de trop dans cette petite assemblée, les codes sociaux n’étaient pour lui que de drôles de barrières que s’imposaient les hommes. Même s’il en comprenait la plupart, il eut beaucoup de mal à les appliquer, la vie avec les animaux ne fut pas riche d’enseignement concernant ce sujet.

Il se tourna ensuite vers la dame aux cheveux blonds Désolé Kamélia, quand je ne connais pas le nom des personnes c’est souvent par monsieur, madame ou toi ! mais quand j’utilise le dernier terme je me fais souvent remonter les bretelles alors je l’utilise de moins en moins sauf si c’est pour enquiquiner la personne en face de moi. Finissait-t-il en affichant un grand sourire. Tes yeux sont magnifiques, ils me rappellent la beauté de l’océan, si clair et pur en surface, avec une couleur plus obscure et mystérieuse en profondeur, encore une preuve que la nature crée des merveilles !

Il éleva le bout de son bâton au niveau de l’épaule, fit un arc de cercle avec lui, et y déposa le panier se trouvant par terre, accrochait sur l’extrémité de celui-ci. Il regarda de nouveau HypanatoÏ dans les yeux. Oui comme tu peux le voir j’étais à la recherche de champignon, surtout pour me servir de petit-déjeuner. Toi et Kamélia êtes intéressés par la mycologie aussi ?

Le jeune druide voulut en dire plus par rapport à ses découvertes de ce matin. Mais sachant que l’emploi du temps du puissant guerrier, et ne voulant pas déranger plus longtemps la demoiselle aux yeux bleus enchanteurs, il préféra s’arrêter à cette simple question avant d’entamer le résultat de ses recherches.

Cette relation qu'elle créait avec Hypanatoi n'avait jamais eu une couleur. Caché dans l'ombre de sa demeure, elle n'avait jamais pris l'initiative de l'afficher devant les autres. Certes, quelques gestes avaient été posé devant autrui, mais ils n'avaient jamais mis mots sur ce qu'ils étaient. C'est alors que sur la langue du Paragoi glissa un terme qui fit frissonner de joie la jeune femme. Ils étaient amoureux. Après tout les défis, les sentiments, la rage et les larmes, elle avait enfin trouvé le calme dans son âme et elle pouvait enfin se réjouir de leur union. Cette union qui n'aurait jamais été possible dans leur monde. Portalia n'avait pas grand chose de positif, toutefois elle avait le droit ici de laisser son cœur s'unir à celui du Paragoi sans le regard sombre des autres Divins sur elle.

Un afficha un sourire radieux, elle observait celui qui se prénommait Drasyll. La blonde était heureuse de faire la connaissance d'une personne qui ne fuyait pas le Paragoi, lui qui avait la mauvaise réputation auprès de bien des gens du peuple.

Les paroles de l'homme de la nature, tira la jeune femme de sa constatation, souriant alors timidement devant le compliment qu'il venait de lui lancer au visage, elle rougit automatiquement. Portant une main à sa joue légèrement chaude elle eut un petit rire «Oh merci c'est gentil» Souffla-t-elle tout en détournant le regard. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas eut de compliment, même dans son monde les hommes l'évitaient par peur et elle ne savait jamais comment réagir, devait-elle lui en faire un en retour, ou simplement dire merci. Elle glissa timidement une mèche de cheveux blonde derrière son oreille, reprennent le contrôle sur l'émotion qui avait teinté sa peau. Les hommes venaient de continuer la discusion sur ce qui fit émergie un souvenir dans l'esprit de la jeune Divine qui replongea alors son regard dans les yeux Drasyll. «L'étude des champignons! » Dit-elle avec un ton curieux « Personnellement j'ai jamais pris le temps de regarder les champignons de ce monde» Dit la Divine glissant son regard en direction de son amant un moment avant de retourner son attention sur le jeune homme. «Est-ce qu'il y a beaucoup de champignons à éviter dans la région au fais?» Elle afficha un petit sourire, cherchant à faire taire le démon de la curiosité qui venait de naître dans son esprit.

Même dans son monde, elle n'avait jamais pris le temps ou eu le temps de s'adonner à cette science, beaucoup trop occupé à créer des plans pour la guerre et à chercher comment empêcher le chaos de gagner du terrain. Ici, le problème était encore présente, toutefois elle n'était pas la cible de ce dernier et pouvait prendre le temps de profiter un peu.

La connaissance est selon la jeune blonde une arme des plus dangereuse en ce monde, bien plus aiguisée qu'une épée et plus lourde qu'un marteau de guerre.

La tête de la jeune femme vint doucement s'appuyer contre le bras du Paragoi, mais son regard ne se détournait pas de Drasyll, suivant parfois les mouvements de son bâton des yeux, elle l'observait analysant le personnage qui se trouvait devant-elle.

Sa première réaction aurait normalement été de couper court à la conversation. L’étude des champignons, des herbes et des plantes était un domaine pour lequel il n’éprouvait pas le moindre intérêt, et qui, plus important encore, était réservé aux paysans et aux autres espèces de gueux. Il suffisait pour s’en convaincre de les voir à l’oeuvre. Récolter ces choses demandait de courber l’échine, et ce n’était pas là une chose à laquelle le paragoï pouvait consentir. Malgré tout, il resta silencieux. Le jeune druide faisait preuve d’un enthousiasme candide et bienveillant, et sa propre compagne semblait intéressée parce qu’il avait à dire. Comme souvent, nombre de ses penchants lui échappaient : elle avait cette légèreté et cette spontanéité facile qu’il aurait sans doute condamné, avant, la trouvant trop éloigné du maintien solennel qui devait en tout circonstance être le leur. Plus encore, parce que cela lui rappelait ses propres conversations avec son frère.

Ce n’était pas la première qu’il s’en rendait compte. C’était la première qu’il se le formulait aussi clairement.

Il y avait quelque chose de Kaliaxtes chez Kiana. Cette façon facile qu’ils avaient de s’intéresser aux gens, de leur parler en quelques minutes comme on parlait à des gens que l’on connaissait depuis longtemps. Cette manière de se montrer comme un être à la fois léger et de confiance, auquel on pouvait se confier aisément, que ce soit pour le repos de l’esprit ou la sauvegarde de ses affaires. Une différence majeure, cependant, les séparaient. La sincérité. Hypanatoi savait qu’il avait été le seul à voir le vrai visage de son frère de serment. Chez lui, tout était artifice, et c’était là quelque chose de normal. De bienvenu, même : il était appelé, s’il ne parvenait à atteindre la divinité, à succéder à sa mère. A devenir Basileus après la Basilea. Et cela réclamait de sa part un état d’esprit très défini, très clair. Il l’avait admiré pour cela, auparavant, et il aurait sans doute méprisé Kiana pour ce qu’il aurait pris à l’époque pour de la naïveté. Pour de la faiblesse. Mais elle n’était pas faible. Le verdict était simple autant qu’indiscutable. Elle pouvait parfois baisser les yeux devant un compliment sur ses yeux, prenant des airs timides. Elle avait été incapable de briser seule l’emprise qu’avait exercé sur elle Mathias. Encore aujourd’hui, il subsistait en elle une grande part des écueils de Portalia. Et pourtant, quand il la sentit poser sur son bras sa tête, légère comme une bille de verre, semblant alourdie seulement par le gaze éthérée de ses cheveux, il ne put la trouver inconséquente. Peut-être - sans doute - son jugement en ce qui la concernait n’était-il pas objectif, troublé qu’il était par des sentiments qui lui étaient encore partiellement étrangers. Mais il essayait toujours de garder un esprit clair, et un jugement impartial. Tous, devant lui, étaient jugés à la même aune.

Presque sans s’en rendre compte, il la serra légèrement contre lui, doucement, comme pour lui parler tout doucement, sans avoir à ouvrir la bouche, ses doigts se posant sur son épaule.

« Ce n’est pas mon domaine de prédilection, répondit-il au jeune druide. J’imagine que les énergies chaotiques de ce monde engendrent des champignons aux propriétés intéressantes, oui, fit-il en continuant la question de Kiana.»

Ce moment était étrange. Mais pas désagréable. Il n’était tout simplement pas encore entièrement certain de connaître sa place dans celui-ci. De savoir le rôle qu’il devait y tenir. Aussi s’attacha-t-il à tenter de prendre pour lui un peu de cet élan spontané de son amante, de voir si lui aussi pouvait simplement se laisser aller. C’était une expérience nouvelle, et assez troublante. Il ne se sentait pas à l’aise, mais c’était normal. Il ne s’était jamais réellement senti à l’aise depuis son arrivée sur ces terres, et moins encore en compagnie de la jeune femme. Les deux sentiments, simplement, étaient différents.

Rien ici, se répéta-t-il pour la millième fois, n’était simple.

Il enviait parfois les habitants de cet endroit : leurs vies semblaient emplies d’un vide confortable. Ce dernier, la plupart du temps, l’horrifiait profondément. Parfois, il lui semblait comprendre ce qui dans ce moutonnement ahuri des jours pouvait attirer les autochtones.

La jeune femme blonde semblait timide au premiers abords, mais elle avait l’air heureuse de vivre le moment présent. Quant à son bienfaiteur imposant, lui, paraissait toujours de marbre mais un peu moins rigide qu’à leur première rencontre. Le fait que les deux compagnons répondirent à l’interrogation du jeune druide par d’autres questions le rendit enthousiaste. Il n’hésita donc plus pour leur parler de sa petite découverte matinale qui fut, surtout pour les habitants n’étant pas nés en tant que portaliens, l’occasion de raviver de très forts souvenirs.

De mon point de vue, il est toujours important de s’intéresser à la nature qui nous entoure, même pour le monde fongique. Ils peuvent être autant bénéfiques que destructeurs, et ont bien des propriétés cachées.

Oui, certains champignons sont à éviter comme le Souffrocyte, un fongus de couleur noire qui, s’il est pressé un peu trop fort, dégage une fumée noire très toxique. Ou encore l’œil de Safran qui dégage une odeur particulièrement exquise mais qui à l’état brut, provoque des hallucinations si puissantes qu’elles peuvent amener à un arrêt complet du fonctionnement de notre cerveau. Mais malgré leurs dangerosités chaque espèce, avec le traitement adéquate, a une utilité et c’est ça le plus excitant dans l’étude mycologique.

Drasyll parlait avec une réelle passion, bien qu’il aimait parler de tout ça avec sa comparse Mary, la célèbre elfe odorante, avoir de nouvelles personnes avec qui parler de sa passion était toujours grisant pour le petit herboriste.

Tu ne crois pas si bien dire, Hypanatoï Konostinos ! Ce matin j’ai pu cueillir une espèce que j’ai aperçu dans un grimoire que Mary m’a confié et avec celui-ci j’ai une proposition à vous faire à tous les deux pour vivre une expérience des plus intrigantes… Enfin si j’arrive à préparer correctement ma mixture héhé !

Aimant les mises en scènes théâtrales, le jeune druide positionna sa main au centre de gravité du bâton hérité par son père, le fit virevolté tel un moulin subissant la force d’un vent puissant puis le planta violemment sur le sol. Il posa ensuite ses deux mains sur le haut de son arme pour y déposer son manteau avant d’avoir pris soin d’équiper sa capuche lui donnant un petit air mystérieux.

Que diriez-vous d’entrer en transe avec votre vous intérieur et voyager dans les recoins les plus éloignés de votre esprit ?