L'indifférence pour faire une différence [Grisley & Evelyne] - (Terminé)

Le soir d'une pleine lune, le moment parfait pour une promenade solitaire vers la place des portails. Du moins, c'est ce qu'avait pensé le pantin avant de s'y mettre en route de la tour de la guilde. Les nuits étaient toujours très longues pour lui, qui ne dormait jamais par manque de ce besoin. Ça lui arrivait donc de temps à autres d'aller déambuler en ville à des endroits aléatoires pour changer des ses séances d'études interminables. Le bestiaire des monstres, il l'avait déjà lu et relu par coeur, si bien qu'il cassait les couilles à tout ceux avec qui il partait en aventure en explicant tout comme s'il était un moteur de recherche sur pattes. La magie et les différentes espèces étant sorties des portails, il les connaissaient toutes maintenant, ayant aussi étudiés les registres pendant ses nuits de solitude perpétuelle.

Arrivé à la place, il s'assit près d'une grande fontaine et observa pendant un long moment les cieux étoilés et les rares nuages qui le traversait. Parfois il dirigeait son attention sur la lune et pensait à la notion d'univers multiples et des différents mondes, c'était bien la seule notion qui arrivait à le troubler réellement d'ailleurs ; cette lune, il jurerait qu'elle était identique à celle qu'il regardait autrefois sur Cendriar, son monde. Les mondes avaient-ils tous la même lune? Le même soleil? Et si c'était le cas, quelles autres règles régissaient tous les autres mondes? Encore une fois le pantin avaient trop de questionnements et trop peu de réponses pour venir satifaire sa curiosité, souvent exponentielle.

C'était une maladie, un tel comble, qu'il dût se forcer à oublier cette notion un instant et regarder l'un des portail principaux. Qui serait-donc le prochain inconnu à passer par là? Avec un peu de chance, il aurait le privilège d'être le premier présent sur les lieux, pour une fois. Il fouilla dans sa poche et en sortit un gil pour le jeter dans la fontaine, en y faisant le souhait officiel de voir quelqu'un de nouveau passer dans le portail.

C'est alors que, soit par coincidence, par destin ou encore par chance immaculée, le portail s'activa, il semblait effectivement y avoir quelqu'un qui s'apprêtait à en sortir. Le pantin se leva alors aussitôt et se précipita vers l'évènement, complétement bouche-bée que son souhait ait été exaucé immédiatement.

Arrivé à une poignée de mètres du portail actif, l'homme en bois s'arrêta et attendit avec une excitation bien dissimulée qu'il puisse voir la personne ou encore même la chose qui allait traverser avant de dire quoi que se soit.

Dernière édition par Grisley le Jeu 16 Déc - 2:30, édité 1 fois

Cela faisait de nombreux mois qu'Evelyne invoquait la pitié des divinités. Elle posait un genoux à terre, joignait ses mains étrangement, gardait ses yeux clos et murmurait des paroles incompréhensibles, presque inaudibles, tandis que les traits de son visage s'étiraient en une moue semblant refléter la douleur que la jeune tieffeline ressentait au plus profond de son être.
A la fin de ses incantations chuchotées, Evelyne ouvrait ses yeux blêmes et fixait longuement la peinture représentant une créature humanoïde sans visage accrochée au mur. Il n'y avait aucune réaction, aucun signe, aucun bruit. Rien.
Alors, la jeune femme se relevait et rejoignait la fenêtre pour y admirer le paysage gâché par la barrière magique qui avait été installée à sa fenêtre pour l'empêcher de s'évader, puisqu'elle avait déjà tenté à plusieurs reprises une telle chose par le passé.
Soupirant, elle rejoignait sa porte pour s'y adosser et attendre que quelqu'un, n'importe qui, vienne rompre ce silence pesant qui engloutissait nuit et jour la pièce dans laquelle elle se trouvait condamnée à vivre... En attendant, elle resassait son passé et ses souvenir lointains lui revenaient brièvement en mémoire pour l'affliger davantage.
Or, cette nuit ne se passa pas comme elle en avait l'habitude. En effet, lorsqu'elle termina sa prière, elle observa la peinture et elle eut l'impression que la personne dépeinte sur la toile venait de tourner la tête comme pour mieux l'observer. Fronçant les sourcils, Evelyne pencha légèrement la tête sur le côté et se releva pour s'approcher un peu du tableau, intriguée par ce mouvement surprenant. Poussée par une force qu'elle n'aurait su expliquer en cet instant, sa main se dressa et s'approcha de la toile pour l'effleurer.
Une décharge se déversa alors dans tout le corps de la jeune femme qui gémit avant de se reculer un peu, surprise... Elle découvrit alors, dans le mur à côté de là où se trouvait la toile, un portail intriguant...
Elle l'observa durant quelques secondes, puis elle sursauta au moment où quelqu'un frappa à sa porte avant de commencer à la déverrouiller. Elle reporta son attention sur le portail qui s'était dressé devant elle et, sans attendre une seconde de plus, s'y jeta. Elle avait tenté à maintes reprises de quitter ce château, de quitter ces gens qu'elle méprisait, mais à chaque fois, elle avait été empêchée par diverses raisons.
Cette nuit, les divinités avaient été touchées par ses prières et elles avaient décidé de la sortir de la une bonne fois pour toutes. C'était donc là sa chance de s'enfuir de ces griffes et commencer une nouvelle vie.
Le trajet sembla durer à la fois une éternité et une fraction de seconde. Tout allait si vite et si lentement. Tout tournait, elle avait l'impression de voler, de tomber, de léviter. Tout était si confus.
Elle arriva enfin sur la véritable terre ferme et elle dut reprendre son souffle et ses esprits durant quelques secondes. Lorsqu'elle se redressa, elle releva aussi son regard ivoirin sur ce qui l'entourait et elle découvrit bien vite un individu au chapeau imposant qui semblait l'observer... Elle fronça les sourcils avant de se redresser complètement sans arrêter de le détailler, intriguée par qui il pouvait être et quelles pouvaient être ses intentions envers elle. Quelle langue parlait-il? Elle avait beau être plurilingue et certaine d'être en mesure d'échanger avec lui, elle était trop confuse et méfiante pour commencer un quelconque dialogue avec lui...

Pour n'avoir jamais vu l'apparence réelle d'un vœu sur pattes, il aurait été difficile de juger de la nature réelle de celle-ci. Elle avait des cornes lui rappelant celles des démons de cendres de son monde d'origine à lui. Cependant, elle n'avait presque rien d'autre en commun, ses yeux pâles suggéraient une certaine méfiance de l'inconnu et un passé torturé par d'horribles expériences. Sa peau était d'un gris plomb et ses cheveux d'un noir brillant. Les marques blanches parcourant son visage faisait un magnifique contraste dans son visage, comme si sous ses airs de nervosité cachaient un courage et une certaine pureté.

Le pantin comprit alors qu'elle devait se poser beaucoup de questions et peut-être même avait-elle peur de lui sur le moment. Il recula donc d'un pas en levant lentement ses mains en signe de paix.

- Bienvenue à Portalia, vous avez sans doute beaucoup de questions. Je t'en prie, n'aie pas peur, vous êtes ici en sécurité. - Le mage retira son imposant chapeau pour se présenter poliment - Je me nomme Grisley… Grisley de Bleuepierre. Vous venez de quitter votre monde, invoquée dans celui-ci pour combattre le Chaos au nom de l'Ordre.

Il s'arrêta pour observer la nouvelle venue, il ne voulait pas tout lui déballer trop rapidement toutes les informations, de peur de la traumatiser dès son arrivée dans sa nouvelle vie. En même temps, qu'allait-elle faire? Repartir? Et bien bonne chance pour ça, si c'était aussi simple, Portalia ne serait pas aussi animée.

- Quel est votre nom madame? Il serait indigne de moi de ne pas vous connaitre un minimum avant de vous révéler toute l'affaire dans laquelle vous avez mise vos pieds. Après tout, ce n'est pas une petite affaire, donc je crois qu'il serait important de prendre notre temps pour bien vous expliquer tout cela. Vous avez de la chance de ne pas avoir été accueillie par la même personne que moi… ou pas!

À la regarder, elle devait être une essence bleue, ou peut-être verte à la rigueur. Il se sentait donc bien chanceux d'avoir l'habilité de la stoppé si elle tentait de la magie. De plus, les essences bleues avaient souvent la bonne fortune de se comprendre entre eux, étant souvent des être pensant de manière très particulière, bien au chaud en dehors des normes habituelles.

Le pantin demeurait curieux à propos d'une chose, avait-elle entendu la voix de l'ordre comme lui l'avait entendue? Était-ce pareil pour tous qui étaient entrés par le portail de l'Ordre? Il décida qu'il lui demanderait aussitôt qu'il aurait terminé de lui expliquer tout ce qui se passait ici dans ce monde et pourquoi? D'ailleurs rien ne pressait réellement, la quête avait commencé il y a 2000 ans alors elle n'était pas prête de finir.

Il se demanda aussi vers quel faction de Portalia se dirigera la… personne devant lui, une humaine? Bref, elle semblait du genre à avoir vécu assez de souffrances pour en arriver là, elle serait surement une civile, ou encore une membre de la guilde pour aider les aventuriers à se mettre à l'action.

- Pardonnez-moi, mais je dois demander car ça attise pas mal ma curiosité, mais... vous n'avez pas l'air humaine si je ne m'abuse. Pas que ça soit un problème au contraire, tout le monde est très différent ici et même moi je suis un pantin de bois animé par la magie d'un sorcier. Mais, vous êtes quoi? Je n'ai jamais vu une créature aussi jolie voyez-vous.

En attendant qu'il prenne la parole ou qu'il fasse quoi que ce soit, Evelyne avait baladé son regard lilial sur lui, tentant de déceler non seulement ses potentielles armes ou capacités, mais aussi ses intentions envers elle. Elle ne découvrit pas d'arme à première vue, mais d'après sa tenue, il devait savoir maîtriser certaines pratiques magiques. Mieux valait donc rester sur ses gardes.
Aussi, elle n'était pas vraiment... A l'aise avec les contacts sociaux. Il fallait dire qu'elle n'avait pas tellement pu en profiter ces dernières années. Les seules personnes qu'elle avait côtoyées avaient été des gardes, l'homme et la femme qui l'avaient élevée, ainsi que quelques employés du château. Au fil du temps, elle avait appris à vivre seule, à se terrer dans le silence, à resasser ses pensées sans pouvoir les partager avec qui que ce soit. Pourtant, la présence de cet inconnu lui faisait du bien, tout comme le fait de se retrouver de l'autre côté de sa fenêtre scellée. Elle avait l'impression de respirer un grand bol d'air frais composé d'un souffle de liberté et d'une brise de renaissance.
Lorsqu'elle remarqua qu'il se reculait d'un pas en levant ses mains devant lui, elle sentit ses muscles se détendre légèrement, mais elle ne le lâcha pas pour autant du regard. Si son "père adoptif" lui avait bien enseigné quelque chose, c'était de rester prudent quoi qu'il puisse arriver. Il lui avait aussi intimé qu'il fallait rester méfiant envers ses amis, car "c'étaient ceux dont on redoutait le moins les actes malveillants et c'étaient, par conséquent, les premiers à nous poignarder dans le dos dès qu'ils en avaient l'occasion".
Elle écouta pourtant ses paroles attentivement. Portalia... Elle n'en avait jamais entendu parler. Est-ce que ce mystérieux portail l'avait téléportée tout droit sur une autre planète, dans une autre galaxie, ou carrément dans une autre dimension?... Un frisson parcourut toute son échine, mais elle resta pourtant bien droite, comme pour prouver qu'elle restait sereine malgré ce changement déstabilisant qu'elle vivait depuis quelques minutes désormais.
Elle le vit ensuite retirer son immense chapeau et elle découvrit alors son visage entièrement bandé... Etrange. Surprenant. Perturbant. Mais la jeune tieffeline, encore une fois, ne se départit pas de son calme et elle l'écouta encore.
Il venait de lui donner des réponses et même plus que ce qu'elle aurait pu espérer... Elle venait donc d'arriver dans un autre monde, à Portalia, et était désormais destinée à "combattre le Chaos au nom de l'Ordre"... Oui, elle avait entendu parler de ces affaires belliqueuses, mais jamais elle n'aurait imaginé y être confrontée un jour.
Elle déglutit légèrement, sentant monter en elle un mélange de crainte et d'excitation. Elle qui avait toujours rêvé de vivre de grandes choses, eh bien voilà qui était sur le point de se produire! Mais d'un autre côté, tout se passait si vite. Elle avait un peu de mal à réaliser, à assimiler toutes ces choses.
Alors qu'elle était déjà en train de se perdre dans ses pensées, la voix de l'individu l'en sortit, attirant ainsi son attention une nouvelle fois.
A nouveau, elle l'écouta jusqu'au bout et se demanda bien qui avait pu l'accueillir... Et puis, elle n'était pas certaine de percevoir clairement ce qu'il entendait par là... Pour l'instant, elle devait avouer qu'elle était relativement soulagée d'être accueillie par un individu qui semblait aussi bienveillant. Elle aurait certainement pu tomber sur un individu bien moins chaleureux. Et c'était peut-être ce que lui, Grisley Bleuepierre, avait subi lors de son arrivée à Portalia.
Alors qu'elle était sur le point de prendre la parole pour lui répondre, il la devança en lui révélant qu'il était un "pantin de bois animé par la magie d'un sorcier". La jeune femme fut dans un premier temps surprise, puis son sentiment de surprise se métamorphosa en fascination... S'il ne lui avait pas fait une telle déclaration, elle n'aurait pas été en mesure de soupçonner une telle chose. D'autant plus qu'elle n'avait jamais rencontré de pantin auparavant. C'était complètement inédit pour elle.
Il lui demanda par la suite ce qu'elle était. Mais ce qu'il ajouta par la suite la troubla profondément. Quelle était cette sensation, ce sentiment qui s'emparait dangereusement de tout son être? Alors qu'elle était prête à lui répondre, elle se sentit soudainement incapable de prononcer le moindre mot, comme pétrifiée par une force qu'elle n'était pas en mesure de contrôler.
Il lui fallut quelques secondes pour redevenir maîtresse d'elle-même. Une fois qu'elle se sentit prête, elle prit une grande inspiration, puis elle se décida à prendre la parole.

- Je me prénomme Evelyne Noblelune.

Sa voix était aussi douce que de la soie et aussi claire que l'eau d'une source divine.
Concernant son espèce, elle n'était pourtant pas certaine de devoir répondre en disant la vérité ou en inventant un mensonge pour se préserver... En effet, les tieffelins descendaient plus ou moins directement d'un demi-fiélon, être possédant du sang de démon, et certaines personnes considéraient les tieffelins comme des créatures démoniaques à éradiquer absolument. Certains d’entre eux étaient effectivement particulièrement malveillants, mais ce n'était pas le cas de la jeune femme. Néanmoins, elle redoutait que si Grisley venait à prendre connaissance de ses origines, il ne veuille sa mort. Mais, d’un autre côté, il n’avait pas réellement l’air de connaître son espèce, donc elle espérait ne pas prendre trop de risques en lui dévoilant cet aspect d’elle-même.
A nouveau, il lui fallut quelques secondes pour réfléchir puis prendre la parole pour lui répondre.

- Je suis ce que l'on appelle une tieffeline.

Elle fit un pas timide en avant, s'arrêta, son regard toujours planté dans celui du pantin.

- Merci de m'avoir accueillie...

Elle commença à se demander à quel point il percevait les choses humaines, à quel point il était doué de raison. Non pas qu'elle le sous-estimait, bien au contraire. Elle était vraiment fascinée par sa nature de pantin. Elle voulait en savoir davantage à son sujet.
Pourtant, elle préféra d'abord poser ses questions sur des choses plus cohérentes par rapport à la situation.

-Savez-vous pourquoi j'ai été invoquée ici?... Enfin, je veux dire... Je sais à peine me battre, me défendre, utiliser correctement la magie qui m'a été assignée. Alors pourquoi m'avoir invoquée ici pour combattre le Chaos au nom de l'Ordre?... Honnêtement, je ne suis pas certaine de pouvoir remplir un tel rôle correctement.

Elle se mit à triturer ses doigts nerveusement, espérant qu'il aurait une réponse à lui donner, lui qui semblait savoir de nombreuses choses. Elle réfléchissait elle-même à son invocation, se demandant s'il s'agissait de la volonté des divinités  ou d'autre chose, tandis que son regard lilial était toujours posé doucement sur l'individu qui se tenait encore devant elle.

La voix de l'inconnue était comme la brise d'un matin chaud, une voix empreinte de pureté comme les traits de son visage. Il nota cependant un léger grincement rauque dans les premiers mots de celle-ci, comme des engrenages n'ayant pas travailler depuis lustres. Le pantin en déduit donc que la femme n'avait pas parler depuis un très long moment. Un silence suivi ses mots accompagnée par une brise froide de la nuit, Evelyne Noblelune. Tiens? Quelle coïncidence, arrivée pendant une pleine lune en plus d'y être très clairement associée à se qu'en pouvait dire le mage, en se fiant à son analyse rapide du moins.

- Chère tieffeline nommée Evelyne Noblelune. Alors au risque de me répéter, vous êtes ici la bienvenue à Portalia, terre qui se retrouve ravie de vous accueillir dans la cause de l'Ordre. Je vous garantie que chaque personne y trouve sa place. Chacun contribue à l'enrichissement de nos ressources dans cette longue guerre.

Une pause petite pause s'en suivi

- Il me fait le plus grand des plaisir d'avoir l'honneur de vous accueillir, croyez moi gente dame.

Le pantin se surpris à la fixer avec beaucoup d'intérêt, quel était ce drôle de sentiment en lui, il se sentait si nerveux et à la fois si tranquille en sa présence. Lui-même n'avait jamais entendu parler d'un tel sentiment, venait-il de découvrir quelque chose de nouveau? Il ne saurait le dire, mais, il avait envie de rester en la présence de la jeune tieffeline devant lui, de la protéger.

Sa raison le ramena alors de son court écart avec la situation, il se devait toute même de répondre à ses questionnements en ce qui attrayait à la fameuse mission des invoqués.

- Vous savez comment fonctionne le temps et l'espace miss Noblelune?

Quelle question, il n'y avait pas une âme qui le savait réellement ou presque, cependant, Grisley en savait un bon rayon sur le sujet et avait fait sa propre idée depuis son arrivée en ce monde sur l'origine du rituel d'invocation. Sans s'attendre à une réponse positive, il poursuivit alors dans un discours.

- Nous, vivons dans une réalité, ce qui constitue cette réalité est une série d'évènements et de possibilités éteintes. Par exemple, que serait-il arriver si vous n'aviez pas emprunter le portail? Et bien, j'ai observé longuement les différents invoqués qui sont arrivés ici et j'ai questionné nombres d'entre eux pour en arriver à une conclusion, chacun d'entre nous sommes de la réalité dans laquelle nous avons développé le potentiel de puissance et non la puissance elle-même, la plus optimal. Peut-être donc ne vous sentez-vous pas assez forte pour faire face à cet évènement, ou encore peut-être que je me trompe sur toute la ligne. Mais si j'ai raison, vous possédez, comme tous les autres passé par là avant vous, un potentiel unique pour devenir puissante.

Grisley eu envie de rire nerveusement, il l'avait encore fait, déverser ses grandes théories bien trop poussées sur une pauvre personne ayant eu le malheur d'attiser son esprit de chercheur. C'était l'une des rares fois où il aurait bien apprécié de pouvoir disparaître là, maintenant. Il ne savait pas trop pourquoi il réagissait de la sorte avec cette Evelyne en particulier.

- Je m'excuse, je me laisse parfois emporter dans de folles idées de magie et de science… Je ne voulais pas vous faire peur non plus. Si jamais vous voudriez réellement développer votre potentiel, il y a dans les bordures de la ville, un terrain d'entrainement avec des monstres assez simples à tuer. Je vous suggère d'y aller de temps à autres avec un autre aventurier pouvant assurer votre protection et vous aider à vous améliorer. D'ailleurs, je suis toujours partant pour accueillir quiconque en aurait besoin dans ce genre d'aventure!

Mais qu'est-ce qu'il racontait là, ce n'était pas son genre de perdre le contrôle comme ça, sachant très bien qu'il refusait aventure à la grande majorité des gens par peur de tomber avec des bons à rien ou autres bras-cassés. Avait-elle poser un sort sur lui? Un charme? Impossible, les invoqués n'avait pas la puissance magique nécessaire pour l'affecter! En plus elle était une essence bleue, elle venait de le confirmer, Grisley regrettait ce qu'il venait de dire, mais il n'avait pourtant pas pu s'en empêcher.

N'ayant pas beaucoup d'expérience ou de connaissances des sentiments positifs, il n'avait là véritablement aucune idée de celle qui l'animait présentement, mais elle était assez forte pour qu'il la sente et il avait un mauvais pressentiment par rapport à elle. Il était trop tard pour essayer de revenir sur ses mots car la tieffeline allait lui répondre à l'instant même.

Au fil des mots articulés par le pantin, la jeune femme sentit tous les muscles de son corps se détendre peu à peu. Il était parvenu à la rassurer et à la réconforter dans ses idées défaitistes. Ses craintes s'envolant les unes après les autres, elle se sentait plus légère, plus décontractée, plus à l'aise. Et elle se délectait pleinement de cette sensation de bien-être. Elle qui n'avait jamais vraiment connu un sentiment aussi authentique, là voilà désormais comblée.
Ensuite, lorsqu'il affirma qu'il était ravi de l'accueillir, elle sentit à nouveau cette sensation étrange s'emparer de tout son être. Sensation qui était d'ailleurs d'autant plus attisée par le fait qu'il la regarde avec autant d'intensité... Elle avait beau ne pas pouvoir croiser son regard à proprement parler, elle pouvait tout de même bien percevoir l'insistance avec laquelle il l'observait. Elle voulait comprendre ce qu'elle ressentait et pourquoi. Mais pour l'instant, il y avait plus important à découvrir.
Bien que toujours un peu déstabilisée, elle continua à l'écouter, à s'accrocher à ses explications. Que se serait-il passé si elle n'avait pas traversé ce portail... Eh bien, elle serait restée enfermée durant de longues années, elle aurait été plongée dans le silence le plus pesant, dans la solitude la plus profonde. Et son calvaire aurait continué encore et encore. Aussi, elle aurait certainement été incapable de cultiver pleinement son potentiel magique... A ces pensées, elle soupira légèrement, puis reporta toute son attention sur Grisley et ses explications.
Elle comprenait le moindre sens de ses paroles, et était en mesure de percevoir là où il voulait en venir. Encore une fois, il était parvenu à la rassurer et à lui donner confiance en elle. Et puis, elle devait admettre qu'elle le trouvait assez philosophe. C'était un aspect qui lui plaisait. Elle aimait l'écouter. Il lui était agréable d'entendre autant de mots, d'entendre une voix qu'elle ne connaissait pas jusqu'à présent. Cela lui donnait l’impression et la sensation d’être enfin vivante après toutes ces années.
Aussi, elle en vint même à se demander si ce n’était pas lui qui l'avait invoquée, si c'était grâce à lui qu'elle était arrivée ici par le portail qui était apparu dans sa chambre. Mais dans ce cas, pourquoi elle? La connaissait-il? Avait-il entendu ses prières? Etait-il un dieu, ou quelque chose comme ça? Non... Peut-être pas. Quoique… Ce fait aurait pu expliquer cette sensation étrange qu’elle ressentait depuis tout à l’heure. Dans tous les cas, elle décida de garder cette hypothèse dans un coin de son esprit.  
Au fil des secondes, tout un tas de questions se mirent à s'entrechoquer à nouveau dans son esprit et elle dut prendre quelques secondes pour se concentrer à nouveau sur les choses plus essentielles.
Un silence s'installa alors durant quelques secondes et une brise vint faire virevolter ses longs cheveux de jais en une espèce de danse aérienne souple, légère, majestueuse.
Lorsqu'il s'excusa, elle secoua légèrement la tête et un sourire étira doucement ses lèvres. Cela lui faisait bizarre d’être en mesure de sourire à nouveau, car, jusqu’à maintenant, elle était persuadée qu’une telle chose n’aurait jamais pu se produire. Dans tous les cas, ce simple détail l’emplit d’une sensation délicieuse qu’elle n’était pas prête d’oublier.
Elle le laissa terminer sa réplique avant de prendre la parole à son tour.

- Ne vous en faîtes pas. C'étaient des paroles vraiment très intéressantes. J'ai pu, durant quelques temps, me plonger dans des livres de science et de magie pour étoffer ma culture générale, donc vous ne m'avez pas effrayée, bien au contraire, rassurez-vous.

Elle marqua un petit temps de pause avant de continuer.

- Je vous remercie pour votre conseil. J’irai effectivement m’entraîner aussi tôt que possible. Et ce serait avec plaisir que je m’y rendrai en votre compagnie.

Elle jeta un coup d’œil autour d’elle. Tout semblait être si grand, si impressionnant, car nouveau à ses yeux. Elle redoutait un peu de se perdre d’ailleurs… Elle espérait que Grisley serait là pour la guider, au moins au début, mais elle espérait surtout ne pas l’ennuyer trop longtemps. Peut-être avait-il d’autres choses bien plus importantes à accomplir après tout…
Elle décida pourtant de réduire encore de quelques pas la distance les séparant et elle reprit la parole gentiment, bras croisés sous sa poitrine, comme pour se réchauffer. Il fallait dire qu’elle était passée de sa chambre chauffée par une cheminée à l’air frais de l’extérieur en quelques secondes à peine et elle n’aurait pas dit non à une cape ou tout autre vêtement pour couvrir ses épaules.

- Est-ce que… Est-ce qu’il y a un endroit où je dois annoncer ma venue ? Et y a-t-il d’autres choses que je dois savoir avant d’aller plus loin ? Est-ce que vous seriez d'accord de m'accompagner, encore un moment?

Attendant des réponses de sa part, elle balada une fois de plus son regard lilial sur lui, curieuse, tentant d’imaginer à quoi il ressemblait sous ses bandages.

Ce sourire qu'elle lui fit, il aurait pu éclairer la nuit sombre de toutes les noirceurs possibles, il n'y avait là aucun doute dans l'esprit du mage, envouté aveuglément par la nouvelle aventurière se tenant là. Là, dans la ville désertique et froide. Elle était la seule source de chaleur, brisant sa solitude à lui et il était la seule personne là pour l'aider elle. Lorsqu'elle lui confia qu'elle avait apprécier son petit monologue, il ne put s'empêcher de se sentir léger, d'avoir quelques vertiges, il se surprit à penser encore une fois qu'elle l'avait empoisonné ou charmer d'une manière ou d'une autre, il ne pouvait croire qu'un tel sentiment puisse avoir été ressentit auparavant.

Cependant, s'il était sous l'effet d'un sort, il ne voulait maintenant plus s'en libérer. Il se sentait… bien? Du moins il le crut que c'était un bonheur, car il n'y connaissait pas grand chose à tout cela. Son émotion étrangère revint encore quand elle accepta avec joie de s'entrainer le plus tôt possible avec lui. Il se surprit alors lui même à sourire naturellement pour la première fois, lui qui ne s'en croyait réellement incapable. Depuis son arrivée dans la métropole des portails, il ressentait de plus en plus de différentes émotions qui le chamboulaient à chaque fois, un peu plus que la veille.

Jadis dans son ancien monde, il n'avait pas eu énormément de socialisation ni de contacts humains autre que pour apprendre la magie ou traquer et tuer des fugitifs dangereux. C'était donc une surprise positive et encourageante pour lui que d'apprendre qu'il avait la capacité de ressentir et d'explorer plus en profondeur les notions émotionnelles du cerveau humain par lui-même.

Il redirigea son regard vers la demie-fiélon qui avait l'air de regarder les alentours avec un intérêt particulier, elle avait des yeux impressionnés, comme une enfant, Grisley se dit qu'elle était comme lui. Chaque fois qu'il trouvait quelque chose de nouveau, le pantin y trouva une envie irrépressible d'en apprendre plus et de découvrir tout sur le sujet.

Elle s'approcha un peu plus, se croisant les bras sous sa poitrine, elle tremblait un peu et c'est là que Grisley se sentit une quelconque honte, mais comment avait-il pu oublier cela, les mortels supportent mal le froid bien souvent, en plus elle ne portait pas grand chose pour une température aussi frigorifiante. Le mage retira son manteau de mage assez chaude pour la protéger des vents du nord. Il révéla ainsi son corps de bois bien taillé avec un soucis d'esthétique, il avait un corps représentant un corps d'athlète humanoïde avec les ''muscles'' bien en évidence. Son bois était poli et lustré, de sorte qu'il était presque impossible d'avoir d'échardes en le touchant, de sorte qu'il fut agréable à regarder. Il lui tendit le manteau ainsi que le chapeau.

- Prenez cela, nous vous trouverons d'autres vêtements. Je ne ressens pas le froid ni la chaleur autant que les mortels. Pour l'instant, vous avez bien raison, il y a un endroit où nous devons aller pour vous enregistrer comme aventurière officielle de la guilde. Vous y serez accueillie à bras ouverts et on vous y fournira l'équipement nécessaire pour que vous puissiez commencer vos périples.

Il lui posa doucement la main sur l'épaule, se voulant le plus apaisant possible pour ensuite ajouter :

- Je vais vous suivre tant que vous aurez besoin de moi chère dame.

Attendant sa réponse, elle glissa son regard sur le visage de son interlocuteur couvert de bandages, tentant encore et encore d'imaginer ses traits avec une curiosité qu'elle ne pouvait contenir. Se rendant pourtant compte qu'elle devait le dévisager, et ne désirant surtout pas le mettre mal à l'aise, elle détourna légèrement le regard, attendant sagement qu'il lui réponde.
Et, alors qu'elle s'attendant dans un premier temps à une réponse orale de sa part, son attention fut soudainement attirée lorsqu'elle entendit un bruit de vêtement. Elle fut alors surprise de le voir retirer son manteau avant qu'il ne le lui tende gentiment, tout comme son chapeau. Surprise, la jeune tieffeline écarquilla légèrement les yeux, tandis que sa bouche s'était entrouverte, incapable pourtant d'articuler le moindre mot, même avec toute la bonne volonté dont elle aurait pu faire preuve.
Le regard d'Evelyne glissa ensuite, bien malgré elle, sur son corps bien fait et elle eut soudainement envie de l'effleurer, de dessiner le contour de ses muscles, de découvrir la douceur de leur matière... Elle était comme fascinée par le détail de ses simples bras et, au fond d'elle, une petite voix emblait supplier de pouvoir découvrir davantage de ce corps façonné avec un goût et un soin tout particuliers.
C'est la voix de Grisley qui la sortit de ses pensées vagabondes... Elle ferma alors un instant les yeux comme pour chasses ses dernières et les rouvrit tout de suite après pour fixer le visage du pantin et hocher la tête, tandis qu’elle sentait ses joues s’échauffer, sans qu’elle puisse vraiment comprendre pourquoi.
Elle reporta ensuite son attention sur le manteau et le chapeau qu'il lui tendait toujours et elle s'en empara doucement, effleurant par la même occasion la main de l'individu qui était, comme elle avait pu l'imaginer quelques secondes plus tôt, d'une douceur infinie...
Tout en écoutant ses paroles, elle se surprit à caresser légèrement du bout des pouces le tissu qui composait le manteau de Grisley. Pourquoi agissait-elle ainsi? Pourquoi éprouvait-elle le besoin de toucher encore et encore ce tissu? Pourquoi désirait-elle effleurer une fois de plus sa main? Pourquoi ressentait-elle toujours cette sensation à la fois terrifiante et agréable? Parviendrait-elle d'ailleurs un jour à placer un mot sur cette sensation?
Tant de question, et si peu de réponses… Elle avait comme l’impression de perdre le contrôle d’elle-même et elle savait qu’il fallait absolument qu’elle reprenne le dessus. Elle avait besoin de faire le vide dans son esprit, de respirer un grand coup et…
Sa main, sur son épaule. Chaude et froide à la fois… Douce, réconfortante…
Frisson. Et cette fois-ci, ce n’était pas à cause de la fraicheur de la nuit…
Mais alors pourquoi ?... Pourquoi toutes ces sensations, pourquoi ce chamboulement soudain d’émotions ?
La jeune tieffeline leva alors son regard lilial dans ce qu’elle pensait être ses yeux, cachés derrière ces mystérieuses bandes. Et elle resta là, quelques secondes, comme pétrifiée par ce contact… Cela faisait des années que personne ne l’avait ne serait-ce qu’effleurée… Alors une telle proximité la déstabilisait profondément. Et elle était tout bonnement incapable de rester de marbre suite à cela.
Quelques secondes s’écoulèrent et elle parvint enfin à articuler quelques mots pour lui répondre.

- Je vous remercie. Du fond du cœur.

Et, n’ayant pu s’en empêcher, elle leva sa main libre pour la poser délicatement sur celle de Grisley, qui était toujours sur son épaule… Elle se demanda alors à cet instant précis ce que lui pouvait ressentir par ce contact. A quoi pensait-il d’ailleurs ? A coup sûr, il devait la trouver bien étrange de réagir ainsi, même malgré tous ses efforts pour camoufler ses réactions de surprise et d’étonnement.
Elle aurait voulu ne jamais mettre fin à ce contact délicat, mais elle décida finalement, afin de ne pas paraître trop bizarre à ses yeux, de retirer sa propre main de celle de Grisley avant de venir placer le manteau qu’il lui avait très gentiment prêté sur ses épaules. Il la réchauffa instantanément et elle se contenta alors de lui offrir un sourire pour lui confirmer le fait qu’elle ne redoutait désormais plus la fraicheur de la nuit.

"Du fond du cœur", le pantin baissa le visage pour regarder son torse d'érable et d'ébène dans lequel était placé le sien et il se sentit impuissant face au fait qu'il ne sera jamais réellement de chair, qu'il ne sentira jamais les émotions que le font les gens normaux. Son visage remonte ensuite vers sa nouvelle amie quand elle effleure sa main de sa paume.

Elle avait froid il y a quelques secondes et pourtant, la main qui se pose sur la sienne, apporte au guide beaucoup de chaleur, sous la forme d'un sentiment fort qu'il ne saurait réprimé, une vague enivrante d'extase. Il a l'impression de monter dans le ciel rapidement. Comme un ballon gonflé à l'hélium qu'un enfant échappe par plaisir de le voir monter dans les hauteurs les plus vertigineuses, au lointain dans le bleu par delà son chef. Le ballon se fait éclater, la main de la femme se retire rapidement, mais le pantin continue de ressentir cette légère hilarité dans son cœur magique.

Il n'avait pas encore trouvé le mot pour définir ce qu'il ressentait, mais il voulait que leurs mains se touchent encore, il voulait lui montrer la ville de l'Ordre et comment elle pourrait y vivre d'elle-même. Il voulait qu'elle se sente acceptée et en sécurité. Il n'attendit donc pas pour tendre sa main à Evelyne qui lui souriait avec une douce chaleur.

- Votre main est très agréable, alors ne vous gênez pas de me la prendre s'il vous en vient l'envie. Je vais vous montrer d'abord la tour de la guilde, elle est majestueuse, je crois que vous l'aimerez bien.

Il se demanda s'il ne la mettait pas mal à l'aise en lui tendant la main comme ça, et en étant aussi enthousiaste d'un coup. Mais au final, il s'en fichait, il n'avait pas pu s'en empêcher et il n'avait qu'une idée en tête, il voulait lui transmettre son sentiment de la manière la plus claire possible. Lui donner la main semblait être un bon premier pas dans cette direction.

- Après, si vous êtes fatiguée, je pourrais vous montrer votre chambre mais sinon, vous pourrez en profiter pour que je vous montre un peu les alentours de la ville, je sais pas si je l'ai déjà mentionné mais je ne dors pas. Et puis y'a jamais rien à faire pour moi la nuit alors je suis tout à vous.

Lorsqu’elle remarqua le mouvement de tête de Grisley, Evelyne estima qu’il devait être en train d’observer son torse où se cachait probablement un mécanisme capable de le faire vivre, et elle se sentit soudainement un peu honteuse. L’avait-elle blessé ? Avait-elle dit quelque chose qui le mettait mal à l’aise, qui le gênait ? Elle craignait en effet que le manque de contact social ne la mette dans des situations bancales, embarrassantes et qu’elle ne s’en rende pas compte tout de suite.
D’ailleurs, son créateur, avait-il pensé à y insérer un cœur capable de percevoir et d’engendrer des émotions humaines ? En effet, son enveloppe externe semblait extrêmement bien réalisée, détaillée, soignée, mais qu’en était-il de son être interne ? Son concepteur, avait-il investi autant de précisions et de soin en celui-ci ? Aussi, Grisley était certes animé par la magie, mais Evelyne avait la certitude qu’il n’y avait pas que cela, qu’il y avait quelque chose de plus qui lui permettait de subsister.
Elle se demanda par conséquent si Grisley avait été programmé pour être courtois et flatteur, en tout cas envers elle, ou s’il était sincère et honnête depuis le début et qu’il était effectivement capable de ressentir des émotions, ainsi que d’être maître de ses pensées et de ses agissements.
Elle remarqua ensuite qu’il lui tendait sa main… Main, encore une fois, parfaitement façonnée, polie, dont la douceur sautait aux yeux… Une main tendue qui semblait offrir la possibilité d’un nouveau départ, d’une nouvelle vie, d’un accompagnement rassurant et réconfortant, d’une présence chaleureuse et affectueuse.
Elle écouta par la suite ce qu’il avait à dire et ses soupçons se confirmèrent un peu plus : Grisley était doué de raison et capable de ressentir des émotions. Elle perçut aussi aisément son enthousiasme, ce qui élargit davantage son sourire. Sa présence, sa manière d’être, de parler, sa douceur… Tout poussait Evelyne à penser qu’il était un peu comme un petit rayon de soleil qui réchauffait et illuminait son cœur jusqu’ici éteint par la solitude et le chagrin, inondé par ses innombrables larmes qui avaient refusé de jaillir de ses yeux depuis toutes ces années.
Elle l’écouta jusqu’au bout avec une attention toute particulière et elle finit par se rapprocher un peu plus de lui avant de lever lentement sa main et de venir la glisser dans la sienne avec toute la douceur dont elle était capable, profitant de chaque seconde de ce contact si particulier, ainsi que de toutes les sensations que celui-ci lui procurait au plus profond de son être.
Tentant de soutenir son regard malgré les bandes qui le cachaient, elle sentait un mélange de fatigue et d’excitation monter en elle. Tiraillée entre son désir d’aller retrouver les bras de Morphée et celui de profiter encore de la présence de Grisley, elle s’octroya quelques secondes pour méditer, puis elle prit la parole pour lui répondre en haussant gentiment les épaules.

- Je serais ravie de découvrir la Tour de la Guilde à vos côtés, surtout si cela vous permet aussi de ne pas vous ennuyer tout seul. Et ne vous en faites pas, je me reposerai plus tard.

Pour appuyer ses dires, elle vint légèrement balader sa seconde main sur le dessus de celle de Grisley qui tenait déjà doucement la sienne pour savourer plus intensément cet échange si simple mais pourtant tellement puissant et enivrant. Puis, d’un geste empli de tendresse, elle vint replacer son chapeau qu’il lui avait généreusement prêté quelques minutes plus tôt sur la tête de son ami avec un sourire sincère avant de l’observer doucement.

- Vous m’avez déjà offert la chaleur de votre manteau, alors je vous en prie, gardez votre chapeau. Il vous va si bien, il serait impoli de ma part de vous en priver.

Elle balada son regard lilial sur lui, haussa une seconde fois légèrement les épaules, puis elle renchérit :

- Quoi qu’il en soit, je suis prête, nous pouvons y aller. Je vous suis.

Impatiente de découvrir la cité, et encore plus en présence de Grisley, elle commençait déjà à balader sérieusement son regard sur les environs non seulement pour découvrir la structure de celle-ci, mais aussi pour se repérer d’ores et déjà dans ces rues afin qu’elle s’y sente rapidement à l’aise et qu’elle n’ait pas besoin de demander son chemin aux habitants toutes les cinq minutes...

Indescriptible, il sentait bien que quelque chose de beau avait pris possession du moment. Alors même qu'ils se tenaient la main au milieu de la froide nuit, ils étaient la seule source de chaleur qui perçait le passage du vent frigorifiant, comme une plante nivéale florissant dans de magnifiques teintes d'amour. D'amour? Le pantin venait de penser naturellement à cette émotion dont il ne connaissait presque rien mis à part les bribes que lui avait raconter Elisius des dizaines d'années auparavant.

Tout ce dont il se rappelait, c'était que l'amour, c'était l'émotion la plus belle de toutes, mais la plus dangereuse et qu'il ne devait pas en tenir compte car c'était une distraction qui lui était strictement interdite d'expérimenter. Grisley se méfia donc aussitôt de ce sentiment encore étranger à lui. Dans le moment présent, une part de lui aurait voulue disparaitre, se remettre de se sentiment et l'oublier. Mais cette part était déjà mourante, avant même d'avoir pu se développer, ce spasme de vivre qu'était l'amour l'avait déjà envahi et il n'avait plus qu'une chose dominant son esprit dans le moment. C'était bien entendu Evelyne ; sa douceur, son sourire, sa gentillesse et sa grâce.

Il tira légèrement sur son bras pour qu'ils ne puissent commencer leur petite escapade urbaine au travers des dédales de la ville aux portails. En passant tout d'abord près de la fontaine, Grisley y jeta un coup d'œil avec un de ses rares sourires.

- Tu sais, juste avant que tu n'apparaisse j'ai jeté un gil dans l'eau de cette fontaine. Du monde d'où je viens, quand on fait ça, on peut faire une vœu dans notre tête et s'y on y croit assez fort et qu'on garde son souhait pour soi, il s'exaucera. J'avais fait le souhait que quelqu'un traverse le portail pour briser mon ennui, et quelques secondes après tu es apparue. Comme une flamme de chaleur réchauffant la nuit morte.

Il réajusta ensuite son chapeau sur sa nuque de sa main libre et serra celle de sa flamme de l'autre. Ils repartirent ensuite sur leur lancée vers la tour de la guilde non loin. On pouvait déjà l'apercevoir dans le ciel, se perchant au-dessus des autres édifices majestueusement, comme un grand protecteur d'ivoire veillant sur la habitants endormis de la métropole. Après une vingtaine de minutes de marche, ils arrivèrent enfin à son pas, il y avait encore de la lumière à l'intérieur, comme toujours, pour accueillir les nouveaux arrivants à toute heure.

- Très bien Evelyne, vous pouvez aller vous enregistrer. Si vous voulez, vous pouvez quand même aller vous reposer et je pourrais vous faire visiter la ville demain, quand il fera moins frisquet. Par contre il y aura beaucoup de gens et il se pourrait que se soit un choc pour vous.

Bien sûr Grisley avait compris pas les marques visibles à ses poignets et aux habits de la femme, qu'elle était précédemment captive, et surement longtemps vu ses cicatrices profondes. Il ne voulait simplement pas relevé quelque chose qui pourrait rendre la femme inconfortable et il savait qu'une grande quantité de gens pour la première fois pourrait possiblement être une épreuve difficile pour le tieffeline, surtout en Portalia, là où il y a plein de gens d'origines inconnues et parfois déroutantes.

- La guilde pourra aussi vous fournir tout ce dont vous aurez besoin, comme des vêtements, armement, armures ou autres.

Alors que leurs doigts étaient enlacés dans une étreinte douce et tiède, Evelyne suivit docilement son guide sans se départir de son sourire délicat. Humant avec un certain plaisir l’air frais de la nuit, elle observait les alentours avec émerveillement et, comme poussée par une force qu’elle ne comprenait pas, elle reportait toujours automatiquement son regard sur Grisley, comme un collectionneur contemple un diamant précieux encore et encore pour s’imprégner et se délecter de sa perfection et, par peur de le perdre, de se le faire dérober, ne désire en aucun cas en détourner le regard.
Pourtant, la tieffeline n’avait pas encore vu son visage et elle le connaissait à peine, alors pourquoi sentir ce tourbillonnement au fond d’elle ? Elle estima que ce devait être ce côté mystérieux qui la faisait vibrer. Mais, tout au fond de son être, elle savait pertinemment qu’il ne s’agissait pas que de cela, qu’il y avait quelque chose d’encore plus puissant et de plus grand qui s’accroissait en son cœur. Et elle en eut soudainement peur, car elle se rendit compte qu’elle ne parvenait pas à comprendre et encore moins à canaliser cette sensation nouvelle. Et si tout ceci était trop beau pour être vrai ? Et s’il s’agissait d’un piège ? Ou tout simplement d’un rêve duquel elle se réveillerait d’une seconde à l’autre ?
Elle eut alors soudainement envie de lâcher la main du pantin et de s’en éloigner pour mettre fin à ce tourbillonnement qui s’était emparé d’elle et qui commençait à la terrifier.
Mais il était trop tard.
Grisley avait repris la parole pour lui parler de la fontaine devant laquelle ils se trouvaient désormais et du vœu qu’il y avait fait avant son arrivée. Elle écouta alors attentivement ses dires et sentit son corps tout entier se couvrir de chair de poule et être traversé par un arc électrique gênant mais étrangement agréable. « Comme une flamme de chaleur réchauffant la nuit morte ». Ces quelques mots lui avaient à nouveau fait un drôle d’effet. Était-elle son vœu exaucé ? Ou alors une pure coïncidence ? Après tout, le monde était si vaste… La probabilité que de telles choses arrivent était relativement faible.
Dans tous les cas, Grisley semblait plutôt pencher pour la première possibilité. Et Evelyne, malgré le fait qu’elle se sentait toujours un peu tiraillée entre ses craintes et la fébrilité de cette nouvelle sensation, eut envie de rejoindre son point de vue. Tout ce qui se passait depuis quelques minutes désormais ne pouvait pas être une simple coïncidence. Les Dieux avaient décidé que les choses se passeraient ainsi, c’était indéniable.
Aussi, la manière dont il reserra sa main dans la sienne la réconforta et la rassura davantage. Il dégageait une telle douceur, un tel calme que le tourbillon d’émotions qui saccageait les pensées d’Evelyne s’apaisa peu à peu.
Ils se remirent en route et la jeune tieffeline put méditer sur toutes ces sensations qui s’entrechoquaient en elle. Après quelques minutes de réflexion silencieuse, elle en vint à se dire qu’elle ne devait pas les craindre, mais plutôt se laisser porter par elles afin d’être davantage en mesure de les comprendre et de les apprivoiser. Bien entendu, la jeune tieffeline était bien consciente que, comme toutes les autres émotions, il fallait être capable de les jauger pour ne pas qu’elles deviennent trop extrêmes, mais elle apprendrait à les contrôler au fil du temps.
Pour l’heure, Evelyne suivait toujours docilement son guide à travers les allées de Portalia, apercevant déjà, au loin, une tour plus imposante que les autres. Elle était majestueuse, aussi blanche et pure que la lune qui éclairait leur chemin jusqu’à elle. Evelyne était impatiente d’y arriver, de contempler sa grandeur et son éclat de plus près et, après plusieurs minutes de marche, ils y parvinrent enfin.
Le regard de la tieffeline s’était directement accroché sur la façade immaculée et brillante du bâtiment, mais, lorsque le pantin prit la parole, son regard se focalisa une fois de plus sur lui, comme s’il s’agissait d’un automatisme. Et, une fois de plus, elle savait qu’elle aurait bien du mal à le quitter du regard…
Elle écouta alors ses dires avec attention et elle hocha la tête avant de se tourner légèrement vers lui.

-Merci beaucoup, Grisley. Pour tout.

Un léger sourire étirant ses lèvres, elle déglutit. Que dire de plus, après tout… ? Il l’avait accueillie, menée jusqu’ici, et lui avait donné tout un tas d’informations et d’avertissements. Et surtout… C’était grâce à lui, grâce à son vœu, qu’elle était arrivée ici. Evelyne lui était complètement redevable. Et elle saurait le lui montrer par la suite.
A contrecœur, elle lâcha sa main et retira délicatement le manteau qu’il lui avait prêté et elle le lui tendit doucement, sans se départir de son sourire léger et bienveillant envers lui.

-Et merci infiniment pour le manteau, il était vraiment parfait contre cette fraicheur.

Fraicheur qui recommençait à lui piquer d’ailleurs légèrement la peau. Elle ne tarderait pas à pénétrer dans la tour de la guilde pour s’y réchauffer…

-Je vais aller m’enregistrer et faire les préparatifs nécessaires de mon côté. Mais je serai ravie de vous retrouver demain. Et par rapport à la foule… Ca ira. Je m’y ferai.

Enfin… Elle l’espérait. Mais elle ferait tout pour s’intégrer. Une nouvelle vie s’offrait à elle, alors il était hors de question de ne pas en profiter. Surtout s’il s’agissait en effet de la volonté des dieux, et indirectement de celle de Grisley.
Dans tous les cas, elle lui offrit un sourire ainsi qu’un regard tous deux déterminés et, ne sachant pas vraiment quoi faire de plus, elle se recula d’un pas pour se rapprocher de la porte d’entrée. Elle aurait voulu sentir la chaleur et la douceur de son ami une dernière fois, mais elle s’abstint de revenir vers lui, de peur de ne plus être capable d’entrer dans le bâtiment après un nouvel échange.
Pourtant, se souvenant des paroles de Grisley concernant sa solitude et son ennui, elle trouva bon d’ajouter simplement :

-Si vous avez besoin de compagnie, vous saurez où me trouver…

Sans le lâcher du regard, elle fit quelques pas de plus en arrière et, après qu’ils se soient salués une dernière fois, elle tourna les talons et s’engouffra dans l’immense bâtiment pour s’enregistrer et faire le nécessaire que les nouveaux arrivants devaient effectuer lors de leur entrée officielle en Portalia.

En la regardant partir, le pantin se sent presque mal, il a envie de la suivre, de rester auprès d'elle le reste de la nuit, non, le reste de la semaine, du mois, de sa vie. Vie… quel concept déchirant, surtout dans à cet instant là, toute chose qui est en vie devra un jour mourir. Mais Grisley sait que pour lui c'est différent, il ne vivra jamais et donc il ne mourra sans doute jamais non plus, il est condamné à voir ceux qu'il aime mourir devant lui. Dire qu'il ne savait pas qu'il pouvait aimer avant aujourd'hui. Cette découverte lui parait maintenant tragique en comparaison à ce qu'il éprouvait il y a quelques minutes. Il a toujours voulu se sentir comme un humain, avec des émotions, des peurs, des passions. Et maintenant… maintenant il regrettait ce souhait empoisonné. C'était comme quand il avait perdu son maître, il serait triste, brisé même.

C'est donc dans ce nouvel état de désespoir et de solitude que l'homme de bois retourne lentement vers la fontaine en sortant de son manteau un bouquin sur les astres et les étoiles. Il ne se mis pas à lire tout de suite, son regard perdu voyageant plutôt parmi les lumières scintillantes couvrant le ciel comme des éclats d'une grande lumière éclatante ayant été fracassé par une large marteau. Il sentait que son cœur ne devait pas avoir un destin si différent des étoiles finalement. Une larme coula sur la joue de l'homme de bois qui en fut alors extrêmement surpris. Comment avait-il pu…? Pleurer? Sous le choc, il mis sa larme dans une éprouvette et rangea son livre avant de se diriger en quatrième vitesse chez lui, distrait de son mal un moment par une nouvelle intrigue des plus étonnantes.

"Qu'est-ce que ça veut bien vouloir dire ça?"