Dernière édition par Le Malin le Lun 17 Juil - 13:10, édité 1 fois

Normalement j'imagine que le genre de tâche qu'on m'a déverser dessus pourrait énerver certains aventuriers. Même la plupart, à en juger par l'arrogance de certains d'entre eux qui ont l'égo fragile. Cependant je suis plus qu'à mon aise avec les tâches ménagère alors je sais très bien que ça sera du gâteau, pas que je saches ce que peut bien goûter la nourriture des mortels mais apparemment que "du gâteau" veut aussi dire "facile". Je secoue la tête d'amusement, ce qui m'amuse c'est vraiment la bizarrerie des humains, leurs expressions étranges, leurs émotions et leurs répulsion pour les tâches ménagères. Comme ci une tâche valait plus la peine qu'une autre dans son importance. Peut-être que c'est la capacité à leur vie de se terminer souvent de vieillesse, peut-être ont-ils peur de la mort à ce point qu'ils tentent de tout faire et tout inventer.

J'hausse les épaules, ce n'est pas vraiment important pour le moment, je dois faire mon travail, je veux faire plaisir à la guilde et j'ai aucune problème avec ce qu'on me demande de faire, j'ai même un certain plaisir à savoir que je pourrais réfléchir en paix toute la journée. Du moins c'est ce que je pensais avant que je n'entre dans la taverne. Aussitôt, j'ai eu droit à l'interrogatoire de la petite gamine assise sur le bar près du boss de l'établissement, un vieil homme aux épaules bien larges et carrées, une petit barbe grise taillée avec soin et un air peu accueillant. La gamine doit avoir cinq ou six ans tout au plus, elle est habillée joliment de teintes pastelles interrompues par ses long cheveux blonds tressés qui encadrent son petit visage bien rond, jovial. Elle a des étoiles dans les yeux, fascinée par mon apparition, semblerait-il.
Je devrais peut-être aimer l'admiration, me laisser flatter par la curiosité de la petite.. mais j'en suis un peu exténué, je n'aime pas l'attention, ça détourne de faire mon travail et j'aime pas beaucoup les gamins. Simplement car ils ne peuvent rien m'apprendre de pertinent et qu'ils sont des poids morts pour la productivité.

- Haaa?!? Vous avez une armure de bois ou vous êtes fait comme ça? Vous avez l'air d'un magicien, vous connaissez des tours? Montrez-moi monsieur! S'il vous plait monsieur de bois!

Je fixe le vieux d'un air suppliant, sa gamine, si c'est bien la sienne, elle vient de me traiter comme un charlatan qui fait des tours dans des fêtes pour enfant, l'insulte me fait mal et je ne connais même pas la douleur. En plus elle me demande si je suis vraiment fait de bois, mais elle pense quoi au juste, qu'une armure de bois c'est plus efficace qu'une armure antique? Que je porterais une armure pour faire de la magie?

- Anémone, laisse l'aventurier tranquille, il est là pour relaxer comme tout nos clients
- Merci monsieur le tavernier mais en fait c'est plutôt pour travailler que je suis là aujourd'hui, j'ai été envoyé par la guilde pour vous aider et faire quelques tâches ménagères.

Le regard de l'homme ne semble pas changer vraiment, ça parait bien qu'il en a vu de toutes les couleurs le vieux. Il me jauge de haut en bas et me fait signe de le suivre en se dirigeant vers un rideau qui mène derrière. Je vois que la gamine à l'air déprimée de s'être fait taire par le vieil homme mais elle me fixe quand même avec intérêt.
Je n'y porte pas plus d'attention, je suis mon employeur temporaire qui m'amène à un endroit qui ne me fait pas trop plaisir, la cuisine.

Dernière édition par Grisley le Dim 20 Fév - 7:12, édité 1 fois

Je tente tout de suite de le dissuader, voyant la direction qu'il emprunte en m'amenant dans sa cuisine de taverne.

- Non non non monsieur, vous ne pouvez pas me faire faire ça, c'est pas dans mes compétences vraiment, je n'y connais rien. C'est pas une bonne id...

Il me coupe la parole avec un ton autoritaire qui me mets dans un état de soumission totale, j'ai perdu toute envie de rouspéter.

- Bonne idée? Écoute moi bien petite bûche, je me fiche de savoir si c'est une bonne idée ou pas, tu es là pour aider alors tu vas faire ce que je demande. Mon cuisinier est malade, il n'est pas rentré alors tu vas prendre sa place. Le ménage, je trouverais un moyen de m'en occupé le plus possible et tu feras le reste après, quand on aura terminé de nourrir tout le monde. Je n'ai pas beaucoup de patience et je ne suis pas entré dans le business pour me faire répondre par un nabot d'arbuste à la con. Alors tu peux faire ce que je te dis, ou sinon tu me serviras de bois d'allumage pour le foyer. ON EST CLAIR?

Je ne dis rien, je commence simplement à me mettre à l'ouvrage, par peur de le contrarier de plus ample mesure. Le vieil homme sort une pipe et s'allume un peu de tabac avant de repartir devant au bar, l'air satisfait par mon silence et mon travail.
Je lis les recettes deux ou trois fois chacune et je dois chercher où se trouvent les ingrédients et les outils de travail à plusieurs reprises mais je prends quand même un certain rythme qui me semble acceptable. Le vieux tavernier ne m'a pas crier dessus depuis plusieurs minutes alors c'est bon signe je pense.

C'est alors que la gamine de plus tôt entre dans le cuisine et elle s'assoit sur un banc derrière moi, dans un coin de la pièce. Elle a une sucette dans la gueule et semble très amusée par la scène : un pantin de bois qui cuisine maladroitement en courant partout.

- Tu sais, faut pas en vouloir à Sylvio, il est pas si méchant qu'il en à l'air! Il est simplement comme ça depuis que papa et maman sont… Enfin vous voyez!

Je continue mon travail en faisant mine de ne pas l'avoir écoutée, mais j'ai une minuscule boule dans le ventre, je trouve ça bien dommage pour la petite Anémone et ce vieux grincheux de Sylvio, ma curiosité finit par prendre le dessus sur moi.

- Je suis désolé pour vous.. Ça fait longtemps?
- Trois ans!
- Je vois… Et c'est arrivé comment? Tu n'es pas obligé de répondre si tu n'en a pas envie.
- Je ne m'en souviens pas trop, j'avais seulement deux ans, mais papy dit qu'ils étaient des aventuriers, comme lui avant qu'il prenne sa retraite. Il m'a raconté qu'ils sont morts en mission mais il en dit pas bien plus. Je pense qu'il sait tout mais qu'il essaie de me protéger.

Sylvio aventurier… j'arrive à l'imaginer facilement, une belle essence rouge faisant des ravages parmi les forces du Chaos. Ça explique aussi pourquoi il a du mal avec moi, avec les aventuriers en général surement, il souffre encore du deuil de sa famille.
Un long silence s'installe dans la cuisine, on entend seulement le bruit des repas qui sont apprêtés avec soin. Anémone finit par briser ce calme avec une question.

- C'est quoi votre nom?
- Grisley, Grisley de Bleuepierre.

Elle semble réfléchir à une prochaine question

- Pourquoi t'es tout en bois?
- Parce que j'ai été créé ainsi par un grand mage qui voulait un…

Je m'arrête pour penser un moment, je décide d'avouer mon interprétation plus douce de la vérité.

- Un ami, il voulait avoir un ami car il vivait seul dans une grande grande tour.

Je jette un coup d'œil à la gamine qui semble émerveillée, on peut presque voir des étoiles dans ses pupilles. Un sourire discret se forme sur mon visage, malgré moi.

Je passe ainsi une bonne heure et demi à parler de ma vie d'avant, de mon monde à la jeune fille. Je parle des dragons, des guerres comme si je les avais vues de mes propres yeux taillés. Je lui parle aussi d'Elisius et de ses enseignements ardus ainsi que mes nombreux périples en tant que chasseur de primes. Je fais exprès d'omettre la tragédie de la fin de mon maître et seul ami, me disant que je préfère faire sourire la gamine que de la faire pleurnicher pour rien.
Je fais tout cela en maintenant mon travail de cuistot mais la charge diminue rapidement jusqu'à ce que je n'aies presque plus rien et finalement rien du tout à faire. Je passe donc près de vingt minutes à terminer mes récits d'aventures à Anémone qui boit mes paroles comme un assoiffé du désert ayant découvert un oasis rempli d'eau potable. Je suis vivant pour une fois et je brille en tant que conteur, chose que je n'avais jamais réellement soupçonné auparavant.

Je me fais finalement interrompre quand le vieux Sylvio toussote derrière, il tient en équilibre sur son épaule accotée contre le cadre de porte en bois tremblant. Il a l'air presque attendri par la scène, apaisée de voir sa petite-fille s'amuser je pense.

- Bien, tu as fais du boulot correct, je dois bien l'admettre… Les gens ont commencé à boire et pas que pour accompagner leurs repas. Alors tu vas pouvoir te mettre au ménage. J'ai un employé qui est arrivé alors il va faire le bar et la cuisine. Moi je vais aller me reposer dans l'inventaire un peu.

Ayant appris ma leçon la dernière fois, je ne questionne pas sa parole et je me mets aussitôt au travail. Je prends un grand sceau et je le remplis d'eau savonneuse, dans lequel je laisse flotter quelques brosses de différentes tailles et formes. Sylvio ne prends que quelques secondes à m'observer commencer avant de se diriger vers l'arrière des cuisines d'un air approbateur qui me soulage un peu.

Anémone elle fait une mine triste de me voir partir faire le ménage, elle ne compte surement pas me suivre dans des travaux aussi barbants.

- À plus tard Grisley…
- À plus petite fleur. Je te raconterai d'autres périples quand j'aurai terminé.

Sur cette promesse, elle reprend un grand sourire et se met à chantonner une comptine populaire.
Je commence par aller laver des tables dans la salle à manger et puis je nettoie la vaisselle utilisée avec vitesse, je ne m'attendais pas à ressentir de nostalgie mais je ne peux pas m'empêcher de repenser à mes vieux jours auprès de mon vieil ami mort. Je me rends compte aussi que la plupart des tâches ménagères permettent de perfectionner les mouvements que je fais lorsque j'incante des sortilèges.
Il me semble que cette réflexion je l'avais déjà eue dans le passé… J'avais oublié ? Possiblement. Pourquoi est-ce qu'Elisius m'avait fait faire autant de tâches alors, pour me préparer à la magie ? Si c'était le cas, cela voudrait dire que j'ai toujours eu la capacité d'apprentissage, que j'ai toujours pu faire usage de perfectibilité !  

Pendant le reste de mon nettoyage je pense à toutes les choses que j'ai apprises depuis mon arrivée à Portalia et ce que me nouvelle théorie peut m'apporter.

Et si ce genre de tâche pouvaient aussi me servir à mieux manier des armes comme des épées comme celle que j'ai faite avec Tera ou un bâton comme celui que j'ai utilisé dans mon entraînement contre Ryuusei. C'est en nettoyant les murs de la salle de bain que je m'imagine armé et combattant des monstruosités du Chaos. Au début je suis lent, mes mouvements sont teintés d'hésitation, de peur.
Au fur de l'avancement de mon travail, mes gestes deviennent plus assurés, plus rapides. Je me vois frapper avec force dans les petites créatures que j'ai pu voir jusqu'à présent. Je frappe avec fatalité, offrant des morts avec vitesse et justesse. Bien sur c'est plus facile y penser que le faire dans la vraie vie, mais c'est un grand pas de géant pour moi.

Je termine le nettoyage de cette salle, satisfait de mon avancement et me prépare à faire la même chose partout dans la taverne. Je me promets d'aller essayer de combattre les créatures plus faible seulement au bâton et de la bonne compagnie de sureté. Je veux être capable de m'y débrouille et ne pas faire que de la magie tout le temps, sinon je ne ferais sans doute pas long feu si je tombe sur une créature immunisée à la magie et que je me retrouve seul.

Je repense à tous ce que j'ai appris, une chose me chicotte un peu. Cela fait très longtemps que la quête contre le Chaos est commencée mais pourtant, aucun roi n'a encore été observé. D'ailleurs si des créatures aussi puissantes existent, pourquoi n'ont-elles jamais attaqué Portalia d'elles-mêmes? Ce n'est pas la première fois que j'y réfléchis et plus j'y pense, plus j'ai de questions. C'est un véritable mystère et j'ai peur d'en découvrir la clé. Nous devrions penser à mieux protéger notre flambeau d'espoir, avant que le Chaos ne tente de l'éteindre pour de bon.

Après avoir terminé de faire tout le ménage, il commence à se faire un peu tard et il ne reste plus beaucoup de client dans l'établissement, tous dorment dans leurs chambres, sont sur les tables, ivres morts ou alors sont partis chez eux depuis longtemps.

Je vois alors le vieux Sylvio qui tient la petite Anémone qui dort à moitié dans ses bras, il me lance un regard approbateur, il a du noter la qualité de mon travail. Il va porter sa petite fille au lit et reviens ensuite, surement pour me libérer de mes fonctions.

Le papi tavernier se plante devant moi avec sa stature militaire étirée dans toute sa splendeur. Il doit bien avoir une ou même deux têtes de plus que moi. Cependant je ne suis pas intimidé par lui comme au départ. Il a un sourire nostalgique et il a l'air un peu.. triste, vulnérable.

- Je voulais te remercier.. Anémone a beaucoup apprécier ta présence et tu as fais un excellent travail petit pantin.

Il titube jusqu'à l'arrière du bar et s'assoit dans un grognement sourd. Il ramasse ensuite une large bouteille extravagante de rhum noir épicé dont il se sert une lichette dans une joli verre servant surement aux occasions spéciales.

- Tu devrais revenir quand tu le peux et donner des nouvelles, ses parents lui manquent. Ils étaient eux aussi des-
- Des aventuriers. Je sais bien.. Elle m'a tout dit. Il est rare pour moi de me lier d'amitié avec des humains ou d'autres créatures intelligentes mais j'apprécie cette petite, je vous apprécie vous aussi Sylvio. Je pense que vous êtes de bonnes personnes et je compte bien revenir pour aider dans mes temps libres si cela vous plairait.

Le visage du vieux vétéran s'illumine l'espace d'une seconde à mes paroles, il semble qu'il ne demandait pas que pour sa petite, mais aussi pour lui-même. Je vois ses yeux s'inonder pendant un instant mais il ravale sa tristesse momentanée et se reprends pour  que je ne le vois pas faire, il essuie ses yeux pour effacer ses larmes.

- Ma porte te sera toujours ouverte si c'est ton désir. Mais sache que tu sera un client, pas un esclave ni un employé!
- Très bien monsieur!

Je prends ce qu'il vient de me dire au pied de la lettre, je viendrais ici chaque semaine pour raconter mes histoires passées à Anémone en sachant que le vieux Sylvio tendra une oreille indiscrète en secret.

- Maintenant ouste vermine!
- Merci pour cette journée, elle m'a été bien plus utile que je ne l'aurais pensé, je reviendrais bientôt alors.

Je me retourne pour lui faire dos et je sors de la taverne avec un sentiment de satisfaction, j'ai pu faire le maximum de ma mission et c'est ainsi que je me dirige vers la tour de la guilde pour aller faire confirmer la complétion de celle-ci.