Le couteau couvert de sang de l’assassine quitta le corps de l’homme qui s’effondra lourdement sous les yeux du jeune chevalier qui avait juré de le protéger. Derrière lui, le hurlement à glacer le sang d’Agorrhé creva la nuit alors que l’énorme créature lançait sa queue couverte de piques pour enfoncer le torse de la femme masquée aux couleurs du clergé pourpre. Le mal était fait et la révolution, portée par le seul charisme de celui qui venait de perdre la vie, allait échouer. Le clergé allait continuer à envoyer ses conscrits en croisade, à faire ployer les Catalystes et leurs chevaliers pour leurs idéaux datés et à étendre encore et toujours leur emprise tentaculaire sur le monde. Ses yeux jaunes plantés dans ceux de Gwennole, Agorrhé finit d’achever la tueuse d’un coup de dents. Leur télépathie, lien forgé par la magie et les rituels de l’ordre des catalystes, leur permettait d’habiter l’esprit de l’autre et leurs peurs s’y reflétaient. A l’aube, sans leur leader, les révolutionnaires allaient se faire purger par le clergé et ils ne pouvaient rien faire pour l’éviter.

Quand le portail nous a avalés, Ago et moi, je moisissais en prison depuis une petite semaine déjà. J’avais la dalle, j’avais soif, je puais comme un rat crevé et surtout j’avais toujours autant la haine. Ça avait été un vrai massacre. Tous les jours, de nouvelles exécutions de pauvres gars dont on avait mesuré la foi au montant de leurs taxes. Mes anciens professeurs de l’ordre des catalystes se relayaient pour me faire rentrer dans les rangs. Il faut dire que les gens comme nous sont rares. Tous ne peuvent pas nouer de lien avec ces forces à la fois bestiales et gorgées d’énergie magique que nous nommons les Catalystes par chez nous. Personnellement me lier à Ago ne m’a coûté que l’annulaire, si on omet les tatouages rituels et le poids que fait peser la télépathie forcée sur sa santé mentale. Sans me vanter, je fais partie des chanceux. Alors ils faisaient ce qu’ils pouvaient pour essayer de me récupérer.
Mais pas de chance pour eux, je ne peux pas encadrer ces foutus hypocrites pour qui « défendre la veuve et l’orphelin » veut dire d’aller collecter des taxes à grands coups de gnons dans la gueule. Nous n’avions certes pas pu renverser le clergé, mais je sais au fond de moi que notre cause est juste et qu’aucun des dieux dont ils prêchent la parole ne mérite notre vie et celles de nos enfants. Ago et moi étions prêts à crever pour la cause.

Vous la sentez venir, l’ironie du sort, hein ? Envoyé sur un autre monde pour servir un autre dieu ? Arraché à mon peuple, mon combat, ceux que j’avais juré de défendre pour servir un autre dieu ? Ouais… J’ai jamais été fan d’ironie. Surtout lorsqu’elle me coûte mon lien avec mon Catalyste.
J’ai su que quelque chose n’allait pas dès que je suis sorti du portail. Agorrhé n’était plus dans ma tête. Je ne la sentais plus nulle part. Elle n’était pas à mes côtés… Alors j’ai mis un moment avant de me rendre compte que la petite boule de poils que j’avais dans ma poche était ma partenaire. Privée de sa connexion à notre monde d’origine, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Un mix entre un chaton, un lézard et une chauve-souris. Toujours féroce, hein ! N’approchez pas trop vos doigts ! Mais notre lien avait disparu.

C’est pourquoi je jure de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour stopper l’Ordre et m’assurer qu’aucun autre être vivant n’aura à subir sa tyrannie.

Depuis qu’on est arrivés ici elle m’arrive aux genoux et ça la fait beaucoup râler. Piailler. Piauler ? Tout un tas de bruits fort désagréables qui me font regretter l’époque de notre télépathie. Elle a un sale caractère et un appétit monstrueux, au moins pour ça elle n’a pas changé.

Beh le noir et rouge c’est grave sympas dites donc ! Après, pour le nom…
Nah, je plaisante, ça me fait super plaisir de tomber sur votre bébé, il est grave grave cool (surtout que lui il se refreine de produire toutes sortes de fluides corporels dégueulasses qui puent. Bon bébé, brave bébé.)