Essence: Argent 1500
Renommée: Rang C 750



Dernière édition par Nephtys le Ven 15 Avr - 12:21, édité 1 fois

- Où est-ce que tu vas ?

S’incomba Justin, aîné et mentor de June, confortablement appuyé sur le dossier d’un fauteuil. Il venait d’abaisser un livre de lois du devant de son regard, laissant libre voie à la sévérité qui le caractérisait tant. Il avait vu sa subordonnée d’autrefois, désormais collègue en roue libre, s’affubler de ses longs gants qu’elle ne mettait que lors de deux occasions ; les procès, ou bien les entretiens, qu’importait la personne avec qui elle comptait échanger.

- Il n’y a pas d’assises aujourd’hui. Qui t’a invitée ?

- Une certaine Nephtys, de ce que j’ai compris, elle rend compte à l’Eglise.

- Méfie-toi.

- Tu la connais ?

- Ç’aurait été ta mère que je t’aurais dit de te méfier. Nous ne sommes peut-être pas des commerçants, mais bien du monde convoite nos faveurs pour les intérêts qu’elles apportent.

- Je ne suis pas idiote.

- Mais tu es une pragmatique, je t’ai peut-être tout transmis lorsqu’il s’agit de faire en sorte qu’un pauvre fou se retrouve derrière les barreaux, mais tu ne sais encore rien de ce qu’on appelle le « jeu politique ».
 
Attachant son chignon conventionnel, la plus jeune des deux personnalités de loi laissa filtrer un fin soupir d’entre ses lèvres. Elle se priva bien entendu de l’extravagance de faire rouler ses yeux vers le ciel, question de bienséance, mais il n’y avait pas de sensation plus désagréable que celle d’être encore considérée comme une simple apprentie. La semi-ange était certaine d’avoir passé le cap où on pouvait encore la prendre pour une idiote. Malgré cela, et surtout pour respecter l’expérience de son homologue, elle s’enquit.

- Qu’est-ce que tu me conseilles ?

- La subtilité du jeu politique réside dans le « savoir-dire ». Savoir dire assez, sans en dire trop, savoir dire oui, tout comme pouvoir dire non.

- Je sais très bien dire non.

- Justement. Trop bien. Ne rechigne pas à accepter ce qui te paraît légitime, mais en relations comme en procès, ne fais pas d’états d’âme.

 Achevant de serrer la sangle autour de ses cheveux, la femme de loi se regarda dans l’immense miroir qui hantait le mur de leur bureau commun. Dans son reflet, elle vit le même regard que d’habitude, droit, sévère, et légitimement sérieux. Ce n’était pas un thé qui l’intimiderait.

- Je serai de retour dans quelques heures.

- Bonne tasse.

Elle traversa les rues qu’elle côtoyait de près, dont elle voyait tantôt la paisible naïveté, et parfois l’immondice du visage qu’elle ne montrait que dans ses pires moments. Les gens du coin la connaissaient, elle était la chienne qui condamnait les leurs, la hyène qui riait sur le sort de ceux dont on passait les fers, celle qui n’avait pas la décence d’accorder aux jeunes la présomption de l’innocence. Elle était la harpie, la démone, la méchante du coin. C’était ainsi que cela devait être, pour maintenir un semblant de paix, il faut un montant substantiel de peur. Tant que la Justice terrorise, alors les gens craindront de s’y confronter, et plus ils craindront cela, moins ils ne pécheront.

Arrivant devant le manoir, June se surprit d’elle-même de l’opulence de certains membres de l’Eglise. N’était-ce pas ironique que de prêcher l’immatériel et de se complaire dans un tel confort excessif de vie ? La divinité n’avait pas besoin d’être cajolée, ni bercée par les bras soyeux du matériel. Tout ce qui se rapproche de la divinité, c’est le jugement qu’elle apporte au bon et au mauvais. Une fenêtre était ouverte, à l’étage, on l’attendait certainement. Frappant à la porte, la procureure garda la silhouette droite le temps qu’on lui ouvre. Elle se présenta de la manière la plus sobre qui soit, du moins, de ce qu’elle pouvait offrir.

- June Krisi. Il me semble avoir été conviée par Nephtys, j’espère ne pas trop être en retard.

Dernière édition par June Krisi le Lun 21 Fév - 0:37, édité 1 fois