— Mais part la sainte touche, Nick, joue sur tes appuis. TES APPUIS !

   J'entend des brouhahas autour du ring, mais impossible de savoir à qui appartiennent les voix. Ma vision est légèrement floue, les couleurs se mélangent en un délavé d'aquarelle. Son dernier coup dans l'estomac fut plus difficile à encaisser, finalement. Je cligne rapidement des yeux en secouant un peu la tête pour remettre en place tout ce qui se trouve la haut, mais je n'arrive qu'à me rendre encore plus fébrile sur mes jambes. C'est comme si des milliers de fourmis les parcouraient, sans fin, sans but, juste pour faire chier le reste de ce malheureux corps au bout de l'épuisement.

— PUTAIN MAIS BRISE MOI SON AVANTAGE ! Qu'est-ce qu'il dit déjà ? Ah oui, RÈGLE 7 ! Putain, il m'en fait dire des conneries, ce gosse.

   La règle numéro 7 sur mon bloc note : si une personne pense avoir l'avantage, brise-la rapidement. Comme si les règles que j'avais établi pour mon métier de policier allaient pouvoir m'aider sur un terrain de boxe. En interrogatoire, ça passerait tranquillement, sans pression. Mais là, ça relevait presque du miracle. Il faut dire que la personne en question n'est pas connue pour être tendre lors d'un combat. Dire que ça va mettre fin à ma série de 6 victoires que j'avais réussi à avoir au cours de l'année. Finir sur un abandon ne fait pas parti de la maison, je me battrais jusqu'au K.O, s'il le faut. Je souris avec les dernière force qu'il me reste, et essaye d'articuler au travers du protège dent.

— Allez, ramène ton postérieur qu'on finisse ça avant la fermeture des bars.

— Mais avec plaisir, me répond la femme en abattant une dernière fois sur gant droit en plein dans mon foie.


   Au moins, Éléane possède une certaine gentillesse. Tous ces coups ont été portés à des endroits difficilement visible, sous les vêtements. Je ne me voyais pas commencer ma journée du lendemain à répondre à une pluie de questions des collègues. Mon foie me fait encore assez souffrir, et j'essaye de le cacher tant bien que mal en cherchant mes cigarettes dans la poche droite de mon manteau.

— Pas trop rancunier, c'est bon ? me lance Éléane en sortant à son tour de la salle de boxe. J'avais une série de victoire à arrondir.

— Non, bien sûr. Mais fais attention en roulant demain. Je m'en voudrais que l'état récupère la petite somme que tu as pu gagner.

   La fumée de la cigarette embrase mes poumons, mais j'inspire encore plus fort. Cette douce intoxication fait tellement du bien. Elle a le pouvoir de tout apaiser en provocant douleurs et mort lente. La jeune femme se rapproche un peu plus de moi, ses mains sortant son téléphone.

— Alors mieux vaut que j'ai un super flic dans mes contacts au cas où cela n'arrive, non ?

   Un sourire se dessine lentement sur mes lèvres. Elle n'est vraiment pas mal, avec un humour et une auto-dérision qui fait toujours du bien. Prendre son numéro pour une soirée un peu trop ennuyante pourrait être intéressant. Je sors mon téléphone à clappé et attend qu'elle me le dicte. Mais à la place, je l'entend rire à gorge déployée.

— C'est quoi cette antiquité ?

— J'ai toujours été fan de snake.

   Nous discutons encore pendant une dizaine de minute, le temps que je finisse ma cigarette. Et malgré les avances non dissimulées de la jeune femme, je préfère rentrer directement chez moi. Question de routine, de bien être après un moment de défoulement comme celui-ci. Rouler sur ma moto pendant une petite heure, puis rentrer, prendre sa douche, regarder une vidéo plaisante puis partir se coucher l'esprit et le corps tranquille.

   Alors que j'enfourchais ma Dynamight Ultimate de 98, on m'appelle dans mon dos. Steve le coach me fait des grands signes de la main, et s'élance dans ma direction.

— Pas de chance gamin, hein ? T'arriveras à faire mieux l'année prochaine, t'inquiète donc pas.

— Le seul qui s'inquiète, c'est toi Steve, répond-je en enfilant mon casque.

— T'as que 21 ans et toutes tes dents. T'as le temps de te faire rétamer.

— C'est pas pare que c'est une fille qu'il faut commencer avoir de mauvaises pensées, hein, continue-t-il.

— J'entend plus rien Steve, finis-je la conversation en allumant la moto. Bonne soirée, Steve. Rentre bien, Steve.

   Je dérape légèrement en mettant les gaz et en m'insérant sur la route. La circulation est complètement inexistante à cette heure avancée, et je dois me faire violence pour ne pas dépasser les limitations de vitesse. En tout cas, en ville. Car une fois le panneau franchi, le moteur chauffe, la moto vibre entre mes jambes et le vent souffle fort sur le casque. Le coin parfait pour une nouvelle clope n'est qu'à une dizaine de minute, assez pour se faire un peu du bien.

   En haut de la colline, j'ai une vue imprenable sur la ville. Les lumières des immeubles se mêlent à celle des étoiles, rendant le tableau presque féérique. J'allume ma cigarette en repensant au combat. J'ai encore des difficultés à tenir la durée. J'ai toujours été précoce, même à la naissance. Alors que je profitais encore un peu de l'endroit, mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Le numéro est celui du capitaine Nash. Bordel, c'est vrai que je suis de garde. Je prend quelques secondes pour réfléchir à mon prochain mensonge, et décroche.

— Capitaine ! Ça va, vous ?

— Je vous rappelle que vous êtes de porte. Et là, la porte est seule. Pourquoi ?

— Ho, vous avez, pause pipi, tout ça.

— Dans mon bureau, dans 10 minutes.

— Vous m'en laissez 20 ? demandais-je après un petit silence.

   Pour toutes réponses, le capitaine raccroche. Retour au travail plus rapidement, alors. Je n'ai pas forcément envie de me prendre une mise à pied pour quelques euros en plus à la fin du mois. J'enfourche donc rapidement ma moto, et mets le cap sur le centre-ville.


— Hé mon pote, ça va ?

   Je me réveille avec des douleurs dans tout le corps, comme si je venais une nouvelle fois de combattre. Ma tête tourne et tambourine, pire que le lendemain de soirée. La dernière chose dont je me souvienne, c'est que j'étais entrain de rouler. Route déserte, non accidentogène. Et il n'y avait ni camion caché dans un virage, ni appel urgent. Je me remet debout et découvre mon environnement. Ce n'est clairement pas celui que je connais, dont j'ai l'habitude. Mes habits sont les mêmes, j'ai encore mon casque et mon équipement de moto. Je fouille rapidement mes poches, la panique commence à me gagner. Je sens sous mes doigts, dans ma poche droite, un volume rectangulaire, puis je souffle de soulagement. Mes clopes sont encore là, c'est déjà ça.

   La personne qui m'a parlé pose sans main sur mon épaule, dans un mouvement d'inquiétude et de réconfort. Je reprend péniblement mes esprits. Il essaye de m'expliquer tout en détail, le pourquoi je suis là, c'est quoi "là". Bien compliqué à prendre en compte, encore plus à accepter. Mais il va bien falloir que je m'y fasse, il n'y a, pour l'instant, aucune possibilité de faire machine arrière. Un nouveau monde, de nouvelles personne, de nouveaux monstres. Je préférerai presque retourner dans le mien et me prendre une suspension dans les dents. L'homme se montre bienveillant et répond à toutes mes questions, même les plus inintéressantes, comme l'existence des cigarettes ici. Au moins une bonne nouvelle depuis mon arrivé.

   L'explication des "catégories" arrivent finalement. L'Église de l'Ordre, juste le nom me fait fuir. Retourner chez moi pourrait être une bonne idée, mais je ne mettrai pas forcément ma vie en danger pour quelque chose comme ça. Rien ne me pousse à revenir le plus vite possible, à par si j'apprend que ce monde si est sur le point de sombrer dans une méga explosion. La guilde ? Pourquoi pas. Je ne me débrouille pas si mal au combat, mais est-ce que je ferai vraiment le poids contre des monstres ? Vu les explications, je me dis qu'une vie de citoyen pourrait mieux me convenir. J'ai toujours rêvé d'être fermier, tiens.

— Et t'as un pouvoir aussi ! Tu sens pas un truc en toi ?

   Je regarde mes mains tendues devant moi, en les retournant. Un courant électrique bleu qui les parcours ? Pas du tout. Un fil d'araignée sortant des poignets ? Encore moins. Aucun changement, en tout cas, rien de vraiment notable. J'ai peut-être trop lu de manga finalement. Je m'attendais à avoir quelque chose d'hyper puissant, qui lance des rayons laser ou qui me permet de faire disparaître la moitié du monde en un claquement de doigt.

— Bon, c'est pas grave ça. Viens, allons manger. Je t'amènerai dans les alentours de la ville pour te trouver un petit coin sympa.


   Cela fait maintenant 5 ans que je suis arrivé à Portalia. J'ai finalement opté pour la catégorie "éleveur de carotte et de patate", qui me permet d'avoir une petite vie tranquille et sans soucis. Je ne dis pas forcément non à une petite quête de temps en temps, mais j'aime cette tranquillité de corps et d'esprit. J'ai trouvé une zone de terrain assez grande pour mes plantations, et qui me permettait de garder quelques mètres carré pour la future maison. Je mentirai si je dis qu'elle est complètement fini. Je possède une cuisine quelque peu décente, un lit et un toit. Franchement, je ne m'en tire pas si mal. La télé me manque, mais on s'habitue vite à ne plus avoir une migraine de chacal le soir quand on se couche.

   Côté pouvoir, rien de bien nouveau. Pas de super force, de capacité de vol ou même juste de l'invisibilité. J'ai eu la chance de pouvoir m'en sortir sans lui, merci la formation de police et les combats de boxe. Quand je repense à mon monde....oui, je suis un peu nostalgique. Mais on se sent tellement bien, ici. Pas la pression du boulot, pas les appels sans fin sur le téléphone, pas de bouchons à la sortie des boulots. Juste de la verdure à perte de vue. Et des monstres, oui. Et la menace d'une guerre mortelle, aussi. Mais bon, promis, on l'oublis vite.

Nick (de son vrai nom Nickolas, mais qui veut le savoir) est quelqu'un de très polyvalent, avec beaucoup de hobbies plus ou moins intéressants. Dans son monde, il était policier. Pas à un poste avec responsabilité, mais assez élevé pour avoir assez d'argent à la fin du mois. Il participe assez fréquemment à des tournois de boxe plus ou moins légaux, mais n'est pas assez fort pour pouvoir tout raffler. Il aime sortir le soir, se prendre des cuites monumentales et se réveiller à côté de on ne sait quoi. Il voue un véritable culte à sa moto chéri, et passe presque une heure chaque jour à l'entretenir (c'est bien la seule raison qui le pousserait à rentrer dans son monde). Il fume plus d'un paquet de cigarette par jour, et est assez content d'en retrouver à Portalia (même si ce ne sont clairement pas les mêmes et qu'il met plus sa vie en danger en fumant ça qu'en partant en expédition). Il participe à quelques quêtes de la guilde pour arrondir ces fins de mois (comprenez le, les patates et les carottes, ça ne rapporte pas beaucoup de blé). Il construit sa maison tout seul, pièce par pièce, petit bout de bois par petit bout de bois. En cinq ans, il a réussi à...faire une pièce et un cagibi qui lui sert de salle de bain.

Rebonjour par ici ! Comme promis, je reviens une fois que mon IRL s'est calmé. Bon, pas tout à fait encore un lac, hein, mais beaucoup mieux qu'avant ! Alors on va y aller tranquillement, tout en douceur, et ça passera sans soucis <3